Nue, face à ce long miroir accolé contre le mur de la salle de bain, j’observe ma nouvelle tête : ma nouvelle coiffure me créée un visage différent. En effet, ma chevelure courte, plaquée vers l'arrière à l'aide de cire, fait ressortir mes pommettes creuses et ne rend mon regard d'acier que d'autant plus perçant. Ma couleur naturelle est le roux mais, désormais, je me retrouve avec une magnifique couleur noire. Un noir profond, intense, autant que l’est mon histoire.
Une larme dévale l'une de mes joues : je me souviens encore du craquement de mes os lorsqu'ils me les broyaient. Je me souviens encore de la douleur ressentie lorsqu'ils m'arrachaient des parcelles de peaux.
Je me souviens de bien des choses.
Ces souvenirs me hantent et me brisent chaque jour un peu plus.
La douleur est physique et psychologique.
Scarifications, tentatives de suicide à l'aide de fortes doses de médicaments, drogues et alcools... Rien n'y a fait.
Ce corps est devenu bien trop fort, paradoxalement à mon esprit faible.
Je suis un diamant dont le clivage est devenu bien trop aisé.
Je regarde mes mains avec perplexité. Ce n’est pas moi.
Je commence à gratter mon avant-bras, jusqu’à en arracher la peau, jusqu’à ce que du sang s’en écoule. Je suis hypnotisée par ce spectacle sanguinolant. La douleur est presque absente, mon seuil de tolérance à celle-ci étant très élevé.
Au final, il ne s’agit là que d’une blessure superficielle. Je guéris vite, très vite. Il ne me faut pas plus d’une dizaine de minutes pour recouvrer un avant-bras dénué de quelconques blessures. Une peau parfaite, blanche et sans imperfection.
"NARCISSE ! Vas-tu finir par sortir de cette salle de bain ?!" tonne la voix d'Antoine. Cela me fait sursauter. Mon cœur palpite de nouveau.
Enfoiré.
Mes deux compères et moi traversons un couloir dénué de couleur, seul le blanc domine ainsi que l’odeur de javel.
De plus, aucune porte ne possède de serrure ou de poignée : il suffit de glisser un badge contre un petit boîtier noir placé à côté. C’est un mécanisme simple et discret.
Nous nous trouvons actuellement dans une base militaire proche de l'hôtel dans lequel nous séjournons. Ne portant pas l’uniforme, nous attirons l’attention des rares personnes que nous croisons,
"Vous savez qu'en France, les armes à feu sont classées en quatre catégories, et ce en fonction du nombre de répétition du tir et de coups tirés. Elles vont de A à D et, pour chacune d'entre elles, il faut faire diverses démarches auprès de l'administration et autres futilités du même gabarit afin d'en acquérir. Bien évidemment, nous sommes exempts de cette ennuyante paperasse ! Je peux nous en avoir de n'importe quel type. N'est-ce pas fantastique ?" nous confie Antoine, excité.
Cet homme ne tient jamais en place. Il est un enfant dans un corps d’adulte.
Il nous invite à entrer dans une grande pièce dont la multitude d'armes blanches et d'armes à feu entreposées apportent une touche colorée à l'ensemble.
Mes prunelles s'avèrent être attirées par un magnifique Colt Python 357 Magnum et, de toute évidence, de 4 pouces si j'en crois la taille de la bête. Cliché, certes ! Mais bon sang, ça a du punch !
Alexeï observe consciencieusement les diverses armes blanches, bien plus pratiques à cacher lors de notre future mission d'infiltration. Antoine, lui, se permet de me signaler qu'un pistolet 22LR serait bien plus pratique et plus facile d'usage.
"L'arme ne fait pas le tireur, c'est le tireur qui fait l'arme. L'odorat, la vue, le toucher et l'ouïe... Ces outils nous permettent d'affiner la précision du tir. Peu importe le calibre, ces armes sont toutes deux d'excellentes manufactures et faciles à porter lorsque l'on est vêtu d'une robe ample", lui rétorqué-je tout en dardant mon regard d’obsidienne dans ses orbes noisette qui trahissent son étonnement. Après avoir fait notre choix, le génie nous conduit dans une salle bien différente de celle-ci.
Il s'agit d'une salle d'entraînement, spécialement aménagée afin de me faire passer un test d'aptitude physique. Les multiples appareils et câbles installés de façon chaotique lui donnent un air de vieux laboratoire désaffecté. C'est dans ce même genre de laboratoire qu'ils ont effectué leurs expérimentations sur mon corps.
Un désagréable frisson me parcourt suite à ce souvenir.
"Nous savons que le principal défaut des HGM de première génération est leur cœur qui n'est pas suffisamment puissant. Je vais, de ce fait, prendre ta tension puis te demander de courir le plus longtemps possible, à ton rythme, naturellement." entonne le brun, en usant de son tensiomètre.
Je lui obéis.
Ce dernier est affublé d'un air on ne peut plus sérieux, contrastant avec sa ridicule chemise blanche couverte de pissenlits. Je lui en fais, par ailleurs, la remarque :
"Laide. Ta chemise est laide.
- Ma chemise est absolument magnifique ! Monte donc sur le tapis, vile créature."
Après m'avoir installée et avoir programmé la vitesse de l'appareil, il colle des cardiofréquencemètres au-dessus de ma poitrine, censés surveiller mes battements cardiaques.
Je ne sais combien de temps passe avant qu'Alexeï ne m'ordonne de m'arrêter. Je lui obéis, certes, mais pas instantanément. Il me semble qu’après avoir passé la cinquième heure, je n'étais plus vraiment moi-même. Antoine ne me communique pas les résultats, pas plus que le Russe n'en fait de commentaire.
Traîtres !
"Demain, entraînement de tir ! Il nous faut connaître ton véritable niveau, m'explique Alexeï après que nous soyons rentrés à l'hôtel.
- Certes... mh... Alex', prononcé-je avec hésitation, je me demandais si... le fait que je sois un Humain Génétiquement Modifié te révulse toujours autant ?
- En toute honnêteté, oui. Vous êtes des monstres, il est normal que l'on vous euthanasie. Et je regrette de ne pas t'avoir tuée lorsque j'en avais l'occasion." me répond-t-il sans même me regarder. Quel tact !
Je serre les poings, énervée et déçue.
Mais je ne peux lui en vouloir : les HGM de première génération sont les responsables du génocide européen survenu en 2016, l'an dernier. Un dysfonctionnement des puces RFID, avait dit le gouvernement.
Mensonge ! C’était ce qu’ils voulaient. Il s’agissait de leur ordre. Et nous, HGM, étions parfaitement dociles.
Je soupire, alors que nous nous tournons le dos. Je suis face à la porte de "ma" chambre et je me sens comme asthénique... Et je comprends mieux, désormais, pourquoi dans ce gigantesque établissement, nous nous partageons le même appartement : ils me surveillent.
Un soupir las m'échappe avant que je ne m'enferme dans ma chambre. La journée suivante promet d'être longue.
Dans un geste mécanique, je me déshabille entièrement avant de plonger dans les couvertures accueillantes du grand lit au centre de la pièce. Je m'y enroule, en me rendant compte qu'Alexeï a dormi dans ces mêmes draps. Je sens mes joues s'échauffer, en fermant les yeux.
Alexeï... Quelle mystérieuse personne tu fais. J'aimerais percer cette carapace, détruire ce masque qu’il ne cesse de porter. Et je m'endors sur ces presques agréables pensées.
Nous retournons de nouveau dans le complexe militaire de la veille afin d’utiliser les stands de tirs.
Là, le Russe et moi nous voyons contraints de confronter nos capacités de tireurs d'élite, lors de divers challenges posés par Antoine. Ce dernier semble fortement amusé par cette situation des plus extravagantes.
Nous tirons sur diverses cibles, mouvantes ou mobiles, à l'aide de différents types d'armes à feu, tout au long de la journée. Nous sommes doués, lui de par son entraînement militaire régulier en plus du métier qu'il exerce et moi de par les incroyables capacités que je leur dois.
L'ingénieur en profite pour analyser mes yeux lors de la pause goûter, après être retournés dans la salle d'entraînement de la veille : il a besoin des outils de haute technologie y reposant.
Antoine braque une espèce de loupe dotée d'un manche rectangulaire en métal et émettant un étrange rayon coloré sur mes pupilles. Des données s'inscrivent dans un même temps sur le petit écran se trouvant sur le côté de cet appareil, qui me sont l'équivalent d'un véritable charabia.
Encore une fois, il ne pipe mot quant au résultat de ce test. Et je commence à perdre patience.
Il est grand temps pour moi d’agir.
Cette nuit, je m’infiltrerai secrètement dans son bureau.
Petite anecdote : Alexeï et moi avons été déclarés ex æquo.
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