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tome 1, Chapitre 13 tome 1, Chapitre 13

« Est-ce que Dieu existe ? demanda Dany.

— Tu me demandes ça à moi ?

— Je sais pas, tu viens de m’annoncer qu’on était descendu aux enfers…

— Ce ne sont pas vraiment les enfers au sens biblique du terme. »

Cela n’aidait pas vraiment à sa compréhension des évènements. Ils étaient en enfer, mais n’étaient apparemment pas morts. Son père avait trouvé un raccourci et son demi-frère possédait son frère d’adoption. Il avait craqué un fusible.

« P’pa, est-ce qu’on peut reprendre ? Tu as trouvé un raccourci comment ? »

L’homme hésita, mal à l’aise.

« J’ai offert mon sang à une vampire pour qu’elle m’ouvre un chemin jusqu’ici. »

Oui, clairement, il perdait la tête.

« Tout va bien ? demanda son père.

— Je tiens le coup. Et donc toutes ces créatures qui nous poursuivent depuis je ne sais même plus quelle heure ?

— Oui, des vampires. On est chez eux en quelque sorte.

— Et Thomas ? Qu’est-ce qu’il fout là au milieu ?

— Thomas… Thomas a, disons, toujours eu des facilités avec ce genre de phénomènes. Il a su que vous aviez des problèmes avant tout le monde. Il l’a senti.

La patience de Dany s’amenuisait de seconde en seconde.

« Tu veux dire que j’ai un frère médium ?

— Tu peux voir ça comme ça si tu veux.

— Et tu comptais me dire ça quand ? »

L’expression du chef de famille passa de l’hésitation à la culpabilité en un quart de seconde. Il n’avait jamais été très bon pour bluffer.

« Ok, stop. Qu’est-ce que tu me caches ? Je vois bien que tu essaies de tourner autour du pot. Quel est le problème ? »

L’autre se referma comme une huître. L’adolescent se leva.

« Si tu ne veux rien me dire, je vais aller secouer Thomas. »

On l’empoigna par le bras, avant de lui faire signe de se rasseoir.

« Ne le dérange pas. Il est dans une mauvaise passe.

— Comment peut-il arriver à le soigner juste en méditant ?

— Ça n’est pas vraiment comme ça que ça marche, murmura son père, méfiant. Alex est en train de devenir un vampire, comme ceux qui sont ici. Techniquement, il est déjà en train de mourir, le soigner ne changera rien. Tout ce qu’il peut faire, c’est retarder le processus aussi longtemps que possible. Thomas a l’air de penser que c’est réversible, mais pour être honnête je me demande s’il ne dit pas ça pour éviter que tu paniques. »

Le plus jeune hoqueta.

« Tu penses qu’il nous ment ?

— Il est possible qu’il soit un peu optimiste. Ou alors, il sait incroyablement bien ce qu’il fait, ce qui est probable. Ton frère comprend tout ça mieux que moi. »

Ils tournèrent la tête vers le corps immobile, toujours assis en tailleur. Les extensions de chairs avaient presque disparu, cependant, ses avant-bras avaient pris une sale couleur bleue. Ce spectacle n’était pas encourageant.

« Je sais que tu ne l’as pas vu depuis longtemps, mais pour l’instant il faut nous en remettre à lui.

— Il n’est pas le genre de personne en qui je veux avoir confiance.

— Je sais que tu as des a priori, je le comprends. Sauf que personne au monde n’a une meilleure compréhension de cet endroit que lui.

— Tu veux dire qu’il est déjà venu… »

Le début d’une réponse le frappa soudain.

« Il lui est arrivé la même chose, pas vrai ? Ou un truc approchant.

— Pas à lui. À moi.

— Quoi ?

— Oh c’est une vieille affaire de famille », coupa une voix rauque et glaçante.

Tous deux se retournèrent. Alex était réveillé. Enfin, ce n’était pas vraiment Alex.

« L’accident de voiture, reprit Thomas, j’ai des raisons de penser que ce n’était pas un accident. Rien de tout ça ne l’était. Non, c’était un traquenard merveilleusement bien préparé. Un chef-d’œuvre, mis en place sur des années et des années.

— Ça va mieux ? » demanda le plus âgé.

Dany ne comptait pas le laisser changer de sujet :

« Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Nous sommes ses proies. Nous sommes tout ce qu’iel n’a jamais voulu. C’est dans ce seul but qu’iel a créé cet endroit.

— Qu’est-ce que tu veux dire par créer ? » coupa leur père, le visage fermé.

« Ceci n’est pas le monde des vampires tel que toi et moi le connaissons. Ceci est une impasse. Un monde entre les mondes, un univers de seulement quelques kilomètres carrés, replié sur lui même sans aucune connexion avec l’espace-temps.

— Non mais vous vous entendez parler ? » s’écria soudain Dany. « Il y a pas cinq minutes vous m’expliquiez qu’on était dans l’au-delà…

— Oui mais quel au-delà ? ricana son frère. Laisse-moi expliquer ça simplement. Imagine l’univers comme un immeuble. Admettons que les humains existent au dixième étage. Cela voudrait dire que les vampires vivent au neuvième, d’accord ? Il n’y a qu’un seul ascenseur dans le bâtiment et celui-ci se nomme la mort. Sauf que voilà, nous ne sommes ni au dixième, ni au neuvième. Quelqu’un a creusé un trou entre le plafond et le plancher. Une sorte d’entresol ridiculement petit.

— Stop ! Stop ! grinça Dany. Si le seul ascenseur c’est la mort, alors comment est-on arrivés là ?

— On a pris les escaliers. » Répondit son frère en hochant les épaules.

C’était absurde. Tout ceci était parfaitement absurde. S’il n’avait pas vu tout ce qu’il avait vu depuis l’attaque de la maison, il serait en train de leur rire au nez. Même en songeant à tout ce qui leur était arrivé, il ne pouvait pas croire Thomas sur parole. Il bafouilla :

« Et et et tu sais tout ça comment ?

— Ce vampire en particulier n’en est pas à sa première tentative. Cela fait des générations que ça dure. À un moment donné, il a bien fallu qu’on prenne le coup.

— Donc, coupa le plus vieux, il s’agit bien de…

— Oui, il s’agit bien de. »

Un regard fut échangé entre eux, un secret, une entente. Un savoir profond, une cicatrice, que Dany ne comprenait pas.

« Est-ce que vous allez m’expliquer à la fin ?

— Il n’y a rien à expliquer Dan. Personne ne se souvient de qui est ce vampire, la date de sa venu au monde, ou s’iel a un jour eu une identité propre. Il n’y a donc rien d’explicable.

— Mais ton vampire veut bien quelque chose ?

— Evidemment. Que voulais-tu quand tu as bassiné ton père pour avoir ton vinyle collector ? Pourquoi as-tu choisi cette paire de chaussure plutôt qu’une autre ? La vérité est simple. Iel nous aime, c’est tout. Iel veut notre sang, plus que tout autre, il lui plaît. Iel en est fou. »

Cette réponse le glaça plus qu’il ne l’escomptait. S’agissait-il réellement de la seule vérité derrière tout ceci ? Ce n’était qu’une sorte de gamin qui aimait jouer avec sa nourriture ?

« Moi, j’ai une question », intervînt une voix bien plus mature. On aurait dit que leur père avait vieilli de dix ans. « Depuis quand ce vampire-là est-il capable de créer des mondes comme ça, spontanément ? »

À nouveau, un regard indéchiffrable.

« C’est une excellente question ! Et la réponse est… Il n’en a jamais été capable. Et c’est là que je commence à m’inquiéter. La plupart des vampires ne peuvent pas faire ça. Je veux dire, regarde ! Regarde cet endroit ! C’est immense ! À ma connaissance le seul qui ait un tant soit peu réussi à faire quelque chose d’approchant, c’était…

— Arius. » Compléta son père.

Encore une fois, Dany se sentit complètement éjecté de la conversation.

« Je peux savoir qui c’est ?

— Un très ancien vampire, le meneur des nécromanciens, celui qui a théorisé… la structure de l’univers en somme. La plupart des mécanismes de défense que nous utilisons viennent de lui.

— Mais Arius n’est plus là », grommela le plus vieux, dont les sourcils s’étaient plissés. « Il n’a pas pu créer ce petit nid. »

Thomas opina du chef.

« Exact. Et c’est là que ça se corse. Venir ici, c’était la partie simple du plan. Ressortir est techniquement impossible. Ce monde tout entier est un piège. Il n’y a aucun moyen de s’évader. Le but n’était pas de tuer les deux gamins d’un coup, c’était de les garder ici. Ils sont les appâts et nous sommes le plat de résistance.

— Ne rie pas, ce n’est pas drôle. Et tu es en train de m’expliquer qu’on s’est jetés dans la gueule du loup ?

— Il n’y avait pas d’autres moyens. Quelqu’un ou quelque chose a créé cet endroit et déploie en ce moment même une énergie colossale pour le maintenir. Cette source, il nous faut la trouver et l’éradiquer. C’est la seule porte de sortie. Il faut continuer jusqu’au fond de ce gouffre, trouver la salle des machines, saboter le tout et prier pour que l’on ait assez de temps pour vous sortir de là avant que cette dimension ne s’écroule sur elle-même. »

Dany tiqua :

« Vous ?

— Oui, je dois vous laisser maintenant. Alex n’est pas complètement rétabli, mais j’ai atteint ma limite. Je vais me reposer et revenir aussi vite que possible.

— Oh tu nous laisses ? Je croyais qu’il était impossible de sortir ?

— Dan, je ne suis pas vraiment là. Ton copain ici présent est sous mon influence. Ça veut dire que je lui souffle à l’oreille quoi dire, mais je ne le possède pas comme tu le penses. C’est plus, de la télépathie. Un appel longue distance. Alex semble être le seul de vous deux à me recevoir. C’est toi que je voulais contacter à la base.

— C’est tellement rassurant de savoir que tu peux manipuler les gens comme rien ! »

À nouveau, le chef de famille dut s’interposer.

« On règlera les comptes plus tard, si ça ne vous dérange pas. Je vous rappelle que la situation n’est pas franchement rigolote. »

Dany se renfrogna. Tom en revanche, parut presque rassuré.

« N’oubliez pas. Vous savez ce que vous cherchez. Gardez ça en mémoire et maintenez Alex au calme. La moindre émotion trop forte et ce sera une redite de ce qui vient de se produire. Il doit garder la tête froide. Bonne chance. »

Dans la seconde, le jeune corps s’effondra comme une poupée désarticulée.


Texte publié par Yon, 20 novembre 2017 à 22h07
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