Londres, Angleterre, le 21 décembre 1991, 12h00.
Bibliothèque « British Library ».
Midi venait de sonner à l’église et le soleil réchauffait la rue gelée qui fourmillait de monde. Dans cette masse pressée, Nicholas, dont les cheveux bruns mi-longs aux reflets violacés rythmaient sa marche, ne se formalisait pas des commentaires outrés des passants qui le bousculaient de temps à autre, alors qu’il progressait à contre-courant. Il marchait à son rythme, mains dans les poches, furetant à droite et à gauche. Tandis que des hommes d’affaires regardaient leur montre vissée à leur poignet et espéraient que le temps se soit figé, lui, il bâillait. Les vacances d’hiver venaient de débuter. Et il avait ressenti le besoin de sortir et d’errer au grès de ses pas. Certes, il avait du travail qui l’attendait chez lui. Mais il aimait flâner et traîner dans les rues de Londres jusqu’à ce que sa conscience professionnelle revienne le chatouiller. Il s’agissait de sa routine quotidienne qu’il ne changerait pour rien au monde.
Comme à son habitude, Nicholas s’arrêta net en plein milieu d’une ruelle trop fréquentée. Et, ignorant les grondements que son geste attira, il leva les yeux vers le ciel et se mit à sourire en le fixant. Son regard bleu sombre, caché derrière une paire de lunettes à la monture argentée et rafistolée avec du scotch au niveau de la branche droite, s’attarda sur sa contemplation. Le ciel était magnifique. Il était habillé de ce bleu hivernal dénué de toute chaleur. Le soleil l’accompagnait de son rayonnement tout en laissant, cependant, les pleins droits à l’hiver. L’égyptologue aimait cette période de l’année. Une brise vint saluer sa pensée, faisant ainsi virevolter ses cheveux. Le froid fut saisissant. Pourtant, cette sensation avait quelque chose d’agréable pour lui. Fermant les yeux un court instant, il fut ramené à la réalité par un inconnu beaucoup trop agacé. Il l’avait bousculé si fort, qu’il avait manqué de tomber. Soupirant, il secoua la tête et se remit en marche. Il était temps pour lui de se remettre au travail. Néanmoins, au lieu de rentrer chez lui, il prit la direction de la bibliothèque.
Nicholas devait s’y rendre pour y faire des recherches. Il avait pris l’habitude d’y aller deux fois par semaine. Encore une routine dans son emploi du temps complètement désorganisé qu’il adorait respecter. Relevant le col de son long manteau noir, rapiécé aux coudes avec un morceau de tissus au motif écossais gris et blanc, il s’engagea dans la première rue à sa gauche.
Nicholas connaissait le chemin par cœur. Il laissa donc son instinct le guider alors qu’il plongeait dans ses pensées, se remettant à jour dans ses réflexions. Il avait de nombreuses hypothèses qui se bousculaient dans la tête. Certaines étaient farfelues, tandis que d’autres étaient plus réfléchies. Cependant, toutes concernaient un seul objectif, une chose unique : le livre qui lui avait coûté sa place sur le terrain, le journal intime de Getseth. C’était pour cela qu’il avait pour obligation de faire des recherches. Il avait besoin de renseignements. Il devait fouiller dans de nombreuses archives afin d’évaluer le bien-fondé de ses théories. Ainsi, il pourrait les affirmer ou les réfuter. Cela laissait présager encore de nombreuses heures de travail.
Loin d’être découragé par ce qui l'attendait, il releva de nouveau la tête, afin de lire l’heure sur l'horloge de l'église. Il était midi quinze. L’égyptologue fut surpris de voir le temps filer aussi vite. Il n’avait pas rêvassé si longtemps, tout de même ? Il secoua la tête pour se répondre.
« On ne rêvasse jamais assez ! »
Une pensée qu’il aurait aimé confirmer en se laissant aller encore un peu à ses spéculations. Cependant, il décida d’accélérer le pas. S’il ne se dépêchait pas, il serait obligé de prendre place parmi les étudiants qui révisaient pour leurs examens d’entrée. À cette pensée, il pressa davantage le pas, plus déterminé que jamais. Il ne décéléra que lorsqu’il se retrouva devant un bâtiment au style assez ancien. Il lui avait fallu à peine un quart d’heure, selon le son du clocher qui sonnait la demi-heure. Nicholas fut assez fier de lui. Il venait de battre son propre record de marche. Sybell n’allait jamais le croire. Il gloussa silencieusement en imaginant la tête de sa sœur aînée avant de se ressaisir. Ce n’était ni le moment ni le lieu pour s’abandonner à rire. Aussi, il monta les quelques marches qui le séparaient de l’entrée et s'engouffra dans la bibliothèque avec le sourire.
À peine pénétra-t-il dans les lieux, qu’il retrouva immédiatement ses habitudes. Il se dirigea droit vers une table au fond de la pièce principale. Il retira son manteau qu’il posa sur la chaise. Il avait de la chance, il n’y avait pas un chat. Pas même un étudiant qui faisait un excès de zèle en venant travailler dès le matin pour ne quitter les lieux que le soir. Il comptait bien profiter de ce temps de solitude pour approfondir sérieusement ses recherches. Satisfait de cette constatation, il attrapa ensuite son mouchoir dans une des poches de son pantalon en daim marron pour essuyer ses lunettes. L’inconvénient de passer du froid au chaud était que la condensation s’appropriait immédiatement ses verres. Une fois ce bref nettoyage terminé, il se dirigea enfin vers les rayons qu’il convoitait.
Fixant la pendule des lieux, il calcula qu’il avait entre une heure et une heure et demie de répit avant que la pièce soit investie par des jeunes trop dynamiques pour ses recherches. Souriant à cette pensée, il se revit à la place des étudiants, débattant avec des amis tout en oubliant les personnes autour d'eux, qui travaillaient ou lisaient, réclamant du silence et de la concentration. Il lui fallut un certain temps pour revenir à la réalité et réaliser qu’il venait perdre cinq minutes à rêver. L’égyptologue haussa les épaules devant ce constat. Ce n’était pas à son âge qu’il allait changer. Il se contenta de remettre ses bretelles marron clair, presque jaunes, en place. Ensuite, il chercha tout simplement dans les rayons « Histoire » et « Mythologies égyptiennes » les ouvrages qui l’intéressaient. Il prit ainsi trois livres qui lui semblaient concrets et retourna s’asseoir.
Nicholas prit un instant pour vérifier qu’il était bien seul. Puis, naturellement, il sortit de sa chemise blanche : un stylo à bille. Et de son manteau, de la poche intérieure : un petit carnet. Il le couva un petit moment du regard. Cet objet était la preuve qu’il n’était pas fou. Il était l’élément qui démontrait qu’il avait raison et que ce journal n’est pas une ineptie. Il était son obsession et il le savait.
L’égyptologue l’ouvrit et commença à relire ses dernières notes avec sérieux. Il tiquait sur deux mots qui le laissaient perplexe : « Xrd » et « grH ». Il connaissait leurs significations et ce que le texte voulait signifier dans l’ensemble. Mais il ne saisissait pas le contexte. Pourquoi un scribe de l’Égypte Antique relatait des faits mettant en scène des enfants de la nuit, des vampires ? Il n’arrivait pas à en saisir la raison. Était-ce une sorte de délire tiré d’un songe ? La partie juste avant les hiéroglyphes « enfant » et « nuit » était effacée. Il ne pouvait donc que spéculer sur ces mots. Pourtant, cela le troublait réellement. Comme cela avait suffisamment dû effrayer le pauvre Getseth pour qu’il prenne la peine de l’inscrire dans son journal.
Perplexe, il ouvrit le premier ouvrage qu’il venait de récupérer et chercha immédiatement le passage qui l’intriguait : le mythe qui entourait Sekhmet, la déesse à tête de lionne. Il commença à griffonner certaines choses pouvant l’intéresser. Ainsi, il nota l’appétit de la déesse pour le sang et sa perte de contrôle lors d’une expédition punitive ordonnée par le dieu Râ. Puis, il passa sur un autre ouvrage qui relatait les rites funéraires chez les Grecs. Il nota ainsi que, en Grèce Antique, les hommes redoutaient le fait de ne pas être enterrés par leur famille. Ils pensaient qu’être en terre n’était pas une mort définitive et que les âmes, attirées par le sang, revenaient chercher leur dû. Pour eux, seul le rite de l’incinération pouvait leur accorder le repos éternel. Nicholas songea que, même si les époques et les cultures différaient, il ne pouvait nier que l’attirance pour le sang était une chose crainte.
Il venait juste de finir d’ajouter tous les détails nécessaires à son étude quand il fut interpellé. Il sursauta de surprise, mais surtout de peur. Son sang ne fit qu’un tour et il crut le temps d’un instant que son cœur allait cesser de battre. L’égyptologue était tellement concentré sur les mythes concernant le sang qu’il ne lui en avait fallu pas plus pour l’effrayer. Il se pensait seul, mais il avait oublié qu’une autre personne hantait les lieux : la bibliothécaire. Il se permit de lâcher un soupir de soulagement quand il se remémora ce détail. Puis, comme si de rien n’était – il ne tenait pas à se ridiculiser davantage –, il leva les yeux vers la jeune femme. Il lui offrit son plus beau sourire – tout du moins, l'espérait-il – et il attendit de connaître la raison de cette interruption.
— Désolée de vous déranger, Professeur Willys, mais un homme vous demande au téléphone.
Nicholas fronça les sourcils. Il était surpris que quelqu’un l’appelle ici. Il n’avait prévenu personne qu’il se rendait à la bibliothèque aujourd’hui.
— Il dit qu’il est au Caire et qu’il a quelque chose d’important à vous dire…
La jeune femme avait continué de parler, sans se formaliser de l’expression de Nicholas. Elle restait statique, attendant simplement une réaction de son vis-à-vis. Le spécialiste la regarda un instant, encore sous le coup de la stupéfaction, avant de finalement réagir et comprendre qu’elle attendait une réponse de sa part.
— Du Caire ? Hm…
Il rajusta ses lunettes, puis se leva.
— Je vous suis !
À ces mots, il ferma le livre qu’il étudiait, puis il saisit sa veste ainsi que son carnet qu’il rangea immédiatement en sécurité. Il glissa en même temps son stylo. Il était prêt.
— Bien, Professeur…
Sans plus attendre, la jeune femme regagna son comptoir. Il ne prit pas la peine de ranger les livres qu’il avait sortis. Il savait qu’il reviendrait à sa table de travail après son appel mystérieux. Il n’avait pas fini ce qu’il était en train de faire. Arrivé au comptoir, il se saisit du téléphone, toujours aussi intrigué. Le combiné à l’oreille et se demandant qui pouvait bien l’appeler, il prit une inspiration avant de parler. Nicholas avait très peu de contacts qui prenaient encore le temps de lui téléphoner. Et il en avait encore moins qui le connaissait suffisamment bien pour savoir où le trouver s’il n’était pas chez lui. Le jour où il avait perdu le journal d’un scribe assigné au pharaon Khéops – tout du moins, le jour où il avait fait croire à cette perte –, sa réputation avait volé en éclats et la plupart de ses amis l’avaient banni. Il n’était plus le bienvenu sur des sites de fouilles et il était évité comme la peste. Il ne regrettait rien. Mais, du coup, quand il recevait ce genre d’appel, il ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter.
— Willys, j’écoute…
Il se sentait tendu et nerveux. Il ne savait pas à quoi s’attendre.
— Nicholas ? Enfin !
La voix familière qui résonna derrière le combiné fit sursauter l’égyptologue. Il sentit un poids s’effacer de son cœur et lâcha un soupir de soulagement. Il se sentit idiot d’avoir paniqué pour rien, à présent.
— Kent ?
Il fallait qu’il soit certain de ne pas halluciner. Puis, il réalisa le ton empressé de son ami.
— Tu as un problème ? Pourquoi me cherchais-tu ?
Là, le poids revenait se caler dans sa poitrine, accompagné d'un bon millier d’idées dont aucune n’était positive. La panique ne tarda pas à le rejoindre.
— Nico, ne me coupe pas… J’ai peu de temps.
Bon, là, il était plus que paniqué : il était terrifié.
— D’accord…
En même temps, ce n’est pas comme s’il avait le choix.
— Nous avons fait une découverte.
— Une autre découverte ?
— Nico…
— Désolé… Continue !
— Une autre pièce dans la tombe de ton « tu sais quoi ».
Nicholas ne put s’empêcher d’arquer à nouveau un sourcil. Il connaissait le « tu sais quoi » et Kent était la seule autre personne à le connaître. Il l’avait aidé à le « perdre » pour le mettre en sécurité… Chez lui.
— Il y avait des inscriptions avec la même cartouche en guise de signature pour... enfin, « tu sais quoi ». Je suis certain qu’il s’agit du même auteur pour les deux cas. Je ne pouvais pas faire de photos. Ça aurait paru trop suspect. J’ai préféré jouer la carte du curieux et j’ai demandé à prendre quelques carbones pour les traduire au calme, à mon bureau. J’ai malencontreusement abîmé les pauvres inscriptions en réalisant cette tâche.
Kent fit une pause significative, afin de bien appuyer le « malencontreusement », ce qui permis à Nicholas d’assimiler ce que venait de dire son ami et ancien collègue. Il existait d’autres écrits de Getseth ? Ce n’était pas logique. D’après ce qu’il avait pu lire, le scribe du pharaon Khéops était quelqu’un de prudent, secret et discret. Sa panique passa pour devenir de la curiosité. Si son allié de l’ombre ne se trompait pas, il lui avait transmis une autre pièce du puzzle.
— Et je t’ai envoyé les carbones avec autre chose dans un colis.
Kent avait repris la parole, n’ayant pas obtenu de réaction. Certes, il avait dit à son ami de ne pas le couper, mais son silence voulait dire qu’il l’autorisait à le faire maintenant.
— Un colis ?
Kent avait obtenu enfin une réaction. Nicholas n’avait pas pu résister. Son ami venait d’attiser sa curiosité et il devait savoir de quoi il parlait.
— Oui ! Mais je ne peux pas t’en dire plus. Il se passe de drôles de choses, en ce moment au Caire. Des morts douteuses…
Le ton était clairement inquiet. Nicholas en oublia l’idée qu’il allait recevoir du courrier – ou plutôt un colis – pour mieux se reconcentrer sur la conversation. Il allait d’ailleurs demander de plus amples informations, quand son ami changea radicalement de conversation pour raconter n’importe quoi.
— Alors ? Comment vont les enfants et ma sœur ? Les gosses étudient bien ? Ah ? Vraiment ? Bon, je te dis au revoir. Je dois y retourner. Passe le bonjour à la famille !
— Hein ?
C’est tout ce que Nicholas avait trouvé à dire, en entendant les propos sans queue ni tête de Kent. Puis, la communication fut coupée. L’égyptologue mit un certain temps pour comprendre que son ami ne pouvait pas plus lui parler. Il ne devait plus être seul. Cependant, quand il imagina la cause, son front se fronça en même temps que les paroles de ce dernier lui revinrent à l’esprit : « Il se passe de drôles de choses, en ce moment au Caire. Des morts douteuses… ». Un frisson de crainte lui parcourut l'échine et il reposa le combiné.
Devant le regard curieux – mais perplexe – de la bibliothécaire, Nicholas se contenta de hausser les épaules.
— La liaison était mauvaise. Nous avons été coupés…
Il se dirigea vers sa table de travail sans rien ajouter de plus. Il attrapa les livres encore éparpillés pour tout bonnement les ranger à leur place. Il n’avait plus l’esprit à faire des recherches. Il regagna la sortie, le front ridé par ses inquiétudes. Ce que lui avait dit Kent le préoccupait… Il enfila son manteau, puis il ajusta son col avant de glisser ses mains dans ses poches. Il venait de pénétrer dans le froid. Un vent gelé lui fouetta le visage. Il fut parcouru de frissons, mais il ne s’en formalisa pas. Il se contenta de prendre la direction de son domicile, ignorant simplement ce refroidissement qui était loin de ses préoccupations. Il était pressé de rentrer. Il ne savait pas quand son ami lui avait envoyé son paquet, mais peut-être que ce dernier l’attendait chez lui.
Londres, Angleterre, le 21 décembre 1991, 21h05.
Ruelle « Court Street E1 ».
La nuit était tombée depuis déjà deux heures sur Londres. Un épais brouillard s’était installé avec elle, empêchant toute visibilité au-delà de quelques mètres. Avec lui, l’humidité commençait à envahir les rues, ainsi qu’un froid inconfortable et pénétrant, tel un manteau sombre et glacé, presque angoissant, qui repliait ses ailes sur la ville. Les habitants avaient fui, préférant se réfugier dans leur foyer douillet et chaud. Pourtant, il demeurait toujours des intrépides pour défier les éléments sans la moindre crainte. C’était tout du moins le cas jusqu’au début des crimes étranges qui terrorisaient la population. À présent, le nombre de courageux avait fortement diminué.
Une ombre sauta du haut du toit d’un petit immeuble de deux étages. La cape noire qu’elle portait dans le dos volait doucement au vent. Lorsqu’elle arriva au sol, un genou posé à terre, le vêtement se rabattit sur son corps. L’obscurité de la ruelle qu’elle venait d’atteindre ne permettait pas de voir son visage. Cependant, les prunelles de ses yeux semblaient briller d’une lueur presque animale. L’ombre fit quelques pas, puis s’arrêta brusquement. Elle glissa une main sur un mur avant d’approcher ses doigts de son visage.
— Hum… Il est passé par là…
Dans un murmure, elle reprit sa route. Elle pistait sa cible sans lui laisser un seul instant de répit. Préférant les toits aux rues, avec agilité, elle en rejoignit un. Elle sauta ensuite de maison en maison. C’était facile de se mouvoir ainsi à Londres. Le terrain semblait avoir été étudié pour cela. Elle le ressentait surtout dans le vieux quartier. L’odeur se faisait plus forte au fur et à mesure qu’elle progressait. Elle flairait sa proie. Elle se rapprochait de lui.
Ce soir…
Ce soir, enfin, elle l’aurait.
Ce soir, elle mettrait fin à cette poursuite qui durait depuis des siècles déjà.
Elle en était certaine. Il était temps d’en finir avec ce petit jeu. Continuant son périple, elle arriva à l’endroit où l’odeur se faisait plus forte. S’immobilisant d’un coup, elle tendit l’oreille et se concentra sur le moindre bruit. Que le bruit soit suspect ou non, elle cherchait une indication pour la mettre sur la voie.
Mais rien…
Il n’y avait rien.
Pas un bruit…
Même les animaux nocturnes de la ville faisaient silence. Pas de miaulements de chats sauvages. Pas d’aboiements de chiens. Aucuns bruits d’oiseaux.
Le brouillard semblait s’intensifier, alors que le silence régnait en maître. N’aimant guère cela, l’ombre descendit de son toit. Elle répéta son geste précédant et posa une nouvelle fois sa main sur le mur le plus près d’elle. Elle écouta la pierre lui parler, récoltant l’odeur qui était encore sur elle.
— Ici…
Elle fit un pas, puis un second, continuant de cette façon sa progression. Elle sortit de sa cape un long bâton qu’elle déplia avec habilité, mais sans un bruit. Elle se faisait discrète. Le son de ses pas était imperceptible. Il n’y avait aucun mouvement de ses vêtements. Elle était une ombre parmi les ombres de la nuit. La ruelle où deux lampadaires brillaient avec mal, grésillant à chaque pas qu’elle faisait, semblait dépourvue d’êtres vivants. Tendant l’oreille, elle cherchait la raison de la présence de sa cible en ces lieux. Mais elle ne trouva rien. Elle lâcha un léger grognement. Elle savait à présent qu’elle était arrivée trop tard. Sa proie avait déjà quitté les lieux.
L’ombre s’apprêta à faire demi-tour quand une odeur lui chatouilla le nez. Il y avait du sang, et en grosse quantité. Elle fut immédiatement attirée. Elle tourna sur elle-même avant de se diriger instinctivement vers la provenance de l’effluve. Elle tapa son bâton sur le sol pour trouver et rencontrer avec ce geste l’objet de ses désirs. Elle savait que là, à ses pieds, gisait un corps sans vie. L’ombre chasseresse s’abaissa afin de vérifier si la victime était bel et bien décédée. Il ne lui fallut qu’un toucher rapide pour en être certaine. Le cou du mort n’était plus qu’un trou béant. Elle se redressa, laissant sa colère l’envahir. Ses yeux s’assombrirent et une aura meurtrière l’enveloppa. Elle avait encore échoué.
Néanmoins, elle se ressaisit vite. Elle n’avait pas le temps de laisser place à ses sentiments. Elle huma l’air, cherchant un indice quelconque. Cela ne la conduisit à rien, mis à part ouvrir davantage son appétit. Le cadavre devenait trop tentant, elle devait partir.
— Demain…
Oui, demain, elle retenterait une nouvelle fois de le capturer. En attendant, elle devait rentrer. L’ombre referma sa cape sur elle, tout en rangeant son bâton en dessous de cette dernière. Elle ne se soucia pas du fait qu’elle ait pu laisser des traces. Elle savait que c’était impossible. Sa nature et celle de sa cible n’étaient pas identifiables. C’était pourquoi elle devait se charger elle-même de sa proie. Aussi, elle repartit dans le brouillard, s’éloignant de la scène du crime sans même jeter un dernier regard à la pauvre victime. Cela ne lui plaisait pas, mais avait-elle le choix ? Elle était habituée à ce que la cible lui file toujours au dernier moment entre les doigts.
C’était leur jeu…
Ce jeu qu’elle avait haï dès le premier jour.
Néanmoins, elle comptait bien rompre cette habitude, et ce, de manière définitive. Il était grandement temps d’y arriver. Ses crimes devenaient de plus en plus sanglants et, bientôt, Londres allait retomber dans une période de troubles. Et s’il y avait cent ans de cela, la ville avait pu se relever, à présent, elle n’en était pas certaine. Un pressentiment lui sciait l’esprit depuis presque quatre mois, provocant chez elle visions et cauchemars.
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