42 yoctombre
Cela fait quatre noctombres que nous sommes partis. Nous nous rationnons, car nous n’avons pu prendre que six noctombres de vivres. Il était impossible de nous en octroyer plus ; l’un des champs photoniques ne fonctionne plus et toute la récolte a pourri sur pied. Plus d’un méombre sera nécessaire à sa réparation et à sa remise en en état si tant est que la chose fût en encore possible.
La marche n’est pas trop pénible ; les températures sont plutôt clémentes – 235 degrés oubliés – et le vent s’est tu.
Malgré l’épuisement de nos organismes respectifs, nous poursuivons notre route. Parfois, nous apercevons de pâles rayons, ultimes vestiges d’un monde englouti. Lorsqu’ils ne seront plus, nous nous chercherons un refuge.
45 yoctombre
Le vent fait rage et la température est descendue à 213 degrés oubliés. L’amertume nous ronge de l’intérieur, car nous l’avons aperçu. C’est le seul qui fut encore debout. Quant à nous, nous nous sommes réfugiés dans ce qui était un ancien collecteur. Dehors les souffles glacés ont soulevé cette maudite neige grise et empoisonnée. Désabusés, nous contemplons les tourbillons depuis notre casemate assemblée de briques et de brocs.
Par jeu, nous ôtons nos gants pour de courts instants. Nous exposons alors nos mains à cette lumière invisible qui révèle l’indivisible, puis nous cessons.
Le froid nous pénètre jusqu’à la moelle et nous ignorons quand cela cessera.
2 zeptombre
Nous n’avons pas compté nos onirères tant nous avons forcé la marche, pressés que nous étions par le blizzard qui n’allait pas manquer de nous rattraper. La distance qui nous séparait de notre but aurait pu se mesurer en plectres, mais guère plus de deux nieux. À présent que nous sommes là, nous nous interrogeons : n’aurions-nous pas fait tout ce chemin pour rien. J’ignore lequel d’entre nous l’aura remarqué le premier. Elle ressemble à une statue de sel.L’un d’entre nous à parler de Loth. C’est quoi Loth ? Il n’a pas su nous expliquer.
5 zeptombre
Sur la plaque, nous avons pu déchiffrer ces quelques mots : Stabat Bleuenn dolorosa, juxta crucem lacrimosa, dum pendebat mundus. Cuius animam gementem, contristatam et dolentem, pertransivit gladius… Quæ mœrebat et dolebat, Pia Bleuenn cum videbat, mundi pœnas incliti.
L’un d’entre nous un peu plus versé dans les lettres a identifié la langue comme du haut latin. Il paraît que c’était une langue dominante autrefois.
Nous avons ensuite exploré ce qu’il restait des jardins et de la demeure, en vain. D’elle, nous avons aperçu que le trône couvert de poussière, dans laquelle se découpait sa silhouette. Entre lettres de sel, un nom se détachait : Bleuenn, Mater Lacrimosa.
Nous ne nous sommes pas attardés et surtout pas retournés lorsque nous l’avons entendue pleurer.
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