Encore une fois se tenait là, assis sur son rocher, le regard dans le vague. Il avait surgi un matin d’où on ne savait où et personne n’avait la moindre explication. Un jour qu’un villageois, plus curieux, et sans doute plus courageux, que les autres, lui posa la question. En retour, l’enfant eut cette réponse mystérieuse :
— Je m’en étais venu terrasser le dragon, à la place j’ai rencontré le papillon. Je suis venu trop tôt.
Aussitôt, il s’en était retourné au village et avait rapporté ses propos à ceux qui se tenaient sur la place, autour de la fontaine. Cependant, on le prit pour un sot et on le railla, car tout le monde savait qu’il n’y avait plus depuis longtemps de dragons dans la région. Furieux que l’on se moqua ainsi de lui, il prit parti de s’en aller administrer une bonne correction à celui par qui était venue la raillerie.
Assis sur son rocher, l’enfant n’avait pas bougé, tout juste avait-il la main levée, car un papillon bleu et blanc s’était posé dessus. L’animal écartait de temps à autre les ailes ; il paraissait étrangement calme. Tout à sa colère, le villageois s’approchait à grandes enjambées avec l’idée ferme de le sermonner. Mais qu’elle ne fut sa stupeur lorsqu’il se rendit compte qu’il marchait dans le vide. Ses jambes ne le portaient plus ; elles avaient disparu, remplacées par d’innombrables pattes, de même que ses bras devenus ailes de la couleur sur ciel. Stupéfait, furieux, inquiet, il regardait tout autour de lui. Au-dessus de sa tête, il découvrit alors la figure immense et joyeuse de l’enfant.
— Ne te l’avais-je point dit ? Je suis venu terrasser le dragon, à la place j’ai rencontré le papillon. Je suis venu trop tôt.
Les lèvres de l’enfant remuaient à peine, pourtant il l’entendait comme si son oreille avait été collée dessus. Soudain, la lumière du soleil disparut et le vent souffla si fort qu’il dût fermer les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, il était à nouveau sur la place du village et des visages étaient penchés sur lui.
— Enfin, tu te réveilles. Tu sais que tout nous a fait une sacrée peur, gamin ! Que t’est-il passé par la tête ? Quelle idée ! Aller dans les jardins du couvent ! Tout le monde sait qu’ils sont hantés !
— Les jardins du couvent, bredouilla-t-il. Mais je suis seulement allé sur…
Il suspendit sa phrase. Il voulait l’achever, mais le mot qui lui venait n’était pas celui qu’il cherchait. Dans sa tête, il revoyait l’enfant assis sur son rocher qui contemplait le ciel.
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