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volume 16, Chapitre 4 « Quatre Femmes : Pourpre » volume 16, Chapitre 4

Comment était Pourpre ? Nul ne le savait, car nul ne le souhaitait. Nul ne le souhaitait, car le bruit murmurait que la folie s’emparait de celui qui posait les yeux sur elle. Sans doute était-ce pour cela que ses sœurs même, n’osaient porter le regard sur elle. Pourpre le savait-elle, elle qui ne vivait que dans l’ombre des ténèbres, enveloppée de merveilles et de vermeil ? Parfois, elle contemplait le ciel et apercevait Sombre qui se saisissait des lumières et les soufflait, fascinée qu’elle était par les pas de danse de son aînée céleste. Comme elle aimait admirer la grâce de ses déliés lorsqu’elle s’emparait des célestes étincelles, pour mieux les enfermer. Distraite, elle la voyait qui laissait s’échapper un peu de poussière qui colorait alors les horizons de ces étranges couleurs. Elle lui rappelait les complémentaires de la palette de sa sœur Rouille, dont elle se servait pour peindre les nuages et les orages. Par jeu, il lui arrivait de se glisser entre les failles et de prendre la place d’un nuage. Et Rouille, aveugle à sa présence, n’en poursuivait pas moins sa tâche et la barbouillait de ses couleurs, donnant au crépuscule ses nuances sanglantes. Ainsi fardé, confondu avec les cieux, Pourpre marchait dans l’obscurité de la terre, teintant d’écarlate les ombres scélérates, jusqu’à la tanière de sa sœur Pâle ; un lieu sans ténèbres ni lumière, sans odeur ni couleur, un lieu, qui lui ressemblait, qu’elle peuplait de rêves et de matière. Or il advint qu’un jour elle se baignait dans les eaux obscures d’un lac de ténèbres, un animal vint s’abreuver. C’était un cheval monté par une silhouette comme jamais elle n’en avait vu auparavant, car il était vêtu d’une armure étincelante. Mais tout comme ses sœurs ne pouvaient la voir, le chevalier, agenouillé, ne percevait que son reflet dans l’onde miroir. Alors, curieuse, semblable au vent qui sinue entre les troncs des arbres, elle se glissa à son côté et épia ses pensées. Ravie de ce qu’elle y découvrit, elle insuffla à son esprit une irrésistible envie de dormir. Ainsi endormi, elle défie son heaume, son armure et ses habits et s’en vêtit, prenant par la même les reflets de ses traits. Puis l’ayant couché sous un chêne, dans le plus simple des appareils, elle enfourcha sa monture et s’en fut vers le ciel, là où résidait sa sœur de ténèbres. Sombre sortie de son sommeil, interrompit son rituel, surprise par la présence inhabituelle. Alors, Pourpre lui répéta les paroles de l’être qui sommeillait sous le chêne, mais Sombre ne l’écoutait pas et ôta le heaume qui dissimulait son visage. Comme Sombre était belle ; Pourpre ne l’avait jamais vu d’aussi près. D’amour et de déraison, elle en tomba en pâmoison au grand étonnement de Sombre dont les yeux d’ombre se troublèrent d’obscures lumières. Rouille s’en vint à son tour, car elle avait ressenti plus qu’aucune autre la détresse de sa sœur Sombre, puis ce fut Pâle qui, se glissant dans son ombre, rêverait avec elle. Ainsi demeurerait, éternelle, Pourpre, enfermée dans le corps d’un chevalier. Mais Pourpre état heureuse, car désormais, à jamais, elle serait aux côtés de ses sœurs.


Texte publié par Diogene, 28 septembre 2020 à 22h15
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