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tome 1, Chapitre 3 tome 1, Chapitre 3

Je regarde fixement ce verre. Ce foutu verre à moitié vide... ou à moitié plein.

Je me suis donc rendue dans un petit bar de quartier, dans le but de boire jusqu'à plus soif. Mais là, maintenant, face à ce verre, je n'en ai plus vraiment le cœur et c'est bien la première fois que cela m'arrive.

Il s'avère que mes pensées ne cessent de revenir à cet énigmatique personnage qu'est l'homme que j'héberge. Il sait ce que je suis... Il connaît mes capacités... et pourtant, je suis toujours là. Je suis toujours en vie.

"Vie"... Le principe même de "vie" m'échappe.

En faisant une rapide introspection, je me rends compte n'avoir jamais réellement vécu. Je n'ai fait que fuir et survivre, ne pouvant rester statique en un même lieu au risque qu’ils me retrouvent.

L'être humain est un animal des plus cruels et sadiques. Et il est l'une des rares espèces à tuer et à torturer par plaisir, que ce soient ses propres congénères ou autres. Ce comportement hostile m'abhorre.

Je souris finement en pensant à la "Georgia Guidestones".

Je pense aux programmes de stérilisations contraintes en Inde.

Je pense au génocide ayant eu lieu au Congo l'an dernier.

Six millions de morts, principalement des femmes et des enfants.

Je pense peut-être trop ?

Je hais les humains. Je les déteste.

Je déteste ce qu'ils ont fait de moi.

Je ne vis plus que dans la paranoïa et la peur qu'ils finissent par me retrouver.

Et cet homme... Cet homme...

Je me revois lui porter secours et je me demande pourquoi j'ai fait cela.

J'aurais dû le laisser crever, il ne mérite pas mon empathie ! Soupirant faiblement en portant le verre à mes lèvres, mon regard cendré croise celui du barman qui me sourit avec indulgence.

“Dure journée, hein ?” entonne-t-il.

T'as pas idée, mon pote.

Je réponds affirmativement par un grognement exaspéré. Il ne cherche pas plus loin, c'est pas ses affaires après tout.

Je passe l'après-midi dans son rade pourri, à ruminer dans mon coin mes bien sombres pensées. Et je n'en ressors pas même éméchée ! Non. Je suis restée sagement assise face à ce verre pas suffisamment rempli.

Dehors, la nuit est déjà tombée et d'épais nuages cachent la lumière de la lune, ne rendant ces ruelles que plus inquiétantes qu'elles ne le sont d'ordinaire. Mais j'aime cette atmosphère angoissante et mystérieuse.

À chaque coin de rue, un homme mal intentionné peut surgir et m'attaquer. Je l'imagine déjà, faible, pathétique, brandissant son couteau, cette futile arme blanche, en pensant m'impressionner. Si pitoyable... que c'en est presque risible.

Et je me vois, d'un geste vivace, agripper son poignet d'une main pour le déposséder de son unique arme de l'autre. Je me vois créer une torsion avec son bras pour le plaquer contre mon buste, glissant sa propre lame sous ma gorge. Je me vois briser sa cheville d'un simple coup de pied, résultant sur un exquis cri de douleur.

Cette scène...

Si seulement elle n'était pas réelle.

Si seulement elle était le simple fruit de mon imagination.

Mais non, ils ont aiguisé mes sens et mon intuition n'en est ressortie que décuplée.

L'assaillant surgit bel et bien avec son pathétique arsenal. Et j'exécute sans le moindre préambule ces gestes rapidement pensés.

De fait, je n'ai aucun mal à le mettre hors d'état de nuire. De me nuire !

J'analyse rapidement les traits de son visage, sa physionomie, et le verdict tombe : une simple raclure comme tant d'autres qui existent en ces bas-fonds.

Ville merdique.

Pays merdique.

Vie merdique.

Rapides et succincts, un simple coup dans la trachée suivi d'un second en plein plexus solaire me permet d'envoyer l'homme valser promptement contre les poubelles, à un mètre de ma position.

Je reprends mon chemin, je ne préfère pas m'attarder. Le bruit a dû attirer l'attention de quelques commères curieuses et avides de nouvelles à colporter.

J'ajuste le col de ma veste en cuir, tout en regardant les fenêtres des immeubles alentours. J'oubliais que l'homme... "Bobby" -surnom temporaire à défaut de connaître sa véritable identité- avait déchiré mon t-shirt fétiche afin d'en dévoiler mon tatouage, 'HGM-01'. L'enfoiré.

C'est donc d'un pas hâtif que je rentre à mon appartement.

Sera-t-il là ? J'espère pas. Je ne veux plus le voir. Je ne veux plus avoir à subir ses paroles haineuses à mon encontre. Je suis un monstre, je le sais et je n'ai pas envie qu'on me le rappelle.

Mais, alors que je m'approche du lieu tant espéré, je remarque une ligne de berline noire stationnée à son pied. Je baisse alors la tête tout en traversant la rue pour me retrouver du côté opposé.

Je marche d'un pas lent, tout en prenant une allure décontractée, dissimulée dans l'ombre et éloignée de toute source lumineuse. Je ne m'arrête qu'à un croisement, afin de pouvoir me cacher de leur vision.

Ensuite, j'observe.

Des hommes en costumes trois pièces entrent et sortent régulièrement de mon immeuble.

Nom de Dieu, m'ont-ils finalement retrouvée ?

Qu'est-il advenu de Bobby ?

Une personne parfaitement normale, confrontée à ce type de situation, fuirait le plus loin et le plus vite possible.

Un héros, quelqu'un de stupide mais pas moins courageux, lui, se mettrait directement en action.

Comme en sautant sur la rambarde du premier étage sur le côté de l'immeuble afin de pouvoir gravir les étages au-dessus, jusqu'à parvenir à mon appartement. Puis, habilement, il neutraliserait dans la plus grande discrétion chaque homme susceptible de lui nuire.

Mais le fait est que je ne suis ni normale, ni une héroïne.

Je me retrouve agenouillée sur le sol, les mains liées et posées contre ma poitrine. Le souffle me manque et je peine à former une pensée un tant soit peu cohérente. Je suis en pleine crise d'angoisse et je ne cesse de me tourmenter : ils m'ont retrouvée. Ils vont me tuer.

Je regarde de nouveau cette rangée de voitures noires. Quel horrible tableau.

Les lumières de l'immeuble sont toutes allumées, sauf celles de mon appartement et sur le coup, ce détail ne me surprend guère, mon esprit est ailleurs.

Je suis impuissante, et cela m'effraie.

Je détourne mes pupilles dilatées à l'extrême pour fixer le bitume sale et humide... Elles restent strictement rivées sur ce sol impur. Je n'entends plus qu'un long bourdonnement, tandis que mon cœur ne cesse de battre dans un rythme spasmodique. C'est douloureux , j'oscille, je me sens tourner de l'œil. Je ne vais pas tenir, je me sens faillir, faiblir...

Vais-je mourir ?

Ils sont partout.

Vont-ils me tuer ?

Cette idée m'obsède.

Je ne pense qu'à eux.

Ils... vont m'exécuter.

Ils l'ont déjà fait une fois, ils n'hésiteront pas à recommencer.

Ils ne cessent de me torturer !

Je me redresse alors brusquement, mon regard se retrouvant dès lors braqué sur ce ciel que les ténèbres dominent.

C'est la fin. Je suis finie. À quoi bon continuer... ? Fuir, fuir et toujours fuir !

Assez !

Je prends alors une grande inspiration et, à l'instant où je m'apprête à crier, une main se pose sur ma bouche pour m'en empêcher. Une lame se retrouve glissée sous mon cou et une voix familière murmure, contre mon oreille, l'ordre de me taire. Ce que je fais sans demander mon reste.

Nous patientons quelques minutes, qui me semblent être des secondes. Le temps se déforme, lorsque l'on se retrouve sous l'emprise de l'adrénaline. C'est un état particulier qui laisse un goût amer, fort désagréable.

"Bobby... "ne puis-je m'empêcher de chuchoter à mon tour, après que sa main a libéré mes lèvres. Quand bien même chargée de menace, sa voix m'apaise et sa présence parvient à me calmer.

J'inspire et j'expire profondément, longuement, après qu'il m'a demandée qui est "Bobby". Je ne lui réponds pas directement, j'ai besoin d'air, mais respirer m'est toujours aussi douloureux. Il retire la lame de son poignard puis il m'ordonne de me calmer.

Il ne sait que donner des ordres, je déteste ça ! Pourtant, je lui obéis... mais seulement parce que je n'ai pas le choix.

Peu à peu, les palpitations ralentissent tandis que la douleur s'estompe. Si précédemment je me sentais défaillir, je me sens maintenant revivre.

Je suis à présent détendue, grâce à la forte production d'endorphines : lors de situations stressantes, notre organisme en produit naturellement. Seulement, pour ma part, il en produit en bien trop grande quantité.

Je suis défectueuse.

Bobby me regarde avec inquiétude, mais je suis bien trop engourdie pour m'en rendre compte. Je lui adresse un petit sourire désolé et cela semble le surprendre, le choquer. Il est presque déstabilisé par cette émotion que je lui offre.

Pauvre garçon, pensé-je, moqueuse.

Son regard se pose sur mes lèvres tirées et ses prunelles s'assombrissent d'une bien étrange façon. Subjuguée, je l'observe avec plus de minutie. Mes yeux effectuent un zoom, tandis que j'analyse ses traits crispés et la légère couleur rosée teintant ses joues. Penchant ma tête sur le côté, je me demande ce que cela signifie. Une indescriptible chair de poule remonte le long de ma colonne vertébrale, jusqu'à ma nuque et, clignant des yeux, je retrouve une vue parfaitement normale.

Glissant un bras sous mes genoux, et un autre sous mes aisselles, il me soulève pour me porter et, ainsi, rapidement m'éloigner de ce dangereux endroit. Je contemple ce lieu qui fut durant un temps mon foyer et un sentiment de nostalgie m'envahit. Mes affaires... ? Je n'en ai guère besoin. Je n'ai rien de personnel, ils m'ont déjà tout pris.

Le monde autour de moi commence à tanguer puis les ténèbres m'emportent, sans préambule aucun.

Je... m'évanouis.


Texte publié par Fiorthnir, 1er avril 2017 à 14h20
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