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Cela fait maintenant une semaine que cet homme passe la majeure partie de son temps à dormir dans mon salon. Je lui ai également rendu ses armes, je doute qu’il pointe le canon de ces dernières sur le visage de la personne qui lui a sauvé la vie.

Parfois, il astique minutieusement ses jouets ou il nettoie et recoud ses vêtements. Un jour, alors que je m'étais absentée pour faire les courses, il a fait le ménage dans mon appartement.

Il a osé jeter ma collection de bouteilles d'alcool vides, en plus de la multitude de canettes de bière trônant fièrement sur ma table basse. L'enfoiré.

Apparemment, l'alcool doublé à mon hygiène de vie déplorable sont nocifs pour ma santé.

Stupidités que voilà.

Quoi qu'il en soit, je me suis vue contrainte de pousser une gueulante. On ne touche pas à mes affaires ! Je tiens à ce que ma vie reste secrète, je n'ai guère envie qu'il se mette à fouiller dans mon intimité. Certaines choses ne sont pas faites pour être sues.

S'il connaissait ma vraie nature, alors il n'hésiterait pas à prendre son flingue pour me mettre une balle dans le crâne. Et malheureusement, en dépit de mon alcoolémie, je n'ai guère envie de crever pour le moment. J'apprécie ma vie faite de déboires et de paix.

"Je vais changer le pansement, allonge-toi." lui ordonné-je, alors qu'il venait de remonter son arme. Il obéit sans rechigner, chose agréable. Je découpe alors le bandage, lentement et minutieusement, sous son regard inquiet.

Je me rends compte que je ne connais pas son prénom. Le fait est que nous ne parlons que très peu, nos échanges se limitent à "à table !" et "allonge-toi, je vais changer le pansement.".

Aujourd'hui est différent, aujourd'hui il me parle réellement :

"Tu t'appelles Lyuda Pavlov." me dit-il de sa voix grave, une voix d'homme, quelque peu intimidante.

Intriguée, je laisse mon mouvement en suspens. Comment diable cet importun connaît-il mon nom ?! Je repense alors à son occupation consistant à ranger mon appartement.

"Tu as fouillé dans mes affaires ?! T'es un enfoiré ! m'écrié-je tout en me relevant, reposant les ciseaux que je tenais en main.

- Tu as vingt-cinq ans et tu es étrangère. Tu n'as ni parents, ni frères, ni sœurs. En fait, je n'ai rien trouvé pouvant te rattacher à une quelconque famille, reprend-il d'une voix monocorde.

- Ferme-la, lui ordonné-je tout en le foudroyant de mes prunelles sombres.

- Tu es capable d'opérer quelqu'un, sans hésiter à fouiller ses tripes. Littéralement, continue-t-il.

- Ta gueule..." finis-je par prononcer, lasse, presque désespérée.

Je porte ma main contre mon cœur. Il bat vite, beaucoup trop vite, du fait de l'adrénaline coulant dans mes veines. Cette même pompe vitale est si fragile... un rien pourrait la briser.

"Tu es forte. Tu as porté plus d'une demi-heure un homme faisant au moins le double de ton poids, et ce, sans ciller.

- Je...

- Laisse-moi finir." m'ordonne-t-il en me coupant la parole, avant de reprendre. Son regard quitte mon plafond jauni par le temps pour plonger dans le mien.

Ses yeux me subjuguent. Je les avais déjà remarqués, mais jamais je n'avais pu les voir d'aussi près et aussi clairement. Ils sont tels un kaléidoscope de bleu et de vert, et non noirs comme j'avais cru percevoir. Ils me captivent, si bien que je me vois contrainte de l'écouter en dépit de mes contestations.

Cet homme est têtu et imposant.

“Le soir où tu m'as trouvé, tu avais bu beaucoup d’alcool. Sûrement pour pallier au fait que ton organisme le traite rapidement. Je le sais car lorsque tu m'as opéré, tu étais précise dans tes gestes et tu semblais parfaitement sobre et lucide."

Je peux sentir mon cœur battre à tout rompre sans que je ne puisse le contrôler, contre ma main. Mes muscles sont tendus à l'extrême, j'ai l'impression de suffoquer. Je commence à reculer. Il sait ce que je suis... Je dois... Dois-je commencer à fuir ?

Cet homme, dont je ne connais pas même le prénom, après s'être vivement relevé me fait une clé de bras, tout en me plaquant contre le canapé.

Sa poigne est forte et si je n'étais pas aussi résistante, il me ferait mal. Peut-être même me casserait-il le bras ? Je n'ose pas esquisser le moindre geste, de peur d'aggraver mon cas. Sa main libre agrippe mon col contre ma nuque pour en déchirer le tissu et, ainsi, dénuder mon épaule. Un faible cri de surprise m’échappe, avant que je ne serre les dents.

Il se penche pour reprendre d'une voix plus grave, mais plus doucereuse également. Le contraste est... Je ne saurais le dire, mais un infime frisson parcourt mon corps. Bon sang, s'il veut me tuer, qu'il le fasse immédiatement ! Cela tient de la torture psychologique !

"'HGM-01', cela confirme mes doutes. Et je suppose que Lyuda n'est pas ton vrai nom, n'est-ce pas ?

- Vas te faire voir, je n'ai rien à te dire ! Je ne connais même pas le tien !

- Fort bien. Entretenons le mystère."

Je commence alors à me débattre, comme pour tester la force de mon assaillant. Il est fort, certes, mais pas aussi fort que moi. C'est donc sans aucune difficulté que je parviens à m'extirper de sa poigne, et ce en faisant fi de la douleur lancinante de mon bras tordu à l'extrême.

"Maintenant que tu sais ce que je suis, tu vas me tuer ?" le questionné-je avec haine.

- Tuer la personne qui m'a probablement sauvé la vie ? Non."

Il porte sa main sur sa plaie cicatrisante, il faut encore la nettoyer mais... je n'ai guère envie de me montrer aimable et "gentille" avec un sale type comme lui.

Je lui adresse un regard noir, tout en reculant en direction de la porte d'entrée. Nous nous fixons longuement, c'est un duel, une bataille qui s'écourte lorsque j'atteins mon but pour sortir, quitter cet endroit, avec hâte.

Je prends au passage ma veste en cuir noir, avant de sortir en claquant violemment la porte. Dans le couloir, je m'adosse contre l'un des murs décrépis et d'une affreuse couleur vert pomme. Je déteste cet immeuble autant que je me déteste moi. Je pose ma main sur le col de mon t-shirt blanc, c'est l'un de mes hauts préférés et il est maintenant déchiré. Il est simple et dénué de couleur, tout comme moi.

Faisant le point sur mon actuelle situation, je conviens qu'un verre me ferait le plus grand bien. Les mains dans les poches, la veste fermée, je sors de mon immeuble pour rejoindre un bar se trouvant quelques rues plus loin. J'y fonce la tête baissée, sans hésiter à bousculer les passants se trouvant en travers de ma route.

J'ignore les insultes qu'ils me lancent. Ils ne trouvent aucun écho en moi.

Ces gens là sont tout aussi pourri que j'ai pu l'être auparavant. L'être humain est un prédateur, un animal, au sommet de la chaîne alimentaire. Il ne possède ni foi, ni loi. Et le pire de tout est qu'il n'a aucune limite.

Non... l'être humain est capable de tout, et j'en suis la preuve vivante :

Ils ont fait de moi un monstre.


Texte publié par Fiorthnir, 13 juillet 2016 à 11h27
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