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volume 6, Chapitre 2 « Quatre trains : Minuit » volume 6, Chapitre 2

– En voiture ! Les passagers pour le train de minuit ! En voiture !

La voix du contrôleur résonne sur le quai, où se masse une foule encore éparse. Par la fenêtre, il compte les voyageurs qui se pressent. Ils sont peu nombreux ce soir. Mais cela ne le gêne pas. Qu’ils soient dix, cent, ou plus, il s’occupera d’eux avec le même dévouement. Un petit garçon pleure. L’homme cherche un instant ses parents ; parfois, ils arrivent ensemble. Sur le quai, le garçonnet erre désemparé, bousculé par les autres passagers. Soudain, une ombre le prend sous sa coupe et lui arrache un cri d’effroi. L’enfant n’est plus là. À la fenêtre, l’homme soupire. Il n’y peut rien et le contrôleur n’a rien vu. En attendant, il contemple le flot des passagers. Tout est près pour les accueillir ; le confort est de mise. Il sait qu’elle rôde encore. Il devine sa présence, trahie par les ondulations de l’atmosphère. D’un signe de la main, il la désigne au contrôleur, dont la casquette vissée sur le crâne dissimule son regard. Elle n’est tout à fait repue et elle traque déjà une nouvelle proie. Il ne peut faire plus, et il retourne à sa tâche, car les voilà qui montent et prennent possession. Il les observe qui marchent avec nonchalance, avant de s’installer comme si de rien n’était. Parfois, il s’interroge. Certains sont-ils capables de le voir ? Depuis qu’il les observe, il en est venu à en douter. Au fond de lui, il se sent soulagé qu’il n’en aille pas autrement, car personne ne pourra contempler son visage dépourvu de chair.

– Dernier appel pour les passagers du train de minuit. En voiture !

De nouveau, la voix éraillée du contrôleur résonne sur le quai. Il se penche par la fenêtre. La fumée a envahi le quai ; des voyageurs il ne devine plus que les silhouettes. Il remonte la fenêtre à regret. Dans l’ombre, il l’aperçoit, car elle n’en a capturé qu’une. Au coin de ses yeux perlent des larmes amères. Comme il aimerait l’emmener, l’arracher à cette damnation dans laquelle il l’a précipitée ; son visage meurtri sera toujours là comme un rappel.

– Attention au départ !

Les portes claquent, tandis que le contrôleur siffle depuis le marchepied, puis le rejoint.

– Pardon, murmure l’homme sans visage, comme ce dernier lui pose une main réconfortante sur l’épaule.

Sur le quai, un visage s’illumine, au fond de ses yeux brille une tristesse infinie, car jamais elle ne pourra prendre le train qui, la nuit à minuit, convoie les voyageurs à travers la galaxie.


Texte publié par Diogene, 22 mars 2017 à 08h05
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