Lorsqu’il fut aussi rassasié du sang de la fillette que de narrer ses histoires de vampires, Josh envoya Melody faire la sieste. Mary la tira de son lit quelques heures plus tard et la colla contre le mur.
« Ça fait douze heures », murmura-t-elle, canines découvertes.
Quand elle la relâcha, la petite sanglotait. À la gorge, ça faisait beaucoup plus mal qu’au poignet. Ça saignait beaucoup plus aussi, pensa-t-elle en glissant jusqu’au sol.
Josh la soigna sans rien dire et sans se nourrir non plus. C’était tant mieux, car elle avait des vertiges et se sentait nauséeuse. Ils restèrent ainsi un long moment. L’enfant serrait la lapine contre elle. Caresser la petite tête, vive et douce, c’était la seule chose rassurante qu’elle pouvait faire. Elle s’y accrochait. Elle n’avait plus envie de parler.
Plus tard, Mary refit surface en jetant un sac aux pieds de l’enfant. Il contenait des fruits et du pain. La créature prétendit les avoir trouvés abandonnés par terre. Melody ne la crut pas, mais elle se garda bien de le dire. Manger autre chose que de la viande, c’était agréable.
Le soleil disparaissait tout juste derrière l’horizon quand le groupe sortit de la maison de terre. Les vampires étaient pressés. Ils se remirent en marche vers les grottes des loups-garous. Perle ne quittait pas l’épaule de Melody. L’animal faiblissait.
« Il faudrait qu’elle mange… Ça mange quoi un lapin ?
— Des carottes. Les Garous auront ce qu’il faut. »
La nuit avança au rythme de leurs pas, en silence. Melody ne portait plus le très lourd sac à dos de Josh. C’était plus simple pour suivre la cadence soutenue qu’ils lui imposaient de nouveau. Au bout d’une heure passée à tenter de se tenir tranquille, comme le lui avait ordonné Mary avant de commencer à marcher, la gamine demanda :
« Pourquoi elle t’appelle Fitz ?
— C’est mon nom. Quand j’étais sorcier, on m’appelait ainsi.
— Pourquoi tu m’as dit que tu t’appelais Josh ?
— Parce que je change parfois de nom. Je n’ai pas encore choisi mon nom de vampire.
— Tu dois avoir un nom de vampire ? »
Il haussa les épaules et Mary gronda, réprobatrice. Il garda donc le silence. En y prêtant attention, l’enfant prit enfin conscience de la relation qui régissait les deux créatures.
« Mary est plus forte que toi, hein ? »
Ni l’un ni l’autre ne prirent la peine de réagir. Melody poussa un profond soupir, elle hésita à proposer une gorgée pour avoir sa réponse, mais elle conclut qu’il valait mieux garder son sang pour marcher.
Soudain, Josh lui saisit l’épaule. D’un geste violent, il la ramena derrière lui, dans un terrible grondement. La lapine tomba au sol.
« Perle ! s’écria Melody.
— Sorcier ! » cria Mary.
D’un même mouvement, les deux vampires sortirent des couteaux à cran d’arrêt, un dans chaque main. Josh attrapa la fillette et la colla face contre terre en lui ordonnant de ne pas bouger. Puis il se releva, juste au-dessus d’elle. Comme promis, ils défendaient leur garde-manger.
Les deux créatures nocturnes, éclairées par le rose tremblotant de la boule lumineuse, firent face à un ennemi encapuchonné. Ils s’étaient mis en garde, l’un à côté de l’autre. Ils savaient se battre ensemble, c’était évident. L’individu à la cape rouge restait immobile.
« Je viens chercher l’enfant. Mais si vous tenez à vous battre… » menaça-t-il d’une voix grave dont il était impossible d’évaluer l’âge.
Impossible, aussi, de savoir s’ils avaient affaire à un homme ou une femme. Son vêtement était suffisamment fluide pour masquer toute distinction physique. Leur adversaire leva un bras et activa son concentrateur : une large pièce d’iris maintenue contre la paume de sa main au moyen d’un gant. Un mécartifice dont les rouages accompagnaient les mouvements de ses doigts.
Les vampires n’eurent pas besoin de se concerter. Mary lança son couteau dans la boule rosée. La lumière s’évanouit immédiatement.
Moins d’une seconde plus tard, la campagne environnante s’éclaira d’un halo blanc. Mary et Josh s’enfuyaient à tire d’aile sous la forme de chauves-souris. Ils n’avaient pas hésité un instant à abandonner leur repas sur place.
Le mage les observa s’éloigner puis détourna le regard et s’approcha de Melody. La petite se précipita sur Perle sans se soucier de la cape rouge. L’animal tremblait.
« Vous avez fait peur à mon lapin !
— Ce n’est pas un lapin. Il n’y a plus de lapins dans cette région depuis des années. »
Perle bougea les oreilles puis sauta sur ses pattes pour détaler à toute vitesse. Elle se transforma alors en une créature ailée au long bec et à la fourrure verte. Melody la vit s’envoler dans un caquètement strident.
« Mais… »
La fillette fondit en larmes alors que l’inconnu se découvrait en rabattant sa capuche. Melody hoqueta de surprise. Sous l’étoffe rouge, le visage, strié de cicatrices bleues, ressemblait trait pour trait à celui de sa mère.
« Maman ? » souffla la petite, incrédule et méfiante.
Non. Cette femme n’était pas sa maman. Elle lui ressemblait beaucoup, mais sa magie pulsait autrement. Plus discrète, plus secrète, plus puissante. Melody n’avait jamais rencontré personne de plus fort que sa mère.
« Tu ressembles à ma maman.
— Je suis sa sœur, ta tante. »
Melody plissa les yeux en essuyant ses larmes, suspicieuse.
« Alors, pourquoi je ne t’ai jamais vue ?
— Parce que je suis Confrère. On aura le temps d’en parler. »
La petite recula de quelques pas. Elle refusait de s’approcher de la sœur de sa mère. Quelque chose lui disait que cette femme froide et sèche n’appartenait pas vraiment à sa famille. Elle ne faisait pas partie de son Clan.
La Confrère se pencha sur l’enfant et lui saisit le menton. Elle lui fit incliner la tête sur le côté et observa la morsure de Mary. Melody pinçait les lèvres. Ça ne lui faisait pas mal, mais elle venait de décider qu’elle n’aimait pas la sorcière à la cape rouge.
« Tu n’as plus que des traces. Ta magie a déjà soigné la plaie.
— C’est parce que je suis très forte en magie, crut bon d’expliquer l’enfant.
— Ça, je le sais bien. »
La sorcière s’écarta de Melody et fouilla le sac à dos abandonné par les deux fuyards. Il contenait une quantité non négligeable de pochettes de sang réfrigérées, ce qui arracha un haut-le-cœur à la petite fille. Finalement, ils n’avaient jamais eu besoin d’elle pour se nourrir. Les deux vampires s’étaient servis d’elle. Pire, ils s’étaient servis sur elle… Elle se remit à pleurer, la gorge serrée, mais l’inconnue ne fit pas le moindre geste pour la réconforter.
La Confrère ferma le sac et le chargea sur son dos avant de se tourner vers Melody.
« Je suis Maître Vesta. J’ai été chargée de te ramener à la Confrérie. »
Sans lui laisser le temps de réagir, elle posa sa main sur son épaule et les transféra.
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