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tome 1, Chapitre 13 « Ce dont rêvent les Voleurs (pt1) » tome 1, Chapitre 13

Ils ne se revirent pas. Ou en tout cas pas durant la semaine suivante. Taran resta enfermé dans son petit monde, contemplant ses options et leurs conséquences dans les reflets carmin d'un verre à la taverne. Dans l'ensemble, il n'était motivé pour prendre aucune décision. Il était las, éreinté et engourdi. Plus rien n'avait d'importance. Même s'il avait essayé d'avoir un égal parmi les voleurs, son échec cuisant en disait long sur sa valeur et sa petitesse. Il n'avait plus le goût de faire quoi que ce soit.

À sa grande surprise, il vit une belle silhouette brune s'avancer un beau matin et le gifler de toutes ses forces. Secoué, il lâcha un cri rauque et mit quelques secondes avant de réagir :

« Qu'est-ce que... Mais enfin, pourquoi ?! »

Nobi esquissa un sourire à la fois moqueur et retors.

« Pour plusieurs choses. D'abord pour m'assurer que tu n'es pas ivre, ensuite pour t'apprendre que l'on ne brusque pas une dame et enfin, pour te dire que je ne suis pas très contente de te voir, seulement j'ai un travail qui mérite ton attention. »

Elle décida de l'entraîner prendre un petit déjeuner copieux chez Ivar. Apparemment, elle revenait tout juste d'un rendez-vous avec un négociant de tissus.

« C'est une période très creuse, puisque le commerce avec Idoria s'est arrêté. » lança-t-elle en finissant son morceau de pain.

Les embarcations étaient contraintes de rester au port au cœur de l'hiver. Et lorsque la saison des Iceberg reviendrait, certaines routes maritimes ne seraient plus praticables. Le commerce vivait donc au ralenti à Arakfol, qui était l'une des portes principales vers le continent. Les marchants devaient chaque année remplir leurs entrepôts avant la tombée du froid.

« Oui, enfin, cela n'empêche pas certains d'en profiter pour jouer avec la spéculation, » ajouta Taran.

Sa comparse acquiesça avec un sourire. Il était très tentant de retenir le flux de certaines denrées et d’attendre que les prix montent pour écouler le stock.

« C'est pour cela qu'il y a des lois au Lumkest. Tous les marchands doivent déclarer la totalité de leurs réserves au début de l'hiver. Pour palier cela.

— Ma Dame, nous savons tous deux qu'il n'y a pas une âme dans cette ville qui ne tentera pas la fraude. Reste à savoir qui se fera prendre et qui passera au travers des mailles.

— Précisément, sourit Nobishandiya. Dénoncer un confrère lorsque l'on a amassé suffisamment de preuves peut s'avérer être une activité très lucrative. Les régnants sont toujours prêts à verser une petite récompense aux délateurs et la forte amende que doit payer le coupable peut devenir une façon très maligne de se débarrasser d'un concurrent, ou en tout cas, de l'endommager. Seulement, que faire lorsque l'on n’a pas de preuve directe ? La délation est risquée par ici. »

Le resquilleur gratta son menton barbu.

« Reste le chantage je suppose ? Un coup d'esbroufe est parfois très efficace.

— Je vois que nous avons été élevés à la même école. Vois-tu, expliqua-t-elle, un de mes fidèles vient de m'offrir l’opportunité d'un coup double parfait.

— Tu n'es quand même pas en train de me dire d'aller extorquer les commerçants du nord d'Arakfol ?

— Non, loin de là. Je connais un très jeune marchand qui s'est retrouvé dans de sales draps ces temps derniers. Je suis certaine que tu as entendu parler de la famille Tronen ?

— Oui, ce sont des claniques très attachés aux vieilles traditions.

— Si tu veux, » répondit Nobi qui visiblement n'était pas sûre d'avoir compris ce que cela impliquait.

Elle reprit :

« Le chef de famille sème la terreur auprès des petits marchands, qui pourraient venir les gêner à la saison prochaine, en réunissant des preuves contre eux avant de les menacer d'une dénonciation. Et comme j'ai entendu dire qu'il avait l'oreille du Seigneur… »

Le voleur fut parcouru d'un frisson. Il préférait garder cette protection confortable qu'était l'anonymat plutôt que d'aller se frotter directement à ces molosses qu'étaient les familles issues des lois ancestrales.

« Laisse-moi deviner. L'un de tes contacts est sous les griffes des vautours.

— J'en ai peur oui. Les prix ont l'air exorbitants et il y a une limite à ce que Renolt peut offrir de sa poche. Quant à moi, je ne peux pas me permettre de perdre une relation fiable. Je me fiche de savoir qui sont les Tronen, je les veux hors de mes affaires. »

Il ne put qu'en rire intérieurement. C'était bien vrai, comment une noble famille de marchands osait-elle s'en prendre à Nobishandiya, l'esclave en fuite ! Malgré cette bravade, il fallait être réaliste :

« Allons donc. Je suppose que tu as déjà une petite idée de la marche à suivre ?

— Oui. Renolt soupçonne qu'ils cachent de la contrebande dans un grenier leur appartenant. Si ce fait est vérifiable, cela pourrait les discréditer et rendre leur chantage inopérant.

— Ou les pousser dans leurs derniers retranchements et les forcer à livrer tous les noms qu'ils possèdent. Toujours se méfier de la louve, Nobi. C'est un jeu dangereux que tu voudrais faire là. »

Elle ne fit que ricaner, avec cette arrogance caractéristique.

« Bien entendu, si nous trouvons l'une de ces caches secrètes, rien ne nous empêchera de nous servir au passage.

— Une minute, s'énerva Taran, tu n'es pas en train de me dire que tu as révélé notre petit travail à l'un de tes contacts ?

— Ne sois pas ridicule ! Je ne suis pas si indélicate. J'ai suggéré avoir une connaissance qui avait elle-même une connaissance qui aurait éventuellement pu l'aider. Je ne lui ait rien promis du tout et sûrement pas de le faire moi-même. Avoue que c'est tout de même tentant. Il y a peut-être une belle somme qui nous attend à cet endroit !

— Décidément, tu dois vouloir me rendre fou, râla-t-il. S'il s'agit d'un grenier des hauts quartiers, alors il sera situé bien loin de nos secteurs d'influence. Ce sera un travail dangereux et qui nécessitera beaucoup de préparation. Nous n'aurons nulle part où nous cacher si quoique ce soit tourne mal. »

Loin de se décontenancer, sa Dame ne fit que découvrir ses dents en lui lançant un regard des plus malicieux.

« J'espérais pouvoir profiter de ton expertise.

— Est-ce là la seule raison de ta présence ? M'utiliser à tes propres fins ?

— Lorsque tu as voulu m'utiliser moi, je ne me rappelle pas t'avoir vu hésiter longtemps. »

Le grognement étouffé de Taran n'aurait pas été plus fort s'il avait été frappé dans les parties.


Texte publié par Yon, 25 octobre 2016 à 11h23
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