Je me redressai péniblement et expirai tel un phacochère. Je fus étonné de ne voir plus que d'un œil. Je portai une main à celui qui me paraissait manquant et sentis un bandeau. Je scrutai les lieux et aperçus que je me trouvais dans une salle d'hôpital. Au départ, je ne comprenais pas ce que je faisais ici, affalé sur un lit maculé de blanc et dépourvu de grand confort. Je réfléchis durant quelques minutes. J'avais l'impression de rêver. Je ne me sentais pas bien, j'étais poisseux, mou, faible. Faible, oui ! Cette sensation d'être inférieur, je ne pouvais la supporter. Qu'avais-je encore fait pour me retrouver dans une telle situation ?
Soudain, un trio d'hommes baraqués pénétra dans ma chambre, sans frapper. Je compris bien vite que je devais rester silencieux lorsque mes yeux se posèrent au niveau de leurs ceinturons. Deux pistolets pour chacun d'entre eux, munis aussi d'un taser prêt à me saluer si je venais à m'enfuir. Et... Je me sentis ridicule à cette pensée. Comment pouvais-je m'enfuir si trois géants bloquaient l'entrée ? Allons-bon…
- Monsieur Baker, Police du Détroit.
Je ne pris pas la peine de poser un pied sur le sol. Je fis signe aux trois flics, qu'il s'agissait bien de moi et me rallongeai avant de tourner la tête vers le plafond, à bout, fatigué.
- Qu'est-ce que vous me voulez ? On pourrait remettre ça à une autre fois. Après ma sortie par exemple.
Je rencontrai de nouveau leurs regards des plus intransigeants puis attendis une réponse. Ils croisèrent les bras et me fixèrent pendant quelques secondes qui me parurent durer une éternité.
- Bon, sérieusement que me voulez-vous ? D'autant plus que je n'ai rien fait, demandai-je, obligé.
- Nous allons attendre que vous soyez rétabli avant de vous poser certaines questions, de vous juger pour explosion de supermarché et vole à l'étalage.
- Attendez, attendez. Explosion ? Depuis quand j'ai fait péter ce putain de supermarket de mes-deux ?!
Ils tournèrent les talons et me laissèrent sans réponse. J'en avais plus qu'assez de toutes ces emmerdes. Je n'avais que vingt-et-un ans et ne pensais encore qu'à m'amuser, rien d'autre. Malgré l'homme que j'étais, je ressentis une certaine mélancolie.
- Et merde ! Lâchai-je, par accumulation émotionnelle.
J'observai l'électrocardioscope placé à ma gauche et, comme pour m'évader, je me laissai entraîner dans mes pensées. Je revoyais la scène où deux gus tenaient fermement une jeune femme. Cependant, je ne me souvenais pas de son visage et percevais peu la couleur de ses vêtements. Étaient-ils noirs ? Verts foncés ? Non… Bleus marines alors ? Tout trottait dans ma tête. Je passai à d'autres détails. Les ruelles, je crus les reconnaître. Il y eut des cris, un tir... Des tirs ? Et ce flash lumineux. Je ne cessai de chercher la raison du pourquoi, du comment.
- Je me demande si elle va bien… Dis-je à haute voix, tout en observant ma main gauche, bandée d'un rouleau de gaze.
- Puis-je savoir à qui vous faites allusion M.Baker ?
Je refermai ma paume et aperçu de longs cheveux blonds vénitiens qui me faisaient étrangement penser à la saison hivernale. Une infirmière avait pénétré dans la pièce sans que je ne m'en aperçoive. Ses fines mains travaillaient ou bricolaient en cachette. La femme était tournée de dos et recouverte d'une grande blouse blanche, sans aucune tâche. Je me revoyais en cours de physique-chimie de troisième année. Ce cours que tout le monde s'impatientait d'avoir, autant que l'art plastique et la musique, où l'on s'amusait à dessiner n'importe où, comme sur les blouses, et n'importe quoi qui nous passait par la tête. Revenant à la réalité, je me rendis compte que mes lèvres déviaient vers la gauche. Je souriais. Coupant subitement court à ses souvenirs des temps folâtres, je décidai de répondre à la personne présente, en maugréant;
- Je n'ai pas besoin qu'on vienne me soigner. Je suis un pauvre type, un délinquant, un casseur, un cleptomane, un mythomane. On pourra très bien s'occuper de moi une fois en détention ou même en tôle.
- Cameron, ne dis pas des choses pareilles ! Et arrête de râler, on croirait que tu as déjà atteint la soixantaine ! Tu n'as pas besoin de te faire plaindre de cette manière.
Je reconnaissais bien cette voix à demi-aiguë et douce à la fois. La bonne femme ne s'était pas retournée mais, rien qu'à la couleur de ses cheveux en plus du son de sa voix, je pus y placer un visage familier.
- Rosana… Alors comme ça, tu as laissé Leigh à la boutique et tu as préféré t'occuper de vieux grincheux ? Demandai-je, moqueur et soulagé d'être en compagnie d'une alliée.
Sans m'y attendre, je reçus un coup de godasse sur la tête et fus pris d'une grande douleur qui s'accompagnait de sifflements auditifs.
- Qu'est-ce qu'il te prend ?! Brillai-je en me tordant de douleur.
L'électrocardioscope se mit à émettre un bip continue, ce qui alarma Blanche-Neige.
- Et mince alors ! Tu es fragile mon grand ! S'empressa-t-elle d'ajouter.
Cette remarque ne me plu pas du tout. Je me penchai péniblement pour ramasser son soulier en caoutchouc blanc et le lui balança dessus, tel un plaisantin.
- C'est bon, monsieur est content ? Me demanda Rosana qui, suivit d'un râle sourd, récupéra son soulier.
Je souriais, fier de moi tandis que madame tentait de trouver l'origine du problème qui alarmait l'instrument médical.
- Ah ! Ça y est... Un fil était mal branché, m’apprit-elle avec un entrain plein de triomphe.
- Comment ça se fait ? C'est pourrit ici.
- Je n'en ai aucune idée. Bon, où en étais-je ? Elle s'empara de son calepin et reprit son sérieux, digne d'une vraie infirmière.
Elle lisait attentivement chacune de ses notes et s'arrêta sur une d'elles, tout en levant son index libre. Sous mon regard interrogateur, elle changea la perfusion remplit de sang et tira une chaise avant de s'asseoir à mes côtés.
- Tu vas bien, sinon ? Monsieur je suis le plus fort, le plus beau, le plus brave ! Me demanda-t-elle, tout en se fichant de ma personne.
- J'allais super bien avant que tu ne me donnes un coup sur la tête. J'ai les oreilles qui sifflent maintenant.
- Mais quel râleur ! Pince ton nez et souffle. Tu verras, ça va te les déboucher.
Je la regardais, l'air de dire: « Sérieusement ? » et aperçus, en l'espace d'une demi-seconde, le visage de Shana Hamilton.
- Dis moi, Rosana. Je soufflai comme conseillé et poursuivis. Tu ne serais pas la sœur d'une dénommée Shana par hasard ?
Elle écarquilla légèrement les yeux puis répondit;
- Shana ? Non, désolée. Je suis fille unique. On se connaît depuis qu'on est gamins et tu ne le sais toujours pas ? Me demanda-t-elle sans attendre une quelconque réponse en retour.
Je me retrouvai hébété et me sentis ultra-bête. Il est vrai que j'avais oublié qu'elle était fille unique. Cependant, je trouvais sa réaction très étrange. Malgré qu'elle m'ait répondu que non, ses traits en disaient long.
Je sortis de l'hôpital, deux jours plus tard. Rosana n'était pas revenue me voir et une autre femme avait pris sa place. On m'avait prescrit un lot de médicaments qui devaient respecter des horaires très stricts. Je me retenais de ne pas les prendre en même temps ou alors de les jeter dans l'évier. J'avais toujours ce bandeau sur la tête, qu'on m'avait déconseillé de retirer avant que les douleurs ne s'estompent. Je me posais beaucoup de question sur ce cache-œil, et au sujet de la femme dans la ruelle. Je n'arrivais pas à me souvenir de son visage. Il m'était rendu encore plus flou que tout ce qui l'entourait. Et pourquoi deux hommes en avaient après elle ? Était-elle une consommatrice de drogue illicite ? Avait-elle oublié de payer ? Peu importe… Je me relevai, le dos courbé et douloureux, principalement au niveau des omoplates. Je respirai un grand coup, me penchai en avant, malgré la douleur, et enfilai mes pantoufles à fausse fourrure grise.
Je m'inquiétai beaucoup, non pas à l'idée de devoir me rendre au commissariat le lendemain mais, au sujet de mon chien. La clinique vétérinaire m'avait informé qu'il était encore sous leurs gardes, le temps qu'il reprenne une attitude correcte.
Cette soirée là, lorsque j'ai été blessé, mon chien aurait bondi sur les deux hommes armés et aurait mordu la main d'un d'eux avant de recevoir un coup sur le crâne. A son réveil, il gémissait, cherchant ma trace et a refusé de se nourrir durant trois jours.
Mon portable me notifiait que j'avais plusieurs messages non lus. Mais je ne m'en préoccupai pas plus que ça, surtout si ils provenaient principalement de mon ex. Je me détendis tranquillement devant ma télé, avant que quelqu'un ne vint sonner à ma porte. Je n'étais vêtu que d'un simple tee-shirt et d'un vieux slip en coton. J'enfilai un pantalon en vitesse et courus ouvrir la porte, presque essoufflé.
- Salut, Cameron.
Il s'agissait de mon meilleur ami, Aiden. Si je m'attendais à le voir, je me serais préparé pour sortir un peu au parc.
- Salut Aiden, lui répondis-je tout en lui faisant signe d'entrer. Tu m'excuseras mais, je n'ai pas trouvé le temps de ranger le salon.
En effet, les coussins du canapé étaient tous à terre. Deux assiettes sales et une casserole encore remplis de deux trois spaghettis s'encrassaient en silence sur la table à manger.
- Ne t'en fais pas pour ça. Je suis venu pour prendre des nouvelles. Tu n'as répondu à aucun de mes messages. J'ai été prévenu par Rosana, il y a trois jours, que tu te trouvais à l'hôpital, me confia mon compère.
- Ah oui ? Tu aurais pu passer me voir si vraiment tu voulais prendre de mes nouvelles, rétorquai-je.
- Je m'attendais à ce que tu me spécifies ce point, et tu n'as pas tord. Seulement, le soir même, je ne pouvais pas. J'étais bien trop occupé. Affaire personnelle, s'empressa-t-il de dire pour ne pas que j'en sache plus. Puis, Rosa' m'a dit que je pouvais passer te voir avant ta sortie. Mais, quand j'y suis allé et que j'ai évoqué ton nom à la secrétaire médicale, elle m'a assuré qu'il n'y avait aucun patient du nom de « Baker ».
Je fus stupéfait d'entendre une telle absurdité, m'assis sur une chaise de table et joignis mon menton à mes poignées, dans une position prompte à la réflexion.
- Tu ne te serais pas trompé d'hôpital par hasard ? Me renseignai-je.
- Justement, voilà la chose encore plus étrange. Je m'étais excusé auprès de la secrétaire et suis sortis en dehors du bâtiment pour joindre Rosana. Je l'ai appelée plus de cinq fois mais, en vain. Je lui ai alors laissé un message. Et devine quoi ?
- J'haussai les sourcils, et lui répondis; Quoi ? Tu t'étais bien trompé ? Abrège.
Il prit une chaise et s'assit en face de moi avant de se mettre ensuite à me fixer, accompagné d'un regard étincelant de mille découvertes et tordait ses mains, comme si il était impatient de me révéler ce qu'on lui avait annoncé. J'attendais toujours qu'il me dise quelque chose et me sentais de plus en plus mal à l'aise, à cause de ses yeux rivés sur moi.
- J'ai un truc sur la face ? Demandai-je en me redressant rapidement.
- Non, Cameron ! Tu n'y es pas du tout !
Je ne comprenais rien. A force de ne rien répondre, il devenait de plus en plus confus. Dépourvu d'un verre remplit d'eau, je pris un spaghetti et le lui lançai sur le visage. Il fit un mouvement léger de la tête et le spaghetti tomba sur le sol. Je fus conscient d'avoir agi comme un gamin, cependant, ma bêtise eut l'air d'avoir porté ses fruits. Aiden se redressa sur sa chaise et reprit;
- Après avoir laissé un message à Rosana, elle m'a répondu en à peine dix minutes ! D'habitude elle met deux heures ! Tu te rends compte ?!
Je me retenus de lui hurler dessus et me relevai pour me diriger vers la cuisine.
- Cameron, tu ne sais pas à quel point je suis heureux ! Je pense être enfin son beau-frère !
- Tu l'étais déjà bien avant ce message, répondis-je en soufflant et préparant un café.
- Si tu le dis. Je l'ai toujours trouvée distante tout de même.
Je laissai chauffer l'eau dans une bouilloire et me tenus contre la porte, face à mon meilleur ami.
- Tu veux l'entendre, c'est ça ? Tu veux que je te dise que je suis content pour toi ? D'accord, je le suis. En attendant, elle reste la petite-amie de ton frère.
- Je le sais, me répondit-il en prenant appui sur le bord de la table pour se relever. Je ne pense pas à elle de cette façon... Ah ! Au fait ! A propos de demain... Tu comptes vraiment y aller ? Les gens ne parlent que de toi actuellement.
- Je marquai un temps d'arrêt avant de lui répondre; Je tiens à te dire que je n'ai jamais fait exploser ce magasin, alors ne me prends pas la tête avec cette histoire, tu veux ? Bref, tu veux du café avant de partir ? Lui proposai-je.
Il refusa gentiment et je le raccompagnai à l'entrée. Il ne m'avait pas dit ce que lui avait répondu Rosana, ni ce pour quoi il était venu au départ. J'ai alors pensé que je le reverrais une prochaine fois pour qu'il puisse me le confier. Nous nous dîmes au revoir et je refermai la porte. Du moins, je m'y apprêtai avant de constater qu'une basket noire m'en empêchait.
- Cameron… Je dois te dire de faire attention à toi. Le message qu'elle m'a laissé ce jour là… Il n'était pas comme les autres. On aurait dit qu'elle avait peur de quelque chose.
Je ne m'y attendais pas du tout et voulus en savoir plus. Je rouvris alors la porte mais Aiden, cet homme mystérieux qui possédait une rapidité époustouflante, était déjà parti, bien trop loin pour un gaillard malade comme moi.
Je refermai la porte à clé et me précipitai dans ma cuisine. La bouilloire était brûlante et laissait s'échapper beaucoup de vapeur. A demi-songeur, je vidai la moitié de l'eau chaude dans l'évier et remplis le reste du contenu, d'un tiers d'eau froide. Tranquillement, je pris un mug, préparai mon café avant de, malencontreusement, le laisser déborder de la tasse. A priori, je fus pris d'un sursaut après avoir entendu un fracas assourdissant qui semblait provenir d'une pièce à l'étage. Les questions fusaient. Qui aurait pu rentrer ? Les portes étaient toutes closent. L'étage ? La salle de bain n'a pas été équipée de grande fenêtre, elle ne pouvait même pas laisser passer un enfant. La chambre à coucher ? Les volets n'était-ils pas fermés ? Avais-je oublié de le faire ? Je restai prostré, sans bougé. Le café dilué coulait le long du comptoir et se vidait sur le carrelage de la cuisine comme ayant des penchants suicidaires. Chaque goûtes résonnaient à mes oreilles comme le gong du jugement dernier. Ce qui ajoutait à l'ambiance sinistre un certain stress total, voir même, une certaine angoisse. Tout ceci provoqua en moi une peur indescriptible que je n'aurais jamais imaginée ressentir de si tôt.
Je sortis de ma cuisine, après avoir imprégné ma pantoufle gauche de café, et grimpai les escaliers à pas de loup. J'avais peur alors que je me trouvais chez moi, dans ma propre maison. Je me rapprochai de la pièce la plus proche. La salle de bain se trouvait directement à gauche, en haut des marches. J'y jetai un coup d’œil furtif. Il n'y avait personne et la petite fenêtre était close. Il ne me restait plus qu'à regarder dans ma chambre. Mon cœur battait rapidement, je ne l'avais pas remarqué avant. J'attrapai un déodorant pour m'en servir en cas d'agression et grinçai des dents en imaginant de quoi je pouvais avoir l'air. Se munir d'un déodorant pour se défendre et posséder autant de trouille, ça n'était pas digne d'un homme. Déçu de moi même, je tentai de me rassurer en me disant que, de toute manière, personne ne m'apercevrait dans une telle situation.
Plus j'avançais vers ma piaule, plus je faisais de bruit. A chaque pied posé au sol, je fermais les yeux et m'immobilisais en espérant qu'on ne m'ait pas entendu. La maison, silencieuse, multipliait par quatre tout grincement, même légers Je longeai le mur de ma chambre, pris une grande respiration et rentrai dans la pièce. Je faillis sentir mon cœur cesser de battre lorsque mon téléphone se mit à émettre une alarme. C'était l'heure de ma prise de médicaments. Je desserrai ma poigne du déodorant et repris correctement ma respiration. Les volets de ma loge étaient grands ouverts ainsi que les fenêtres vitrés. Le vent glacial soufflait assez fort pour faire voler des papiers qui traînaient par ci, par là. Je m'approchai du bord de l'ouverture et entendis un craquement sourd sous mes pieds. Un verre s'était brisé. Le courant d'air avait dû le faire tomber. Je refermai les fenêtre, à demi-soulagé et ramassai les bouts de verre transparents, à l'aide d'une petite pelle ainsi que d'une balayette, toujours rangées dans un coin de la pièce. Ensuite, j'allais vider le tout dans ma poubelle de cuisine.
Alors que je descendais les marches, pas à pas, je remarquai la présence de ma veste en cuire noire, posée sur le bord de mon canapé. Intrigué, je déposai la pelle sur la table et m'avançai au niveau de mon vêtement. Un cintre maintenait mon blouson en place. Lorsque je le pris en main, un bout de papier tourbillonna dans le vide et se posa sur le sol. Une fois récupéré, je lus le message à haute voix, en empruntant un ton exagéré de femme mielleuse;
- "Tout d'abord, bonjour. Peut-être m'avez-vous oublié, ou je ne sais quoi. Cela dit, je tenais à vous dire merci beaucoup pour m'avoir couverte l'autre jour, dans la ruelle. Sans votre aide, je pense que je serais déjà morte de froid." Je souris nerveusement. Mais bien sûr ma jolie..."Je sais que vous aviez pris la peine d'appeler les urgences mais il n'en valait pas la peine. Je voulais vous dire que je ne vous en veux plus pour la bouteille volée. Si vous n'aviez pas compris pourquoi j'y tenais tant et que vous vouliez le savoir, continuer de lire." J'esquissai un sourire à peine moqueur. On se croirait dans un film, ma parole ! M'exclamai-je avant de reprendre ma lecture. "J'ai été de nombreuses fois accusée, par le propriétaire du magasin, alors que je le respectai profondément. Il m'a menacée de m'apporter à la police, lors de mon cinquième jour de boulot. Comprenez-le ou non, j'avais vraiment besoin de gagner de l'argent, alors je ne pouvais pas laisser passer un nouveau délit. Merci d'avoir pris le temps de lire jusqu'au bout. Je vous remercie de tout cœur." Et ben ! Et c'est signé voyons, voyons... ?
Je tournai la petite feuille dans tous les sens, en vain. Malgré le manque total de nom et prénom, j'aperçus écrit; en minuscule au dos de la feuille, la lettre "M".
Je trouvais ce bout de papier étrange, d'autant plus qu'il émanait une odeur de rose. Je le posais sur la table du salon, me disant que j'y réfléchirais plus tard. Ma première priorité ce jour là était de rendre visite à mon chien. J'hésitai à enfiler ma veste. Une inconnue l'avait portée et je pouvais encore sentir, imprégné dans les tissus intérieurs, un parfum de femme. Je grognai. Il s'agissait de ma veste favorite. Quelle idée de l'avoir passée à une gonzesse. D'autant plus que je ne me souvenais même d'elle.
J'enfilai un manteau beige et une écharpe. Je faillis oublier de prendre mes médicaments avant de sortir. On m'a pourtant formellement rabâché que je ne devais pas oublier chaque prise. Pourquoi un oublie d'une heure modifierait quelque chose ? Le corps d'un être vivant me semblait vraiment très complexe. Pire que l'esprit d'une nana.
Assis sur ma moto, j'observais la clinique vétérinaire en fronçant les sourcils. Elle était close et les stores abaissés. Je ne comprenais pas. On était pourtant un jour de semaine.
Je pris mon téléphone portable et recherchai le cabinet dans mes contacts.
J'amenai l'appareil à mon oreille droite et attendis qu'on daigne me répondre. Cependant, la seule chose que j'entendais au bout du fil était leur messagerie.
Dépité, je rentrai chez moi, sans mon animal. Ils prenaient sans doute un jour de pose dans chaque semaine et je n'y avais pas fait attention. J'essayais de me rassurer tant bien que mal et de trouver n'importe quelle excuse à leurs accorder, pour m'éviter de m'emporter tout seul dans une colère à la limite de l'inarrêtable.
Je garai ma moto devant ma porte, m'apprêtant à contacter Rosana pour en savoir plus au sujet de ce que Aiden m'avait raconté. Lorsque je poussai la grande planche de bois, je fus arrêté par une voix masculine et autoritaire.
- Cameron Baker ! Vous êtes en état d'arrestation.
Je fis face à deux policiers. L'un deux était présent lors de ma visite à l'hôpital. J'écartai les mains de part et d'autre et souris nerveusement.
- Quoi ?! Je n'étais pas censé vous voir demain ?
Vu la façon dont ils me regardaient sans pour autant me répondre, j'ai vite compris que je n'allais pas recevoir de cadeau de leur part.
- Bon, laissez-moi au moins le temps de ranger ma bécane ! Articulai-je, fébrile.
Même si je ne le voulais pas, je rangeai mon moyen de déplacement dans la première pièce de chez moi et enfermai ma maison sous clé. Les deux agents empoignèrent mes mains et le plus jeune des deux récita les droits Miranda;
- Vous… Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous devant un tribunal. Vous avez le droit à un avocat et si vous ne pouvez pas vous en payer un, un avocat vous sera commis d’office.
- Je ricanai, moqueur. C'est bien mon grand, tu la connais par cœur pour un novice !
Comme pour me punir, ils soulevèrent mes bras plus haut et je me penchai brutalement en avant. Je serrai les dents. Eux avaient le droit de tout te dire alors que toi, si tu faisais une ânerie de rien du tout, ils n'hésiteraient pas à te faire subir plus que nécessaire.
Lorsqu'on arriva au poste de police, on me plaça dans une salle faiblement éclairée, celle d'un interrogatoire. C'était la troisième fois que je me retrouvais attaché à une chaise dans un endroit pareil et espérais que ce soit la dernière. Je fus d'ailleurs étonné qu'on me laissa libre d'une main, ce qui ne me déplu guère.
Le plus vieux des deux homme qui m'avaient embarqué resta dans la pièce et se positionna, droit comme un ''i'', au niveau de la porte d'entrée. Ça faisait dix minutes que j'attendais et tapotais la table du bout des doigts.
Finalement, on referma la porte et les seuls individus présent dans la salle fût les trois hommes de l'hôpital et moi-même. Celui qui s'assit en face de moi me semblait étrangement familier. Cependant, je ne me souvenais pas qui ça pouvait être ni même où est-ce que l'on s'était rencontrés autre part. Sans doute à la télé... Il croisa ses paumes de mains et me fixa un instant avant de m'interroger;
- Je pense que vous n'êtes pas sans savoir qu'une supérette, non loin de chez vous, a explosé. Je voulais ajouter quelque chose mais il ne m'en laissa pas le temps. Inutile de vous fatiguez, Baker. Nous savons que vous vous étiez rendu dans cette même boutique, quelques minutes avant l'incident. Vous avez volé une bouteille d'alcool, n'est-ce pas ?! Il frappa sur la table, de ses deux points serrés.
- Je me redressai sur ma chaise et souris nerveusement. Écoutez-moi bien, bande de sans-cervelle. Les deux hommes debout voulurent m'infliger des dégâts mais leur chef les retenu d'un signe de la main. Je poursuivis; Admettons que ce soit bien moi qui ai dérobé la bouteille d'alcool. Est-ce que ça fait de moi un criminel ? Qu'avez-vous comme preuve qui puisse m'accuser d'avoir fait sauter le magasin ?
Le plus haut gradé, se releva de table et s'avança vers moi. Je ne décrochai pas mes yeux des siens et gardai un air certain. Cet homme m'irritait. J'étais de plus en plus persuadé de l'avoir déjà vu quelque part mais je n'arrivais pas à y mettre un nom dessus.
- Nous l'avons, elle… Me répondit-il en se penchant à mon niveau.
- Hein ? A qui faites-vous allusion ? Demandai-je, interrogateur.
Il s'apprêtait à parler lorsque quelqu'un ouvrit la porte avec une telle vitesse que celle-ci frappa le mur. Il s'agissait d'une femme. Je ne percevais pas bien ses traits sous les lumières du couloir qui ne cessaient de l'éclairer. Je n'entrevoyais que des boucles blondes et un corps fin. Je craignais le pire… Comment se pourrait-il que ce soit elle, après tout ?
- Armin, tu es appelé à l'accueil. C'est beaucoup plus urgent que cette vulgaire histoire de vole, dit l'arrivante en faisant un pas dans la pièce.
Armin ? Ça se confirmait petit à petit. Cette fois j'étais certain de l'avoir déjà croisé. Mais il y avait quelque chose d'autre qui me dérangeait à ce moment là. Je n'en revenais pas. J'étais à la fois choqué et en colère. Je reconnu très vite sa voix mielleuse. Celle de Beverly. Mon ex. La pire de toutes les femmes que j'ai connues.
Celui à l'appel, s'en alla rapidement, suivit des deux autres agents, et salua la femme;
- Merci, Beverly. A toute à l'heure !
Nous n'étions plus que deux à présent. Elle me fixait sans cligner des yeux. J'avais l'impression de plonger dans son regard, de me laisser emporter par les flots de cette folle furieuse. Si elle devait être la réincarnation d'une déesse, elle serait sans aucun doute Méduse. Mon ex de lycée vint s'asseoir en face de moi et joignit ses deux paumes de mains sur la table.
- Salut, Castiel, me lança-t-elle, fièrement.
- Ne m'appelle pas comme ça. Depuis quand tu travailles ici ? Depuis quand tu t'es mêlée à des poulets ?
- Cela te dérange ? Elle sourit et je me rendis compte à quel point elle pouvait être magnifique sous ces traits de peste. Tu devrais éviter de m'observer de cette façon, sinon je risquerai d'avoir des doutes sur les rejets que tu me fais sans arrêt.
- Si je te regarde c'est pour me mettre en tête de ne jamais ressortir avec une gonzesse comme toi, tout simplement. Tu as de la chance d'avoir ce physique pour te permettre de mener une belle vie car, à l'intérieur, tu es d'une laideur sans pareille.
Son sourire s'effaça, elle se leva et se retrouva au niveau de mon visage. Une de ses mains passa dans mes cheveux puis, tout à coup, je me sentis sale. Son souffle chaud arriva à mon oreille gauche. Voulait-elle me dire quelque chose de particulier ? En tout cas, elle n'en eut pas le temps, la porte s'ouvrit une nouvelle fois et un policier nous apprit que j'étais relâché.
Beverly ne semblait pas être d'accord avec ça mais, ne pouvant pas faire face aux ordres de ses supérieurs, elle ne put que me regarder sortir dans le couloir.
- Hé, crétin ! Je me retournais face à la blonde qui se précipita à deux centimètres de mes lèvres, ce qui me surprit énormément. Non, je ne le ferai pas… Elle s'écarta plus loin et reprit, l'air triste; Je ne sais pas qui est venu plaider ton innocence mais en tout cas, sache que je n'abandonnerai pas. Je ne t'abandonnerai pas Cameron ! Tout le monde présent dans les environs, se retourna vers nous. Malgré tout, la policière n'en avait que faire et continua son discours. Je ne comprends pas pourquoi tu es parti… Pourquoi tu m'as laissée tomber ?! Au final, regarde-toi ! Sans moi, tu as sombré dans la délinquance… Des larmes coulèrent le long de ses joues et de ses yeux fardés, répandant des traînées noires de mascara.
Je la regardais se démaquiller au fil des secondes et repassais ses paroles dans ma tête. Pourquoi étais-je parti ? Était-elle aussi insouciante ? A moins que ce ne soit simplement de la débilité ?
Je lui tendis un paquet de mouchoirs que je gardais toujours sur moi au cas où je me mettais à saigner du nez. Elle esquissa un mouvement, surprise sans doute et prit ce que je lui offrais.
- Réponds-moi, je t'en prie ! Dis quelque chose ! Me cria-t-elle, redoublant de larmes.
- Si tu insistes… Je croisai les bras et lui dis; T'es complètement tarée comme nana. Tu devrais arrêter de mentir, car tu perds de plus en plus de monde à cause de ton côté mythomane. Tu arrives à t'auto-persuader de choses fausses et, rien que pour ça, tu fais suffisamment peur. Ah ! Et j'oubliais le principal. Tu es dévergondée.
- Quoi ? Me répondit-elle, choquée.
J'en profitai pour sortir de cet endroit de malade et appelai mon meilleur ami. Je lui fis un rapport sur ma situation et ce qui venait de se passer au post de police. Je sus que ce n'était pas lui qui m'avait fait relâché quand je le lui demandai. Il était bien trop occupé pour pouvoir sortir de la boutique de son frère. Lors de notre conversation téléphonique, mon ouïe s'attarda sur une voix sourde en arrière plan. Celle de Rosana. Mais pourquoi devrais-je être curieux ? Elle travaillait aussi dans la boutique et était la petite amie de Leigh, après tout.
- Cameron ? Tu m'écoutes ? M'interpella Aiden.
- Ah, désolé. Je pensais à autre chose. Tu disais ?
- D'accord… Je te demandais si ça te plairait de venir en boîte avec moi, ce soir.
- Ah, oui ! Carrément !
- Tant mieux. On se rejoint à vingt-et-une heure à l'entrée du parc, comme d'habitude. Si tu veux en parler à d'autres personnes, n'hésite pas. Plus on est de fous, plus on rit !
- Pas de soucis. Et merci mec, t'es le meilleur.
- Ça me fait chaud au cœur venant de toi ! Ah ah ! A plus !
Je raccrochai après l'avoir salué à mon tour et filai chez moi pour regarder comment j'allais m'habiller. Et oui, il n'y a pas que les femmes qui prennent soin de leur image. Je préparai mes vêtements pour la soirée, pris ma douche, m'habillai et, avant de sortir, nettoyai le carrelage de ma cuisine.
Il faisait déjà bien sombre dehors, malgré les quelques lampadaires allumés. Certains grésillaient, comme s'ils tentaient de rester éveillés, d'autres avaient déjà poussé leur dernier souffle. Moi, j'achevais de crocheter la serrure de ma porte. Je ne m'attendais pas aux proportions que prendrait cette soirée. Pourtant, tout portait à croire qu'elle me serait favorable. J'observais la pleine lune. J'avais cette forte envie de pouvoir la toucher, d'arriver face à elle et lui demander pourquoi est-ce qu'elle enivre tant l'esprit des gens. Mais là n'était pas le sujet principal de mes pensées. Je devais retrouver mon ami au parc et partir m'amuser en boîte.
C'est contre la façade de celui-ci que je retrouvai mon acolyte. Il était habillé de façon très soignée, tout en gardant toujours ce style qui lui était propre. Il portait une chemise blanche au sous-tons bleus qui se mariaient très bien avec la faible lueur du soir, et un long manteau semblant noir mais qui, d'ordinaire, se trouvait être bleu marine.
Je n'étais certainement pas attiré par les hommes, mais il fallait avouer que mon meilleur ami dégageait, sans cesse, une aura de classe.
Lorsque nous arrivâmes en face de la boîte de nuit, on nous demanda nos cartes d'identité. A croire qu'on faisait moins que notre âge. Je soufflai. Mon moral en prenait un coup, à peine la soirée commencée. Cependant, je ne devais pas avoir de blues dès le début, et repris une grande inspiration, avant de pénétrer derrière la porte surveillée par un colosse de deux mètres.
Le monde s'agitait. Il absorbait les musiques qui défilaient, avec véracité, dans une danse enflammée. Cela faisait déjà deux ans que je n'avais pas remis un pied dans un tel endroit. D'habitude, j'étais le genre de type à sauter comme un enfant, à avoir les yeux qui pétillaient face à toutes ces nanas courtes vêtues sur la piste de danse. Mais cette fois là, ce soir là… Je ne pouvais oublier les emmerdes qui n'avaient cessées de m'arriver.
On commanda deux verres de bière à une table pour quatre. Aiden m'avait signalé, sur le chemin, que Héléna, une de nos amies du lycée, nous rejoindrait un peu plus tard dans la soirée.
Elle arriva au bout de trois quart d'heures, habillée d'un haut moulant qui rendait sa faible poitrine, un minimum imposante. Elle possédait de longs cheveux lisses et son maquillage lui permettait de mettre ses yeux en valeur, bien qu'elle n'en avait pas plus besoin que d'ordinaire. On se salua et embraya sur des conversations au faux semblant d'intérêt. Le temps passait, sans qu'aucun de nous ne se soit levé pour se diriger sur la piste de danse, et un long silence commençait à s'immiscer dans notre discussion. Mais cela cessa lorsqu'une vague d'étonnement s'éleva dans la boîte. Je me considérais comme quelqu'un me fichant de toute situation attirant les foules, mais, ce soir là, je ne pouvais m'empêcher de trouver l'origine de tout ce brouhaha.
C'est après m'être frayé un chemin parmi la fourmilière en pagaille que j'aperçus, en premier, des petits pieds nus. En remontant plus haut, je découvris le corps d'une jeune femme, dansant toute en légèreté malgré quelques gestes saccadés. Elle était, de toute évidence, saoul. Ses bras vagabondaient dans les airs. Elle ne faisait pas attention aux gens qui la regardaient. C'est comme si elle s'évadait sur place. Certaines femmes présentent l'insultaient de toutes sortes de noms. Des hommes disaient qu'elle était un pu trop « chaude » et qu'il ne fallait pas s'étonner si elle se faisait violer. J'ai tout de même entendu, une ou deux personnes en faire une bonne description.
Je ne pus décrocher mon regard de cet être en mouvement. Je m'avançais et m'apprêtais à lui tendre la main, sous les regards effarés des individus, mais je fus aussitôt arrêté par Héléna.
- Qu'est-ce que tu fais, Cameron ? Me demanda-t-elle, le visage arqué sur le sentiment du mécontentement. Ne t'occupe pas de cette fille.
- Je peux savoir ce qui ne va pas chez toi ? Lui répondis-je en me dégageant de son bras.
Dans les faibles lumières de la boîtes, je pus entrevoir que ces yeux étaient beaucoup plus ouverts. Elle semblait choquée par mon geste. Mais à quoi bon m'en préoccuper ? Je comptais me retourner vers le sujet de distraction mais elle m'agrippa par les épaules, pris mon visage entre ses mains et plaqua un baiser volé sur mes lèvres.
Imperturbable, je la repoussai gentiment. Ce genre d'attitude ne me surprenait même plus. J'avais pris l'habitude avec Beverly et bien d'autres. Cependant, j'étais un peu désolé pour cette fille. Je ne pouvais pas répondre à ses sentiments.
Aiden vint chercher Héléna qui, voyant le manque d'intérêt que je portais à son geste, se précipita vers la sortie.
- Tu n'as toujours rien compris aux femmes, jugea mon vieil ami avant de rejoindre la fugueuse.
Je ne comprenais rien, effectivement. Je ne comprenais pas. Un nouveau brouhaha me ramena à la réalité. Les gens affluaient, plus serrés que jamais là où, auparavant, dansait une jeune femme. Ils étaient tous penchés au dessus de quelque chose, ou alors de quelqu'un. J'étais pris entre une envie de quitter ces lieux et une autre d'intervenir. En repensant à toutes les conneries que j'avais faites, je me dis que réaliser une bonne action ne pourrait qu'être positif pour moi. Après cette brève réflexion, je poussai quelques membres de la horde et arrivai jusqu'au niveau de la victime.
Elle avait du mal à respirer et devait ouvrir la bouche pour récupérer le maximum d'air possible. Je compris alors qu'il fallait faire plus de place. Nous étions beaucoup trop de monde autour d'elle.
- Qu'est-ce que vous regardez ? Bougez-vous de là ! Criai-je aux curieux qui n'hésitèrent pas à me cracher dessus tout en se retirant.
Une main s'agrippa à ma cheville droite. Je me retournai et me penchai vers la jeune femme. Ses yeux se dirigèrent en direction de mon visage et elle m'accorda un sourire. J'eus soudain l'impression de l'avoir déjà croisée quelque part, elle aussi.
Suite à ça, elle gémit et porta sa seconde main à sa tête.
- J'ai mal…
- J'appelle l'ambulance, alors restez tranquille, tentai-je de la rassurer.
Je sortis mon téléphone de ma poche, mais elle resserra sa poigne sur ma cheville et hocha la tête comme pour me signifier qu'elle ne voulait pas que je compose de numéro.
- Je suis trop saoul. Ils appelleront mes parents. Je ne peux pas... Je ne veux pas, articula-t-elle.
- Vous êtes encore mineure ?
- Je ne sais pas… Je crois que je dois avoir dix-sept ans ici, me répondit-elle, plus qu'hésitante.
Je ne comprenais pas pourquoi elle avait rajouté « ici » et mis tout sous l'influence de l'alcool. Elle se releva en s'appuyant sur mes épaules et me remercia avant de s'en aller plus loin, chancelante.
Je me retrouvai seul, tout le monde se remis à danser autour de moi, mais je n'entendais rien. J'étais comme dans une bulle. De temps en temps, une femme, peu importe son âge, venait me proposer de monter sur la piste avec elle. Mais toutes, se voyaient rejeter et repartaient bredouillantes.
Je sortis de la boîte, avec un sentiment d'insatisfaction. J'étais venu avec Aiden et Héléna pour qu'on puisse s'amuser un peu après tout ce qui était arrivé, mais au final, j'ai gâché la soirée.
Même la jeune femme que j'avais « secourue » est partie sans me laisser son numéro. Mais à quoi je m'attendais en agissant comme ça ? Je me sentais comme un enfant. Depuis quand je pensais des choses pareilles ? C'est comme si je faisais des caprices justes parce que ce que je voulais ne s'était pas passé.
C'est sur le chemin du retour, alors que j'hélai un taxi, que je découvris, recroquevillée dans un coin et contre un mur de la rue, la victime de toute à l'heure. Je pensais m'avancer vers elle, mais elle s'empressa de le faire avant moi.
- Pardonnez-moi... Je voulais vous demander... Me dit-elle, d'abord hésitante. Croyez-vous en l’existence de mondes parallèles ? Ou de civilisations cachées, non loin d'ici ?
Je ne sus quoi lui répondre. Décelant le malaise qui commençait à s'installer suite à sa question étrange, elle s'excusa et me dit qu'elle devait avoir trop bu, que je ne devais pas y faire attention. Elle m'inquiétait.
- Vous devriez sincèrement songer à appeler vos parents, lui recommandai-je.
Elle me fit signe de la tête, puis pointa du doigt le taxi que j'avais arrêté. Je souris, me dirigeai en direction de l'auto' et, avant même d'avoir eu le temps de me retourner pour la saluer, elle avait déjà disparu.
- Quelle femme étrange... Soupirai-je tout en me glissant dans le véhicule.
- Pardon, vous disiez ?
Le temps que je comprenne qui avait prononcé ces mots, je reçus un coup sur la tête. Entre temps, avant de complètement m'être évanoui, j’aperçus la tête du chauffeur étrangement penchée sur le côté droit. Il ne bougeait pas d'un poil.
Un être mort. C'était ce qui le représentait le mieux. Sans vie.
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