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Dans les ténèbres obscures, il est une voix qui murmure et qui raconte des histoires. Née d’une mère qui n’aura jamais connu le père, elle fut recueillie dans les ténèbres par un homme de bien. Marié à la lune dans le secret de son sein, de ce secret il ne révéla rien, lorsque reprenant ses sinistres oripeaux, il redevint celui que les êtres de la nuit nommaient l’œil-étoile. Devenue femme, elle se lança à l’assaut de ce monde afin d’y trouver sa place, avec pour seule richesse, un poignard qu’elle enfoncerait dans la terre lorsque s’en viendrait l’ombre de la Camarde. La lune ainsi convoquée lui avait alors répondu, mais pour mieux la rejeter, car souillée de ses menstrues, elle n’appartenait plus à son royaume. Amère et fière, Esther avait alors juré à la lune de retrouver la pierre, que jadis elle avait confiée à son père-mère. Ainsi était sa mère, lunatique et cruelle. Élevée dans les ténèbres, elle demanda alors à ses filles, dans le secret de son obscurité, de confectionner trois pierres qui brilleraient et qui, ensuite, tomberaient du ciel, afin de la guider au plus profond de ses ombres. En échange, la première lui offrirait une lanterne, la seconde une pelote de laine et la troisième le mot du secret, ainsi l’éprouveraient-elles et la guideraient-elles.

— Quand l’espoir n’est plus, quand les ténèbres chantent autour de toi…

Elle avait chu dans la bouche sombre du monde, s’était enfoncée dans ses entrailles glacées.

— Seule la Flodenä, pleine de souvenirs, saura te guider…

Portée par les flots de cette rivière légendaire, elle avait pénétré dans le cœur de terres sacrées, dans lequel était gardée la mémoire de tous les êtres du ciel.

— Viens à moi, précieuse étoile, remonte le courant passé…

Au fond de ce cœur, Esther avait retrouvé la pierre que son père-mère avait enterrée là.

— Mais ne t’y plonge pas, ou tu t’y noieras…

Alors, sentant sa quête prendre fin, Esther avait accompli une dernière tâche, un dernier sacrifice. Avec la dague, elle avait délivré la bête-ombre de l’entre-deux mondes dans lequel elle se trouvait et s’était revêtue de la tenue d’apparat, que la tisseuse, la fileuse et la tailleuse avaient réalisée dans la peau du fauve. Face à la lune, elle s’était ainsi présentée. Et sa mère du ciel l’avait accueillie dans son royaume.

— Hélas, ma fille, il n’est nulle tâche que je puisse t’offrir, lui avait-elle confié. Le ciel, tel qu’il est, est d’une perfection que nul ne saurait souiller.

Esther était restée silencieuse. Du coin de l’œil, elle avait aperçu une modeste écritoire que le temps semblait avoir détériorée. Elle avait alors passé le plat de sa main sur le bois verni, repoussé la fine couche de poussière d’étoiles qui s’y était déposée, puis s’était emparée d’une plume fanée.

— En ce cas, mère, accepteriez-vous que je couche sur ce papier, d’étoile glacée, notre histoire ?

La lune, un instant, avait réfléchi et sur son visage blafard, un sourire entendu était apparu.

— Ainsi donc, ma fille, en sera-t-il. Tu conserveras la mémoire des étoiles. Tu seras la conteuse d’étoiles.

Ecrit à quatre mains de Diogène et Yukino Yuri