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Alexeï se tourne vers moi et à son regard, semblable aux tourmalines bleu et vert, je comprends qu'il s'apprête à se confier. C'est donc tout naturellement que je lui prête une oreille attentive.

"Je suis ce que l'on appelle dans le milieu, un agent dormant. Je vis en France, où plutôt dans la Nouvelle Europe, depuis quelques années, trois ans tout au plus. Mais avant cela, j'étais un mercenaire et ex-militaire russe travaillant, là aussi, pour le gouvernement mais en interne. Mes missions étaient simples, bien moins fantasques que la dernière dont on m'a affublé. Mais hormis ce petit aparté, j'étais militaire, un tireur d'élite, me confie-t-il dans un parfait français. J'étais bon, excellent même, c'est ainsi que je suis parvenu à attirer l'attention d'hommes puissants."

Je suis intrigué par son histoire, elle me donne envie d'en apprendre plus quant à son passé. Mais je sens qu'il n'est pas encore près d'en parler. Son regard s'assombrit et se perd quelques instants dans le vague. Il reprend :

"Mais bien avant ce... tumultueux passé... J'étais une toute autre personne. Bien différente de celle que tu connais aujourd'hui, m’indique-t-il de son charmant accent. Je vivais à Dimitrovgrad, une ville non loin de l'oblast d'Oulianovsk, au nord des steppes de Centre Europe. Une petite ville où il fait bon vivre... Ma mère était une talentueuse cuisinière, elle tenait un restaurant. Mon père, lui, était militaire. Un Colonel, mort en plein exercice de ses fonctions lors du génocide survenu dans l'Ancienne Europe."

Cela explique donc son mépris envers les HGM.

"Il était d'usage dans la famille d'envoyer les hommes faire leur service. Dès quatorze ans, j'ai eu droit à une préformation. Ma mère était triste... car cela signifiait que je devais quitter la dom."

Je peux entrevoir une lueur de mélancolie dans son si jolie regard et, étrangement, je me sens emprunte du même sentiment. J'observe à mon tour l'horizon lointain, tellement sombre bien que parsemé de milliers d'étoiles. Je sens alors son regard sur ma personne, mais je ne détourne nullement le mien. Il semble me dévisager longuement, minutieusement, sûrement se pose-t-il beaucoup de questions à mon sujet. Sa voix déchire alors l'agréable silence qui s'est instauré :

"Comment t'appelles-tu ?

- Me promets-tu de ne pas te moquer de moi ?"le questionné-je en retour.

Je mordille doucement ma lèvre inférieure, sur le qui-vive, inquiète quant à sa réaction lorsqu'il apprendra mon nom de baptême. Je cesse d'admirer ce plaisant spectacle pour le fixer à mon tour.

Il semble sincèrement surpris par ma question, mais cela ne l'empêche pas de me répondre par l'affirmative. Néanmoins... le fait est que j'hésite. Je pèse le pour et le contre, un débat se forme alors dans ma tête : dois-je le lui confier ?

Non, la principale question est : est-ce que je lui fais suffisamment confiance pour lui confier une information d'une telle envergure ?

La réponse est évidente.

"Fort bien... Alexeï... je... je m'appelle..."

Je soupire longuement, je me sens un tantinet nerveuse. Je reprends :

"Fleure.", sussuré-je d'une voix timide, en un souffle.

Les prunelles de mon vis-à-vis semblent alors chatoyer d'une lueur qui m'était jusqu'alors inconnue. Il me regarde avec candeur et il me sourit avec tendresse. Je sens mes joues s'échauffer très légèrement et, suite à cela, je ne peux que détourner le regard.

"C'est un très jolie prénom, Fleure. Tsvetok, en Russe, mais c'est moins gracieux." me livre-t-il de son agréable accent russe.

Pour la première fois depuis bien longtemps, mes lèvres s'étirent en un joyeux sourire et mes yeux pétillent d'espoir.

"Je me demandais, qui étais-tu avant d'être une Humaine Génétiquement Modifiée ?" m'interroge-t-il en retrouvant son sérieux.