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volume 14, Chapitre 2 « Quatre Miroirs : Rivage » volume 14, Chapitre 2

Assis à côté de lui, le vieil homme avait saisi sa ligne. Fine, elle brillait de la même couleur que le firmament ; un fil d’argent. Du bout des doigts, il en appréciait la texture à la recherche des minuscules nœuds qui pourraient l’affaiblir. Parfois, il s’arrêtait et fixait longuement le filament ténu, puis reprenait son curieux arpent ; sans un mot, sans un souffle. Les mots sont des choses précieuses, lui avait-il expliqué avant de la sortir ; ses yeux gris posés sur lui. L’enfant avait alors acquiescé en silence et le vieil homme avait souri. C’était un sourire étrange ; un sourire plein de mélancolie, de nostalgie, de souvenirs. Puis le sourire s’était effacé, comme si une fée s’en était venue et l’avait redessiné. Pourtant, il souriait toujours ; de cela, il en était persuadé même s’il ne le voyait plus. Mais cela lui était égal et au vieil homme aussi puisqu’il avait sorti sa ligne. Auparavant, il avait longtemps guetté le firmament et quand elle était apparue, il avait vu des perles humides coulées de ses yeux. Mais il s’était tu, car il avait compris alors combien les mots étaient précieux. Entre ses doigts, le filin virevoltait, dansait et renvoyait des milliers d’éclats de lumière. Un doigt sur les lèvres, il avait intimé le silence à la forêt qui aussitôt s’était tue tandis qu’il enroulait son fil autour de son hameçon. L’enfant était étonné, car il ne possédait ni barbille ni barbillons ; c’était une simple tige de métal, lisse et sans aspérité, qu’il avait recourbée. Comme il s’en étonnait, il avait ouvert toutes grandes ses paupières et avait regardé droit dans les yeux du vieil homme, qui pointa son index dans le ciel ; là-haut, tout là-haut, il aperçut une ombre se mouvoir à la surface de la lune gibbeuse. Oh ! ce n’était pas grand-chose, seulement un petit point perdu dans l’immensité de ses mers. Puis, il l’avait vu ; la dame de la lune, avec ses cheveux couleur argent et ses grands yeux couleur océan. Elle avait étendu les bras et de ses mains s’était échappé quelque chose. Que fait-elle ? Voulut savoir l’enfant, mais il n’avait pas ouvert la bouche, car il savait que les mots auraient été de trop. Debout, appuyé sur sa canne, le vieil homme avait étendu sa main, comme pour se saisir de sa jumelle, si belle et si lointaine, et il avait souri, souri de ce sourire si triste et alangui. La dame aussi avait souri, et son sourire, à elle aussi, était triste. Alors le vieil homme jeta sa ligne dans l’étang, exactement à l’endroit où était apparue la dame et il en avait ramené un présent.

Prends-le, il est pour toi, avait-il murmuré en le lui tendant, et l’enfant l’avait remercié. Puis il s’était penché sur l’étendue glacée et avait plongé ; la dame l’attendait en bas et il la remercia. Quand cela fut fait, il remonta ; le vieil homme était là, sa canne posée à côté de lui, les yeux pleins de malice.


Texte publié par Diogene, 31 août 2020 à 22h58
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