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volume 15, Chapitre 3 « Quatre Étoiles : Altaïs » volume 15, Chapitre 3

Des trois sœurs, Altaïs était sans doute la plus mystérieuse, mais aussi la plus crainte, car d’elle on ne voyait rien, l’on entendait seulement le bruit des lames qui s’entrechoquaient lorsqu’elle découpait la toile de l’univers. Lorsqu’elle s’en vint au monde, même sa mère la rejeta, effrayée par ses mains diaphanes. Égarée, abandonnée, elle ne sortait que la nuit pour admirer ces astres qui scintillaient et lorsqu’elle apercevait la lune, tout là-haut dans le ciel, elle pensait :

— Dame de la lune. Pourquoi êtes-vous aussi pauvrement vêtu ? Laissez-moi donc tailler pour vous le ciel et les étoiles mercurielles.

Mais, comme chaque fois qu’elle s’adressait à elle, la dame ne répondait pas et sa face d’albâtre demeurait muette. Alors, un soir qu’elle surprit une femme apportant une pelote d’argent en échange d’une étole, elle se glissa dans la grotte et découvrit une autre femme, dont le visage trahissait l’âge et dont les doigts étaient usés par l’ouvrage. Patiente, plusieurs soirs, elle guetta jusqu’à ce que, profitant de son absence, elle se coula dans les sombres recoins de son refuge et y déroba une étole piquetée de points mordorés.

L’étole était magnifique, tissée avec soin, fine entre ses doigts blessés. Piquée par la jalousie, elle la froissa et la jeta à terre, l’écrasant sous la plante de ses pieds. Comment donc ses sœurs pouvaient-elles faire pareils ouvrages, quand elle ne pouvait que trancher tout ce qu’elle touchait ? Ivre de colère, Altaïs avait saisi ses lames et découpé sans aucune pitié le travail de sa sœur aînée. Si sa mère ne voulait sur elle poser ses yeux pour la complimenter, alors elle lui porterait attention pour la punir.

Dans la nuit, l’on entendait seulement les bruits des lames déchirant le tissage d’étoiles et les sanglots rageurs de la plus délaissée des trois sœurs.

— Très chère sœur, lui avait alors souri la tisseuse tandis qu’elle s’approchait d’Altaïs au désespoir. Qu’allons-nous faire de cela ?

Elle avait désigné les morceaux de l’étoffe dispersés à terre.

— Qu’en sais-je ? Je n’attends rien de notre Mère, je ne saurai quoi en faire pour lui plaire.

— Pourquoi ne pas les rassembler pour lui créer une éternelle chute d’étoiles ?

Altaïs avait alors ramassé les lambeaux étoilés, était montée sur les plus hauts nuages du ciel. Ainsi à l’ouvrage, elle découpait, rapiéçait, illuminait le ciel nocturne. Au septième jour, elle avait achevé son œuvre. Se tournant vers la Lune, elle s’était alors inclinée devant elle pour lui présenter sa toile d’astres :

— Tendre mère, voici la Voie Lactée. Si d’aventure vous souhaitez que j’orne notre royaume d’autres créations, je suis à votre service.

Et tandis qu’elle s’était redressée, sa mère lui avait souri de fierté.

Ecrit à quatre mains de Diogène et Yukino Yuri


Texte publié par Diogene, 16 septembre 2020 à 22h09
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