Terre de Sienne ou ocre claire, la plaie me contemple, palpitante. Des zébrures sanglantes ont arrosé les grains d’orge. Mais cela m’importe peu, car ce n’est point tant la chair que le trésor, qu’elle recèle, qui m’intéresse. Je la laisse à d’autres. Ils sont innombrables, leurs yeux braqués sur moi. Qu’ils attendent donc et ils auront leur juste rétribution. Qu’un seul d’entre eux s’arroge un droit et les autres s’en repaîtront.

Moi, j’attends. J’attends que vienne l’onde qui lavera le sang, labourera les chants, et deviendra rivière de sang. Je suis patient, et eux aussi, ou du moins semblent-ils le croire, car en fait il me craigne moi.

Un vent léger soulève les grains dorés, qui peu à peu recouvrent la plaie béante, et bientôt ma proie sera enfouie sous la dune. Et alors, tant pis pour eux, car si l’onde ne vient pas, je ne partagerai pas et tous le savent. Tous se taisent, car je ne leur en laisse pas le choix. Je ne suis pas plus patient qu’eux, ni moins affamé, seulement plus sournois et gourmet.

Derrière, en tas, lissés et abrasés, les reliefs de mes repas, mes dernières proies, mes dernières joies.

Déterrant la proie gémissante, je répands une rivière de chair et de sang, partageant leur sort. Et des os blancs de ses membres, je confectionnerai l’instrument de leur mort, l’instrument de ma mise à mort, tandis que j’écrirai mon nom en lettres de sang dans le ciel couleur os.