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tome 1, Chapitre 4 tome 1, Chapitre 4

La jeune femme rajusta sa robe, ramassa le stylet, mit sa cape sur ses épaules et jeta un regard derrière elle. La victime était étendue sur le lit. Du sang commençait à s’écouler en un mince filet depuis la plaie située dans son dos. La blessure en elle-même n’aurait rien eu de dangereux, elle était peu profonde et n’avait atteint aucun organe vital. Azeo fut soulagée d’avoir mis suffisamment de poison, elle ne s’attendait pas à ce que sa victime soit aussi grosse. Elle remercia silencieusement cet homme de lui avoir appris a toujours mettre le double de poison que prévue. Elle ne prit pas la peine de cacher le corps, cela ne lui aurait que fait perdre du temps. De plus, il méritait d’être retrouvé ainsi, le pantalon sur les chevilles.

Des bruits de pas précipités raisonnèrent. Le cri du baron avait dû alerter le gérant du lupanar. Il était temps de déguerpir. Ouvrant lentement la porte sur quelques centimètres, la jeune femme passa la tête dans l’entrebâillement et vérifia que la voie était libre. Il n’y avait personne. Elle revint dans la chambre, attrapa une cruche qui traînait là puis retourna à la porte. Elle prit soin de refermer la porte le plus silencieusement possible, puis s’engagea dans le couloir. Elle se dirigea sur sa gauche, la droite menant à l'entrer et au salon, or elle ne voulait pas être repérée. Elle remonta le couloir jusqu'à un nouveau croisement.

Elle serrait la cruche contre elle tout en jetant de rapides coups d’œil sur sa droite et sa gauche. Si jamais quelqu’un la surprenait ainsi a erré seule, elle pourrait toujours tenter d’expliquer qu’elle était nouvelle et que son client avait voulu à boire, seulement elle s’était perdu pour retourner à la chambre de son client. Elle savait que cela serrait suspect, mais avec un peu de chance, un client la surprenant ne poserait pas plus de questions. N’ayant pas pu repérer l'intérieur des lieux par avance, Azeo se fia a ses sens et sa chance ainsi qu’à ce qu’elle avait vu de l'extérieur. Il y avait plusieurs étages, et chacun possédait une ou deux fenêtres. C’est justement cela qu’elle cherchait. Elle tendit l’oreille, cherchant des bruits provenant de l’extérieur, mais aucun son ne lui parvint. Elle n’avait pas beaucoup de temps pour se décider. Sur un coup de tête, elle bifurqua sur la droite.

Soudain, en plus des pas, des cris de panique s’élevèrent. On avait dû trouver le corps sans vie du baron. La jeune femme sentit son cœur accélérer, cogner dans sa poitrine. Elle devait quitter le bordel le plus vite possible. Devant elle se dressa une fenêtre, la première depuis qu’elle était entrée dans le bâtiment. Elle jeta un coup d’œil. Elle se situait au premier étage. Elle pourrait sortir par là sans aucun problème, ce n’était pas bien haut. La jeune femme posa la cruche au sol, elle n’en avait plus l’utilité à présent, et tenta d’ouvrir la fenêtre, mais le châssis ne bougea pas, comme bloqué. Elle vérifia le mécanisme d’ouverture et eu tôt fait de le déverrouiller. Azeo enjambait le rebord quand quelqu'un cria dans son dos.

— Elle est là !

Sans plus réfléchir, la jeune femme regroupa ses jupons et se jeta dans le vide. Elle se réceptionna facilement sur le sol en terre battu, deux mètres plus bas, en effectuant une roulade. Elle se releva prestement, rabattit rapidement sa capuche sur sa tête et se drapa dans les plis de sa cape. Elle remontât la ruelle déserte d’un pas alerte et déboula dans la grande rue. En temps normal il aurait été aisé de se cacher parmi la population qui faisait ses achats. Mais, maintenant que la nuit était tombée, il n’y avait plus personne qui circulait. Cependant elle avait prévu ce détail.

La jeune femme se dirigea droit devant elle, traversa la rue et pénétra dans une nouvelle ruelle qui s’ouvrait entre deux hautes bâtisses. Azeo avait juste la place pour se tenir de face. Les tas de détritus entassé là depuis des générations, voir même depuis la création de la ville, dégageaient une odeur nauséabonde. Elle continua dans le dédale de venelles, ayant appris le chemin qui la mènerait jusqu'à la sortie du hameau par cœur. Des bruits de courses lui parvenaient toujours. Ils étaient tenaces et ne voulaient pas abandonner.

La jeune femme se figea. Des cris lui parvinrent aussi de devant elle. Ils l’avaient coincée. Elle était encerclée, et aucun autre moyen de fuir ne se présentait à elle. La jeune femme se campât sur ses jambes, saisit son stylet. Il n’était peut-être plus enduit de poison, mais sa lame était suffisamment affûtée et longue pour trancher des gorges. Elle ne pourrait pas avoir plus de deux adversaires en même temps vu l’étroitesse de la ruelle, ce qui jouait en sa faveur.

Un halo de lumière éclaira les murs des vielles maisons. Un premier homme apparut, tenant une lampe à huile devant lui. Il était seul. Alors que la jeune femme se demandait s’il s’agissait de l’un de ces poursuivants, il pointa le doigt sur elle et se mit à crier.

— Elle est la ! On la tient !

Il sortit une petite dague de sa ceinture, la brandissant devant lui.

— Sale garce, tu vas voir ce que je vais te faire une fois qu’on t’aura chopée. Tu regretteras que ce ne sois pas le baron qui se soit occupé de toi. Tu supplieras pour qu’on t’achève !

Se penchant en avant, la jeune femme ramassa une pierre.

— Qu’est-ce que tu...

L’homme ne put finir sa phrase. Azeo avait balancé son projectile en plein dans sa tête. Le bruit caractéristique d’os qui casse retentit. L’homme tomba à genoux, laissa tomber son arme et sa lanterne qui explosa, laissant l’obscurité reprendre ses droits. Il pressa ses mains sur son nez. Du sang coulait à flot et gouttait sur le sol.

Derrière sa victime, un nouveau halo de lumière apparue et Azeo pu distingué les ombres d’autres hommes approché. Elle attrapa la tête de l’homme à terre et la fit pivoter brutalement sur elle-même. En léger craquement retentit et l’homme s’écroula sans vie. Elle eut juste le temps de s'éloigner du corps de façon à pouvoir bouger sans risquer de se prendre les pieds dedans que ses poursuivants arrivèrent devant elle. Ils étaient trois. L’un d’eux se tenait en retrait, brandissant une lanterne à bout de bras, tandis que les deux autres avançaient de front vers la jeune femme, leurs poignards tirés, leurs lames pointées dans sa direction.

Azeo réitéra son attaque, envoyant une nouvelle pierre à l’homme sur sa gauche. Celui-ci parvint à l’éviter en faisant un pas en arrière et il eut un sourire moqueur. Ce qu’il ne savait pas, c’était que la jeune femme avait fait exprès de le louper. De ce simple geste, elle avait brisé leur formation. Ils se tenaient à présent l’un derrière l’autre, celui de devant empêchant ses confrère d'attaquer comme ils le voulaient, de peur de blesser leurs camarades.

Levant les bras devant elle, elle bloqua l’attaque du premier homme et lui agrippa le poignet. D’une torsion, elle lui fit lâcher son arme et, le faisant pivoter, se colla dos a lui pour s’en servir comme bouclier contre le coup donner par le second agresseur. Le poignard de celui-ci venait de tailler un profond sillon dans le buste de son comparse. Du sang visqueux s’en échappais et coulais jusqu’au sol, où ils tassèrent de larges sillons vermillons dans la terre. L’homme serait mort dans l’heure.

Azeo relâcha son bouclier humain et se jeta sur le second agresseur. Elle enfonça ses genoux dans son ventre, lui faisant recracher tout l’air contenu dans ses poumons. Cependant, loin de lui faire abandonner le combat, l’homme lui agrippa la jambe mis à nue. Voilà pourquoi elle détestait se battre en robe. Les doigts de son agresseur s’enfoncèrent méchamment dans la chair de sa cuise et ses ongles se plantèrent dans sa peau, y laissant des griffures où perlaient des gouttes de sang.

Folle de rage, la jambe toujours bloqué par l’homme, Azeo posa une main au sol et effectua une torsade sur elle-même, abattant le talon de sa jambe libre en plein dans la tempe de son agresseur. Celui-ci la relâcha, tituba en arrière. Ne lui laissant pas le temps de se remettre du coup qu’il l’avait pratiquement assommé, la jeune femme ramassa l’arme précédemment tombé au sol et la lui planta en plein entre les cotes. Il poussa un râle de souffrance, les mains jointes sur la blessure d'où s’écoulaient du sang et un autre liquide visqueux. Lui aussi ne vivrait pas longtemps.

Plus qu’un. Le dernier homme encore debout tremblait de peur. Alors qu’il se retournait pour fuir, la jeune femme se précipita sur lui, agrippa ses cheveux et tira en arrière sa tête, exposant sa gorge.

— Rejoins ce porc en enfer !

Elle lui trancha la gorge. Du sang lui éclaboussa la joue. Elle laissa retomber le corps parcouru de soubresaut.

— Que les ténèbres aient pitiés de toi.

Elle finissait juste de murmurer sa phrase qu’un bras, sortie de l’ombre, lui agrippa le cou. Une main se posa sur sa bouche. Azeo tenta de se débattre, donna des coups de talon, essaya de mordre la main qui l’empêchait de respirer. A cause de la surprise, elle avait fait tomber son arme. Une erreur de débutante qu’elle risquait de regretter amèrement...

— Chuut ! Et calme toi ou je t’assomme.

La jeune femme relâcha tous les muscles de son corps. Si cet homme était son ennemie, il l’aurait déjà tuée. Et puis, assommée, elle ne pourrait plus tenter de fuir. Il la tira sous un porche non loin, ouvrit la porte d’un coup d’épaule et poussa la jeune femme a l’intérieur.

L’homme avait toujours sa main pressé contre la bouche d’Azeo. Celle-ci se laissa faire tout en parcourant ce qui l’entourait des yeux. Il s’agissait là d’une maison des plus banales, appartenant au petit peuple. Toutefois, même si la bâtisses était quelque peu vétuste avec son planché usé, il y faisait chaux et elle semblait bien entretenue. La pièce était plongée dans la pénombre, néanmoins la jeune femme parvint à discerner une table et des bancs au centre, un tabouret dans le coin droit, ainsi qu’un petit foyer, où des braises rougeoyaient difficilement, et une fenêtre obstrué devant elle.

Voyant que l’homme était seul, aucun comparse caché dans la pièce, Azeo dessina qu’il était temps de se rebeller. Elle planta ses dents dans la paume qui écrasait ses lèvres. Aussitôt, une plainte douloureuse se fit entendre dans son dos et la main disparue de la vue de la jeune femme. Elle se retourna, prête à plonger sur son ravisseur. Il la dominait, plus grand qu’elle, elle voulait donc lui supprimer cette avantage en l'envoyant au sol.

A peine s’était-elle retourner qu’une lame se posa sur son cou. Le simple fait de respirer faisait s’enfoncer le métal dans sa peau tendre. Azeo réfléchi un moment a l'intérêt de poursuivre le combat. Elle était essoufflée, sa tenue la gênait pour se battre, son corps commençait à la faire souffrir, surtout sa blessure à la cuisse, et elle ne connaissait pas les lieux. Sa petite rebellions prenait fin ici… Elle leva les mains de chaque côté de sa tête se rendant.

L’homme, dont le visage restait invisible à la jeune femme, baigné dans l’ombre de la capuche, la scrutât un moment avant de baisser son arme. Toutefois, il la garda en main, prêt à s’en servir si Azeo se rebellait à nouveau. Il lui fit signe de se tourner, lui ôtât sa cape, qui s’effondra au sol. Pensait-il profiter d’elle ? Si c’était le cas, il n’allait pas être déçu… A cette idée, un sombre sourire se peignit sur le visage de la jeune femme.

Avant même d’y penser, le jeune femme s’était jeter en arrière, en plein sur son agresseur. Elle pensait le prendre par surprise et l'entraîner au sol. Toutefois, tout ne se passa comme prévu. A peine avait-elle esquissé un mouvement que l’homme avait fait un pas sur le côté. Azeo ne rencontra que le vide et, emporté par son hélant, s’écroula au sol. Elle sentit son agresseur s'asseoir sur elle, la clouant sous lui. La jeune femme avait envie de ruer, mais elle savait que cela ne servirait à rien.

Des larmes de frustration lui montèrent aux yeux, mais Azeo les chassa d’un mouvement de tête rageur. Qu’allait-il lui arriver à présent ? Elle était à sa merci. Totalement. Allait-il la violer ? La tuer ? Tout un tas de scénario plus atroce les uns que les autres se dessinèrent dans la tête de la jeune femme. Toutefois, contrairement à ce qu’elle s’imaginait, l’homme lui agrippa simplement les poignets, lui attacha les mains dans le dos, puis l’aida à se relever. Il la dirigea ensuite sur l’un des bancs où il la força à s’asseoir.

Plaçant un doigt sur sa bouche, l’homme lui intima de se taire, puis s’approcha de la porte et y appuya son oreille, a la recherche de bruits indiquant que les poursuivant de la jeune femme étaient encore là. Profitant qu’il ait le dos tourné, la jeune femme testa les liens mais ne parvint qu’à se brûler la peau. Ses efforts étant inutiles, elle se concentra sur l’homme. Il revenait vers elle. A cause du manque de lumière la jeune femme ne parvenait pas à discerner les trais de son agresseur. Toutefois, quelque chose dans sa posture, sa façon de se déplacer, lui faisait penser que c’était quelqu’un qu’elle avait déjà vu.

Il s’approcha d’elle, posa son arme sur la table, en face de la jeune femme. Elle crue percevoir un sourire émaner de sous la capuche, mais elle n’en était pas sure. Rapidement, il se pencha sur elle et entrepris de la fouiller. Ses mains tâtèrent sa ceinture, descendirent le long de ses jambes, à la recherche d’armes éventuelles. Azeo avait eu un geste de recul, mais, loin de la dureté à laquelle elle s’était attendue, l’homme agissait avec... délicatesse, ce qui la laissait perplexe.

Azeo respirait calmement. Vu de l’extérieure, on aurait pu croire que tout allait bien, alors qu’en elle, tout un tas d’idées fusaient, certaines pour d'échappées, d’autre sur l’identité de son geôlier. Soudain, l’homme passa la main sur les griffures sur la cuisse de la jeune femme et celle-ci siffla de douleur. Il souleva le bas de la robe, découvrant la plaie qui saignait. L’ordure ni était pas allé de main morte !

Tandis que l’homme inspectait la blessure, Azeo ne put s'empêcher de remercier Dolicia pour l’obscurité qui régnait. En effet, sa vie n’avait pas été un long fleuve tranquille et elle avait eu son lot de blessures. Sa peau était recouverte d’innombrables cicatrices. Toutefois, personne n’avait encore pu en deviner l’étendu. Elle prenait un soin particulier à les cacher.

Brisant le silence, l’homme s’adressa à elle.

— Je n’ai pas de quoi bander cette plaie, mais je peux au moins la nettoyer. Il ne faudrait pas qu’elle s’infecte.

Azeo voulu tout d’abord décliner son offre, mais il avait raison. Cela ne lui apporterait rien de résister. Mais, ce qui la retint vraiment de protester, c’était l’étrange idée qui venait de lui traverser l’esprit. Elle connaissait l’homme qui se trouvait devant elle. Cette impression était renforcée par le son de sa voix.

Oui, elle en était certaine. Elle l’avait déjà vu avant. Suffisamment pour se rappeler des inflexions lorsqu’il prononçait certain mots. Ce devait donc être une personne proche d’elle. Cependant cela ne devait pas faire longtemps qu’elle le côtoyait, sans quoi, elle l’aurait déjà reconnu...

Elle l’observa pousser un soupir puis se diriger vers un petit tonneau. Il en arracha le couvercle, qu’il laissa tomber, et, à l’aide d’une louche, versa de son contenu dans une écuelle. Il y plongea ensuite un chiffon sortir d’elle ne savait où, trop occuper à tenter de deviner son identité. Il revint auprès de la jeune femme et s’appliqua à nettoyer les traces de griffures. Une fois fini, la jeune femme observa les plaies. Elles n’étaient pas belles à voir et lui laisseraient sûrement de nouvelles cicatrices a ajouter à sa collection.

L’homme posa le chiffon sur la table et retourna près du tonneau. Il y plongea cette fois la main. Le bruit de gouttes s’écrasant au sol brisait le silence qui régnait dans la pièce. Un rayon de lune traversa les tentures qui obstruaient la fenêtre. Percevant le liquide transparent s’écouler entre les doigts de l’homme, sur ses lèvres et le long de sa gorge, Azeo eu soudainement soif. Mais pas d’une soif que cette eau aurait pu étancher...

— Si vous pouviez arrêter de me fixer comme cela, je préférerais.

Il sourit légèrement alors que la jeune femme détournait rapidement la tête.

— Ce n’est pas la peine de faire la jeune vierge effarouchée ! Pas après l’endroit d’où vous sortez.

La jeune femme rougie. Elle avait honte de s’être fait prendre ainsi, entrain de l’observer… A tel point qu’elle en oublia de lui demander comment il savait qu’elle sortait d’un lupanar.

— Et puis, poursuivit l’homme, je sais que je suis irrésistible. Il est impossible de résister à mon charme...

— Quoi ?! Je ne pensais pas à cela ! Et puis vous n'êtes pas si beau que ça.

Elle se mordit l’intérieur de la joue. Il l’avait eu. Elle venait d’avouer non seulement qu’elle l’avait dévisagé, mais aussi qu’elle avait eu des pensées pas très religieuses.

Il lui adressa un large sourire, que la jeune femme trouva resplendissant.

— Je vous préfère comme ça.

— Comment ça ?

— Plus querelleuse...

— Oh ? Et qu’est-ce qui vous fait croire que je suis belliqueuse ? Me connaissez-vous ? Et puis, qui êtes-vous ?

Le jeune homme garda me silence. Il fit quelque pas, décrocha quelque chose du mur et se dirigea vers les braises. La torche prit rapidement feu et dégagea une lumière rassurante dans la pièce. L’homme se tenait de dos. Il reposa la torche sur son support mais veilla à dissimuler son visage.

Alors que la jeune femme s’interrogeait sur ses intentions, l’homme pris une profonde inspiration.

— Promettez-moi de ne pas hurler. Vos poursuivant ont perdu votre trace pour l’instant, mais ils ne sont pas loin...

— Pourquoi crierais-je ?

L’homme eu un haussement d’épaules puis se retourna avec lenteur tout en abaissant sa capuche.

— Vous !

Azeo c’était relevé, faisant vaciller le banc, et n’avait pu retenir son cri d’indignation. Elle l’aurait certainement injurié à plein poumon si l’homme n’avait pas agis si brusquement. D’un mouvement agile, il avait contourné la table et posé sa main sur la bouche de la jeune femme.

— Ha... Les femmes ! Incapables de tenir leurs promesses.

Le Sire de Contespand se tenait devant la jeune femme et levait les yeux au ciel. Il en profita pour la forcer à se rasseoir. Lorsqu’elle arrêta de s'agiter sous sa poigne, retrouvant son calme, il reprit la parole.

— Est ce que vous serez sage à présent ? Il n’est pas dans les habitudes de devoir ligoter une femme pour lui parler, mais en même temps vous ne m’avez pas vraiment laissé le choix.

La jeune femme hocha simplement la tête et, attrapant la lame laisser sur la table, il lui libérer les mains avant d’aller s’asseoir sur le tabouret dans le coin de la pièce. A croire qu’il prenait ces distances avec elle, malgré le fait qu’il est dominé leur combat tout du long.

Un petit moment s’écoula. La jeune femme fulminait, mais elle s’était rapidement remise de sa surprise. Doricien l’avait relâché. Un bon point pour elle. Il l’observait, guettant sa réaction.

— Arrêtez de me dévisager ainsi, c’est désagréable…

Doricien éclata d’un rire franc.

— Vous voyez, quand je vous le disais.

Rassurer sur le fait qu’elle ne se jetterait pas de nouveau sur lui pour déclencher une nouvelle rixe, il se rapprocha et pris place sur le banc en face d’Azeo, les coudes posés sur la table, le menton appuyé sur ses mains jointes.

— Comment avez-vous su où me trouver ?

La jeune femme avait posé la question avec froideur.

— Disons que je vous gardais a l’œil...

— Hum… Qui êtes-vous vraiment ?

— Sire de Contespand, Doricien pour mes amis. Je suis aussi les yeux de mon roi. C’est mon travail de savoir tout ce qui se passe sur ses terres... Mais assez parlé de moi. Ce qui m’intéresse, c’est vous. Qui êtes-vous ?

— Je n’ai pas à répondre à vos questions.

Il la fixa un instant, plongeant son regard dans les yeux de la jeune femme.

— Jusqu'à preuve du contraire, c’est moi qui ai les armes.

Il posa sa main sur la lame.

— Vous êtes une meurtrière recherchée. Parmi les rumeurs que j’ai pu entendre, un certain faucon de la nuit serait arrivé entre nos murs il y a peu. Je ne m’attendais toutefois pas à ce que ce soit vous, plutôt l’un des hommes qui vous accompagne. Car je sais qui vous êtes. Ce que je me demande, c’est comment vous avez fait pour vous procurer des documents signés du Roi de Kinaroc. Les avez-vous volés ?

La jeune femme s’esclaffa de rire.

— Bravo, vous êtes la première personne à avoir capturé le faucon de la nuit. Et, oui, j’ai bien tué le baron de Mont Castin. Mais je n’ai pas volé les documents du roi ! C’est lui qui me les a remis.

— Si vous le dite… Nous éclaircirons ce point plus tard. Pourquoi avoir tué le baron ?

— Comme si vous n’étiez pas au courant de ce qu’il faisait !

L’homme fit la grimace. Tout en parlant, la jeune femme s’était relevée et faisait des allées et retours entre la porte et la table. Elle venait de finaliser son plan pour s’échapper. Elle n’avait plus qu’à attendre que l’homme baisse sa garde...

S’arrêtant soudainement après un énième aller et retour sous le regard à la fois interrogateur et soupçonneux de Doricien, la jeune femme se retourna et fixa l’homme dans les yeux. A sa surprise, il ne chercha pas à briser le contact. Elle cherchait à comprendre pourquoi, alors qu’il venait de la confronté, il gardait à présent le silence. Ils restèrent ainsi pendant près d’une minute, le regard d’un bleu d’une nuit sans étoile de l’homme hypnotisait Azeo. Elle devait se ressaisir !

Elle se rassit précipitamment en face du jeune noble et, alors que celui-ci ouvrait enfin la bouche pour parler, elle le coupa. Toutefois, elle prenait soin de ne pas le regarder dans les yeux.

— Vous n’auriez pas à manger ? Je meurs de faim…

Perplexe, ne s’attendant pas à ce changement de sujet brutal, il la fixa, levant un sourcil en signe d’étonnement. Avait-il deviné son trouble ? Savait-il qu’elle projetait de fuir ? Elle espérait que non.

— Hum… Je ne suis pas votre serviteur, finit-il par dire. Pourquoi vous aiderai-je ?

— Oh ! Je ne sais pas… Parce que je suis une noble dame avant tout et vous un sire. Vous devriez donc tout faire pour combler mes envies. Tous du moins, si vous vous considérez comme un gentilhomme. Ce qui reste à prouver, vu que vous me retenez ici. Contre ma volonté, je tiens à le précisé.

La jeune femme avait posé ses poings sur les hanches, adoptant un air furieux. L’homme fit un petit sourire et leva les deux mains en l’air, en signe de reddition.

— Je ne vous retiens pas. Vous êtes libre de sortir et de courir vous jetez dans les bras de ceux qui vous cherchent.

— Vous ne me croyez pas capable de leur échapper ?

— Nous avons tous les deux vu où cela vous a menez jusqu’ici… D’ailleurs, j’attends toujours un signe de reconnaissance.

A ces mots, elle sentit la colère bouillonner dans ses veines. Piqué au vif quant à son inaptitude à semer ses agresseurs, la jeune femme se leva d’un bond et frappa la table de la main.

— Je n’ai jamais demandé votre aide !

Doricien ne réagit pas à son excès de colère, restant impassiblement accoudé à la table. Au contraire, sa réaction semblait même l’amuser...

— Tout de même, vous êtes bien contente que j’ai été là.

C’était vrai. La jeune femme ne savait pas comment elle aurait pu s’en sortir sans trop de blessure sinon. Il lui aurait sûrement été impossible de relier le fort ce soir-là. Elle aurait dû attendre le lendemain, l’ouverture du marché et avec lui l’augmentation des aller et venus pour enfin pouvoir sortir de la ville. Mais jamais Azeo ne l’admettrait. Plutôt embrasser un niuf !

— Je m’en serais sortie sans difficulté, et serais déjà dans mes appartements au château !

— On y croit tous… Pourquoi ne sortez-vous donc pas, si c’est le cas ?

— Comme si j’allais faire ça maintenant, triple buse !

— Ne soyez pas si en colère…

La jeune femme souffla et lui tourna le dos avant de marmonner.

— J’ai faim ! Et quand j’ai faim, je suis d’une humeur exécrable.

— Je vois ça.

Le jeune homme poussa un soupir, ce qui lui attira de nouveau les foudres de la jeune femme.

— Bien, bien… Je me rends !

L’homme se leva et, d’un geste de la main, désigna le banc, faisant signe a Azeo de revenir s’asseoir. Une fois qu’elle y ait pris place, il farfouilla ensuite dans les placards, à la recherche de quelques mets susceptibles de convenir à la jeune femme. Ce qui devait s’avérer difficile, vu son comportement…

Il mit finalement la main sur un sac de riz ainsi que sur des carottes et des pommes de terre. Rien de bien noble, mais si la jeune femme avait effectivement faim, elle devrait s’en contenter. Alors qu’il ravivait le feu, après avoir déposés ses trouvailles sur la table, il vit la jeune femme l’observer, intriguée.

— Qui a-t-il ?

— Que faite-vous ?

— Je vous prépare à manger. N’est-ce pas ce que vous avez demandé ? Ou, plutôt, exigez ?

— Je ne pensais pas que vous le feriez vraiment…

— Alors, pourquoi avoir demandé ?

Azeo haussa les épaules, mais n’ajouta rien. C’était la première partie de son plan d’évasion. Elle devait l'occuper d’une façon ou d’une autre afin qu’il relâche sa vigilance. Mais elle n’aurait jamais pensé y arriver ainsi. Elle avait juste évoqué sa faim et s’en était plainte afin de l’exaspérer suffisamment pour qu’il cède à sa prochaine demande, à savoir utiliser les latrines. Comme elle n’en avait pas vu dans la pièce, il aurait dû la conduire au dehors, où elle lui aurait alors faussé compagnie.

Revenant au présent, elle observa Doricien. Le jeune homme attaquait maintenant la découpe des différents légumes. Au préalable, il avait mis une petite bassine remplis d’eau au-dessus du feu. Il finit par mettre les petits cubes qu’il avait obtenus dans l’eau, qui était maintenant en ébullition, et y ajouta le riz.

— Que préparez-vous ?

— Un bouillon de riz, accompagné de légumes. Normalement, on y ajoute aussi un morceau de bœuf, mais je n’en ai pas trouvé. Cela ne fait rien, le plat aura tout de même bon goût.

— Si vous le dites…

La jeune femme resta silencieuse jusqu’à ce que l’homme revienne prendre place à côté d’elle. Il faudrait encore un moment avant que le repas ne soit près. Azeo allait lui demander de quoi se soulager quand il la prit par surprise en reprenant la parole.

— Vous avez eu raison de vous occuper du baron. Seulement, j’aurais préféré qu’il n’y perde pas la vie de sorte que j’aurais pu le ramener devant mon roi. C’est à lui de rendre justice sur ces terres.

La jeune femme eu un haussement d’épaules.

— Je n’ai fait que mon travail. Et si vous vouliez vraiment qu’il soit jugé, vous auriez dû vous y prendre plus tôt. Combien de jeunes filles ont eu leur vie brisée à cause de lui ? Ne croyez pas qu’elles s’en remettrons un jour. Ce qui leurs est arrivé est à jamais gravé dans leurs chaires, dans leurs mémoires. Certaines arriverons à continuer à vivre, a avancé malgré cette sordide histoire, mais ce souvenir les hantera a jamais… Et pour celles à l’esprit trop doux, elles préféreront mettre fin à leurs jours que de vivre avec.

La jeune femme fixait le vide, le regard absent. Un tas de questions se pressa dans la tête de Doricien, mais celui-ci préféra ne pas couper la jeune femme de peur qu’elle s'arrête de parler. Hors, il voulait en savoir plus sur elle.

— Vous n’avez pas idée à quel point leurs vies ont été brisé. Mais cela ne vous intéresse pas, vous le noble Sire ! Après tout, ce ne sont que des filles du peuple, de simples servantes. Elles ne sont pas même rattacher à une maison, alors elles ne sont que quantité négligeable.

Au fur et à mesure que les mots sortaient de sa bouche, la voie de la jeune femme se faisait plus dure, plus accusatrice. Un peu comme si… Le jeune homme secoua la tête. Elle en parlait avec une telle gravité, presque comme si c’était d’elle qu’elle parlait. Mais cela était absurde. D’après ces dires, elle appartenait à la cour de Kinaroc. Elle n’avait donc pas pu vivre une telle épreuve.

Après un instant de silence, la jeune femme repris, plus calme.

— Voilà pourquoi des gens comme nous existe... Voilà pourquoi le Faucon de la Nuit existe. Les gens du peuple ne peuvent pas avoir confiance envers les nobles pour régler leurs affaires. Ils font alors appellent à l’Ordre de la Nuit, aux enfants de Zee. Eux les écoutent et répondent à leurs demandes !

A présent, elle avait le regard fixé sur Doricien. Il était accusateur, emplit de haine. Toutefois, cette haine ne lui était pas destinée à lui personnellement, mais plutôt à ce qu’il représentait. Doricien senti un filet de sueur couler dans son dos face à la noirceur que dégageait la jeune femme assise en face de lui. Elle n’avait plus rien à voir avec la jeune femme rieuse et colérique qui se laissait porter par ses sentiments. La personne qu’il avait devant lui lui faisait peur. Il n’avait pas honte de l’avouer.

Ne supportant plus le regard d’Azeo, le jeune homme se leva, lui tourna le dos et s’approcha du feu. Il s’empara d’une louche et versa du bouillon dans une petite coupelle faisant office d’assiette. Lorsqu’il fit de nouveau face à la jeune femme, il eut un temps d'arrêt, surprit de la voir sourire à nouveau, les yeux pétillants d’amusement. Elle était redevenue normal, comme s’il ne s’était rien passé. Il déposa l’assiette de fortune remplis à ras bord devant elle.

— Tenez.

— Merci.

Azeo senti tout d’abord la nourriture, le plus discrètement possible.

— Je n’ai pas mis de poison. Vous m’avez vu préparer le repas.

La jeune femme devient écarlate.

— Mauvaises habitudes…

Elle porta la cuillère à sa bouche. Aussitôt, elle se figea.

— Ce n’est pas à votre goût, ma Dame ?

Doricien avait prononcé ces derniers mots avec mépris. La jeune femme s’empressa de secouer la tête.

— Non ! Pas du tout. C’est très bon.

Il la fixa, cherchant à savoir si elle se moquait de lui. La jeune femme prit encore plusieurs bouchés avant de le fixer à son tour.

— Ainsi, vous savez cuisiner ?

— Vous en doutiez ?

— Je dois admettre que oui…

La jeune femme replongea son regard dans son assiette de fortune et porta une nouvelle cuillerée à sa bouche. Doricien la laissa faire, se posant toutefois des questions quand a cet étrange changement dont il avait été témoins. Il décida toutefois de ne pas la questionner. Du moins, pas pour l’instant.

De la lumière commençait à percer à travers les tentures. Doricien se leva et lui tendis la main.

— Le jour est proche. Nous pouvons très certainement regagner le château sans risque maintenant.

Azeo tendis la main pour attraper celle gentiment tendu puis se figea. Que lui était-il arrivé ? En temps normal, elle supprimait toute personne ayant découvert son secret. Pire, elle lui avait parlé des enfants de Zee, l’un des secrets de l’Ordre de la Nuit. Pourquoi ? Et puis, elle s’était laissé submerger par les émotions, elle avait laissé des souvenirs remonter à la surface. Avait-il comprit que cette histoire l’avait touché plus que de raison ? Elle ne le pensait pas. Du moins elle l’espérait.

Le plus sage était tout de même de l'empêcher de parler. Mais, pour une raison inconnue, elle ne voulait pas tuer le jeune homme. Il serait bien temps plus tard, si cela s’avérait nécessaire.

— Alors allons-y…


Texte publié par Lorelei, 15 mai 2016 à 05h54
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