Note de l'auteur: Attention mes chers amis, si j'ai mis cette histoire en -18 ans c'est parce que je ne sais pas vraiment où je vais, mais il y aura forcément des trucs assez raides, donc si vous ne voulez rien lire de violent, sans gore, sans vulgarité, sans maltraitance psychologique ou physique, je vous en conjure, passez votre chemin. Il y aura probablement des moments assez durs. Vous êtes considérés comme prévenus. Pour les autres, bonne lecture! (Ceci fait parti de mon Univers Armstrong-esque, bien entendu.)
En ce temps-là, Alex Loris était encore au lycée. Et il faisait partie de cette catégorie de gens qui y ont eu la vie dure. Il avait le tempérament vif et beaucoup de monde s'en amusait, un peu comme une bande d'enfants immatures s'amusent à narguer un serpent du bout d'un bâton. Puis soyons honnête, qui est mature au lycée ? Ses parents étaient divorcés, il vivait avec sa mère et n'avait pas revu son père depuis plus de dix ans. Il recevait une carte postale pour son anniversaire.
Tous les jours il faisait le trajet jusqu'au grand portail sur son VTT. Il passait les portes et fonçait droit sur les râteliers à vélo en prenant soin d'y fixer l'anti-vol, tout en priant pour qu'il retrouve sa selle le soir venu. On la lui avait déjà volé deux fois. La première, il avait été contraint de rouler sans elle pendant près d'un mois avant de la voir mystérieusement reparaître. La deuxième, il l'avait découverte dans le local à ordure de la cantine, couverte de purée. Merveilleux. Dix-sept ans et il était entouré de gars qui en avait huit dans leurs têtes.
Il s'en alla vers la salle de math en repositionnant ses lunettes. Ses cheveux noirs et bouclés étaient probablement déjà ébouriffés en tout sens à cause du vent. Il monta les marches et alla s'asseoir au premier rang sans parler à personne. Seules quelques élèves étaient déjà là, en train de fignoler leurs exercices de géométrie. Alex arrivait souvent très tôt. Même sans réveil, il était debout à quatre ou cinq heures du matin et comme il ne pouvait jamais se rendormir, il allait regarder un film devant la télé ou il faisait rapidement les devoirs qu'il avait eu la flemme de faire la veille. Il haïssait les études tout autant qu'il haïssait ses camarades de classe.
Il déboutonna sa veste, l'étendit négligemment à côté de lui sur le bureau et sortit un livre et se replongea dans les méandres de cette histoire de détectives et de démons qui revenaient sur terre tous les ans... Extérieurement, il devait avoir l'air tranquille. Intérieurement, son cœur brûlait d'une peur noire et constante, la même que devait ressentir une souris lâchée au milieu des chats. Il ne voulait pas de cette journée, ni d'aucune autre d'ailleurs. Il ne désirait qu'une chose, que le temps s'arrête et qu'on le laisse en paix finir son livre. Cela n'arriverait pas, il le savait. Il ne restait plus que quelques minutes avant la sonnerie et doucement, il entendait la pièce se remplir. Sans lever le nez, juste au bruit qui s’amplifiait, il pouvait dire qui était là ou non. Les sœurs Zawas étaient toutes deux présentes, Mathieu, Azedine, Jonathan, Steph, Arya, Vince, Manon... Ils étaient tous passés devant lui sans le déranger. C'était aussi rassurant qu'exaspérant. Au moins, ils avaient eu la décence de ne pas le perturber dans son activité matinale. D'un autre côté, il savait qu'aucun d'entre eux ne l'aurait salué, s'il avait attendu le nez en l'air sans le moindre passe-temps.
Pourtant il les connaissait tous. Au moment où il entendit résonner dans le couloir tous ces pas et ces rires, la peur qui coulait dans ses veines à la manière d'un torrent de lave, se glaça d'un bout à l'autre de son corps. Dans sa tête, il revoyait avec appréhension tout ce qui s'était déjà passé dans cette salle et tout ce qu'il risquait encore de s'y passer. Il voulait s'enfuir et sécher les cours. Il savait également qu'il ne pouvait pas. Il était coincé. Le groupe de quatre garçons entra bruyamment sans lui prêter attention, et alla s'installer dans la rangée derrière lui, juste devant le bureau d'Emma et Maëlys. Ses sens se bloquèrent. Il n'arrivait plus à lire et les voix n'étaient plus que des bourdonnements étouffés. Il se concentrait sur sa respiration, comptant les secondes jusqu'à la sonnerie salvatrice.
Les corridors et la salle grouillaient à présent de vie mais tout cela lui était étranger. Soudain il sentit un petit objet ricocher sur sa tête. Alex se retint de passer sa main sur la petite pointe de douleur à l'arrière de son crâne et fit mine de rester absorber dans son livre, dont il avait perdu le fil à présent. Il sentit d'autres impacts et des cliquetis résonnèrent sur le bureau. Il détourna les yeux. Logé sous sa veste était un minuscule bout de plastique aux couleurs vertes et roses, de forme humanoïde et avec des cheveux blonds... Il reconnut l'objet comme étant des figurines de Polly Pocket. Ils n'en fabriquaient plus depuis longtemps. Il se retourna, un masque d'incrédulité posée sur ses traits. Quelques bureaux derrière lui il pouvait discerner le sourire narquois de Dorian Lopes. Assis à sa droite, son camarade de club, Dany, faisait mine de regarder le plafond.
« Purée, tu as trouvé ça où ? Tu les as volé à ta petite sœur ?
— J'les ai trouvé dans ta chambre. »
Un mur de gloussements fit écho, venant des filles tout autour. Alex replaça ses lunettes nerveusement. Ignore-les. Il se pencha à nouveau sur son livre, essayant tant bien que mal de se concentrer sur les mots incrustés dans le papier bruni.
« Hé, petite chienne ! »
Il reçu une nouvelle figurine en plastique sur la tête.
« Hé ! Loris ! »
Son thorax tout entier s'était gelé. Il fallait qu'il se calme et qu'il fasse comme si de rien était. S'il ne réagissait pas ils finiraient par se calmer. Voyons, où en était-il ?
« Hé, Loris ! » Commença une autre voix, probablement Hugo, « Tu veux voir ma bite ? »
Il ravala un cri de frustration face aux ricanements, avant de lancer d'une voix indifférente la première phrase qui lui passa par la tête :
« J'ai déjà vu les nibards de ta copine, c'est suffisant.
— Dans les vestiaires des meufs, sale pervers !
— Naaan, commença une autre voix, la petite chienne aime les bites. Il a demandé à Vince de le ravager l'autre jour.
— N'importe quoi ! » Répondit une voix à l'autre bout de la classe.
Chaque mot, chaque seconde était un coup de poignard dans sa chair, dans son cœur, dans son ego. Des mots. Ce ne sont que des mots. Ils ne peuvent rien te faire avec des mots. Oublie-les. Ignore-les. Ce sont des insectes. Alex était figé devant son bouquin comme une statue, avec même la pâleur de la pierre calcaire. Au milieu du brouhaha de la salle, une nouvelle tirade s'éleva :
« Hé ! Loris Lane, t'as perdu ta langue ? »
La douleur s'étendait.
« Dis-lui d'aller se faire voir, Alex. »
C'était la sympathique et tranquille Emma qui parlait, il en était sûr.
Dis-y toi-même. Après tout c'est toi qui traînes tout le temps avec lui. Qu'est-ce que j'en ai à foutre ? Qu'est-ce qu'il en a à foutre ? Il n'arrêtera jamais.
« Je veux être là quand tu perdras ta virginité, juste pour entendre tes petits cris de fillette… »
Ne pleure pas.
« Arrêtes Eric ! T'es dégueulasse ! »
Ne ressens rien.
La voix continua dans une tonalité bien plus aiguë :
« Oh oui mets-moi la. Oh oui... Oh oui...
—Putain, vous craignez les mecs ! »
Dans l'air ambiant, s'était élevé le rire spontané et chaleureux de Dany, qui s'était effondré sur son bureau. Alex n’entendait plus rien. Il s'était levé et lorsque tout le monde s'attendait à ce qu'il tourne les talons, il s'avança rapidement jusqu'au tableau, se saisit de la lourde brosse et d'un mouvement sec et sans pitié, la jeta en direction d'Eric Lambert qui la reçue violemment en pleine tête. Il y eut un grand cri. Sa victime était debout, les deux mains posées sur son front. Les filles avaient l'air éberlué. Sa haine se dissipa dans la seconde, remplacée par un horrible pincement au cœur.
« Alex Loris ! »
Tous les regards se tournèrent vers la porte. La prof de math se tenait là, ses traits inhabituellement crispés en un faciès colérique.
« Dans le bureau du proviseur...
— Je...
— Tout de suite ! »
Un énorme brouhaha ébranla la classe, si bien qu'on aurait pu voir les murs trembler. La mort dans l'âme, il se saisit de ses affaires avant de repartir dans le couloir, sans un regard en arrière.
Les yeux noirs du proviseur étaient braqués sur les siens. Il recevait sa sentence dans le silence le plus complet.
« Vous recevrez une lettre chez vous qui indiquera la date du conseil de discipline. Est-ce que c'est compris ? »
Je le referais. Je le referais un million de fois pour me sentir mieux. Est-ce que c'est compris ?
« Ma patience est extrêmement limitée.
— C'est bien compris Monsieur. »
Allez tous vous faire foutre.
« Vous êtes bien conscient que Monsieur Eric Lambert est en droit de demander réparation ? Pour votre débordement d'aujourd'hui et pour sa veste.
— Sa veste ? Demanda-t-il, interloqué.
— Oui, sa veste en cuir que vous avez endommagé lorsque vous vous êtes battus dans les vestiaires. »
Le lycéen n'en croyait pas ses oreilles. C'étaient Dany et Hugo qui étaient venus le frapper ce jour-là… Pour une raison tellement absurde qu’il l’avait complètement oubliée.
« Bien entendu, c'était tout à fait irresponsable de sa part d'amener un article aussi cher au lycée et en ce sens, l'administration ne le soutiendra dans aucune démarche. Néanmoins...
— Je n'ai rien fait ! Je-je ne peux pas être tenu responsable pour ça ! I-ils m'ont frappés ! Quoi ? J'étais censé ne rien faire ? »
Sa bouche était pâteuse. Depuis quand bégayait-il ? Il était dans son bon droit. Il n'avait pas à avoir honte.
« Ne commencez pas. Votre professeur vous a vu sauter le mur après ça. Vous êtes parti parce que vous saviez que vous étiez en tort et rien d'autre. »
L'avait-il vraiment déchiré ? Il ne s'en souvenait même pas. C'était peut-être là-dessus que son pied avait atterri quand il avait essayé de repousser Hugo. Comment être sûr?
« Je suis parti parce que j'étais en colère.
— Vous êtes partis parce que vous ne vouliez pas assumer vos responsabilités. Ces jeunes gens n'ont jamais causé aucun problème, vous en revanche m… »
Il voyait les lèvres du proviseur encore articuler des mots mais il n'entendait plus. Alex était dans une bulle qui le coupait de tout son et de toute vie. Il était engourdi. Sans savoir ce qu'on lui disait, il hochait de temps en temps la tête pour faire croire qu'il était encore dans la discussion. Récemment il passait ses journées à faire semblant d'écouter, de rire, de parler. Il devenait très bon à ce jeu-là. Alors qu'en réalité il était loin, très très loin. Il ne reviendrait à lui que lorsqu'il serait enfin seul dans le couloir.
Pourquoi te censurer ?
Pardon ?
Tu vas réécrire cette scène correctement et dire la vérité.
Alex était dans une bulle qui le coupait de tout son et de toute vie. Il était engourdi. Sans savoir ce qu'on lui disait, il hochait de temps en temps la tête pour faire croire qu'il était encore dans la discussion. Récemment il passait ses journées à faire semblant d'écouter, de rire, de parler. Il devenait très bon à ce jeu-là. Alors qu'en réalité il était loin, très très loin. Une larme pointa au coin de son œil. Il crut voir une ombre géante passer sur la fenêtre, avec huit pattes et une démarche fluide. Puis une autre. Ce n'était pas vrai, il n'avait pas à s'inquiéter. Une énorme douleur le pris à la jambe. Il fit comme si de rien n'était. Cette sensation... Deux petites dents s'étaient logées dans sa chair, comme des mandibules. Quelque chose lui prenait le mollet, comme une pince énorme. La peur était absente. Alex était absent. Il ne reviendrait à lui que lorsqu'il serait enfin seul dans le couloir. Seul.
Pourquoi tu me fais écrire ça ?
Tu sais pourquoi. Et tu vas continuer jusqu'à la fin.
Tu comptes laisser ma voix ? Ce n'est pas très gentil pour le lecteur.
Oui. Oui je compte la laisser. Le lecteur peut t'ignorer s'il le souhaite.
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