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tome 1, Chapitre 17 tome 1, Chapitre 17

« Rends-moi mon fils ! Arrête ! Je n'ai jamais voulu te faire de mal ! Si tu es encore en colère contre moi, tu peux me tuer, mais rends-moi mon fils ! »

Il s’agissait de la dernière phrase à avoir atteint les oreilles de Dany.

Avait-il dormi durant des siècles et des siècles ? Il n'avait même plus la conscience d'avoir un corps physique, flottant face à une sorte de tâche rouge. Celle-ci parla :

« Jamais je n’aurais cru revoir ton âme depuis le jour du serment. »

Il sut. Il comprit. C'était Armstrong. Son esprit. Tout du moins ce qu'il en restait.

« Bon... Jour... »

« Tu es fort encore. Je le reconnais. Tu m'as protégé et peut-être que tu me protèges encore. Je te dois un refuge. Reste avec moi ici. Je peux te protéger de ses yeux. Reste avec moi et tu seras sain et sauf. »

Pourquoi tout ceci lui semblait-il si cryptique ? Si insensé ? Confus, Dany observa les environs. Il ne percevait rien d'autre qu'Armstrong. À sa grande détresse, il ne sentait pas ses bras ou le reste de son corps. Même si cela aurait dû l’effrayer, rien en lui ne se troublait. Sa seule émotion était la sérénité. Peu à peu, la curiosité revint, comme une légère démangeaison.

« Et Alex ? Et mon père ? Où est-ce qu'ils sont ?

Ils sont mangés par les vampires. Ils ont donné leur sang de leur plein gré. Maintenant, il est trop tard pour eux. »

Ah, c’était donc ce qu’il se passait. Bientôt, eux aussi se retrouveront confrontés à ce grand vide. Tout irait bien. Puis il se rappela. Le mariage de son père. Son frère d’adoption en train de se changer en un monstre, condamné sans doute à servir cette horreur pour l’éternité…

« Je ne veux pas les abandonner. Sauve-les. »

— Impossible. C'était un piège tendu au marcheur. Ils savaient tous deux ce qui les attendait. Ils sont venus malgré ça pour toi. Pour te sauver, toi. Tu leur dois de rester en vie. »

— Alex ne mérite pas ça. » dit-il, percevant encore son attachement pour son jeune camarade.

« N'aie pas de remords. Il n'a aucune affection pour toi. Pourquoi se soucier de ceux qui te laisseraient à ton sort ?

— Après ce que je lui ai fait, je ne peux pas le laisser mourir quand tout est de ma faute. »

Il y eut un son indescriptible, comme un courant d'air.[˘ÆÎgsÒfiª¬-/cëú‡ŸÔè3ܘ/˛Ôæfi„ ’qVN˸√TıæÙÊglÙˆ·‰˙»Vøw∏…Á{

« De ta faute ? Tu admets alors l'avoir tourmenté par méchanceté ? »

Le silence vint bourdonner aux oreilles de l'humain. Non, c'était faux. Il n'avait jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. Il n'avait pas d'inimitié particulière envers son camarade de classe. Seulement, il n'avait jamais vu la souffrance dans laquelle il vivait... Et même cela était inexact. Il avait su quelque part.

« Tu sais, lorsque je suis arrivé et que j’ai rejoint cette bande de potes, j’étais prêt à la suivre n’importe où. Je voulais juste avoir une famille comme dans le temps. Ce n’est pas que je n’en ai plus une, mais… Pour eux, j’ai toujours été le frère de Thomas. C’était comme ça qu’ils m’appelaient, tout le temps. Tout le temps. Mon père est devenu très distant avec les années et ma mère… Dorian est orphelin. À cause de ça il a fait preuve d’une loyauté sans faille envers moi. Je n’ai pas de mots pour décrire ce que ça m’a fait. Je ne dis pas qu’il a toujours été parfait… Si j’avais défendu Alex alors… J’avais peur d’être seul à nouveau.[qVN˸√TıæÙÊglÙˆ·‰˙»Vøw∏…Á{ Jamais je n’ai été si heureux. Je ne voulais pas sacrifier cette tranche de ma vie. Et maintenant que je pourrai avoir une vraie famille… J’ai tout fichu par terre avant même d’avoir eu l’occasion d’en profiter. Le plus drôle c’est que je ne peux blâmer personne à part moi. Peut-être qu’il a raison, peut-être que c’est bien fait pour ma tronche.

— Il ne te pardonnera jamais. Ce qu'il veut, c'est se venger. Il te fera souffrir au-delà de ton dû. Il te tordra jusqu'à ce que toute chance de rédemption disparaisse de ton corps. Tu dois vivre et devenir meilleur, c'est la seule chose que tu puisses faire. »

Cela lui prit toute la hargne, toute l'énergie de son cœur pour lui répondre :

« Non. »

Un nouveau souffle se fit entendre.

« Tu vas mourir dehors. »

Dany se mit à rire.

« Quelle différence ? J’ai l’impression d’être déjà mort. Ouvre les yeux, il n'y a rien ici pour nous à part le vide. Il n'y a rien ici à part nous, qu'est-ce qui peut être pire ?

— Là dehors, le vampire le plus puissant de l'Univers nous attend. Tu devrais pourtant le savoir mieux que moi. Il peut torturer les âmes jusqu'à ce qu'elles crient au travers du temps et du vide. J’ai enfin vu ce dont il était capable. Ça n'en vaut pas la peine.

— Ben moi je pense que si.

— Pourquoi ? Ne sais-tu pas quelle douleur immense t'attends ? Une éternité d'horreur vaut-elle…

— Je vais te dire ce que je vais faire. Je me fiche de savoir si cette… Voix c’est le vampire le plus puissant du monde, ou de l’Univers, ou de tous les temps… Je vais sortir de ce trou, je vais récupérer ma famille et je vais retrouver mon chez-moi, juste pour avoir le plaisir de taper dans les dents de Dorian une bonne fois pour toutes. Parce que s’il avait vraiment été mon ami, je n’aurais jamais eu à choisir. Et il n’aurait jamais fait ce qu’il a fait.

— Pourquoi prendre ce risque ?

— Parce que c’est ce que j’ai enfin compris aujourd’hui. Si l’on aime quelqu'un... Il n'y a rien d'autre à faire. »

La tache rouge si vague gagna alors en netteté. Dany commença à distinguer une tête, presque humaine, mais dépecée. Pourrie. Un gouffre de chair ensanglantée qui n’avait plus qu’un œil aveugle, ses muscles à moitié arrachés. Il n’avait peut-être même plus d’os, cependant sa mâchoire continuait à bouger et il parla :

« Non. C’est toi qui ne comprends rien à rien. Regarde ce qu’il m’a fait. »

Dany voulait fermer les yeux pour ne plus voir cette horreur, mais il n’avait plus de paupières.

« Tu ne m’as plus l’air aussi sûr de toi. »

Le nécromancien se mit à rire.

Comme si le sors de Dany n’avait pas suffi, son père s’était jeté à corps perdu sur le géant de verre, avant de se faire intercepter par un chat immense, plus noir que les ombres. La bête lui sauta dessus toutes griffes dehors et la marionnette se retrouva confrontée à deux ennemis à la fois… Et deux humains à protéger.

Pendant que le combattant de métal abandonna son premier opposant pour se précipiter sur le félin, Alex sentit son bras droit frémir. Encore de fourmillements, ses muscles roulaient de façon étrange sous sa peau. Puis une émotion tenace vint s’agripper à lui, dissolvant l’horreur à laquelle il venait d’assister. Le bas de sa mâchoire était douloureux. Il salivait. Alex regardait cet animal qui tentait maintenant de dévorer la tête du pantin et il avait une envie viscérale de le tuer. Toute sa rage s‘était focalisée sur le chat et elle s’accumula en quelques secondes jusqu’à ce que son corps se décide à céder. Il s’élança, incertain de ce qu’il pouvait faire, persuadé qu’il allait s’écraser contre la masse noire, armée de griffes. À sa grande surprise, il heurta la créature comme si elle ne pesait que quelques kilos et l’emporta avec lui dans son élan, loin des autres.

Il savait que cette colère était celle de la louve, qu’elle l’envahissait. Alex ne voulait pas perdre le contrôle à nouveau, mais le confort de cette force décuplée l’en empêcha. Son avant-bras s’était changé en une sorte de gigantesque patte sombre et griffue et le coup qu’il porta à la bête fit un sale bruit d’os cassé. Toutefois, le monstre ne se résignait pas. Sans hésitation aucune, il trouva le moyen de revenir à la charge trop rapidement. Alex ne put l’anticiper. Une douleur lui lacéra l’épaule gauche ; un coup de griffe métallique qui aurait pu lui emporter le crâne. Il se rappela à quel point il pouvait être fragile dans sa jeune chair de mortel, mais une autre partie de lui le poussait à retourner au combat. Il n’avait aucune inquiétude, persuadé qu’ils n’en sortiraient pas de toute manière. Dany s’était fait manger et il n’avait rien pu faire pour le retenir. Au moins, il allait arracher la tête de ce maudit chat pour la balancer aux égouts.

Enragé, Alex parvint à saisir l’animal noir à la gorge de son bras droit, ses yeux de félin bleus brillants d’une animosité viscérale. Il pensa pouvoir l’étrangler, le tuer dans une grande souffrance, mais avant qu’il n’ait eu le temps de faire le moindre geste, un énorme poids lui tomba dessus, le plaquant au sol, suivit d’un bruit insupportable venu droit d’un cauchemar. C’était la main gigantesque du titan et le pantin qui s’attaquait à celle-ci pour lui faire lâcher. Impossible de reprendre son souffle. Le chat libéré pris l’avantage et lui sauta dessus, toutes canines dehors et Alex protégea de justesse sa tête sous la solide patte noire. La pression de la morsure fut énorme. Il sentit sa chair et ses os être percés et son cri fut étouffé par son propre bras. Avec la panique qui s’empara de lui, ses jambes s’agitèrent et par miracle il s’arrangea pour envoyer son talon dans l’œil du félin, qui lâcha prise une seconde. Ce fut suffisant.

Avec une force nouvelle, il parvint à repousser la bête lorsque le nécromancien desserra son étreinte avec un grincement. Le lycéen se releva et plaqua le chat noir contre un mur de pierre. Les griffes de l’une de ses pattes arrière se plantèrent dans ses abdominaux. Il avait l’impression d’être de moins en moins sensible à la douleur. Peu importe à quel point les pics de métal s’enfonçaient, il ne bronchait plus. Ses propres griffes se logèrent au-delà de la fourrure sombre, mais la créature ne fit que sourire de ses dents d’argent. Alors qu’il allait tenter de l’achever, la pierre derrière eux commença à fondre par endroit. Une écriture indéchiffrable apparut. Soudain, un bras tout entier perça au travers de la roche, surnaturellement long et vînt saisir la tête du chat. Celui-ci lâche un feulement répugnant et frappa de plein fouet le garçon qui se retrouva projeté sur le côté.

Ses poumons s’immobilisèrent. L’appendice étrange s’était détaché de lui et était resté accroché à son opposant. Toute la douleur revint se loger en lui. Il plaqua ses bras contre son abdomen dans l’espoir de bloquer les vagues aiguës qui lui lacéraient le ventre. Il ne pouvait émettre le moindre son, ses lèvres s’ouvraient et se fermaient à la manière d’une carpe hors de l’eau. Du coin de l’œil, il distingua la bête immobile, ses yeux de félin fixés dans le vide. Puis elle commença à se dissoudre, brûlée par une sorte de lueur jaune. Un bout de papier face à une bougie.

C’était la main ! Il ne savait ni le comment ni le pourquoi, mais il lui semblait que c’était ce long bras qui emportait le chat avec lui. Et une fois son adversaire disparu, la paume étrange se tourna vers lui à la manière d’un cobra. Alex se sentit submergé par une crispation indéfinissable. Il regarda ses mains et vit que les veines bleues, réminiscences de sa précédente transformation, étaient en train de se résorber. Et là où les gigantesques griffes l’avaient percé… Il ne saignait même pas. Sa respiration reprit.

L’apparition leva le pouce, presque avec joie et disparu à nouveau à l’intérieur du mur. Alex serait resté un moment béat, si toute l’agitation derrière lui ne l’avait pas sorti de ses pensées. La marionnette était sur le point de se faire aplatir par le géant de verre, le seul autre humain de la pièce semblait avoir été assommé dans un coin et peinait à se remettre debout. Sa victoire lui était amère. La louve avait disparu de son esprit. Il n’avait plus rien pour se défendre et il pouvait sentir le pouvoir qui possédait le titan. Cela ressemblait à une immense vibration qui émanait de son être et qui le déstabilisait plus encore que le spectacle qui se déroulait devant son regard. C’était la voix qui murmurait dans sa tête, les pupilles qui l’observaient depuis l’obscurité.[˘ÆÎgsÒfiª¬-/cëú‡ŸÔè3ܘ/˛Ôæfi„ ’qVN˸√TıæÙÊglÙˆ·‰˙»Vøw∏…Á{[˘ÆÎgsÒfiª¬-/cëú‡ŸÔè3ܘ/˛Ôæfi„ ’qVN˸√TıæÙÊglÙˆ·‰˙»Vøw∏…Á{[˘ÆÎgsÒfiª¬-/cëú‡ŸÔè3ܘ/˛Ôæfi„ ’qVN˸√TıæÙÊglÙˆ·‰˙»Vøw∏…Á{

Tout à coup, quelque chose vint perturber ce vrombissement menaçant. Une énergie pleine de chaleur. La forme de verre se secoua. 0n aurait dit un spasme de lumière. Le lierre surnaturel qui envahissait le corps du nécromancien avait commencé à brûler. La silhouette s’écroula au s0l en un grincement et vomit littéralement la dépouille de Dany devant lui. Celui-ci se redressa, les pupilles brillantes telles des flammes rouges, possédé par un pouvoir inhumain. Il se retourna et alors que les yeux désincarnés se matérialisèrent devant lui, gelant l’air ambiant, il leva une main brûlante. Alex ne savait plus s’il avait froid ou chaud, ou si ce qu’il voyait était fait de lumière ou d’ombre. La réalité tout entière s’en retrouva chamboulée et la présence glaçante fut envoyée dans un gouffre apparu là, par la simple force du nécr0mancien qui s’était libéré au travers de Dany.

Tu ne les toucheras pas.

La vibration disparue.

Puis tout revint progressivement à la normale. Alex s’aperçut que le corps de l’adolescent gisait sur le sol, juste à côté d’une forme de verre à présent de taille humaine, scindé en son milieu, tout tremblant. La marionnette avait repris son calme et les foreuses s’étaient tues. Elle s’approcha de l’être transparent. Tout en redressant ses lunettes, l’adolescent tendit l’oreille. Il pouvait entendre des sons, ils avaient l’air de se murmurer l’un à l’autre, simplement pas avec des mots. Des pleurs qui n’étaient pas des pleurs. Des regrets qui n’étaient pas des regrets. Puis le pantin leva cérémonieusement son arme et alla fracturer ce qu’il restait du cœur de celui qu’on nommait autrefois Armstrong et celui-ci tomba en mille morceaux. Une poussière d’étoiles qui se répandit tout autour d’eux.

Dans la seconde, tout changea. La matière du décor se disloquait. La caverne était en train de se dissoudre, de s’effondrer. Le monde dans lequel ils se trouvaient allait disparaître. Alex sentit une main ferme qui l’attrapa par le bras.

« Il nous faut partir ! »

Son beau-père le traîna par le bras vers Dany qui semblait toujours inconscient. À deux, ils le soulevèrent pendant que la marionnette traçait quelque chose contre une paroi. Une porte de lumière dorée apparut alors. Alex crut y distinguer pendant une fraction de seconde, une silhouette aux cheveux longs qui leur fit signe avant de disparaître. L’adulte les entraîna vers ce portail et tous trois furent aspirés.

En regardant par-dessus son épaule, Alex aperçut la marionnette s’effondrer comme un château de cartes, avant que la caverne ne s’écroule et que la porte ne se referme derrière eux.


Texte publié par Yon, 10 décembre 2017 à 18h18
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