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tome 1, Chapitre 8 « Dame Nyx » tome 1, Chapitre 8

Dans l’enceinte du monastère, les enfants avaient cessé leur jeu, trop curieux de découvrir ce qui se déroulait en leur absence. En effet, des soldats avaient amené un chariot, transportant une large cage de fer, où étaient enfermés une demi-douzaine d’hommes. Tous étaient coiffés d’une étole noire, ce qui leur donnait des allures de condamnés à mort. Ils virent Dame Nyx lancer quelques ordres, dans une langue qu’ils n’avaient jamais entendue auparavant.

Se tournant vers l’une des sœurs préceptrices, ils se demandèrent si elle pourrait assouvir leur curiosité.

– Mes enfants. Ces hommes là-bas, encapuchonnés, sont retombés en enfance et Dame Nyx, par charité styrienne, a proposé au prince consort de les prendre avec elle et de nous les amener, afin, qu’à votre contact, ils puissent guérir.

– Mais guérir de quoi, gazouillèrent les petites voix.

– Je ne puis, hélas, vous répondre, car je ne le sais pas. Cependant, interrogés donc Dame Nyx, elle vous l’expliquera bien mieux que moi. Et maintenant, retournez donc à vos jeux.

Aussitôt les enfants se dispersèrent, tandis que les hommes étaient emmenés dans l’aile ouest du monastère, non loin des quartiers de dame abbesse. Placés dans des cellules spartiates, néanmoins rendues chaleureuses par la présence de couches moelleuse, de tentures colorées sur les murs et de jouets en bois sur des étagères, Dame Nyx donnaient les indications nécessaires, afin qu’ils soient traités avec les plus grands égards. Un dernier regard pour ces malheureux, retombés en enfance, et elle s’éclipsa dans les profondeurs du monastère, les laissant aux bons soins des sœurs. Ses pas l’emmenaient vers la chapelle. Par la porte entrouverte, elle aperçut une silhouette agenouillée devant l’autel. Une épée reposait par terre.

Silencieuse, elle s’y introduisit et se plaçant quelques pas en retrait, elle murmura :

– J’ignorai que le Seigneur-Chevalier de Styrr était parmi nous.

À ces mots, l’homme se redressa, tout en se saisissant de sa lame, une flamberge, à la garde finement décorée, que seules ses mains massives étaient en mesure de manier. Il planta alors ses yeux gris dans ceux, couleur nuit, de son interlocutrice. Puis, sans un mot, il s’agenouilla devant elle et lui baisa la main, en fait une lourde bague sertie de rubis et de grenat.

– Relevez-vous, Seigneur-Chevalier.

Lentement, celui-ci se redressa. Bien que ne dépassant Dame Nyx que de quelques pouces, il émanait de sa personne une fierté qui en aurait effrayé plus d’un. Pourtant, on pouvait lire dans son regard, toute la crainte que lui inspirait la Dame.

– Embrassez-moi, ordonna-t-elle subitement.

L’homme esquissa une grimace, comme s’il s’apprêtait à briser un serment, ou à embrasser le diable en personne, et néanmoins s’exécuta. Ses lèvres se rapprochèrent doucement de celle de la servante de Styr, qui coula alors ses mains dans sa nuque.

L’échange parut durer une éternité. Puis elle se détacha lentement de son corps.

– Merci Seigneur – Chevalier.

– Je ne sers que Styrr, ma dame, souffla l’homme en frappant du poing sa poitrine.

Celle-ci passa sa langue sur ses lèvres, comme pour capturer les dernières sensations de ce baiser, dépassionné.

– Je m’en allais voir dame abbesse, afin de lui passer les consignes, quant à ces malheureux. Désirez-vous m’accompagner ? Je pense que cela rassurera ma supérieure, de savoir que l’ordre de Styrr veille avec soin sur ses ouailles.

L’homme, alors, acquiesça et suivit sa compagne au travers du dédale de pierre, avec une indifférence loin d’être feinte.

Dehors, résonnaient les cris des enfants. Bientôt, retentiraient les cloches et il serait alors temps de s’en retourner à l’étude. Ces chers petits étaient la clé, de cela, elle en était persuadé. Et l’ordre ne l’aurait pas dépêché dans ce coin oublié du protectorat, si tel n’avait pas été le cas. Ce lieu faisait exception à tous les autres, car ici tous les enfants recevaient la même éducation. Le monastère, quant à lui, hébergeait tout naturellement les orphelins, sans distinction, ni conditions. Leur éducation était strictement confiée aux sœurs, car dans les hautes sphères l’on se méfiait des frères. Non à cause de quelconques rumeurs mauvaises, que certains aimaient à colporter, mais plus simplement, ces derniers s’avéraient incapable de transmettre le moindre savoir, sans le déformer, le censurer ou l’expurger, au nom d’une prétendue morale supérieure. En punition, on leur avait retiré toutes leurs prérogatives éducatrices, ne se chargent plus qu’exclusivement des travaux des champs ou de tout autre travail, qui ne nécessitait la transmission d'aucun savoir à connotation morale ou philosophique. Heureusement, cela ne concernait nullement les laïcs, qui, faisant fi des croyances, avaient à cœur l’observation et l’expérience. Et tout cela soulevait encore de perpétuelles questions, dont philosophes, théologiens et théologiennes de tout poil débattaient encore. Pourquoi une croyance obscurcit-elle à ce point l’esprit d’un homme, non celui d’une femme ?

Néanmoins, elle n’était pas pour remettre à l’ouvrage une discussion abscondre et nul à propos. Arrivée au pied d’un escalier en colimaçon, elle fit digne au seigneur-chevalier de l’attendre. Le bureau de Dame abbesse se trouvait tout en haut de la tour et aucun homme, fût-t-il le roi en personne, n’avait le droit d’y poser le pied, ni même un regard. D’un air renfrogné, mais néanmoins entendu, celui-ci acquiesça. Sa mission pour l’ordre passait au-dessus de tout autre considération. Avisant alors une ouverture dans le mur, il se rendit pour admirer la plaine qui s’étalait par-derrière. Au moins, avec une pareille étendue, il lui serait difficilement possible de venir jusqu’ici sans être vu. Néanmoins, il doutait que pareil événement se produise. Il avait terrorisé ces hommes. S’il avait désiré les faire passer de vie à trépas, c’eût été une chose qu’il eût faite alors.

Pendant ce temps, dame Nyx montait l'escalier de pierres d’une démarche chaloupée. Arrivée devant une lourde porte en chêne, elle frappa quelques coups discrets et convenus, car l’on vint aussitôt lui ouvrir.

– Dame Nyx. Dame abbesse vous attend dans son bureau. Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre.

Dame Nyx suivit la nonne, engoncé dans son austère robe.

– Que ne faut-il pas faire pour éteindre une guerre, soupirait-elle intérieurement. Se soumettre encore une fois.

– Enfin, tout cela finira par disparaître désormais, se glissa-t-elle, féroce.

– Entrez ! Dame abbesse va vous recevoir, se confondit la nonne, en ouvrant une porte en chêne.

Celle-ci disparut, dame Nyx la referma derrière elle, avant de s’avancer dans la pièce.

– Bonjour ma dame, s’adressa une femme fluette, dont la coiffe semblait vouloir lui dévorer le visage. Nous avons bien reçu vos instructions. Tout sera mis en œuvre afin que ces hommes retrouvent leur intégrité spirituelle.

Dame Nyx acquiesça doucement, avant de se détourner vers les fenêtres, qui donnaient sur la cour.

– J’en conviens dame Abbesse. Et pour la suite, qu’en sera-t-il ?

– Ne vous en inquiétez pas, la Seigneur-Chevalier Kakeru y a déjà pourvu.

– Bien.

Puis elle ajouta :

– Une chambre peut-elle être mise à ma disposition ? Je souhaite rester encore quelque parmi vous, à moins, bien sûr, que ma présence vous importune.

– Nullement, dame Nyx. Je vais mander l’une de nos novices, afin qu’elle vous la prépare.

– Merci, dame abbesse. Cependant, puis-je vous demander une faveur ?

– Faites donc.

Dame Nyx regardait avec une attention soutenue l’une des salles, où évoluaient les enfants.

– Pourrai-je être logé, non loin de leurs dortoirs ?

Dame abbesse la fixa avec surprise, mais n’émit aucune protestation.

– Il en sera fait selon vos souhaits.

– Je vous remercie, dame abbesse, murmura-t-elle, sans quitter des yeux la cour.

– Avez-vous besoin de quelque chose encore ?

Dame Nyx parut réfléchir, puis déclara soudainement :

– Personne ne s’est encore porté volontaire pour remercier le seigneur-chevalier Kakeru ?

– Pas à ma connaissance, dame Nyx.

– Bien. Alors faites savoir à toutes les sœurs que je me porte volontaire.

Dame abbesse se fendit d’une profonde révérence, puis raccompagna la dame jusque dans l’antichambre.


Texte publié par Diogene, 17 août 2016 à 21h28
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