La Dame de la nuit donna naissance au ciel de sa première étoile, un soir où seule sa lueur glacée blanchissait la campagne. Et, la serrant contre son sein, elle la nomma Estelle, car sa beauté était sans pareil et sa naissance lui conférait le titre d’aînée du ciel.
Estelle avait grandi dans un cocon lumineux, le premier de milliers d’autres comme le prédisait sa mère. Elle l’avait nommé Orion, sous le conseil de la Lune, et espérait voir un jour s’étendre autour d’elle autant de royaumes semblables aux siens.
— Il faudra te montrer patiente, Estelle, lui préconisait sa mère quand elle lui exprimait le souhait de parer le ciel noir d’astres. Car ce sera à toi, quand le temps sera venu, de créer ces toiles que tu fantasmes.
Et le temps vint.
Une nuit sans étoile et sans lumière, la Lune descendit auprès de son enfant, lui porta un métier à tisser de lumière.
— Je te donnerai, mon enfant, autant de fil qu’il te plaira. Ainsi, sur ce métier, tu pourras tisser le ciel d’étoiles que tu désires tant. Tu auras de moi mes cheveux, mes mains, tout mon être pour t’aider dans ta tâche.
Alors Estelle, enorgueillie par cette marque d’affection, par le profond respect qu’elle lisait dans les yeux de sa mère, se courba sur son ouvrage.
La navette allait et venait, le peigne ramenait les fils de trame pour resserrer les rangs du tissage. Sur ses genoux, plusieurs pelotes scintillantes faites des cheveux d’argent de la Lune. Face à elle, le ciel étoilé se dessinait.
— Tu n’es plus Estelle, tu es la tisseuse, avait, un jour, annoncé sa mère.
Et Estelle, alors privée de sa jeunesse, sentit l’amertume la consumer quand, ayant créé de ses longs doigts blancs devenus calleux et crochus, les constellations de la Grande Ourse et de son enfant la Petite Ourse – un hommage à sa relation entre la Lune et elle – elle perçut au loin, dans un royaume de lumière semblable au sien, sa sœur cadette, la fileuse. Elle avait cette même jeunesse, cette même beauté qu’elle avait eue jadis. Et plus que tout, elle avait à sa place les faveurs de leur mère.
— Vous ne m’aimez donc plus ? demandait-elle en regardant le disque d’argent dans lequel sa mère reposait.
Mais la Lune restait muette face aux pleurs de son aînée. Alors cette dernière, pour l’impressionner, penchait son visage flétri par les âges sur son métier à tisser. Faisant aller et venir la navette, ramenant le peigne sur les fils, elle s’épuisait à la tâche, ses yeux s’égarant parfois sur les jardins de lumière de sa sœur. Elle la voyait dans sa robe de plumes immaculées, ses yeux mordorés suivant le fil d’astres qui s’enroulait sur la pelote. Et alors, piquée dans son orgueil, elle reprenait son ouvrage.
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