Après l’incident, il se passa plusieurs mois, dans un silence absolu, sans que chacun n’ait de nouvelles de l’autre. Sa rage avait fini par se transformer en désespoir, et, dans les moments les plus sombres, il se demandait pourquoi il était encore là. Pour lui, chaque jour était une nouvelle souffrance, et petit à petit, il sombrait dans la folie. Il ne parlait plus à personne, il restait là, seul, dans le refuge qui lui servait de maison. Ce refuge, il l’avait trouvé au beau milieu de la forêt, pendant qu’il errait. C’était une vieille bâtisse en bois moisi, dont le sol était jonché de feuilles mortes. Ce cabanon était très petit, de quoi vivre quelques nuits, mais il avait décidé d’y vivre pour le restant de ses jours. Une seule fenêtre apportait la lumière à l’intérieur du bâtiment, dont les quatre carreaux étaient recouverts de poussière. Dans cette bâtisse se trouvait une vieille cheminée de pierre, dont les lianes recouvraient la plus grande partie. De l’autre côté de la pièce se trouvait un siège et un matelas délabrés ainsi qu’une couverture sale, le reste de l'unique pièce était vide.

Il ne sortait que pour voler de la nourriture. Il allait dans une ferme qui n’était qu’à quelques kilomètres pour y voler quelques fruits, un peu de céréales et parfois, lorsqu’il en avait l’occasion, il volait quelques morceaux de viande à l’abattoir d’à côté. Il y allait deux fois par semaine, il avait fini par apprendre les rondes de travail du fermier au fur et à mesure du temps, caché dans un buisson, épiant chaque mouvement, ce qui lui rappelait sans cesse son ancien partenaire et il ne pouvait s’empêcher de penser à lui. Il avait fini par prendre ses habitudes et vivait, ou plutôt survivait, à sa manière.

Un jour, alors qu’il était en train de dormir, après avoir volé deux morceaux de viande et quelques fruits, il se réveilla en sursaut en entendant un bruit sourd. Ce bruit ressemblait à celui d’un animal, mais son esprit était confus depuis son séjour en forêt, il ne pouvait savoir lequel c’était. Il se leva rapidement du matelas, pour regarder par la fenêtre. Ne voyant rien il décida de sortir pour observer et il fut surpris de voir un ours le charger. Il avait dû être attiré par l’odeur de la viande, et venait chercher un tribut. En une seconde, il avait fait demi-tour et commençait à courir dans la direction opposée à l’ours en se disant qu’à l’époque, cet ours n’aurait posé aucun problème, alors qu’aujourd’hui, il doit fuir le monde. Une fois l’ours parti, il retourna au cabanon pour découvrir une scène de désastre : la nourriture avait été mangé, la chaise était écrasée et la couverture avait été déchiquetée et pourtant, même en voyant ceci, aucun sentiment ne s’exprima. Il alla simplement prendre son sac et dû repartir voler de la nourriture à la ferme. Le problème, c’est que la nuit était tombée pendant son voyage et se déplacer devenait bien plus risqué.

Il s’avançait avec prudence près du premier champ, qu’il traversa sans encombre. Une fois traversé il se retrouva devant la grange dans laquelle se trouvait la réserve de fruits et légumes du fermier. Il n’aimait pas voler mais même avec son désespoir, son instinct de survie prenait le dessus. La grange était éclairée par deux lampadaires sur le bord de la route. C’était la première fois qu’il y allait de nuit. D’habitude, il ne volait qu’au moment du coucher du soleil, le seul moment où la grange était vide, mais ce jour-là alors qu’il s’avançait jusqu’à la porte, il entendit un bruit derrière lui, c’était un bruit léger accompagné d’une brise de vent. Sans même se retourner il comprit qui c’était mais il ne bougeait pas, il restait là tétanisé de peur, car ce qui se trouvait juste dans son dos, était ce qui pouvait mettre fin à ses jours sans même que vous puissiez le voir venir. Pendant quelques secondes, ils restaient là, sans même faire un bruit, puis enfin, après de longues secondes, une voix finit par sortir, ne confirmant que ce qu’il pensait : « Te voilà … ». Un frisson le traversa lorsqu’il entendit la voix de celui qu'il avait tant aimé, celui qui lui avait tant menti pendant tant d’années…