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tome 1, Chapitre 24 « Dissidence (pt5) » tome 1, Chapitre 24

Nobi arborait un sourire victorieux. Sans se soucier des réactions, le soldat apporta sa trouvaille à Brinarn qui eut alors une expression de dégout. Un échange de mots à peine audibles plus tard et Sejer faisait signe à ses gardes d’emmener le marchand, qui ne se débâtit même pas, certainement persuadé que son rang jouerait en sa faveur. De ce qu’il avait vu de la personnalité du molosse, le voleur ne donnait pas cher de sa peau. Le silence se rompit alors et les discussions reprirent dans l’instant, avec un enthousiasme des plus malsains.

Ils passèrent la nuit dans une petite cellule dans le sous-sol de la montagne, poings liés. Nobi dut déployer toute sa patience pour expliquer au voleur les détails de ce qui s’était dérouler un peu plus tôt. La conversation était longue et peu motivée. La fatigue sans doute. Non pas qu’il allait être facile de s’endormir dans le froid, l’humidité et l’absence de confort. Et que dire des liens trop serrés. Non, malgré la température, tous deux se tenaient aussi loin que possible l’un de l’autre. Il y avait bien deux couvertures et de la paille un peu plus loin, mais tout cela était monopolisé par d’adorables puces. Même si Nobishadiya reprochait plus que de raison à Taran de constamment ramener la vermine sous son toit, il était évident que les deux complices n’allaient pas être épargnés. L’homme ne s’en souciait guère, probablement plus habitué qu’elle à ces minuscules points qui s’étaient mis à grouiller à la lueur de la torche.

« Il n’est vraiment pas Vistrène alors ? Lança son interlocuteur.

— Non, certainement pas, répondit-elle en un soupir. C’est un code. Les espions ne peuvent pas se permettre de signer leurs renseignement de leur véritable nom, même toi tu dois bien le comprendre. Il faut pourtant s’assurer de la bonne provenance de ces lettres. Seules quelques personnes dans les hautes autorités devaient connaître son identité et son activité principale. L’amulette servait dans ce cas précis à préserver le sceau du secret, littéralement. Ce n’est pas le genre d’objet que l’on cherche habituellement sur quelqu’un et certainement pas sur un homme du Nord. C’est d’autant plus intriguant que j’ai entendu des rumeurs qui disaient que d’autres nations avaient commencé à utiliser ce système pour brouiller les pistes.

— Tu veux dire qu’il ne travaille peut-être pas pour les Vistrènes ? Voilà qui donne à réfléchir. Sauf qu’il a montré l’objet à quelqu’un sur le port, n’est-ce pas totalement inhabituel ?

— Ca l’est. Et je trouve ça drôlement intéressant. Il a pu se passer quelque chose qui l’a poussé à rencontrer dans l’urgence son contact, face à face, ce qui était extrêmement dangereux pour lui.

— Il lui a montré l’amulette pour lui prouver qui il était ? C’est ta théorie ?

— Oui, affirma-t-elle en se frottant les mains. Je me demande même si notre cher Sejer n’aurait pas eu un rôle à jouer dans tout ceci. Quoi de mieux pour démasquer un traitre que de le pousser à l’imprudence. Après tout, s’il ne connaissait pas son identité véritable, il n’avait qu’à attendre que notre homme fasse un mauvais pas. C’est de la manipulation de haut vol si tu veux mon avis. Ce qui nous amène à la question suivante.

— Comment diantre savait-il que nous étions passé par là ? Enonça le voleur à sa place.

— N’est-ce pas ? C’est ce qui me préoccupe le plus. Ca ne peut pas être une coïncidence, c’est beaucoup trop beau. Il y a bien quelqu’un qui l’a informé et peut-être même quelqu’un qui a fait en sorte que nous n’ayons pas d’autres refuges que les docks.

— Là tu exagères. Qui aurait pu prévoir une suite d’évènements aussi complexe ?

— Je sais, je sais. Banem bak, je n’aime vraiment pas ça. Dans le meilleur des cas, il a bien fallut que Sejer ait une source quelque part. Non seulement on nous a vu, mais en plus ce quidam savait qui nous étions. Tu ne trouves pas ça inquiétant ? »

Le silence qui suivit devînt plus fort que n’importe quel mot. Le temps s’écoula dans une espèce d’angoisse visqueuse parsemée d’appréhension. Ce fut probablement la nuit la plus longue qui lui avait été donné de passer.

Au petit matin, les gardes vinrent les chercher. La première pensée de Taran fut de se tenir près à se défendre malgré ses liens, juste au cas où. Contre toute attente, le duo fut libéré, sans aucune autre forme de procès. On les mena jusqu’à la porte, avant de les détacher et de leur faire signe qu’ils pouvaient partir. Ce ne fut même pas Sejer qui s’en chargea, mais un de ses sous-fifres. D’un pas hésitant, ils empruntèrent le chemin ponctué de marches qui redescendait vers la ville, heureux que personne ne soit là pour les voir, tout du moins de façon directe. Les soldats avaient tenu parole. La silhouette pâle et élancée se tourna, hésitante, vers Nobi:

« Ce sont des fous s’ils n’ont pas fouillé la maison de fond en comble après nous avoir emmené.

— Oui. J’espère qu’ils ont verrouillé la porte en partant.

— Je ne me ferais pas trop d’illusions. »

Ils dévalèrent le reste de la pente. Se dépêcher n’avait plus de sens maintenant, le mal avait été fait, mais au moins leur inquiétude durerait moins longtemps. Peu de gens étaient dans les ruelles, ce qui leur épargna la honte d’être vus dans un tel état. Il leur resta peu d’espoirs une fois arrivés à l’intérieur de leur logis. L’endroit avait été vidé et saccagé, pas seulement par les soldats. Tous les vagabonds d’Arakfol avaient dut vernir piocher dans leurs affaires.

« Voler à un voleur, cela devrait être interdit, » maugréa Taran en poussant du bout du pied une assiette brisée qui jonchait le sol.

Il s’était, mine de rien, bien attaché à la vieille bicoque, durant les quelques jours où il y avait résidé. Ce pincement au cœur était des plus inattendus. Un regard vers sa comparse lui confirma qu’il n’était pas le seul à devenir sentimental. Son front était plissé et donnait l’impression qu’elle planchait sur un problème insoluble. Il soupira.

« Allons, allons. Ne désespérons pas. Tu oublies ma prévoyance légendaire. »

Elle se mit à rire. Il ne s’en formalisa pas. Quelques minutes plus tard, il eut confirmation que les charognards qui les avaient dépouillés n’étaient que de vils amateurs. Même si deux de leurs caches avaient été découvertes, les trois autres, plus importantes, demeuraient intactes. Une bonne partie de leur argent avait été sauvé, ainsi que quelques objets forts utiles, dont la dague qu’il avait offert à Nobi, qu’elle avait enterré la veille de leur mésaventure sous sa banquette. Au moins, ils n’étaient pas entièrement démunis.

Tous deux étaient en train d’organiser leurs efforts pour réparer certains des dommages quand soudain une ombre parue à la porte. Le visage dur, à moitié paralysé, que la capuche du manteau voulait dissimuler lui fut reconnaissable dans la seconde. Taran se posta aussitôt entre lui et Nobishandiya, conscient que la dague était à présent leur seule ligne de défense.

« Je savais bien que c’était trop beau, » grommela-t-il.

Sejer, un ricanement placardé sur la partie gauche de son visage, referma la porte derrière lui avec son talon.


Texte publié par Yon, 20 mai 2017 à 07h05
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