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CHAPITRE VII

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Root pensait prendre l'autoroute, Vermillon se trouvait à une centaine de kilomètres de Shaker, elle avait calculé qu'il lui faudrait environ une heure trente pour rallier la villa que Mark Hendricks avait mise à leur disposition. Mais elle changea vite d'avis. Shaw ne s'avéra pas du tout être le genre de passagère dont on oublie la présence derrière son dos. Si elle avait au départ de Shaker Avenue, placé ses mains sur le réservoir, celles-ci ne restèrent pas longtemps en place. Dès que Root s'engagea sur la 271, Shaw commença tout d'abord à se serrer contre son dos, puis elle referma fermement ses cuisses sur ses hanches. Root sentit aussi qu'elle basculait son bassin vers l'avant se frottant à elle dans le mouvement, et elle l'entendit légèrement grogner dans son oreille. C'était déjà troublant, mais quand ensuite elle glissa ses mains sous son blouson, sous sa veste, lui sortit vivement son chemisier de son pantalon et se mit à lui pétrir la taille et le ventre, Root commença à douter qu'elle puisse continuer à maîtriser, pendant encore une heure et demi, la MV lancée sur l'autoroute.

« Shaw, s'il te plaît, sois sage. »

Elle lâcha le guidon d'une main et lui attrapa un poignet, puis un autre et replaça les mains de Shaw sur le réservoir. Celle-ci ne protesta pas, mais Root la sentit légèrement se frotter derrière elle et cinq minutes plus tard, ses mains retournèrent sur son corps. Root pensa qu'elle ne s'en sortirait pas. Les mains se baladaient comme en territoire conquis, les doigts s'enfonçaient sans beaucoup de douceur dans les chairs pour les saisir et se refermer autour, le poing serré. Root se remémora envahie par un sentiment d'urgence le parcours jusqu'à Vermillon. Elle visualisa les itinéraires qu'elle avait consultés avant de partir. Une main monta le long de son torse et Root se retrouva dans l'incapacité de se concentrer sur autre chose. En désespoir de cause, elle fit appel à La Machine.

« S'il te plaît, un itinéraire de sortie, vite !

- Toi et ta foutue Machine, grommela Shaw d'une voix rauque. »

Root lui attrapa la main montée trop haut. Shaw était complètement inconsciente, elles allaient se planter si elle continuait comme ça. Root se sentait prise au piège. Tout dans les mouvements de Shaw, ceux imperceptibles de son corps contre elle, ceux de ses mains, la force avec laquelle elle la serrait entre ses cuisses, était emprunt du désir impérieux de la posséder. Root avait rarement expérimenté une telle tension sexuelle. Elle la sentait grandir et se demandait quelles en étaient les limites et... s'il y en avait.

La Machine lui indiqua un nouvel itinéraire et joua au GPS parlant quand Root troublée par une main baladeuse, faillit manquer la sortie de la 480. Elle lui martela alors dans les oreilles les distances et la prévenait bien à l'avance des directions qu'elle devait prendre, les répétant sans cesse en lui donnant le décompte du kilométrage à parcourir pratiquement mètre par mètre. Root tenta plusieurs fois de se libérer des mains de Shaw, mais c'était peine perdue. Invariablement, à peine repoussées, les mains revenaient et reprenaient là où elles avaient été stoppées.

Elles étaient parties depuis quarante minutes. Ce n'était pas possible de rouler encore quarante cinq minutes avec une pieuvre concupiscente accrochée à elle et quand elle sentit une main commencer à défaire la fermeture de son pantalon tandis que l'autre se glissait à l'intérieur, Root freina brusquement.

« Shaw, descends. »

Les mains de Shaw retournèrent brusquement sur le réservoir et s'appuyèrent dessus. Root entendait la respiration irrégulière de Shaw dans son oreille.

« Shaw... répéta Root fermement. »

Root la sentit bouger dans son dos. Shaw prit appui sur ses épaules et mit pied à terre. Elle retira son casque et regarda Root.

« Enlève ton casque.

- Sam, je ne peux pas cond...

- Enlève ton casque Root. »

Root soupira. Elle défit sa jugulaire et retira son casque. Elle s'était arrêtée en bordure d'un bosquet d'arbres que l'éclairage public laissait plus ou moins dans l'ombre. Mais il y avait encore assez de lumière pour que Root puisse distinguer les traits de Shaw.

Et là, Root comprit ce que c'était que d'être une proie. Elle avait lu petite, une nouvelle écrite par un écrivain français du XIXème siècle. Elle faisait partie d'un recueil. L'ensemble lui avait parfois paru un peu niais, mais elle avait beaucoup aimé cette nouvelle. C'était l'histoire d'une chèvre qui malgré les mises en garde de son maître, préférait partir vivre libre dans la montagne plutôt que vivre en sécurité, attachée à un piquet dans un jardin à l'herbe bien grasse. Elle avait compris que la morale était qu'il fallait accepter de se soumettre parfois à des contraintes sous peine de mal finir. La chèvre avait refusé de rester enfermée derrière une clôture, de porter une longe attachée à un piquet, autour du cou, et elle avait fini dévorée par un grand loup gris. Mais Root n'avait pas compris ainsi l'histoire. La chèvre, elle croyait se souvenir que son nom était Blanchette, avait choisi d'être libre et elle s'était moquée des conséquences que cela pourrait entraîner. Elle était morte, mais elle avait vécu ses heures de liberté intensément et était morte héroïquement. Root s'était dit que la chèvre avait fait le bon choix et elle s'était promise de suivre son exemple. Elle avait aimé aussi, comment l'auteur avait introduit le combat final entre le loup et la chèvre. La façon dont il était arrivé, avait joué avec elle, sûr du dénouement fatal. La fascination qu'avait au départ, éprouvé la chèvre et comment à la fin, après un combat perdu d'avance, elle s'était couchée et avait offert son cou au prédateur.

Shaw avait un regard de prédateur, une attitude de prédateur, entièrement tournée vers sa proie. Et la proie c'était elle. Root doutait d'avoir le courage et la volonté de la petite Blanchette. Elle regarda autour d'elle, vit le bosquet et se dit un peu inquiète qu'elle allait finir dévorée sous ses frondaisons.

Shaw ne se contrôlait absolument plus, elle était entièrement sous l'emprise de son désir. Root l'avait arrachée au gars qu'elle s'était choisie et cela l'avait hautement frustrée. Se retrouver le corps entier collé au dos de Root sur la moto, la sentir entre ses jambes l'avait mise dans un état d'excitation paroxystique.

« Descends, ordonna Shaw le regard par en-dessous.

- Sam...

- Descends ou c'est moi qui te vire de ta moto.»

Root posa son casque, baissa la béquille et descendit. Elle commençait à respirer avec difficulté. Voilà, elle se retrouvait dans le genre de situation qu'elle avait prévue avant de savoir que Shaw pouvait se montrer une amante attentionnée et patiente. La Shaw qu'elle craignait se tenait juste devant elle et elle appréhendait un peu la suite. Ce fut cataclysmique.

Shaw l'empoigna par son blouson, la retourna brutalement et la poussa sans la lâcher du regard jusqu'à ce que Root heurte durement le tronc d'un arbre. Elle poussa un cri de douleur étouffé.

« Sam, essaya-t-elle de la raisonner.

- Tais-toi, murmura Shaw sourdement. »

Et elle lui écrasa la bouche avec la sienne pour parer à toute autre tentative de discussion. Shaw ne chercha même pas à l'embrasser, elle lui mordit juste les lèvres et Root sentit le sang couler. Puis Shaw se recula un peu et lui dézippa son blouson, elle le lui fit glisser des épaules avec la veste et Root se retrouva les bras prisonniers. Shaw se recolla à elle et enfouit sa tête dans le creux de son épaule. Ses dents s'enfoncèrent dans sa chair, pas trop fort, mais assez pour lui laisser des marques. Elle la mordit à plusieurs endroits et quand elle voulut poursuivre sur l'épaule elle se trouva gênée par la chemise que portait Root. Les mains qui la maintenaient fermement par la taille la relâchèrent et virent lui empoigner le col de sa chemise. Shaw tira en jurant et trois boutons sautèrent. La chemise rejoignit la veste et le blouson sur les bras de Root et la bouche de Shaw repartit à l'assaut de ses épaules. Fermement, ses mains s'agrippèrent le long de ses côtes et tout en continuant de la mordre, la tirèrent en avant pour accéder à son dos et dégrafer son soutien-gorge, avant de la repousser durement contre l'arbre.

Root ne pouvait plus bouger, prisonnière du poids et de la force que Shaw exerçait contre elle. Elle hésitait entre la panique et l'envie de succomber à ce déchaînement de violence. Elle repoussa l'idée de se plier au désir de Shaw. Elle déraillait clairement et que Root soit consentante ou pas elle prendrait ce dont elle avait envie même si pour ça elle devait commettre un viol. Et ça Root ne le permettrait pas. Quand Shaw réaliserait ce à quoi elle s'était laissée aller, elle ne l'accepterait pas, Root ne voulait même imaginer alors, quelle serait sa réaction. Elle pensa alors à la solution du taser.

Quand tout à coup, Shaw s'immobilisa, ses mains abandonnèrent leur exploration et virent se reposer légèrement sur les hanches de Root, tandis qu'elle posait son front à la base de son cou. Elle fit un effort pour reprendre le contrôle de sa respiration et Root sentit son corps se tendre contre le sien. Il y avait quelque chose de pathétique dans ce combat que Shaw livrait contre elle-même. Root leva les bras qu'elle avait laissés pendre le long de son corps depuis le début et la prit doucement dans ses bras, sans chercher à se dégager, sans surtout prononcer aucune parole. Shaw crispa ses doigts sur ses hanches.

Root se mit à réfléchir à cent à l'heure. La situation était critique. L'urgence était de désamorcer la bombe Shaw. Elle eut beau chercher, deux solutions seulement se présentèrent à elle. Soit elle tasait Shaw et elle devrait gérer son transport et son réveil qui risquait d'être difficile, soit... Elle resserra son étreinte autour de Shaw et appuya son menton dans ses cheveux. Elle sentait Shaw lutter. Une grande vague de tendresse la submergea. Elle l'aimait à la folie, avec tous ses défauts, ses manques, ses errements. Elle fut touchée par l'effort de Shaw, sa volonté de ne pas lui faire de mal. Parce que c'était la raison pour laquelle Shaw s'était arrêtée. Elle avait soudain réalisé que c'était Root qu'elle malmenait, qu'elle mordait, qu'elle maltraitait, et dans son esprit aveuglé par un désir animal, une lueur avait jailli. Il y avait une personne à qui elle ne devait pas faire de mal, à qui elle n'avait pas le droit d'en faire. Et cette personne c'était celle sur qui justement, elle exerçait sa violence.

Root à l'aide de son menton força Shaw petit à petit à lever la tête vers elle. Quand elle put la regarder dans les yeux, elle l'embrassa brièvement, puis replongea ses yeux dans les siens.

« J'ai envie de toi Sameen. »

Root savait qu'elle prenait un risque. La phrase briserait la volonté de Shaw à se contrôler et la relancerait sur la piste de son désir. Root en la déclarant entraînerait l'effondrement des digues que Shaw avait tenté d'élever pour se maîtriser. Mais elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire d'autre. Elle n'avait aucune envie de lui faire du mal. Et puis de toute façon c'était vrai. Elle la désirait. Pas quand elle l'avait plaquée contre l'arbre, ni quand elle l'avait mordue et déshabillée brutalement. Elle avait senti son désir monter au moment où Shaw avait cherché à se contrôler, au moment où Shaw avait arrêté de la considérer comme une femme à baiser pour reconnaître en elle quelqu'un à qui elle tenait, peu importait quelles en étaient les raisons. Et puis Shaw sentait terriblement bon. Root reprit ses lèvres et Shaw approfondit rapidement le baiser.

À ce moment là, Root sut qu'elle avait atteint le point de non retour et que plus rien n'arrêterait le désir de Shaw, et à peine la phrase prononcée celui-ci reprit possession de Shaw. Root se retrouva emportée, Shaw ne lui laissa prendre aucune initiative. Elle la déshabilla à moitié et quand Root ne put plus tenir sur ses jambes, elle l'accompagna à terre et la cloua au sol. Le seule liberté que Shaw lui laissa fut de passer ses mains sous ses vêtements et d'enfoncer ses doigts sur son dos nu, de la serrer contre elle, et quand elle le pouvait de la mordre au moment où une première fois, puis une deuxième, puis elle ne savait plus combien de fois Shaw trouva le chemin qui la mena au paroxysme de son plaisir. Shaw même en se montrant brutale avait gardé intact son pouvoir sur Root. Le pouvoir de la troubler, de trouver le rythme exact, la caresse ou le baiser exact qui la ferait perdre pied. Root n'appréciait ni la violence, ni la brutalité, mais Shaw y mettait tant de passion qu'elle plongea et se soumit au désir de celle-ci. Shaw grognait régulièrement à chaque fois que Root réagissait à un mouvement de son corps, de ses mains, de ses doigts, de ses lèvres, de sa langue et elle l'accompagna plusieurs fois au sommet de son plaisir. Posséder Root, l'entendre gémir des sons inarticulés ou pire son prénom, sentir ses ongles griffer son dos, ses dents s'enfoncer dans sa chair, lui donnait encore plus de plaisir que si elle avait laissé la possibilité à Root de lui en donner. Leurs ébats enfiévrés finirent dans une étreinte ultime, les deux s'accrochant l'une à l'autre et se mordant sauvagement. Puis leurs corps se relâchèrent. Root laissa tomber ses bras à côté d'elle sur le sol et bascula la tête en arrière, cherchant de l'air. Shaw resta immobile couchée sur Root. Les minutes s'égrainèrent en silence. Puis Root vint taper sur l'épaule de Shaw.

« Sam, il faudrait peut-être bouger, non ? »

Shaw hocha la tête contre l'épaule de Root et se releva précautionneusement, avant d'aider Root à se remettre sur pied. Celle-ci remonta ses vêtements sur ses épaules, raccrocha son soutien-gorge et réajusta son pantalon que Shaw lui avait à moitié retiré. Elle avait perdu une de ses chaussures et c'est Shaw qui la retrouva et la lui tendit. Root avait l'impression d'avoir été passée dans le tambour d'une machine à laver au moment de l'essorage. Elle se sentait complètement vidée, épuisée, courbaturée. Les endroits où Shaw l'avait mordue ou serrée entre ses mains se rappelaient douloureusement à elle et elle se demandait de quoi elle aurait l'air le lendemain.

Quand elle se remit debout après avoir remis sa chaussure, elle vit Shaw la regarder en silence. Il était impossible de savoir ce qu'elle pouvait bien penser. Son expression était neutre, ne laissant filtrer aucune émotion.

« Tu viens ?

- Mmm. »

Elles remirent leur casque, ré-enfourchèrent la moto et Root reprit la route de Vermillon, louant le ciel que personne ne soit étonné qu'une moto fût arrêtée en pleine nuit sur la route et n'ait eu la bonne idée de venir voir où se trouvaient ses propriétaires. Shaw posa ses mains sur le réservoir et Root put sentir son corps naturellement se placer derrière son dos. À priori leur petit arrêt l'avait libérée de ses tensions et elle se montra calme et détendue tout le reste de la route.

Root, soulagée d'enfin arriver, trouva la maison d'Hendricks sans difficulté. Elle avait été construite près de la route et était dissimulée par une haie composée de diverses essences d'arbres. Elle gara la moto devant la maison et sortit les clefs que lui avait confiées Mark Hendricks, de la poche de son blouson. En entrant, Root jeta un regard appréciateur à la décoration et à l'agencement de l'intérieur de la maison. Mark Hendricks s'avérait être décidément un homme de goût et il avait visiblement les moyens financiers pour les satisfaire. Root se dirigea vers la cuisine ouverte et ouvrit le réfrigérateur. Il était bien garni. Hendricks devait l'avoir rempli récemment car il y avait même des fruits et des légumes frais. Elle avait soif. Elle prit une bouteille d'eau gazeuse, l'ouvrit et but d'un trait, au goulot, les trois quarts de la bouteille. Elle se retourna vers Shaw. Elle se tenait un peu plus loin, immobile et silencieuse.

« Tu en veux ? »

Shaw hocha la tête, s'approcha et prit la bouteille. Elle la finit.

« Sam, je suis vidée, je ne sais pas si tu veux manger quelque chose ou pas, mais je crois que je vais juste prendre une douche et aller me coucher. »

Shaw ne répondit rien.

« Sameen ?

- Mmm.

- Tu veux quelque chose ? Ça va ? demanda Root un peu inquiète de son silence.

- Mmm

- Tu ne veux rien ? insista Root.

- Non, c'est bon.

- Qu'est ce que tu veux faire ?

- Rien. Va prendre ta douche Root.

- Okay, À toute suite. »

Root retira son blouson et sa veste et se retrouva avec sa seule chemise déchirée sur elle. Shaw la regarda partir en se mordant un coin de la lèvre inférieure. Elle avait dû mal à faire le point sur les événements de cette nuit. Sa victoire l'avait rendue vraiment heureuse. Et puis après, elle avait dérapé. Elle se souvenait de la douleur cuisante infligée par la gifle que lui avait donnée Root, de sa colère et de son sentiment de culpabilité aussi à ce moment-là. Et puis dès qu'elle était montée sur la moto derrière Root, de l'emprise impérieuse que le désir avait exercé sur elle, contre lequel elle avait été incapable de lutter. Elle se dit qu'elle était vraiment tarée et se demandait comment Root avait pu garder le contrôle de sa moto avec elle en train de... faire n'importe quoi derrière son dos. Et puis la suite... Elle ne s'en souvenait même plus très bien de la suite. Elle revoyait Root freiner brutalement sur la route, les arbres et l'obscurité, ses mains durement refermées sur Root et puis... elle ne savait plus trop. Si... elle se souvenait à un moment s'être tenue immobile contre Root, le cœur au bord des lèvres, d'avoir réalisé qu'elle avait perdu le contrôle et d'avoir essayé de remonter à la surface d'une eau noire dans laquelle elle était en train de s'enfoncer, à deux doigts de se noyer. Et après ? Après Root avait prononcé une phrase et en l'entendant, elle avait relâché la bête qu'elle tentait de maîtriser, du moins elle lui avait laissé la possibilité s'ébattre avec une certaine liberté. Pourquoi Root avait-elle dit ça ? Shaw fronça les sourcils, et se concentra pour trouver une réponse acceptable. Le plus facile aurait été de croire que Root avait aimé ce qui avait précédé, Shaw confusément savait que ça avait été violent. Très violent. Mais Root ne pouvait pas avoir pris plaisir à ça, ce n'était pas possible. Si, cela l'aurait été dans les simulations de Samaritain qui s'étaient nourries des fantasmes de Shaw, de ses travers, de ses perversions peut-être pensa-t-elle avec dégoût. Mais du peu de ce qu'elle avait découvert sur Root, elle était persuadée que ce n'était pas vrai. Root n'était pas comme elle, en tout cas pas dans ce domaine et à vrai dire Shaw avait franchement apprécié cet aspect chez elle. Elle avait adoré même. Même si... ça l'avait troublée. Vraiment troublée. Coucher avec Root avait été une expérience... euh... spéciale, analysa Shaw. Nouvelle. Agréable. Déstabilisante. Bref... Root n'était pas une adepte des trucs violents. Alors pourquoi ?

« T'es vraiment une abrutie Sameen, s'injuria-t-elle en silence. Pourquoi Root ferait un truc improbable au moment où tu es en train de complètement dérailler ? Vas-y espèce de tarée, réfléchis putain ! Parce que tu connais très bien la réponse. Et cette raison, c'est toi. Encore et toujours toi, Sameen. Tu déconnes à mort et qui est là pour te tenir la main, pour t'aider ? »

Root. Elle l'avait fait pour l'aider, pour l'empêcher d'aller plus loin, pour la rattraper alors qu'elle trébuchait juste au bord d'un précipice noir et glacé. Elle inspecta les placards de la cuisine, puis ceux de l'entrée. Elle monta à l'étage et renouvela l'opération. Elle ne trouva pas ce qu'elle cherchait et en conclut que ce devait être rangé dans la salle de bain. Elle repartit dans la cuisine. Le réfrigérateur était équipé d'un distributeur de glace. Elle prit quatre serviettes de table dans un placard au dessus du plan de travail et un grand saladier dans un autre placard. Elle le remplit de glace, puis se dirigea vers la salle de bain.

Elle frappa à la porte. Pas de réponse. Elle entendit l'eau couler et frappa plus fort sur la porte.

« Root !

- Sam ?

- Je peux entrer ?

- Euh... Oui, vas-y. »

Root se demandait ce que lui voulait Shaw. Si elle avait été d'humeur badine ce soir, elle aurait espéré que ce soit pour venir prendre sa douche avec elle. Mais elle voyait déjà mal Shaw prendre ce genre d'initiative et après s'être déshabillée son optimisme avait disparu corps et biens. Son humeur avait sombré en se découvrant dans la glace. Une femme battue voilà à quoi elle ressemblait. Son visage, excepté une lèvre fendue, était intact, mais le reste... Toutes ses épaules étaient couvertes de morsures, certaines profondes, avaient saigné, elle en portait aussi sur le ventre, les hanches et à l'intérieur des cuisses. Quant aux bleus... À certains endroits on distinguait des marques de doigts. Elle ne s'étonnait plus de se sentir moulue de la tête aux pieds. Shaw l'avait massacrée. Et encore, les marques provenaient d'une Shaw qui s'était contrôlée. Un désespoir profond avait saisi Root alors qu'elle regardait son corps meurtri dans la glace. John avait eu peut-être raison de s'inquiéter. Root avait détourné le regard et s'était glissée sous la douche.

Shaw rentra doucement posa le saladier et les serviettes à côté du lavabo et farfouilla dans les placards. Elle trouva enfin ce qu'elle cherchait, une armoire à pharmacie. Connaissant Mark elle savait qu'il devait y en avoir une. Elle regarda ce qu'elle contenait et dédia un commentaire appréciateur à celui qui l'avait remplie. Elle sortit des gazes, du désinfectant, un tube de pommade hémostatique et un autre de pommade cicatrisante et posa le tout avec ce qu'elle avait rapporté de la cuisine, puis elle s'assit sur un tabouret prenant soin d'avoir le dos tourné à la cabine de douche. L'eau s'arrêta de couler, la porte de la cabine coulissa et Root se drapa dans une grande serviette de bain qu'elle noua sous ses aisselles. Elle regarda le dos de Shaw et s'enroula les épaules avec une autre serviette. Elle se dandina d'un pied sur l'autre, incertaine de la suite. C'est alors qu'elle remarqua le saladier rempli de glace, les tubes de pommade, les gazes, les serviettes, la bouteille de désinfectant. Elle inspira profondément. Le rôle que Shaw s'apprêtait à lui faire jouer ne l'enchantait pas du tout.

« Je peux me retourner ?

- …

- Root ? demanda doucement Shaw.

- Qu'est-ce que tu veux Shaw ? »

L'intéressée remarqua et le ton peu engageant et l'utilisation du nom. Shaw se mordit la lèvre, Root n'allait peut-être pas se montrer très coopérative. Mais Shaw ne pouvait pas la laisser aller se coucher sans s'être d'abord occupée d'elle. Si ses souvenirs ne la trompaient pas, Root devait souffrir de multiples hématomes, sans compter les morsures. Elle n'était même pas sûre de ne pas l'avoir mordue plusieurs fois jusqu'au sang. Si elle laissait filer Root, elle serait dans un état lamentable le lendemain matin. Il y avait des chances pour que ce soit de toute façon le cas, mais elle pouvait au moins empêcher que ce ne soit trop... enfin plus... Et puis, c'était aussi sa façon de montrer à Root qu'elle tenait à elle, qu'elle... En fait Shaw s'avoua que c'était une manière de se faire pardonner. Non, c'était faux, la vérité c'est que c'était une manière de se pardonner à elle-même. Prendre soin de Root lui permettrait de lui prouver qu'elle n'était pas juste une brute sauvage et incontrôlable. C'était égoïste, elle le reconnaissait, mais elle avait besoin de se remonter le moral et exercer ses talents de médecin, même s'ils ne seraient pas très utiles dans le cas présent, lui redonnerait un peu d'estime pour elle-même. Elle pivota sur son tabouret, Root s'était enveloppée dans les serviettes comme une momie égyptienne et passait d'un pied sur l'autre, avec visiblement l'envie d'être n'importe où ailleurs que face à Shaw dans cette salle de bain. Ça promettait d'être pire que ce que Shaw avait envisagé.

« Root, je sais que... écoute... je sais que... hésitait Shaw aussi mal à l'aise que Root. »

Root détourna le regard. Shaw se morigéna d'être aussi stupide, elle était médecin, merde. Elle savait ce qu'elle avait à faire, elle n'avait qu'à le faire. Ouais, sauf que c'était Root en face d'elle, et qu'elle n'allait pas l'agresser encore une fois parce qu'elle avait déjà eu son comptant de violence pour la nuit. Le problème c'était que Shaw ne savait pas trop comment s'y prendre. Gérer un patient récalcitrant n'était pas vraiment son truc, elle n'avait jamais su réagir correctement quand elle avait dû y faire face et quand ce genre de situation s'était présentée à elle au cours de ses années d'études de médecine, elle avait fait appel aux infirmières et leur avait demandé de se débrouiller pour ramener le patient refusant un soin, à de meilleurs sentiments. Les infirmières avaient toujours déployé des trésors de patience et de persuasion surtout après avoir entendu Shaw les menacer d'utiliser des méthodes radicales, contention, tranquillisant, n'importe quoi, si elles ne réglaient pas le problème rapidement. Mais là, elle était seule. Aucune infirmière ne viendrait à son secours. Elle regarda Root d'un air mi-suppliant, mi-désespéré.

« Tu as apporté ça pour moi ? demanda Root désignant du menton, les affaires posées sur la tablette du lavabo.

- Oui.

- Tu crois que c'est bien nécessaire, Sam ?

- Je crois que oui, souffla Shaw en baissant la tête.

- D'accord, qu'est-ce que tu veux que je fasse ? »

Shaw se leva prestement de son tabouret.

« Viens t'asseoir.

- Tu sais Sameen, je n'ai aucune envie de jouer au docteur ce soir.

- Je sais Root, moi non plus. Je peux ? lui demanda-t-elle en touchant la serviette qui entourait les épaules de Root. »

Root resserra la serviette autour d'elle. Elle refusait que Shaw la voie ainsi. Elle leva les yeux sur elle et réalisa que c'était Shaw qui l'avait mise dans cet état, pas un sadique quelconque comme elle en avait parfois rencontré, du genre Contrôle par exemple. Et que si Shaw était là avec tout son matériel attendant que Root veuille bien la laisser prendre soin d'elle... Voilà c'était la clef : « Prendre soin d'elle ». Shaw n'était pas juste venue par conscience professionnelle, elle voulait montrer quelque chose d'autre à Root. D'abord qu'elle était consciente de ses actes, qu'elle était prête à les assumer et qu'elle ne tournerait pas le dos aux conséquences qu'ils entraîneraient, mais qu'avant tout elle était consciente de lui avoir fait du mal et qu'elle voulait en retour, si elle le lui permettait, lui montrer qu'elle était désolée et qu'elle tenait à elle. Root percevait dans l'initiative de Shaw beaucoup de gentillesse, même si celle-ci n'en était pas vraiment consciente. Root regarda Shaw attendre patiemment qu'elle se décide à bouger. Ses traits n'exprimaient pas grand chose, un peu d'appréhension peut-être. Root eut soudain envie de l'embrasser gentiment pour la rassurer. Elle soupira, Shaw n'aurait pas compris.

« Bon, d'accord Sameen. Mais tu t'abstiens de tout commentaire. »

Shaw dégagea les épaules de Root. Ses traits s'affaissèrent. C'était pire que ce qu'elle avait cru. Elle commença par les morsures, puis étala de la pommade hémostatique sur les hématomes qui s'étalaient sur les bras. Elle versa de la glace sur deux serviettes et les noua en forme de poche. Elle les posa sur les épaules de Root veillant à ce qu'ils couvrent le maximum de surface.

« Euh... je peux voir le reste ?

- Tu vas me faire rougir Sameen. »

Les doigts de Shaw avaient été légers, attentionnés. Shaw avait vraiment un touché exceptionnel. Root se surprit à maudire les professeurs qui avaient tout fait pour expulser Shaw de l'hôpital et lui interdire d'exercer la profession qu'elle s'était tout d'abord choisie. Elle ne comprenait pas ce qui avait pu les motiver, Shaw était le genre de médecin à qui Root confierait sa vie les yeux fermés. C'est pourquoi elle lui avait lancé cette plaisanterie. Elle voulait détendre l'atmosphère, montrer à Shaw que leur relation n'avait pas été altérée par l'épisode un peu violent, doux euphémisme, de ce soir. Shaw releva les yeux sur elle et Root lui envoya un clin d'œil provocateur. Shaw se fendit d'une grimace, elle avait reçu le message cinq sur cinq et Root vit ses épaules se relâcher, elle lui sourit alors plus franchement. Il n'était pas toujours si difficile d'apprivoiser Shaw, il suffisait de trouver l'endroit où il fallait la grattouiller gentiment, sans lui faire peur et sans la braquer.

Root dénoua sa serviette et la laissa tomber le long de son corps. Shaw s'assombrit et pinça les lèvres. Elle détailla du regard le corps de Root de haut en bas, arrivée au niveau des cuisses, elle se mordit la lèvre. Elle s'accroupit, posa ses mains sur les genoux de Root et lui écarta doucement les jambes.

« Root, souffla-t-elle...

- J'avais dit pas de commentaires Sameen. »

Shaw s'activa pendant une demi-heure, posant des poches de glace avant de s'occuper à désinfecter les plaies laissées par ses dents et à étaler de la pommade ensuite, d'abord sur les morsures, puis sur les hématomes. Elle savait que le résultat ne serait pas probant et que le lendemain Root aurait l'air d'avoir été battue comme plâtre, mais c'était mieux que rien. Quand elle eut fini, elle se releva, retira les poches de glace qui restaient et les vida dans le saladier. Elle allait ranger les gazes et les pommades dans l'armoire à pharmacie, quand Root qui s'était relevée lui mit une main sur l'épaule.

« À toi maintenant.

- Quoi ? Non, je...

- Sam, je t'ai laissé prendre soin de moi, tu me laisses prendre soin de toi.

- Mais je...

- Je sais que tu n'auras pas l'air de t'être fait passer à tabac demain matin, lui lança Root avec une grimace entendue. Mais je sais aussi que quelques soins ne te feront pas de mal. Alors, tu t'assois et souviens-toi : pas de commentaires. »

Shaw obtempéra. Root ouvrit deux placards et trouva ce qui devait être des affaires de nuit dans le deuxième. Elle s'appropria un short et une veste de pyjama, les enfila et se retourna vers Shaw assise sagement sur le tabouret comme elle le lui avait demandé.

« Mets-toi torse nu. »

Shaw passa son tee-shirt par dessus la tête. Root les bras croisés, attendit. Shaw la regarda. Elles s'affrontèrent du regard. Shaw plia et ses mains empoignèrent la bande élastique de sa brassière et lui firent suivre le chemin du tee-shirt. Les yeux de Root s'agrandirent un peu à la vue qui s'offrait à eux. Shaw portait plusieurs morsures sur les épaules dont une très profonde d'où le sang perlait encore. La morsure finale pensa Root. Elle contourna Shaw et découvrit que son dos était strié de marques rouges. Certaines avaient été l'œuvre de doigts profondément enfoncés dans la chair, mais d'autres avait été faites avec des ongles et même si Root les portait courts, ils avaient arraché parfois plus que de la peau au dos de Shaw. Root la soigna le plus délicatement qu'elle put et Shaw ne broncha pas, même si un ou deux frissons lui échappèrent au contact des doigts de Root sur sa peau. Le silence s'installa, paisible, entre elles. S'occuper de Shaw, lui passer délicatement de la pommade sur le dos apporta une grande sérénité à Root et son cœur bondit quand elle sentit Shaw frissonner sous ses doigts. Elle referma les tubes et se releva dans le dos de Shaw, elle lui posa alors légèrement les mains sur les épaules et se pencha pour l'embrasser à la base du cou. Le baiser contenait toute la tendresse que Root éprouvait pour Shaw. Et celle-ci frissonna.

« Root...

- Pas de commentaires Sameen, murmura Root dans son cou. Tu veux prendre une douche où aller te coucher maintenant ?

- Douche, articula Shaw avec difficulté.

- D'accord, je t'attends.

- Root...

- Sameen ! l'avertit Root. »

Shaw abandonna ses tentatives de discussion et finit de se déshabiller avant de rentrer dans la cabine de douche. Elle ne comprenait pas comment Root pouvait ne pas au moins lui en vouloir. Elle devait vraiment être dérangée, si quelqu'un lui avait infligé la moitié de ce que elle, lui avait infligé elle l'aurait battu à mort. Et Root ne trouvait rien de mieux que de l'embrasser... tendrement dans le cou. C'était super bizarre quand elle y pensait. Pas normal. Shaw retournait le problème dans sa tête sans trouver de solution raisonnable. À moins que... et elle repensa à Samaritain. Root la coupa brusquement des noires pensées qui commençaient à monter.

« Sam, qu'est-ce que tu fais ? Tu as fini ou tu as décidé de passer la nuit sous la douche ? J'en peux plus, dépêche-toi. »

Shaw éteignit l'eau et s'empressa de sortir. Root lui tendit une serviette avec laquelle elle s'essuya sommairement, puis une tenue de nuit qu'elle lui avait choisie.

« Allez, dépêche-toi Sameen, j'ai mal partout et j'ai l'impression que je vais tomber en morceaux si je reste encore plus longtemps debout. Il doit être au moins quatre heures du matin, je suis morte, je t'assure.

- Root...

- Non Sameen, je ne veux pas t'entendre, tu vas dire des conneries, alors tais-toi, lui jeta Root avec véhémence. Tu vas venir avec moi, dormir avec moi et cette fois, je me fous de ce que tu veux, si tu veux être seule ou pas, dans mes bras ou pas, tu vas juste te coucher avec moi et je vais dormir dans tes bras que ça te plaise ou non, ça m'est égal. Je veux m'endormir sur ton épaule, sentir tes bras autour de moi, et me réveiller demain toujours serrée dans tes bras, baignée dans ton odeur. Si tu ne veux pas, je te tase, je te shoote aux tranquillisants et je dors contre toi à même le sol, là où tu seras tombée parce que je serais incapable de te transporter ailleurs. Alors, tu choisis maintenant entre le lit ou le sol et tu me laisses dormir. »

Shaw recula sous l'impact d'un tel flot de paroles. Elle hocha imperceptiblement la tête, devança Root pour sortir de la salle de bain et monta à l'étage. Elle avait repéré deux chambres en fouillant la maison toute à l'heure. Elle choisit la plus grande qui donnait sur le lac. Elle défit le lit et se coucha sur le dos. Root se glissa à côté d'elle et vint placer sa tête sur son épaule comme elle avait dit qu'elle voudrait le faire. Un de ses bras vint se placer en travers de sa poitrine, sa main passa sous son aisselle et vint lui emprisonner l'épaule. Shaw referma ses bras doucement sur Root.

« Je t'aime Sameen, murmura Root déjà à moitié endormie. »

Elle sombra tout de suite dans le sommeil, Shaw ne fut même pas sûre qu'elle ait été consciente de lui avoir adressé cette déclaration. Elle ne savait pas trop quoi en faire d'ailleurs. De toute façon elle n'était pas si débile, elle savait depuis longtemps que Root l'aimait, enfin elle en était vraiment sûre depuis qu'elle l'avait retrouvée dans le parc. Avant... elle n'avait jamais trop su démêler ce qui faisait partie du jeu initié par Root quand elle l'avait connue et ce qui n'en faisait pas partie. Avec Root c'était parfois difficile, de décoder ses comportements, elle se cachait trop derrière son air satisfait d'elle-même, ses plaisanteries, sa soi-disant joie de vivre et sa grande décontraction, son air de cinglée aussi. Elle trouvait quand même que Root avait choisi un drôle de moment pour se lancer dans de grandes déclarations. Ou... peut-être pas. C'était peut-être justement l'exact bon moment pour Shaw. Elle la serra doucement contre elle, veillant à ne pas la meurtrir plus qu'elle ne l'était déjà. Elle ne savait pas trop pour quelles raisons Root avait jeté son dévolu sur elle, mais en y pensant, elle mesura à sa juste valeur la chance qu'elle avait que ce soit tombé sur elle. Elle aurait voulu pour une fois veiller sur le sommeil de Root, mais les événements de la soirée eurent raison d'elle. Son souffle se ralentit et s'approfondit rapidement, l'entraînant elle aussi pour cette nuit, sur les rives du fleuve Léthé.

À son réveil, Root reposait sur Shaw dans la même position que celle dans laquelle elle s'était endormie. Elle se frotta le nez contre son épaule. Sa main gauche se glissa sous le tee-shirt de Shaw et ses doigts commencèrent à tracer légèrement des cercles sur son estomac, autour de son nombril. Elle leva la tête et l'embrassa dans le cou.

« Je sais que tu ne dors pas Sameen. »

Sa main monta plus haut sous le tee-shirt, Shaw se crispa et quand la main de Root se fit plus insistante elle arqua le dos et laissa malgré elle, échapper un gémissement.

« Sameen, lui murmura Root le nez dans son cou. Fais-moi oublier hier soir.

- R…

- Souviens-toi Sam, pas de commentaire. »

Shaw la fit basculer sur le dos, l'observa un moment avant de l'embrasser sous l'oreille, puis descendit doucement le long de son cou déposant des baisers de place en place. Les mains de Root se refermèrent autour de sa tête et de sa nuque.

« Sameen, gémit-elle, je… »

Mais une des mains de Shaw vint s'égarer sur sa poitrine et elle oublia ce qu'elle voulait dire. Shaw déploya des trésors d'attention. Pourtant c'était toujours elle, quoi qu'elle fasse elle gardait intact un fond de passion, une ardeur qui jamais ne disparaissait. Root, malgré les efforts de Shaw pour se contenir, se retrouva emportée dans une tempête de sensations. C'était impossible d'éviter les remous, les secousses avec elle, Shaw était trop animale, trop sensuelle, trop entière. Très vite, celle-ci sombra dans son monde et plus rien n'exista sinon son corps et celui de Root pendu au sien, qu'elle dominait ou qu'elle laissait dominer. Un peu plus tard, Root cria, Shaw plongea la tête dans son cou en grognant, un poing serré autour des draps, le corps tendu à se rompre. Puis elles se détendirent toutes les deux. Shaw roula sur le dos et Root vint placer sa tête sur son estomac. Pour le coup, Shaw l'aurait bien envoyé valser, elle avait besoin de se réapproprier son espace personnel. Root était trop… envahissante, pensa-t-elle. Elle leva la tête une excuse toute prête pour se libérer quand ses yeux tombèrent sur les épaules de Root. Elle laissa sa tête retomber sur le lit et abandonna toute tentative de lui échapper.

« Sam, l'interpella Root après un long moment, tu ne veux pas aller nager ?

- Tu veux aller te baigner ?

- Oui.

- Euh… ben...

- Je suis sûre qu'on peut trouver des maillots quelque part, il y a de tout dans cette maison et elle se trouve au bord du lac, elle doit avoir accès à une plage. S'il n'y pas d'algues, le lac Érié est agréable pour se baigner.

- Root, tu veux te mettre en maillot et aller à la plage… dans… euh… ton état ? En plus il ne fait pas très chaud pour se baigner.

- Ben justement, me plonger dans l'eau froide me fera peut-être du bien et me détendra. Je me sens percluse de courbatures, j'ai mal partout.

- Euh, oui c'est vrai que ça soulagera un peu tes…

- Tu m'accompagnes alors ? la coupa Root avant qu'elle ne continue et se sente mal à l'aise.

- Euh, je ne sais pas.

- Tu n'aimes pas nager ? À moins que… tu n'aies peur que je sois bien meilleure nageuse que toi ? la provoqua Root.

- Ouais ben ça m'étonnerait tu vois, parce que je…

- Je sais Sam, tu te crois toujours la meilleure, lui lança Root en se levant. Tu risques d'avoir des surprises. D'ailleurs qui tire le mieux deux pistolets à la main hein ?

- …

- Mouchée mon cœur, rit Root lui lançant un clin d'œil. Tu ferais mieux de te taire parfois ! »

Shaw ne trouva rien à répondre. Root récupéra ses affaires de nuit en se rhabilla.

« Dis, toi qui est spécialiste de la bouffe, tu ne veux pas aller préparer un petit déjeuner, enfin plutôt un brunch si c'est possible, il est… »

Elle regarda autour d'elle à la recherche d'un réveil, il y en avait un posé sur une table de chevet à côté du lit.

« … presque onze heures et demie et avant d'aller nager je mangerais bien autre chose qu'un yaourt. Si tu trouves du thé prépare m'en un, je vais voir ce que je peux trouver comme affaires de plage. »

Elle disparut toute guillerette, laissant Shaw un peu interdite. C'était perturbant de la voir si gaie alors que son corps portait tous les sévices d'une séance de tabassage en règle. Sauf qu'elle ne s'était pas fait tabassée et que c'était Shaw qui était responsable de son état. Root n'avait pas envie d'en parler et elle avait clairement fait comprendre à Shaw qu'elle effaçait son ardoise. Shaw n'allait pas remettre sa décision en question, elle se plierait à ses désirs et se promit juste d'être plus prudente à l'avenir et de ne plus jamais lui infliger ça, quitte à se tirer une balle dans la tête avant. Sauf que… elle ne s'était pas contrôlée cette nuit, et qu'elle n'aurait jamais eu la possibilité de se faire sauter la cervelle avant que le pire ne soit déjà arrivé. Elle devait être plus prudente, être plus attentive aux signes avant-coureurs de ses dérapages. Ou alors il fallait qu'elle parle sérieusement à Root. Elle lui avait promis de la surveiller, de l'arrêter si c'était nécessaire et Root cette nuit avait refusé d'employer la force, elle avait seulement accompagné Shaw dans ses errements. Shaw reconnaissait son dévouement et comprenait obscurément son choix, mais Root ne pouvait pas cautionner ce genre de comportement. Ce n'était pas une solution recevable, c'était trop dangereux. Le résultat était inacceptable aux yeux de Shaw. Elle devait mettre les choses au point avec Root.

Elle s'habilla et descendit dans la cuisine. Le réfrigérateur était idéalement rempli. Il y avait de quoi préparer un brunch d'enfer et Shaw s'activa. Quand Root réapparut, Shaw avait dressé le couvert sur une table du salon. Root se dirigea vers une chaise un grand sourire aux lèvres.

« Non, ne t'assois pas là, ta place est de l'autre côté, l'arrêta Shaw. »

Root hésita, fit le tour de la table et s'assit sur la chaise que Shaw lui avait indiquée. Elle comprit pourquoi. À sa portée elle trouva une théière, une assiette de toast, un saladier contenant un mélange de salade verte et de tomates, une coupe de fruits, un plat de riz cuisiné particulièrement appétissant, un beurrier, du sel, du poivre.

« Je t'ai préparé une papillote de poisson. Ça cuit rapidement alors tu me dis quand tu veux la manger et je la mets sur le feu. Je n'ai pas mélangé la salade. Je ne t'ai pas fait d'œufs, mais si tu en veux, je t'en prépare. Pour les légumes, je suis désolée, je n'avais pas le temps de cuisiner un truc bien. J'ai pensé que du riz te conviendrait. Pour les toasts, j'apporte le grille-pain.»

Root était charmée, elle n'avait jamais imaginé Shaw dans un rôle de maîtresse de maison, pourtant elle était parfaite. La table était harmonieusement dressée et le repas s'annonçait plutôt bon, Shaw ayant choisi de lui servir des plats simples, mais que Root appréciait. Elle était curieuse de voir comment elle avait cuisiné le poisson.

« Tu es pleine de surprises Sameen.

- …

- Je t'imaginais mal en femme d'intérieur, mais je vois que tu t'en sors très bien, la taquina-t-elle.

- Je te rappelle que ma mère est iranienne, répliqua Shaw comme si elle sortait une évidence que Root aurait oubliée. »

Root resta sans voix. Shaw lui parlait de sa mère ? S'il y avait bien une chose à laquelle elle ne s'attendait pas c'est que Shaw aborde naturellement un sujet aussi privé. Leurs relations avaient vraiment bondi dans une autre dimension. Sous l'impulsion de Shaw qui plus est.

« Pourquoi affiches-tu ce sourire débile ?

- Quoi ? Euh… je suis contente c'est tout. En fait non, je suis heureuse, hyper heureuse.

- Pff, quand je disais que t'étais tarée.

- Pourquoi ? Tu n'es pas heureuse ce matin ?

- Root…

- Je suis dans une super maison, quelqu'un de merveilleux m'a gentiment préparé un repas comme je les aime, tu as gagné la course hier, je vais aller me baigner en charmante compagnie et pour couronner le tout la charmante compagnie et le quelqu'un de merveilleux, c'est toi. Comment veux-tu que je ne sois pas heureuse ?

- T'es débile.

- Tu n'es pas contente d'être avec moi ? Tu n'as pas préparé le repas en pensant à moi ?

- …

- Allez Sam, sois honnête.

- Ouais bon, okay Root.

- Okay quoi ?

- Mais t'es chiante, vraiment.

- Allez, dis le Sameen que tu es contente d'être avec moi.

- Ouais, ben pas si tu me laisses faire n'importe quoi, se renfrogna Shaw.

- Tu parles de cette nuit ?

- Oui.

- Je croyais que tu avais compris que je ne voulais pas en parler.

- J'ai très bien compris Root, que tu ne voulais pas en parler. Par contre, moi, je veux en parler. »

Root se leva, marcha sur Shaw et la prit dans ses bras.

« Mais qu'est-ce que tu fous, râla Shaw en essayant de se dégager

- Non non, Sameen tu restes là, lui dit Root en la retenant. Écoute, ça ne sert à rien de ressasser ça pendant des heures. Ça c'est passé, tu m'as fait peur, tu m'as fait mal et je t'ai fait mal aussi. N'essaye pas de protester c'est vrai. Sam, je suis une adulte, parfois les choses dérapent et puis voilà, on fait avec. Cette nuit, j'aurais pu te taser, te descendre comme tu me reproches certainement de ne pas l'avoir fait. Et ça nous aurait menées où ? Nulle part. À une impasse. Je ne veux pas arriver à une impasse avec toi. Je veux aller plus loin, tant pis si quelquefois je me prends des coups, ça m'est égal. Je t'ai perdue neuf mois, Sameen. Chaque jour j'ai souffert de ton absence. Maintenant que je t'ai retrouvée rien ne me fera renoncer à toi, personne ne me sépara plus de toi, et certainement pas toi. »

Shaw ployait sous les mots, sous tout ce qu'ils sous-entendaient.

« Regarde-moi Sameen.

- Ne le dis pas, supplia Shaw, s'il te plaît, pas maintenant. »

Root relâcha Shaw, celle-ci avait besoin de souffler et de regagner de l'espace, elle ne voulait pas la pousser dans ses retranchements. Elle savait qu'elle avait été un peu trop loin, elle avait lu dans son regard, dans l'attitude que son corps avait pris, que Shaw s'était sentie acculée, incapable de trouver une réponse adéquate aux déclarations de Root.

« Bon alors ton brunch ? On le mange ou pas ? martela Root en cadence, regagnant sa place à table.

- On le mange.

- Alors, viens à table Sam. »

Le repas fut parfait, Shaw mangea des œufs, une entrecôte qu'elle avait fait cuire au grill et partagea avec Root, le riz et la salade. Le riz était excellent et Root se promit d'en demander la recette à Shaw. Et quand Shaw lui servit son poisson, Root jugea définitivement ses talents de cuisinière dignes d'éloges et Root savait de quoi elle parlait. Ce n'était pas seulement la cuisson qui était parfaite, juste à l'arrête, mais l'assaisonnement aussi.

« C'est vraiment bon Sam.

- Mouais, mais je n'ai pas trouvé toutes les épices que je cherchais. C'est pas super. Je te préparerai un vrai repas une fois.

- Tu ferais ça ? s'étonna Root.

- Ouais pourquoi pas ? Au moins les séances de tortures que ma mère m'a infligées serviront à quelque chose. »

C'était la deuxième fois en moins d'une heure que Shaw lui parlait de sa mère, Root exultait, mais se garda bien de faire la moindre réflexion.

Le repas terminé, Root aida Shaw à ranger. Puis la prévint hilare qu'elle avait une surprise pour elle. Elle s'éclipsa deux minutes et revint avec des maillots de bain dans les mains.

« Regarde ce que j'ai trouvé. Ton Mark est vraiment un homme extraordinaire. Celui-ci est pour moi et celui-là pour toi. »

Root présenta fièrement les deux maillots. Des deux pièces, l'un imprimé à dominante noire, celui évidemment destiné à Root et un autre blanc à attaches dorées.

« Tu rêves Root, je ne vais pas mettre ça.

- Pourquoi, demanda innocemment Root, le blanc se mariera très bien avec ton teint de peau et il est vraiment sexy, tu vas être superbe là-dedans.

- C'est hors de question.

- Sam, l'implora Root séductrice.

- Jamais.

- Il n'y aura que moi sur cette plage.

- Justement.

- Tu préfères te baigner toute nue ? J'avoue que je trouve l'idée… plaisante.

- Tu iras te baigner sans moi, décréta soudain Shaw.

- Non, non, Sam, s'il te plaît, je plaisante, vas-y comme tu veux. Je ne veux pas y aller toute seule. »

Shaw lui adressa une grimace de victoire. Elle se contenta d'enfiler un maillot-shorty de garçon et garda sa brassière de sport.

« Tu sais que tu es aussi sexy comme ça ? ne put s'empêcher de remarquer Root le regard appréciateur en sortant de la salle de bain. »

Shaw leva les yeux au ciel, Root rayonna.

« Ça t'amuse hein ?

- Tu ne peux savoir à quel point. »

Root ramassa un sac qu'elle avait préparé pendant que Shaw s'occupait du brunch et elles descendirent à la plage en contrebas de la propriété. L'eau était claire, Root testa la température d'un pied prudent. Elle était fraîche et elle rentra doucement dans l'eau. Puis elle plongea et réapparue quelques mètres plus loin. Elle se retourna, Shaw se tenait toujours sur la berge. Root re-disparut et se mit à nager dès qu'elle refit surface. Elle glissait avec aisance dans l'eau. Shaw se jeta à l'eau et crawla puissamment pour la rejoindre. Elles nagèrent côte à côte vers le large pendant presque une heure. Sans vraiment se consulter, elles se mesurèrent l'une à l'autre. Root avait la grâce d'une sirène, Shaw s'apparentait plutôt à une nageuse de compétition, mais aucune n'eut vraiment le dessus sur l'autre. Root sentait que Shaw la surveillait du coin de l'œil. Si elle estima qu'elles étaient allées trop loin et qu'elle s'inquiétait de l'état physique de Root, elle ne fit cependant aucune remarque et la laissa nager aussi loin qu'elle le désirait, sans jamais émettre aucune mise en garde. Shaw de toute façon savait qu'elle pourrait ramener Root si elle faiblissait. Les eaux du lac étaient calmes, il n'y avait pas de courant et le temps était clément. Root avait besoin de se détendre et nager était exactement l'activité qui lui convenait. Qui leur convenait. Elles retouchèrent la rive un peu plus de deux heures après s'être mises à l'eau. Root frissonnait et elles remontèrent à la villa.

Dans le salon elles trouvèrent les sacs qu'elles avaient laissés à l'hôtel. Une enveloppe sur laquelle était inscrit à la main « Sameen » était posée dessus. Shaw suspicieuse l'ouvrit, elle contenait une lettre rédigée par Mark. Il s'excusait de s'être permis d'avoir touché à leur affaires, mais expliquait qu'il avait pensé qu'elles préféreraient avoir leurs sacs avec elles plutôt qu'abandonnés dans une chambre d'hôtel. Il lui assurait ne pas s'être montré curieux et d'avoir juste ramassé tout ce qui leur appartenait dans les chambres, qu'il avait réglé leur note, et prévenu le personnel que le camion sur le parking resterait encore un jour ou deux avant que ses propriétaires ne viennent le récupérer et qu'ils avaient intérêt à ce qu'il soit toujours là à leur retour, et en bon état. Il l'assurait enfin de ses meilleurs sentiments, lui réitérait son admiration et ses félicitations pour avoir gagné la course et qu'elles étaient invitées à rester aussi longtemps qu'elles le désiraient chez lui, qu'elles étaient les bienvenues et qu'il restait son dévoué serviteur. Il lui donnait son numéro de téléphone et l'encourageait à l'appeler si elle avait besoin de ses services et surtout, la suite était soulignée, de l'appeler avant de partir. Il voulait lui dire au revoir avant qu'elle ne s'en aille.

Elle replia la lettre et la glissa dans son sac.

« Mark Hendricks t'aime beaucoup, observa Root qui avait lu la lettre par-dessus l'épaule de Shaw. Il faudra que tu me racontes comment tu l'as connu un jour.

- Mouais un jour peut-être, accepta Shaw. Tu as froid Root, va prendre une douche, mais ne règle pas l'eau trop chaude.

- Tu veux rester ici, Sam ?

- Si on n'a rien à faire de mieux pourquoi pas. Tu n'as pas eu de nouvelles d'Harold ?

- Non, et il m'appellerait s'il y avait un problème, lui ou John.

- Et La Machine ?

- Silence radio.

- Ça me soûlerait de rester un mois, mais un jour ou deux pourquoi pas. Le frigo est plein, à la rigueur on peut refaire des courses, il y a le lac, c'est tranquille. Qu'est-ce que tu en penses ?

- Je pense que je suis d'accord avec toi Sameen. »

Root pensait surtout que ce voyage à Cleveland avait été une idée de génie. Le temps les rattraperait et le combat reprendrait. Samaritain infiltrait toutes strates de la société, il était la bête de l'Apocalypse, sauf que les archanges et les légions angéliques avaient abandonné l'humanité et ne viendraient jamais le combattre et le terrasser comme dans le texte prophétique de Saint Jean. En travers de son chemin ne se dressait que leur petite équipe, plus quelques éléments isolés qui finissaient toujours dans un cercueil et leur seul atout résidait dans L'enfant-Dieu. Mais Harold refusait de l'émanciper et Root désespérait de le convaincre d'enfin donner une chance à son enfant de grandir, de lui faire confiance. Elle regarda Shaw. Peut-être pourrait-elle l'aider à convaincre Harold. Il avait curieusement toujours attentivement écouté Shaw quand elle lui avait donné un avis, qu'il le lui ait demandé ou pas. Shaw se méfiait de La Machine et feignait souvent d'ignorer son existence, mais Root l'avait vu heureusement coopérer avec elle ces deux derniers jours. Root se sentait parfois très seule. Elle avait besoin de Shaw, pas seulement qu'elle soit présente à ses côtés et de son affection, mais aussi de sa force, de sa pugnacité, de sa capacité à s'engager à 100% dans la lutte. De son soutien. Elle plongea son regard dans les yeux de Shaw. Les yeux de celle-ci brillèrent et Root vit le cœur battant, un sourire heureux fleurir sur ses lèvres. Root reprit soudain confiance dans l'avenir. Ensemble avec l'aide de John, de La Machine, d'Harold même malgré lui, avec tous ceux qui voudraient se ranger à leurs côtés, elles supprimeraient Samaritain et enverraient ad patres tous les sbires qu'il enverrait pour les arrêter. Si elles restaient toutes les deux ensemble rien ne pourrait jamais les arrêter.