La nuit, toujours la nuit, à moins que ce ne fût le jour. Un soir, le soleil s’en était allé et jamais il n’était revenu, ou alors seulement pour l’inonder de sa pâle obscurité. Assis au bord de la fenêtre, son instrument entre les mains, il en caressait les cordes avec tendresse, cependant qu’une douce brise lui caresse le visage. Au loin, un trait sanglant embrase l’horizon, cependant que s’échappent de sa guitare des notes graves et mélancoliques. En contrebas, il aperçoit la surface rugueuse du macadam que tant de pieds ont autrefois foulé. À cette heure, comme à toutes les autres, personne ne passe. Abandonnée sur le bas-côté, une carcasse à demi désossée attend un fossoyeur qui plus jamais ne viendra. De l’autre côté, un piano lui répond, les coups sont sourds, lents et stridents ; un pâle sourire illumine alors son visage crayeux. Le poing en l’air, il encourage l’instrumentaliste qui accélère subtilement son rythme, pour mieux se réfréner ensuite. Perdu dans les airs, il le voit qui flotte au-dessus de son balcon. Habillé d’un vieux costume poussiéreux, une paire de lunettes noires posées sur le nez, il se déhanche, se tord en tout sens tandis que ses doigts surprennent son instrument, lui arrachant des notes déchirantes et surprenantes. Soudain, comme pour l’accompagner, le vent se met à chanter ; vague murmure inarticulé et enchanté. Alors il reprend sa guitare et en pince à nouveau les cordes ; il se souvient.
Son casque n’était plus ; ce masque dont on l’avait affublé. Combien de ses compagnons gisaient sur le sol, blessés ou inanimés ; certainement mort pour certains. On lui avait donné un ordre et il avait obéi.
— Inui ! Inui !
Quelqu’un l’appelle.
Encore sonné, il secoue la tête et se relève comme il peut. Il ne sent pas la douleur, non plus que le poids de sa combinaison. Hagard, il se heurte à la rampe de l’escalier. À ses pieds, son camarade dont les paupières mi-closes ne laissent entrevoir que le blanc de ses yeux.
Assis en tailleur, ses doigts courent sur les cordes de son instrument qui répand dans l’interminable nuit son chant mélancolique. Alors, de nouveau résonnent les frappes paresseuses de son voisin suspendu à ses filins, accompagné cette fois d’une contrebasse. Des larmes roulent sur ses joues ; il court, éperdu dans le couloir sans fin. Autour de lui tout n’est que pénombre fumée, cadavres et blessés ; au bout une lumière comme en forme d’espoir.
— Koichi !
Mais il ne va pas plus loin, une balle le fauche.
À l’horizon, le soleil se couche. De la main, il salue son voisin dont le jeu n’a pas cessé. Posée contre le garde-fou, sa guitare le fixe. Nostalgique, il en caresse une dernière fois les cordes.
— Inui !
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