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Chaque porte a son histoire, chaque porte a son cauchemar, chaque porte est un miroir.

Obscur corridor dans lequel résonnent les pas silencieux du rêvant, de l’amant, du revenant.

Une porte claque, c’est le silence ; glaçant, terrifiant.

Cependant que s’avancent, évanescentes, les formes errantes.

Les unes aux yeux caves, d’autres aux yeux rages. Regard poudre, regard pourpre, chacune à leur tour elles (s’)engagent, au chevet de celui qui les invoque.

Porteur d’essence, porteur de sens, chacun apporte son chagrin, son présent ; âmes en déshérence.

Sur le seuil, un pied dedans, un pied dehors, la camarde attend son instant, son moment ; elle a tout son temps.

Qui sont donc ces spectres qui ainsi se pressent à son chevet ?

L’un porte un bouquet, l’autre un portrait, le troisième un coffret.

Du fond de son lit, ses yeux jaunes fixent le vide.

Sourde la jambe manquante, dole le bras absent, branle sa tête d’homme lide.

Le regard présent, il observe par la fenêtre le crépuscule naissant.

Derrière, une porte se ferme ; marche la mort en silence, dans la pièce baignée de sang.

Est-ce lui le poète, ascète esthète, bohème anachorète ?

Cet homme dont la rumeur bruisse le nom derrière bien des portes closes, dont les bourgeois taisent le nom, dont les censeurs brûlent le mot.

Dans la touffeur de son appartement, la mort l’emporte.

Souvenir glacé d’une époque enfiévrée.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Rimbaud, feule le félidé en sautant sur le balcon.

Apaisées, les âmes se sont envolées.

Sur la table, un bouquet de Fleurs du mal.