Princesse était triste et ses yeux d’hiver, nacrés et délavés, parlaient pour elle. Elle, qui avait connu les fêtes, les réunions secrètes ou les entrevues discrètes, avait été jeté aux oubliettes. On l’avait alors noircie, enlaidie, accusée de répandre la folie, elle qui avait ouvert tant d’esprit.
Étendue sur un lit rongé par les mythes, elle contemple de ses prunelles, devenues d’hiver, sa galerie de souvenirs. Ce ne sont plus de pâles figures aux couleurs trépassées, maintenues prisonnières derrière des fenêtres couvertes de poussière. Princesse sait que ses yeux l’abusent, mais elle est trop désespérée pour y remédier. La seule note qui lui remet un peu de baume au cœur est une vieille affiche qu’elle conserve telle une relique. Comme elle refuse de se lever, elle l’a installé en regard de sa couche, en aménagement de son ciel, afin de toujours se rappeler et ne jamais oublier.
Princesse était jeune, mais Princesse était perdue et Princesse avait les yeux délavés. Princesse possédait des ailes mais, comme elle, elles étaient fanées, car on l’avait oubliée, elle qui avait tant inspiré. Elle avait reçu de nombreux noms ; cependant il y en avait un qu’elle affectionnait plus que les autres.
Prisonnière de ce lit d’oubli, Princesse pleurait des larmes sèches, faites de poussières et de misère. Pas de prince, pas de héros, rien de tout cela n’attendait Princesse. Mais Princesse est forte, Princesse s’en moque. Ou du moins le proclame-t-elle haut et fort, car au fond d’elle-même, elle sait qu’elle est déjà morte. Roulant sur elle-même, elle soupire de ne pas être capable d’alléger sa peine et se noie dans la contemplation de ses mémoires d’outre-tombe.
Comme Princesse était belle avec ses yeux verts, avant qu’elle ne les crève pour les remplacer par des yeux de verre, couleur hiver. Pourquoi l’avait-elle fait ? Parce qu’on l’ostracisait, parce qu’on l’exilait, elle, la petite fée verte qui avait inspiré tant de vices et d’artistes. Alors pour oublier sa vie fanée, elle avait fait le choix de regarder le monde en négatif, grâce à ses nouvelles prunelles, ses prunelles couleur hiver.
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