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tome 1, Chapitre 7 tome 1, Chapitre 7

Une charmante petite famille s’installa à une table du restaurant Kraken Jr (en référence à un héros de dessin animé, un mignon monstre marin protégeant les dauphins…. On s’en fout en fait).

Les parents s’assirent soulagés. Ils pensaient que cette longue suite d’attractions serait venue à bout de l’énergie de leurs deux rejetons. Manque de chance le cadet était un fan de Kraken Jr. Et de tous les restaurants de ce parc ils étaient tombés sur celui-là. Il fallait le faire.

Le gamin s’apprêtait à réciter l’intégrale de la série, lorsque l’arrivée du serveur le stoppa dans son élan. Cet homme devait être un saint. Il parvint arracher la commande au cadet surexcité, et à l’ainé tirant la gueule sans user d’une quelconque violence. Il se contenta de se répéter et d’hocher la tête inlassablement jusqu’à ce qu’il parvienne à ses fins.

Sans son air crispé et son salaire sûrement peu élevé, la mère aurait certainement fait l’échange avec son modèle actuel. Il est vrai que le mari à part distribuer une beigne de temps à autre à ses petits monstres, ne participait pas tellement aux tâches familiales.

Les gamins eux aussi impressionnés par la résistance mentale de l’employé en négligèrent leur fonction première (emmerder le monde si vous ne l’avez pas encore compris), et se contentèrent de manger.

Bien entendu cette accalmie ne dura pas. Suite à leur précédent échec face au serveur, les deux gremlins décidèrent d’œuvrer de concert. Une fois parvenue au dessert, l’ainé remarqua, que la montagne de chantilly de sa glace causait des regards envieux chez son frère. Alors il prit un malin plaisir de la déguster bien lentement. Et ce qui devait arriver arriva.

Le cadet jaloux réclama la même glace. Sa mère lui dit que c’était trop tard, puisqu’il avait déjà entamé la sienne. L’enfant brailla que ce n’était pas juste, que son frangin était le chouchou….

Normalement aurait dû suivre le cycle classique comprenant gueulante, crise d’hystérie, et distribution de baffes. Sauf que nous étions dans un restaurant avec d’autres personnes exigeant un minimum de tranquillité. Alors le serveur canonisé précédemment, revint.

« Il y a quelque chose qui ne va pas, messieurs-dames ? »

« Je veux la même glace. » Répondit ou plutôt couina en boucle le chiard en guise d’explication.

« Navré mais le menu que vous avez choisi ne comprend pas ce dessert. »

Allait-il par ses mots reproduire le miracle précédent ?

Le saint n’en eut pas l’occasion. Deux membres de la sécurité débarquèrent, et se dirigèrent immédiatement à la table de la charmante famille. Cette action bien qu’un peu excessive ne déplut pas aux autres clients de l’établissement. Ainsi la paix devrait vite revenir.

Le père présageait un retour de connerie de son ainé, qui n’avait hélas pas échappé aux autorités du parc. Il lâcha son couteau afin d’être prêt à mettre une beigne, lorsque les vigiles détailleraient la connerie en question. Le chef de famille savait depuis longtemps l’efficacité limitée et éphémère de cette pratique. Mais au moins cela le soulageait, et surtout montrait qu’il n’approuvait pas. Donc cela l’innocentait au passage.

Quant à la mère elle se renversa légèrement sur son siège, et savoura une cuillère de son dessert. Ces punitions paternelles lui donnaient un peu de répit.

Pour une fois la petite routine allait être perturbée. Au lieu de s’en prendre aux enfants si insupportables ou à leurs géniteurs incompétents, les vigiles s’approchèrent de ce pauvre serveur.

« Veuillez nous suivre. » Se contenta de dire l’un d’entre eux l’air crispé.

On nageait en plein délire.

L’imperturbable employé entama une explication comme quoi il était en plein service. Soudain l’un des vigiles dégaina son volter, et fit feu sur lui. L’autre suivit immédiatement le mouvement. Le saint passa alors au statut de martyr. Normalement une décharge suffisait à neutraliser un homme. Un tel acharnement était-il nécessaire ? Hé bien oui. Car la cible demeura debout de longues secondes à encaisser avant d’enfin tomber en fumant de partout.

Cette fois les repas à tous à proximité étaient bel et bien gâchés. Seul le premier concerné par ce déferlement de violence à savoir la victime, semblait s’en foutre. Il arborait le même sourire, quoiqu’un peu plus figé. Professionnel jusqu’au bout.

Et les vigiles ? Apparemment ils venaient d’abattre un homme. Et bien ils en sautaient de joie, comme s’ils sortaient d’une pénible épreuve. C’est vrai que vaincre à deux contre un, une personne désarmée relevait de l’exploit. Puis un semblant de discipline revint au sein du duo. Que devaient-ils faire une fois la cible « interceptée » ? Appelez leur supérieur.

Josh poussa un énorme soupir en apprenant la nouvelle par l’intermédiaire de son communicateur. Etait-ce trop leur demander un peu de self-control ?

La tâche n’était pas si compliquées à première vue. Elle consistait à rassembler les divers androïdes retouchés par Grastroc jusqu’à un atelier du parc pour procéder à un démontage. Car on n’était jamais à l’abri d’une mauvaise surprise selon Christelle. Le directeur ayant fourni (à contrecœur) la liste et la localisation des robots illégaux, il ne restait plus qu’à tranquillement les escorter. La seule véritable difficulté résidait dans leur nombre élevé, qui poussa Josh à déléguer.

Bon il est vrai que la précédente prestation du robot d’accueil dans l’immeuble de la direction, avait de quoi rendre nerveux. Mais tout de même. Pas une des équipes sous les ordres de l’ancien militaire ne s’en était tirer sans user de volters. Pourtant Josh lui-même n’avait rencontré aucune difficulté.

Tout ce temps à former à l’équipe de sécurité, à inculquer discipline et esprit de corps, et pour quel résultat ? Une action sortant de l’ordinaire et comportant éventuellement un risque, avait suffi pour tous les faire déconner, tous !

Du temps de l’armée Josh avait déjà décelé des bras cassés au sein d’un régiment. En revanche il n’était jamais tombé sur un régiment uniquement constitué de bras cassés. Et puis il y avait tous ces androïdes illégaux, dont il venait d’apprendre l’existence. L’ancien soldat s’était toujours efforcé d’être honnête autant que possible. Alors forcément cette information n’était pas pour lui plaire.

Evidemment Josh avait vécu bien pire sur les champs de bataille. Toutefois il n’aurait pas craché sur une bonne nouvelle, histoire de se remonter un peu le moral. C’est alors que le brave homme se permit une incartade. Quitter son boulot en avance, boire un verre d’une boisson légèrement alcoolisée ?

Non rien d’aussi audacieux rassurez-vous. D’abord Josh s’assura sagement que tous les robots étaient rassemblés à l’atelier et désactivés. Seulement après il s’échappa pour se rendre… au centre de surveillance. Hé oui l’incartade de Josh se faisait sur son lieu de travail. Quel boutentrain !

Il espérait que Christelle ait fini d’interroger Grastroc, et par conséquent amène le mot de la fin. Effectivement la prévôt sortait de la cellule… pardon de la salle d’isolement du coupable.

C’est alors que l’homme ayant autrefois plusieurs fois frôlé la mort, hésita. Christelle tirait la gueule, jusqu’ici rien d’anormal. Sauf que son énergie habituelle, semblait l’avoir quitté. Cela se voyait à son regard vide. Josh désirait tout de même savoir de quoi il en retournait. Il en allait de son devoir de chef de la sécurité de cet endroit. Il pesa soigneusement ces mots. Dans son état il valait les mieux l’aborder avec du doigté.

« Alors ? »

Venant de lui c’était du doigté.

« Quand t’étais encore puceau au collège, il y avait bien une fille sur laquelle tu craquais et que t’as jamais osé aborder ? »

Décidemment ils se valaient pour ce qui était du doigté. Ce ne fut pas la crudité des propos, qui choqua le plus Josh, ni même cette soudaine familiarité. Le pire était le ton employé suggérant le néant. Il avait déjà vu cela chez certains soldats revenant de la bataille de trop.

« Oui. » Parvint à articuler Josh pas contrariant.

« Et bien Grastroc, c’est pareil. Il craquait pour Gina. Au lieu de l’inviter au restau par exemple, il s’est mis à l’espionner par le biais de ses robots. Une sorte de déformation professionnelle je suppose. Ensuite Grastroc a cru à une histoire entre sa dulcinée et Magelan à cause de leurs rencontres furtives. Il ne l’a pas supporté. Alors il a transformé un de ses androïdes en machine à tuer pour régler le problème. Magelan par chance était en retard à leur dernier rendez-vous. A moins que Grastroc visait seulement Gina. »

La pauvre Christelle venait de vivre, ce qu’elle espérait avoir définitivement quitté en rentrant à la prévoté : un crime motivé par la simple bêtise humaine. Qu’on tue des gens pour de l’argent comme les organisations criminelles internationales dont elle se chargeait désormais, passait encore. Mais supprimer des vies si stupidement, Christelle ne l’acceptait plus.

Josh perçut en elle le besoin de réconfort, de gestes, de paroles bien trouvées…

« Je vous offre un verre ? »


Texte publié par Jules Famas, 25 mai 2016 à 08h47
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