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Le palais de Kinaroc était en effervescence. L’ensemble des murs de la vielle bâtisse en pierre de taille raisonnait des pas agités de ses occupants. En un balai ininterrompu, les serviteurs s’agitaient en tous sens, allant par-ci, empruntant un couloir, puis revenant sur leurs pas, prenaient la direction opposée. Des murmures horrifiés, des chuchotements accusateurs et, parfois, des cris d’indignation s’élevaient d’un peu partout, se propageant d’une aile du palais à une autre, brisant l'habituel silence nocturne. Jamais un tel désordre n’avait régné jusqu'à maintenant. Dans un coin de la grande salle, les tables encore dressées suite au précédent repas, près de la cheminée ou crépitaient des buches, quelques caméristes sanglotaient en silence. L’une d’entre elles était même effondrée au sol.

Du haut du petit balcon, celui qui donnait sur la salle du trône, une jeune femme observait toutes ces allées et venues intempestives, sagement accoudée à la rambarde de bois finement ciselé. Le jeune page à son service se racla la gorge.

— Heu... Ma Dame…

Elle détourna son attention de l’agitation ambiante pour le reporter sur le jeune garçon. Une culotte et des bas crèmes, des mocassins à pompon, une chemise élégante mais un peu trop grande pour lui, le garçon portait encore ses plus beaux habits malgré l’heure tardive. La jeune femme leva un sourcil interrogateur.

— Qu’y a-t-il ?

— Vu les circonstances, il pourrait être mal vu de vous voir à flâner ainsi…

Le garçon pivota la tête en direction de la salle en contrebas. La jeune femme donna un rapide coup d’œil alentour, suivant le regard du page. Effectivement, tous les nobles et gentes dames de la cours avaient comme fui la pièce dès le début des clameurs. Elle seule était resté, seule comme à son habitude, accoudé au balcon et dégustant son verre de vin, perdu dans ses pensées. Elle donna un petit coup de la main sur sa longue robe rouge, comme pour se débarrasser d’une poussière. Bien entendu, sa tenue était propre, comme toujours, mais elle aimait à vérifier que sa toilette reste impeccable. Une fois cela fait, elle se tournât vers le garçon.

— Oh ! Et que se passe-t-il donc de si grave ?

Le jeune page eu l’air choqué.

— Vous n’êtes pas dans la confidence ?

La femme lui lança un regard amusé. Le jeune garçon baissa la tête et devint plus rouge que le velours qui composait la robe de la femme.

— Mille excuses, ma Dame.

Celle-ci eut un sourire amusé. C’était elle qui avait ramené le jeune garçon au palais, le prenant à son service après l’avoir vu mendier dans les bas quartiers. Elle avait eu pitié de lui. Ainsi qu’un autre sentiment, mais elle refusait de se pencher là-dessus. Bien entendu, son geste avait fait parler d’elle dans les hautes sphères des nobles. Si certains avaient trouvé son geste charitable, c’était l'incompréhension qui l’avait emporté.

Elle avait pourvut au bien-être du garçon, l’installant dans l’aile des domestique et lui fournissant des habits digne de ce noms. Elle avait aussi fait en sorte qu’il reçoive une éducation digne d’un serviteur exerçant au palais. Si cela avait été dur au début, le garçon avait pris sur lui et avait tout fait pour rendre sa maitresse fière de lui. Il avait serré les dents à chaque corrections, caché ses larmes lorsqu’il était épuisé et que la tache lui semblait impossible. Bien qu’elle ne l’admettrait jamais publiquement, la jeune femme était fière du garçon qu’il était devenu.

— Tu es déjà pardonné. Mais raconte plutôt, que se passe-t-il ?

Se rapprochant, veillant à n'être entendu de personne bien que l’endroit où ils se trouvent soit à présent vide, il parla à voix basse.

— La reine vient de mourir !

La jeune femme eu un mouvement de recul et plaqua sa main devant sa bouche, choqué.

— Comme c’est affreux ! Je comprends mieux le pourquoi de toute cette agitation.

La jeune femme détourna les yeux du garçon et lança un regard par-dessus la rambarde. Elle avait l’impression d’être observé depuis un moment. Semblant soudain prise d’un malaise, la femme vacilla quelques instants, s’agrippant à la balustrade.

— Ma Dame !

Le garçon passa son bras autour de la taille de la femme, la soutenant du mieux qu’il le pouvait.

— Merci mon brave Gus. La nouvelle m’a, semble-t-il, plus affectée que ce à quoi on ne pouvait s’attendre. Je ferais certainement mieux d’aller me reposer dans ma chambre.

— Laissez-moi vous y conduire.

La jeune femme se laissa conduire par le jeune page, ravis du jeune homme en devenir qu’il était.

Tandis que le duo descendait les escaliers de la galerie pour s’enfoncer dans les entrailles du palais, une silhouette sortie de sous l’ombre de la galerie. Elle fixait le dos de la dame, ses yeux gris pétillants de malice. Un sourire étira ses lèvres, fière de ce qu’elle avait si bien orchestré. La personne se reprit rapidement, se recomposa un masque d’indifférence et sorti à son tour de la salle. Une autre affaire requérait son attention.

La jeune femme laissa le page devant sa porte, le remerciant de l’avoir accompagné jusqu’à ces appartement. Il lui souhaita un bon rétablissement et s’en alla, les traits tirés de préoccupation. Soudain, la jeune femme le héla et le jeune page s’empressa de la rejoindre. Elle lui demanda de la prévenir immédiatement s’il entendait la moindre information suite au drame qu’il venait de lui annoncer. Il hocha vigoureusement la tête et reparti.

Une fois le lourd panneau en bois enfin refermé, la jeune femme s’appuya contre celui-ci. Elle baissa la tête et plusieurs mèches de cheveux ébène vinrent dissimuler son visage. Toutefois, un sourire cruel était toujours perceptible. Entre ses lèvres ainsi tendues, un petit murmure s’échappa :

— Mission accomplie...