Note de l'auteur: Je n'aime pas du tout ce bout là. Mais alors pas du tout. J'ai mis beaucoup de temps à revenir parce que c'est un de mes textes les plus casse-pieds et je n'arrive pas à l'écrire d'une manière qui me plaise. Hélas, il faut bien le publier un jour. Ceci est le dernier morceau "d'intro", qui dans mon découpage, équivaut à la fin de mon chapitre 2. Oui, mes chapitres sont très longs. Bonne lecture !!
Plus tard cette même après midi, Arnun Tonkersen entendit du remue-ménage derrière la porte de la maison familiale, avant de voir celle-ci s'agiter. Plissant les sourcils, il marcha jusqu'au verrou, certain qu'il s'agissait encore de ces enfants du quartier qui faisaient de mauvais tours au lieu d’en finir avec leurs corvées. Le geste fut brusque. Un éclair de surprise. De l'autre côté, il ne vit qu’une femme sans âge écroulée devant la dite porte. Ses yeux étaient hagards, elle n'avait visiblement pas compris ce qu'il lui arrivait. La lumière était réduite dans l'encadrement. Sa peau était d'un marron chaud. Ce détail le frappa moins que le sang qui s'était répandu le long de son bras droit. Lorsqu'elle le vit, une sorte de prise de conscience passa dans son regard. Elle ouvrit ses lèvres comme pour parler mais aucun son ne vint ; elle se leva d'un bond, embarrassée, regarda autour d'elle, ses pupilles s’arrêtèrent sur un plateau de terre fracturé en deux et toute une série de pommes éparpillées sur le sol.
« Mes excuses Herre, dit-elle d'un air paniqué, je ne voulais pas... Un homme m'a poussée… »
Était-ce des larmes qui brillaient dans ses yeux ? Par pur reflexe, Arnun enserra la garde de sa lame. Ses sens s’étaient mis en alerte et ce ne fut qu'à ce moment là qu'il compris, elle et lui, étaient devenus le centre de toutes les attentions. Des passantes de tous bords s'étaient regroupées en un large demi-cercle autour de la façade, créant un océan de murmures. Et la pitié se lisait sur les visages, clairs comme de l'eau de roche.
Comment dire. Tout d'abord, il y avait les convenances. On ne dérange pas aussi brutalement les gens de ce quartier, juste ciel. Sans oublier l'état de cette pauvre femme. Les expressions mornes des lavandières semblaient vouloir la dédouaner. Qu’allaient dire ses maîtres ? Ce plat n'était probablement pas à elle ! Ces pommes non plus et à présent, elle était confrontée au jugement d'un individu armé de caste supérieure.
Cela fut suffisant pour mettre le tout jeune homme mal à l'aise. Il se retrouva tout aussi pétrifié que la servante aux vêtements humbles, plantée juste en face de lui. Sans un geste, il scruta l’attroupement en essayant, non sans mal, de localiser un personnage suspect. Personne ne reversait une femme devant leur porte sans une bonne ou une mauvaise raison. La scène aurait pu s'éterniser si une vieille dame, qui vivait un peu plus loin, n’eut pas décidé de venir prendre les devants. Elle avait ses deux mains sous son tablier de laine grise et une épaisse fourrure jetée sur ses épaules.
« Arnun. Où sont tes manières ? Va chercher un bandage propre avant que la servante ne s’entame la santé. Ce n'est pas ainsi qu'Isila t'a élevée ! »
Puis elle se retourna vers le reste du public, agitant les bras comme on tenterait de chasser des mouches agaçantes :
« Rentrez-chez vous ! Rentrez-chez vous ! Le malheur des autres ne vous concerne pas ! Rentrez chez vous ! »
Voyant cela, la figure sombre sembla revenir à la réalité. Toujours tremblante, elle entreprit de regrouper toutes les pommes, récitant des mots d'excuse comme une prière, son bras enveloppé dans son tablier pour éviter de répandre du sang sur le palier de la demeure. Le jeune homme sortit soudain de son hébétement et honteux de la laisser se débattre ainsi, alla en courant chercher une bassine d'eau et un linge, en prenant soin de fermer toutes le fenêtres au passage. Pendant que la foule se dispersait, il la prit pas les épaules et la fit assoir sur un tabouret juste en entrant. Il sentit un frémissement sous des doigts. À peine eut-elle mis un pied à l'intérieur que leur chien commença à grogner dans sa direction, tant il était inhabituel d’avoir des étrangers dans la maison. D'un geste ferme et de vive voix, il envoya l'animal de l'autre côté du rez-de-chaussée. Arnun déballa le bras blessé et le plongea dans l'eau pour laver la plaie. Visiblement, c'était le plat en se brisant qui avait dû la couper. Il voulut ensuite couvrir la blessure, mais l'inconnue insista pour aller nettoyer la bassine.
« Je ne peux pas souiller ainsi vos affaires ! Ce n'est pas bien ! »
Elle s'en saisit fermement et alla la vider dehors, en essuyant le fond du mieux qu'elle put avec le plat de sa main. La vieille femme était encore en train de disperser les commères et à cette seconde exacte, Nobishandiya vit une ombre fuser sur le sol. Un éclair noir. La négociante dû lutter, de toutes ses forces, pour ne pas obéir à la curiosité et lever la tête. C'était Taran qui venait sans doute de pénétrer dans la bâtisse par l'une des fenêtres de l'étage, après avoir sauté d'un toit voisin. Elle passa en revue tous ces visages sur la place. Personne n'avait rien vu. C’était invraisemblable. Avait-il été trop rapide ?
Elle allait faire un pas vers le puits lorsque les deux mains du jeune homme la ramenèrent à l'intérieur. Une nouvelle crainte hanta alors sa conscience. Si le plancher craquait, si l'on entendait le bruit de ses pas, ou le moindre grincement, tout serait fichu. Elle se crispa. Son hôte allait tenter maladroitement de panser la plaie.
« Herre, ne vous en souciez pas, ce n'est rien.
Il insista. Elle déglutit, guettant le moindre son.
« Dans ce cas, dit-elle, je vais le faire. Ne souillez pas vos beaux habits. »
Le jeune homme se contenta donc de maintenir la bande en place avec deux doigts. Et par un effet surprenant de sa conscience, Nobishandiya devînt alors incroyablement attentive à toutes les menaces présentes dans la pièce. Le tisonnier rougeoyant dans les braises, la courte lame à sa ceinture, le petit couteau laissé près du torchon à pain, les bûches longilignes entassés, autan d’armes qui pouvaient la réduire au silence si seulement son hôte se rendait compte du traquenard. Ou qui pourrait lui servir à se défendre. Une partie de son esprit avait envie de fuir le plus rapidement possible, une autre la maintenait en place. Ce n’était pas son premier essai. Elle savait que son visage n’avait pas bougé d’une once, que son corps ne la trahirait pas.
Une fois le travail effectué, elle alla rincer à grandes eaux la bassine, sous le regard éberlué du gardien des lieux qui ne s'attendait peut-être pas à une telle déférence. Elle tendit l'oreille à nouveau, mais le bruit tant redouté ne vint jamais. Elle alla ensuite ramasser le plat brisé ainsi que les pommes, en compagnie d’Arnun qui ne la lâchait pas du regard. Elle prit son temps. Comment allait faire son complice pour s'échapper maintenant que l'attention des passants n'était plus distraite ? On entendit les aboiements du chien. De loin, on perçut la voix de la gouvernante qui lui ordonnait de se taire. Puis plus rien. Nobishandiya avait rempli sa part du marché. Elle s'inclina devant son hôte avant de quitter les lieux, aussi tranquillement que possible.
Elle retourna au point de rendez-vous, comme convenu. Son complice l'y attendait déjà, adossé négligemment à un mur, tenant caché derrière lui une forme rectangulaire. Une boîte, devina-t-elle.
« Dis-moi, lança-t-il avec un sourire en coin, jusqu'à quel point Ivar te fait-il confiance ? »
Une demi-heure plus tard, ils se retrouvèrent seuls dans l'arrière boutique de la taverne où ils s'étaient croisés le matin même. Le coffret que Taran avait subtilisé dans le compartiment caché de l'étage était fermé par un bien curieux verrou.
« Impossible de l'ouvrir sur place, lui expliqua-t-il. Bien trop long. Espérons à présent que l'objet est bel et bien là. »
Il trifouilla la chose avec sa pince et son aiguille durant bien des minutes, lui demandant occasionnellement de lui tenir le lourd boîtier en place, jusqu'à ce qu'enfin le couvercle fasse un petit bond vers le haut en un clic. Avec toute la délicatesse d'une mère manipulant son nouveau né pour la première fois, le voleur fit basculer la partie supérieure et retira de son compartiment ce qui ressemblait à une grande fibule, ou à une étrange pique à cheveux, faite d'argent et d’aurichalque finement entremêlés, ornée d'une petite pierre d'un vert pâle. Nobishandiya ne put retenir un murmure d'admiration.
« Ceci, Ma Dame, fut forgé dans le sud par un artisan Vistrène. Un cadeau de mariage très coûteux. Il fut dérobé il y a quelques mois. Si on m'avait dit il y a une semaine que je le retrouverais dans une simple maison de marchand à Arakfol, je ne l'aurais jamais cru. Et pourtant...
— Pourquoi ne pas le revendre nous-mêmes ? Ce bijou vaut bien plus que le paiement que tu m'as annoncé. »
Taran sembla surpris par sa remarque.
« C'est une pièce recherchée. Impossible de la revendre telle quelle, il faut la démonter et la refondre. Délicat quand la moitié de cette ville est au courant de sa disparition. Je n'ai pas les contacts qu'il faudrait. Il est plus prudent pour nous de la laisser au plus offrant et d'empocher nos pièces sans discuter. Hélas, nous ne sommes toujours pas sortis d'affaire. Reste encore à faire l'échange et ce ne sera pas forcément facile. »
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