« Shai ! Je dirige l'exécution d'un contrat. Ca t'intéresse de venir ?
Shaiélaè se retourna vers Ioreck, qui l'interpellait depuis l'autre bout du campement des Lynx-Noirs.
Cela faisait deux ans maintenant qu'ils avaient intégrés ce groupe de mercenaire. Le Nordique s'était tout de suite adapté à cette vie, et avait rapidement gagné la confiance du commandement qui lui confiait volontiers la responsabilité de contrats de moindre importance.
La petite elfe, quand à elle, était une membre discrète de la compagnie, et à part Ioreck et les membres de son peloton, elle n'avait pas beaucoup d'amis parmi les spadassins.
Shaiélaè n'était pas restée longtemps avec les fourrageurs. On l'avait presque immédiatement mutée chez les fourrageurs, où ses talents trouveraient une meilleur utilisation . Ce changement avait été accompagné d'une augmentation de la solde que la petite elfe avait accueillie avec reconnaissance.
Celle-ci n'était pas mirobolante, mais Shaiélaè vivait pas d'excès et avait en réserve le trésor de la famille Bellamont.
Son pire ennemi était l'ennui. Depuis presque quatre ans, le Lynx-Noir avait un contrat juteux avec Shornhelm pour aider la garde de la ville à sécuriser les routes contre les bandits qui sévissent.
A peine plus de la moitié des Lynx-Noirs se trouvaient en permanence à Shornhelm. Le reste allait et venait en accomplissant d'autres contrats. Mais l'unité des éclaireurs était rarement requise, et de tout le temps passé dans la compagnie depuis son recrutement, Shaiélaè n'avait participé qu'a cinq missions mineures et n'avait à aucun moment fait couler le sang, sans compter les patrouilles.
Elle accepta d'un hochement de tête la proposition de Ioreck.
Bien qu'étant dans des unités différentes, tout deux étaient restés très proches ces deux dernières années. Il était un élément stabilisateur dans le monde de la petite elfe, et lui semblait l'avoir pris sous son aile comme une sœur ou une fille.
Ioreck lui répondit :
« Très bien ! On part demain matin. Pour l'instant, je doit prévenir les autres, mais retrouve moi ce soir au campement des troupes lourdes, je t'expliquerai le programme. »
Il salua la petite elfe, puis il disparu dans la ferme qui servait de quartier-général à la compagnie.
Le Nordique avait beaucoup changé depuis leur dernière rencontre. Il était moins insouciant et plus responsable. Les fourrures n'avaient pas quittées son dos, mais sa solde lui avait permis d'acheter une armure neuve. Il portait désormais une broigne de cuir épais garnie de rondelles et de plaques latérales en acier. Les spalières et le gorgerin étaient neufs eux aussi. Il avait troqué ses brassards de cuir contre des gantelets à l'écrevisse, arborait des jambières par dessus ses bottes de fourrure et avait fait l'acquisition d'un heaume à nasal décoré de runes. Foyer, son épée extravagante, n'avait elle pas bougée, même si le contact de véritables bretteurs avait conféré au Nordique une meilleur adresse dans le maniement de cette arme.
Quand à Shaiélaè, de nouvelles bottes furent le seul changement sur son apparence. Elle préférait économiser son pécule pour une utilisation plus tardive. Le seul achat sortant de l'ordinaire qu'elle fit sur un coup de tête, et qu'elle regretta par la suite, fût une dague triangulaire toute simple mais de qualité en acier mêlé d'ébonite.
La petite elfe rassembla ses affaires et alla voir Astien Radreau, son officier, pour lui demander la permission de partir avec le groupe Ioreck. Il la lui donna sans broncher.
Puis elle se rendit au campement des soldats lourds, dans une des étables de la ferme.
Les troupes lourdes étaient habituées à sa présence, et la laissait en paix. Ils la savait sous la protection de Ioreck.
Elle attendit ici son ami, accroupie autour d'un feu entouré d'Orques au relents d'alcool. Ils riaient grassement aux blagues qu'ils se lançaient, tout en faisant tourner une outre de vin.
L'un d'eux la tendit à Shaiélaè, qui bue goulûment le breuvage qu'on lui proposait.
Son intransigeance au sujet du Pacte Vert avait tendance à diminuer au fur et à mesure de son éloignement avec Val-Boisé. Elle n'avait désormais plus aucun scrupules à boire des alcools à base de plantes, ni à allumer du feu. Elle persistait toujours à ne manger que de la viande, mais tolérait les condiments que l'on trouvait dans la sauce. La petite elfe avait parfois honte en pensant à son attitude, mais ses états d'âme ne duraient jamais longtemps. Les autres Bosmers de la compagnie, eux, ont complètement oublié le Pacte.
Ioreck revint alors que le soleil commençait à disparaître derrière les collines. Il se fraya un chemin entre les mercenaires qui encombraient l'étable, puis s'assit auprès de feu à côté de Shaiélaè, après qu'un de ses compagnons de lui ai fait une place.
« Alors, c'est quoi ton contrat ? », demanda Shaiélaè.
Le Nordique s'empara de l'outre de vin et la vida d'un trait avant de répondre.
« Un querelle entre deux fermiers, à quelques jours de marche d'ici. L'un d'eux veut qu'on règle son compte à l'autre. C'est tout ce que Belcar m'a dit. L'employeur nous donnera plus de détail là-bas.
Départ demain matin, avec huit autre personnes. »
« Qui vient ? »
« Yarmaz m'a imposé de prendre quatre nouvelles recrues pour leur premier contrat. Je ne les connaît pas encore. Sinon, il y aura Dominitia Arterius, Lurog Gro-Gurub, le mage Ambroise Bielle et Rendil Romori.
« Je ne voit pas qui c'est, le dernier ...»
« Rendil ? L'Elfe-Noir avec un œil crevé. »
Il passèrent le reste de la soirée à converser autour du feu en compagnie des autres mercenaires. Les épées louées étaient des voyous pour la plupart, mais contrairement à ce qu'elle s'était attendu avant de rejoindre les Lynx-Noirs, tous la traitaient avec respect . Les liens entre les mercenaires de la compagnie étaient forts, et le harcèlement de ses membres féminins très rare et sévèrement puni par les capitaines.
La soirée qu'ils passèrent ne fut interrompue que par une bagarre entre deux soldats ivres. Ces rixes « amicales » étaient monnaies courantes et ne se terminaient presque jamais par la mort d'un des combattants. En fréquentant les troupes lourdes, Shaiélaè avait l'habitude d'y assister et ne s'en étonnait plus.
La petite elfe alla se coucher peu après que le capitaine Yarmaz ait séparé les deux fauteurs de trouble.
Le lendemain, elle rassembla ses affaires et alla retrouver Ioreck à l'entrée de la cour de la ferme. Il était entouré des recrues qui allaient les accompagner dans l'exécution du contrat : Deux Rougegardes, frères et sœur, à en juger leur ressemblance, une Bretonne et un Impérial, je crois. Shaiélaè se sentit fière de réussir désormais à identifier du premier coup d'œil l'origine des Humains.
Ioreck leurs présenta Shaiélaè, et tous attendirent la venue des autres membres de leur groupes.
Quand tous furent présent, ils se mirent en route, traînant avec eux l'un des ânes utilisés par les Lynx pour transporter leurs vivres et leurs armes.
Leur voyage se fit joyeusement. Ioreck réussissait parfaitement à intégrer les nouveaux. Pouvoir se lier d'amitié avec presque n'importe qui était sa grande qualité. Une capacité qui impressionnait la timide petite elfe, plutôt habitué à rester seule dans son coin.
Cela n'empêchait en rien le Nordique de lui consacrer beaucoup de temps, ni elle d'apprécier sa compagnie.
« Deux ans qu'on se connaît, et tu ne m'as toujours rien dit sur les raisons qui t'ont poussée à quitter Val-Boisé !» lui dit-il au cours d'une de leur discutions.
« Peut-être parce que c'est que tu est sur le point de deviner ? » répondit Shaiélaè en souriant .
C'était une sorte de jeu entre eux. Au début, elle ne lui avait rien dit de ses origines par manque de confiance, mais le Nordique s'était mit à imaginer les raisons de son départ et l'esprit ludique de la petite elfe s'était prit au jeu, semant de faux indices et entretenant le suspense. Étonnement, Ioreck ne manquait pas d'imagination et inventait des histoires les plus extravagantes possibles sur les origines de son amie : Fille de roi forcée de fuir des assassins voulant lui voler son trône, espionne à la solde du Thalmor, réincarnation d'Ysmir...
Ioreck laissa échapper un rire.
« Tu veux dire que mon histoire d'assassin de la Confrérie Noire est peut-être la bonne ? »
« Peut-être... » Il risque d'être déçu si je dit la vérité.
« Mais moi, je t'ai tout dit à mon sujet. Ça devrait être donnant-donnant. »
« Ce n'est pas ma faute si tu n'arrive pas à garder le silence »
Ioreck croisa les bras en faisant semblant d'être fâché.
Il avait tout essayé pour découvrir sa véritable histoire. Une fois, le Nordique avait tenté de la saouler mais avait découvert que, malgré sa petite taille, Shaiélaè possédait une meilleur résistance à l'alcool que lui. L'habitude des des boissons Bosmers. Pas la même chose cette pisse de ragnard d'alcool humain.
Le voyage touchait à son terme. Dans l'après-midi du sixième jour après leur départ, ils atteignirent la ferme indiquée sur la carte de Ioreck. Elle avait l'allure de toute les fermes que l'on pouvait rencontrer dans cette partie de Hauteroche, en forme de U et entourée de champs et de vergers, mais avait été renforcée par une haute barricade de pieux et un profond fossé.
Le groupe s'approcha de l'entrée, méfiant.
« Il y a quelqu'un ? » cria l'Orque Lurog en martelant la barricade du manche de sa hache.
« On est les Lynx-Noirs ! » ajouta Ioreck. « On vient pour le contrat ! »
Shaiélaè entreprit de faire le tour du corps de ferme, accompagnée de Makela et de Karrod, les Rougegardes.
Ils avaient presque fait la moitié de leur ronde quand un homme émergea d'une lucarne, et les pointa de son arc.
« Qui êtes vous ? Dit-il.
Shaiélaè se raidit.
« On est les mercenaires envoyés par Belcar Malane. C'est vous qui nous avez engagé ? »
« Oui. Je ne vous avait pas vu venir. J'étais occupé. Je vais vous faire entrer.
L'intérieur de la ferme était sommaire, et de toute évidence préparé pour un éventuel combat. Des flèches et des javelots jonchaient le sol, et à certains endroits stratégiques étaient disposés des arbalètes et des tonneaux de poix. La plupart des ouvertures étaient condamnées, mais d'autres avaient été ouvertes en enlevant des briques et des tuiles et formaient d'étroites meurtrières.
« Premièrement » leur dit leur employeur lorsqu'ils furent tous à l'intérieur de l'enceinte, « disposez des hommes pour monter la garde. On réglera les détails ensuite »
Ioreck désigna cinq d'entre eux qui grimpèrent sur la barricade et le toit de la ferme. Puis il ordonna à la jeune recrue Bretonne de décharger l'âne et de le nourrir.
Il ne resta plus que Shaiélaè, Ioreck, Dominitia et Nihlus, une des nouvelles recrues, qui suivirent l'homme dans la ferme.
Là, dans la cuisine transformée en armurerie, il leur expliqua le travail qu'ils auraient à faire.
« La famille Traven veut me voler des terres, et moi, je veux récupérer les leurs qui me reviennent de droit. Je veux aussi les voir crever. Tous. Ils ont tué mon dernier fils le mois dernier. Comme vous pouvez le voir, j'étais tout seul jusqu'à aujourd'hui pour mener le combat. Mais maintenant que vous êtes là, c'est terminé. Ce sera rapide : aller à leur ferme, la cramer et les exterminer. Ensuite je vous payerais, au prix convenu avec votre commandant. Ça marche ? »
C'est ce que j'appelle être direct. Il n'a même pas dit son nom .
Ioreck l'approuva :
« Très bien. Je peux vous poser quelques questions, pour avoir une idée précise de ce qui nous attend ? »
Debout dans la cuisine, il passèrent le reste de la journée à planifier l'attaque qu'ils lanceraient la nuit venu. Dix jours de marche aller-retour pour un boulot de moins de dix heures. Vive la rentabilité.
La ferme Traven se trouvait au sud d'ici, à environ six kilomètres. La famille qui l'occupait était composée de huits membres dirigés par Roderick Traven, le patriarche. Ils devraient également s'attendre à la présence d'une dizaine d'employés, tous prêts à prendre les armes si nécessaire et de leur famille .Le vieux est paranoïaque : s'ils veulent vraiment lui voler ses terres, ils l'auraient déjà fait.
Enfin vint le moment de l'attaque. L'employeur insista pour accompagner les mercenaires, mais refusa de laisser sa ferme sous la surveillance de l'un d'entre eux.
« Inutile de gâcher des hommes pour ça, ils n'attaquerons pas cette nuit »
« Marrant qu'il fasse plus confiance à ces rivaux qu'à nous », entendit la petite elfe chuchoter Makela à l'oreille de son frère.
Ils traversèrent les champs guidés par leur employeur rapidement et en silence, sous la lumière de Masser et Secundas. Bientôt, la forme noire de la ferme Traven se détacha devant eux. Le groupe se déploya pour l'encercler. Rendil Romori les stoppa d'un bref signe de la main, et leur désigna la silhouette d'un veilleur patrouillant au milieu de la cour. Shaiélaè, sur ordre de Ioreck, lui décocha une flèche dans le gosier. L'homme s'effondra silencieusement, sans comprendre ce qui venait de lui arriver.
Peu de temps après cela, tout le monde était disposé autour de leur cible. Shaiélaè s'était retranchée derrière une meule de foin lui offrant un angle de tir dégagé sur les portes de la ferme. Elle pouvait voir, à quelque mètres d'elle, le beau visage baigné de sang du jeune homme qu'elle avait abattu, sa flèche dépassant encore du col de sa chemise. Elle n'eut pas le loisir de s'apitoyer sur le sort de sa victime. Ioreck lança le signal de l'attaque.
Des boules de feu projetées par Ambroise Bielle, le mage de guerre, firent exploser les vitres du bâtiment, propageant un violent incendie à travers la ferme. C'était la première fois que Shaiélaè voyait un lanceur de sort en action. La magie était discrète, à Val-Boisé, et ceux qui la pratiquaient ne la consacrait pas à la guerre. La puissance destructrice de ces boules de feu impressionnait d'autant plus Shaiélaè que celui qui les lançait avait un aspect chétif et insignifiant et ne laissait en aucun cas penser qu'il possédait le moyen de détruire une ferme entière à lui tout seul. Heureusement qu'il est dans notre camp.
Ambroise Bielle cessa ses attaques magiques quand des cris se firent entendre et se précipita vers la porte la plus proche en décrochant sa masse de sa ceinture . Les flammes montaient haut, ravageant complètement l'aile ouest et courant à travers les étages supérieurs de l'aile centrale. La petite elfe sentait d'ici la chaleur de l'incendie sue son visage.
Les occupants de la ferme étaient réveillés. Ils hurlaient. En chemise de nuit, ils déboulaient des portes, et les mercenaires les accueillaient avec de l'acier. Ceux qui sortaient par derrières tombaient dans les bras de Dominitia et des Rougegardes. Il y avait des femmes. Shaiélaè en visa une à moitié nue traversant la porte principal en toussant et se protégeant les yeux de la fumée. Elle hésita, mais retint son bras. Lurog se jeta sur la femme, la projetant violemment sur le sol et la fracassa d'un seul coup de hache qui fit taire ses pleurs. Si l'on ne retrouve pas mes flèches sur des cadavres, on se demandera ce que je faisait pendant la bataille et pourquoi je n'ai pas tirée. A contrecœur, elle se chercha une nouvelle victime. Là, une autre. Une petite femme grassouillette venait d'enjamber une fenêtre. Aucun des autres Lynx-Noirs ne l'avait encore vue. Shaiélaè décocha son trait en faisant taire ses scrupules. La flèche cloua la jambe de la femme à la chambranle, puis une deuxième trouva son chemin vers son cœur. La paye à intérêt à être conséquente, pensa t-elle horrifiée par son geste.
L'aile est de la ferme n'était pas touchée par les flammes. Ses occupants eurent le temps de se préparer, et sortirent les arme en main combattre les mercenaires, portant tout au plus une chemise de maille enfilé à la hâte sur leur torse. Le combat était inégal, et ils se battaient uniquement dans l'espoir de faire le plus de dégât possible avant de périr.
A part Lurog, qui poursuivait et achevait les derniers survivant de l'incendie, tout les mercenaires allèrent combattre ces désespérés..
Shaiélaè fut soulagée de pouvoir tirer ses flèches sur des individus en arme. Elle prenait son temps pour tirer, ne manquant pratiquement aucune de ses cibles. Le combat fut bref. Quand il se termina, elle rejoint les membres de son groupe au milieu des cadavres.
« C'est Rendil ? » Ioreck était accroupi à côté d'un corps, sa grande épée sanglante dans sa main luisant à la lueur de l'incendie.
« Oui. La petite Bretonne est morte aussi, juste là. » Il resta silencieux un moment, son regard vague tourné vers le corps décapité d'un enfant. « Je sais pas ce qui m'a pris »
« De quoi ? »
« Massacrer comme ça des gens désarmés. Comme du bétail. C'est immonde. Je ne m'en suis même pas rendu compte. J'étais comme dans un rêve. »
Shaiélaè lança un rapide regard autour d'eux. Ils étaient seuls à côté du corps sans vie du Dunmer. Les autres admiraient l'incendie, pansaient leurs plaies ou, dague à la main, abrégeaient les souffrances des mourants.
« Ne commence pas à dire ça. Si les autres t'entendent, ils penseront que tu est faible. C'était le boulot, on a rien à se reprocher. » Elle se tourna vers l'employeur. Il déambulait parmi les les cadavres en riant comme un dément, se gorgeant du massacre. « C'est lui, le coupable. Peut importe qui il aurait engagé, le résultat aurait été le même ! »
Le Nordique cria avec colère.
« Je m'en fout de ce que pense les autres ! Même en étant sous l'emprise du berserk, il n'y a aucune excuse pour ce que j'ai fait ! Ce qu'on a fait ! Je devrais étriper le vioque ! »
Je le comprend.
« Ne le fais pas avant qu'il ai payé », lui rétorqua t-elle avec sarcasme.
Shaiélaè planta là le Nordique, et entrepris de ramasser ses flèches. Ce fut particulièrement pénible pour elle que de retirer celles fichées dans le corps flasque de la petite femme accrochée à la fenêtre.
C'est à ce moment qu'elle entendit un cris. C'était Dominitia, qui appelais ses compagnons en pointant de son épée l'orée de la forêt. Shaiélaè regarda dans la direction indiquée, avant de remarquer trois silhouettes qui s'éloignaient discrètement du lieux du massacre. L'employeur les vis aussi, et hurla :
« C'est Roderick Traven, sa femme et son aîné ! Je me disait bien ne pas les avoir vu parmi les morts! Je les veux étendus à mes pieds ! »
Il devait y avoir un passage secret sous la ferme.
Shaiélaè réagit d'instinct. Elle tira son arc, visa brièvement les silhouettes noires devant les armes et la flèche siffla en traversant les champs.
Un cris étouffé retentit, mais les fuyards continuèrent leur progression et disparurent dans les bois.
L'employeur pestait, maudissant ses ennemis par les princes les plus sombres de l'Oblivion.
« Tout cela n'aura servi à rien si Roderick Traven n'est pas mort ! » dit-il aux mercenaires. « Poursuivez-le et ramenez-moi sa tête ! Vous ne serait payer que quand je l'aurai devant moi ! »
Ioreck soupira en lui jetant un regard assassin, que le vieux dans sa rage ne remarqua même pas.
« Très bien ». Il désigna les corps de Rendil et d'Elisa, la jeune Bretonne. « Occupez-vous ne nos morts. Ne les laissez pas ici. Nourrissez aussi notre âne, si on est pas rentré d'ici ce soir. »
« Je vais garder un de vos hommes avec moi, pour fouiller les ruines de... l'ancienne ferme Traven. »
Le Nordique désigna Lurog, qui accepta de mauvaise grâce, pour rester avec l'employeur.
Les autres, Ioreck, Shaiélaè, Dominitia, les Rougegardes Karrod et Makela, Nihlus et le mage Ambroise Bielle se lancèrent à la poursuite des fuyards.
Les mercenaires ratissèrent la forêt autour de la ferme pendant tout le reste de la nuit. Ils ne trouvèrent aucun indice sur la direction de leur proie, l'obscurité brouillant leurs sens. On aurait dût attendre l'aube avant de partir comme ça a l'improviste. On a aucune chance de les retrouver.
Ils découvrirent leur première piste plus de deux heures après que le soleil ne se soit levé. C'était une tâche de sang, à côté de laquelle ils trouvèrent un empennage brisé. Ma flèche.
Les fuyards avaient une avance considérable, et malgré cet indice, les chasseurs furent rapidement de nouveau perdu.
Paradoxalement, cette période de recherche infructueuse leur fût bénéfiques quand ils retrouvèrent une piste, dans l'après-midi du deuxième jour de recherche. En effet, leur proie, pensant que leurs poursuivant avaient cessés la traque et se croyant en sûreté ne prenait plus garde à rester discret et à ne semer aucun indice.
Les mercenaires hésitaient entre rentrer bredouille ou aller perquisitionner les hameaux voisins quand ils tombèrent sur les reliefs d'un feu de camps. Des linges sanglants étaient entassés dans un coin, dégageant une puanteur immonde. Qui que soit le blessé, sa plaie est infectée. Il n'en a plus pour longtemps. Ce n'était pas étonnant. La petite elfe avait pour habitude de badigeonner de crottin ses flèches destinées à la guerre, pour minimiser les chances de survies de ses victimes si elles parvenaient à s'échapper. En l'occurrence, ça marche.
Les mercenaires étaient sur la bonne piste, maintenant, et trouvaient de nouveaux indices à intervalle régulier. Ils étaient sur les talons de leur proie, qui continuait son chemin vers l'est à travers la forêt sans se douter de son sort imminent.
Tout comme Shaiélaè, Ioreck semblait avoir oublié ses scrupules sur le massacre qu'ils avaient commis. En tout cas, il se consacrait entièrement à leur chasse, et n'émettait aucune objection.
Le Nordique passait de plus en plus de temps avec Dominitia. C'était une Nibenayenne , vétéran de la Légion Impériale qui en avait été renvoyée pour avoir détourné des fonds. Elle portait toujours un ceinturon marqué du dragon impérial en souvenir de cette époque dont elle était nostalgique.
Une nuit, elle entendit la mercenaire se lever et rejoindre Ioreck dans sa couche. La petite elfe fit de son mieux pour s'endormir en dépit des gémissements qu'ils laissaient échapper. Je préfère qu'il couche avec cette humaine plutôt qu'il continue sur moi sa drague lamentable. Mais une partie d'elle même, tout en fond de son cœur, éprouvait tristesse et jalousie à cette vue.
Ni elle, ni Ioreck, ni l'Impériale ne firent allusion à cette nuit le lendemain.
Shaiéalè marchait devant, cherchant des traces du passage de la famille Traven . Elle profitait de cette tâche pour rester loin de Ioreck. Tellement stupide qu'il ne remarque pas que je lui fait la tête. Son comportement puéril lui fit soudainement honte. Boarf... Il fait ce qu'il veut, après tout. Ce n'est pas comme si j'allai moi coucher avec lui. Elle se promit d'aller lui parler dès que possible, en feignant de n'avoir pas remarquer ses rapports avec Dominitia.
La petite elfe avisa des orties piétinées avec acharnement. On est sur la bonne piste.
« Pas fâchée qu'on approche de la fin de cette escapade », dit-elle à Nihlus, qui se trouvait juste derrière elle. « Je commence à en avoir assez de me nourrir que de tisane et de sanglier faisandé. »
La jeune recrue approuva d'un vague hochement de tête et d'un bref sourire, et se concentra sur le passage du buisson d'ortie. Pas bavard, le bougre. Lui et Ambroise Bielle demeuraient toujours seuls dans leurs coins, ne se mêlant jamais aux autres. Même Shaiélaè parlait plus régulièrement aux autres. Nihlus n'agissait probablement que par timidité temporaire. Après tout, cela ne faisait que quelques jours qu'il avait intégré les Lynx-Noirs.
Bielle n'avait pas cette excuse : Il faisait parti de la compagnie depuis plus de huit ans, et personne ne l'avait entendu prononcer un mot depuis tout ce temps. Il occupait néanmoins un rôle important au sein de leur petit groupe, aussi bien pendant les combats que dans la vie quotidienne. C'était lui qui récoltait les plantes et les racines qu'il utilisait ensuite pour confectionner la tisane qui leur servait à tous de souper. La petite elfe trouvait infâme ce brouet, qui était de plus une véritable insulte au Pacte-Vert, mais elle devait faire avec sous peine de mourir demain. Les mercenaires avaient entamés leur chasse précipitamment, laissant l'ensemble de leur vivres à la ferme de leur employeur. Ils devaient improviser, et leur traque ne leur laissait guère le temps de chasser des proies autres que celles qu'ils poursuivaient pour améliorer leur ordinaire. Un sanglier avait une fois attaqué les frère et sœur Rougegardes alors qu'ils s'étaient éloignés du groupe un instant. Sa viande avait formé un agréable complément, mais cette chair savoureuse diminuait rapidement, aussi bien en qualité qu'en quantité.
Une fois passé les orties, Shaiélaè attendit sur le côté de la piste que Ioreck n'arrive. Il était au milieu d'une discussion animée avec Dominitia dont la petite elfe surprit une partie de son contenue.
« ...aurais dût envisagé de rejoindre la Légion, au lieu de chercher parmi les mercenaires. Tu as la carrure parfaite, et avec tout ces troubles aux frontières du Domaine, un soldat comme toi n'aurait pas été de trop », disait-elle.
Qu'elle est énervante avec son obsession de la Légion. Si elle l'aime tant, elle n'avait qu'à pas s'en faire virer.
La petite elfe rougit en s'entendant penser. Merde... Je suis encore jalouse.
Ioreck répondit à Dominitia qu'il y avait déjà songé, mais qu'il préférait la liberté qu'offrait la vie de mercenaire.
Il remarqua Shaiélaè et s'éloigna de l'Impériale pour la rejoindre, non sans lui avoir d'abord donné une claque puissante sur son postérieur bardé de métal qui fit glousser l'ex-légionnaire. La petite elfe fit mine de n'avoir rien vu.
« On se rapproche », dit-elle à Ioreck quand il l'eut rejointe. « Ils ont dix heures tout au plus d'avance sur nous. »
« Par Shor, ils nous auront bien fait courir, ces ordures. Quatre jours de traque, dans le froid et avec presque rien à bouffer. J'ai hâte de rentrer à Shornhelm »
Cela faisait plaisir de constater que le Nordique avait retrouvé le moral qu'il avait perdu lors du massacre de la ferme. Shaiélaè se risqua à l'interroger à ce sujet :
« Tu à penser à ce que l'on fera quand on les aura retrouvé ? Ça ne te dérange pas de recommencer, après ce qu'il s'est passé ? »
Ioreck baissa les yeux.
« Si. Mais un contrat est un contrat. Belcar compte sur moi pour le mener à terme, et je le ferais. Quelqu'en soit le prix. »
Il s'assura que les autres membres du groupes marchaient à distance, devant eux, puis ajouta à voix basse :
« Mais je pense quitter les Lynx-Noirs quand on retournera à Shornhelm. Je ne veux plus de mission comme celle-là. »
Shaiélaè était scandalisée. Il compte vraiment m'abandonner ?
« C'est débile. Ils te paye bien, et on mène la belle vie. Si faut faire quelques trucs dégueulasse pour ça, tant pis ! On a rien sans rien. Et puis tu ferais quoi, seul ? Avec ta solde et ta part du trésor des Bellamont, tu a de l'argent, mais ça ne dureras pas longtemps. Il te faut un travail, et le seul que tu est capable d'accomplir implique de décapiter des trucs avec une épée ! »
« Je n'ai pas d'argent, en réalité. Toute ma solde passe en boisson, et je n'ai pas touché au trésor offert par Clorisse. Ce n'est pas un problème, je pensait me faire engager comme garde, à Dagerfall ou... »
« Attends! Pourquoi tu dis ne pas avoir touché au trésor des Bellamont ? Je t'ai vu prendre des bijoux cette nuit là . »
Ioreck répondit avec colère, ce qui était rare chez lui en dehors des combats.
« Non, tu n'as rien vu. Tu étais bien trop occupée à fouiller des les coffres pour remarquer que je ne faisait rien ! On a abandonné les villageois aux main de Clorisse et de ses mercenaires, cette nuit-là. Mais, toi, tu te fout complètement de la vie des autres ! Il n'y a que la tienne qui compte, et tu te trouve sans cesse des excuses pour apaiser ta conscience ! »
Les paroles du Nordique firent l'effet d'une gifle à Shaiélaè. Tuer des innocents me dérange tout autant que toi. J'essaye seulement de vivre avec quand je ne peux l'empêcher. Instinctivement, elle porta la main à son poignard. Ioreck lut la rage dans les yeux de son amie et se calma aussi vite qu'il s'était énervé.
« Excuse-moi. Je suis fatigué. Je serais heureux que tu viennes avec moi, si jamais je part. »
Partir alors que les Lynx-Noirs m'offraient un minimum de stabilité. Mais si je reste, Ioreck ne pourra plus me protéger.
« Réfléchis à ta décision », dit finalement la petite elfe. Elle ajouta après un moment. « Et excuse-moi aussi. »
Ils marchèrent ainsi à l'écart des autres jusqu'à ce qu'ils parviennent à clairière taillée par des bûcherons. Arrivé au milieu de celle-ci, Nihlus, qui marchait en tête, s'arrêta brutalement et fit signe à ses compagnons de faire de même.
« Quelqu'un vient ! », dit-il en décrochant de son dos son épée et son bouclier.
Shaiélaè tendit l'oreille attentivement, dans la direction que lui montrait l'Impérial. Effectivement. Il a une bonne oreille, pour un humain.
« Ils sont armés, à priori. Entre neuf et quinze hommes, suffisamment sûr de leur force pour ne pas se déplacer furtivement. Ils seront là d'ici cinq minutes environ. », expliqua t-elle.
« On se prépare, » dit Ioreck. « Sortez vos armes. Karrod, Makela, regroupez-vous à gauche. Shai, trouves-toi un endroit en hauteur, sur les bûches. Nihlus, tu reste avec moi et tu couvre Ambroise. Dominitia, colle un peu plus le groupe. »
Lui-même dégagea son épée gigantesque de son dos, qu'il posa contre une souche le temps de sortir son heaume de son sac et de le coiffer. Une fois paré, il se campa fermement sur ses jambes, « Foyer » dans les mains, en attendant le venue des intrus.
Il est téméraire, mais nul en stratégie. On ferait mieux de se planquer derrière les bûches pour les prendre en embuscade quand ils arriveront dans la clairière.
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