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tome 1, Chapitre 2 « Clorisse » tome 1, Chapitre 2

« Et toi, c'est quoi ton histoire ? », demanda le Nordique quand le silence devint pesant.

Shaiélaè n'avait aucune envie de s'ouvrir à quiconque, et encore moins à cet homme.

« C'est un long récit. Je suis trop crevée pour le raconter pour l'instant. »

Ioreck ouvrit la bouche pour insister, mais se ravisa.

Cette matiné de marche au milieu de la forêt fût un moment embarrassant. Ioreck marchait aussi discrètement que la première fois qu'elle l'avait vu, réduisant à néant les efforts de la petite elfe pour progresser furtivement. Une embuscade de gobelin n'a pas suffit à lui faire apprendre la leçon. Il piétinait bruyamment et avec force jurons les buissons de ronces au lieu de les contourner, et n'hésitait pas à abattre à coup de pieds les arbres morts en travers du chemin .

Quand parfois Shaiélaè jetait un regard sur lui, elle le surprenait à regarder d'un drôle d'air ses fesses ou sa menue poitrine au travers de sa tunique de cuir bouilli. Elle avait entendu parlé du degré de perversion des humains mâles attiré par les filles elfes sans se soucier des différences de race , et trouvait immonde l'idée d'un homme qui veuille la posséder. S'il tente de me toucher, je le tue immédiatement, pensa t-elle tout en se promettant de se procurer une cape pour se couvrir dès que possible.

Seule la vue de l'improbable épée battant les cuisses de son propriétaire à chaque pas l'empéchait de retourner seule dans la nature.

Le repas qu'il partagea avec elle le midi venu constitua une nouvelle raison .

Nichés entre des rochers, ils mâchonnaient tout deux de coriaces tranches de bœuf salé. Le meilleur repas de la petite elfe depuis des jours. Quand il eurent terminé, Ioreck piocha une poignée de fruits secs dans son sac, qu'il tendit ensuite à Shaiélaè.

« Merci, je ne mange pas de fruits. La viande me suffira », dit-elle lorsqu'elle le refusa.

« Ah, c'est vrai ! J'avais oublié tes superstitions elfiques. »

Ces mots la vexèrent profondèment bien qu'elle ne releva pas par par courtoisie envers l'homme qui venait de la nourrir.

Quand il reprirent la route, Shaiélaè se plaça derrière le Nordique. Cela lui permettait de le surveiller sans avoir à supporter ses regards lubriques. De plus, sa marche lourde piétinait les fourrés devant eux, ouvrant la voie pour la petite elfe. Elle avait ainsi tout le loisir de méditer au lieu de se concentrer sur sa progression dans la forêt.

Voyager avec Ioreck l'obligeait à subir son esprit lent et obtu, mais lui procurait une solide protection en plus de la nourriture. A part des gobelins, personne n'est assez stupide pour s'attaquer à ça. Shaiélaè était intelligente, et elle était certaine de pouvoir réussir à manipuler le guerrier pour l'utiliser comme garde du corps à peu de frais. Je devrais peut-être flirter un peu avec lui pour y parvenir.

Elle pensa en outre à ce que Ioreck avait dit à propos de la compagnie de mercenaires qu'il comptait rejoindre. C'est loin d'être une mauvaise idée. L'hivers va bientôt arriver, et ces bois ne regorgent pas gibier. Si je veux survivre jusqu'au printemps, il faut que je bouge. Le mercenariat offrait une solde fixe et des opportunités de pillage qui l'allléchaient. Je suis presque sûre d'être engagée. Les archers Bosmer ne courrent pas les rues à Hauteroche. Et Ioreck pourra convaincre les capitaines de m'accepter. Ce genre de compagnie était le plus souvent composé de raclures en tout genres, de déserteurs, de hors-la-loi en fuite, d'orques ne pouvant procréer dans leur tribu, de sadiques en quête d'un exutoire à leurs pulsions de mort. La fine fleur de l'humanité. Là encore le guerrier Nordique entrait dans ses plans : Si elle restait proche de lui dans la compagnie, il dissuaderai quiconque tenterai de lui faire du mal. Il ne me veut forcément que du bien. S'il souhaitait me violer, il l'aurais déjà fait depuis belle lurette.

La décision de Shaiélaè était donc prise : elle ne le détrousserai pas en cours de routes, mais resterai avec lui au moins pendant la duré de l'hiver dans la compagnie de mercenaire. Après ? Elle verrait bien.

Ioreck sembla heureux lorsqu'elle lui annonça la nouvelle. Peut-être qu'il est amoureux de moi... Imaginer un humain aussi grand serrant une toute petite Bosmer comme elle dans ses bras était comique. Beurk... Elle n'avait rien contre les couples inter-raciaux, mais pas pour elle, merci bien.

La suite de leur voyage se passa paisiblement dans son ensemble, seulement perturbé de temps à autre par des disputes impliquants presque toujours l'attachement dont faisait preuve Shaiélaè envers les traditions du Pacte Vert. Quand elle tenta de convaincre Ioreck d'utiliser des bouses d'animaux à la place du bois pour faire le feu, il les qualifia « d'excentricité ». La petite elfe s'endormit sur la branche d'un arbre à l'écart du campement, cette nuit là, ruminant sa rancœur.

Elle avait également pour mission de fournir un supplément de viande à leur quotidien en allant chasser.

Ces expéditions étaient souvent peu fructueuses, à part quelques lièvres faméliques.

Sauf une fois où elle tomba sur un vallon remplit de chevreuils, de canards et de bien d'autre gibiers vivant autour d'un petit lac. Shaiélaè refusa de tuer le moindre de ces animaux-là . Une Spriggan veillant sur cette faune, une créature pure et sacrée que jamais elle ne voudrait tuer. Quand elle lui expliqua, Ioreck promit hors de lui d'aller « pourrir cette putain de bois », mais la petite elfe ne lui révéla pas l'emplacement du vallon . Le repas passa sous un silence glacial. Vexé, le Nordique refusa de partager ses vivres, si bien qu'elle dût se contenter d'escargots qu'elle mangea sous le regard moqueur de son compagnon .

Cette dispute était oublié depuis déjà longtemps quand la forêt disparu pour laisser place à de vaste champs labourés bordés de hais. Leur périple se poursuivit sur d'étroits chemins creux serpentants à travers la campagne.

Une semaine après leur première rencontre, ils repérèrent au loin les murs massifs d'un château entouré d'un village. Une averse durant la nuit avait réveillée trempés les deux voyageurs qui se réjouissaient à l'idée de se sécher à l 'auberge.

Ils approchèrent de la barricade de planche qui limitée l'enceinte du village, et furent hélé par un milicien juché dessus, appuyé sur une pique.

« Qui s'approche ? Etes-vous des pillards ? »

Ioreck lui parla.

« Non, l'ami. Seulement deux voyageurs fatigués. Y'a t-il une auberge dans ce village où nous pourrions nous reposer avant de repartir.

La sentinelle avait entre temps rameuté d'autres villageois, qui les observaient du haut de la palissade. Un homme blond et massif pris la parole.

« Il rare de voir des voyageurs au Gué de Portdun, ces temps-ci. Mais à en juger votre allure, vous devaient être de solides combattants. Nous pourrions avoir besoin de vous... » L'homme se tourna vers le milicien. « Laisse les entrer, Dorian. Je me porte garant d'eux. »

« Comme tu veux », lui répondit la sentinelle tout en descendant de la palissade. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvrit et Shaiélaè et Ioreck la franchirent. Les villageois rassemblés étaient déjà en train de se disperser, mais jetaient des regards soupçonneux aux deux voyageurs. L'homme massif, lui les attendaient.

« Je m'appelle Valdimar Coeur-Soigneux, et je suis heureux de voir un compatriote », dit-il à Ioreck. « Je suis l'aubergiste du village. Vous pouvez vous y restaurer autant que vous voudrez. A mes frais. »

Shaiélaè se doutait bien qu'une telle générosité n'était pas sans prix.

« Vous avez dit tout alors que vous auriez besoin de nous. A quoi faisiez vous allusion ?

« Reposez-vous d'abord. On vous expliquera ensuite. »

L'aubergiste les conduisit vers une bâtisse en forme de U. Une simple pancarte de bois peint indiquait Auberge de Portdun. A l'intérieur, l'aubergiste leur indiqua une table au plus près du feu et apporta un pichet de bière et deux gobelets. La salle n'était pas très remplit à part eux, l'aubergiste et son commis, quelques ouvriers au milieu d'une partie de dés et deux Nordiques montrant des signes d'alcoolisme avancé.

Shaiélaè avança son gobelet vers ses lèvres et bu, avant de marquer une pause. De la bière, à base de grain. La route l'avait bien trop rompue, et elle n'osait pas paraître impolie devant la générosité de leur hôte en refusant de boire. Tant pis pour le Pacte Vert. Ce n'est pas si grave. Elle vida son gobelet. Le breuvage était amère, bien moins puissant que les bières d'insectes brassée par les Bosmers.

Quand Valdimar servit de la nourriture, la petite elfe déclina courtoisement la bouillie de haricot mais se jeta avidement sur les saucisses de porc grillées.

Ils mangèrent en silence et furent bientôt repu. A ce moment, l'aubergiste revint accompagné d'une bouteille d'eau de vie et d'un Breton vêtu assez richement. Tout deux tirèrent des chaises et s'assirent avec les voyageurs. L'aubergiste remplit leurs verres d'eau de vie pendant que le nouveau venus prenait la parole.

« Mon nom est Jocien Blakeley. Valdimar et moi somme des notables de ce bourg. Il m'a dit que vous feriez l'affaire pour régler un problème embarrassant auquel nous faisons face. »

« Quel genre de problème ? », l'interrompis Ioreck.

Le Breton reprit :

« Voilà : Jusqu'à il y a quelques semaines, ce village était dirigé par le seigneur Etienne Bellamont. Un homme bon et juste. Sa famille régnait sur ces terres depuis des générations. Lui, se femme, ses enfants, la garnison et son personnel de maison vivait dans le château que vous avais vu au nord du village.

Mais je parle bien au passé. Il y a six semaines, il s'est passé un phénomène étrange au château. Pendant toute une nuit, nous avons vus des lumières parcourir les fenêtres. Des cris se faisaient entendre. Cela n'avait rien d'humain, croyez-moi. Le pont-levis était relevé, si bien que nous n'avons pas pu intervenir avant l'aube. Le matin, les lumières avaient disparu et plusieurs de nos hommes ont tentés de se glisser dans le château en escaladant les murailles. Ils ne sont pas revenus. Cinq hommes. Nos meilleurs chasseurs.

Nous avons condamnés tout les accès, et envoyé un messager quérir de l'aide à Shornhelm. Il est revenus avec une réponse de duc signifiant son refus d'intervenir dans cette affaire.

Nous étions paniqué, il fallait à tout prix retrouver lord Bellamont. Sans lui ou son héritier, nous somme à la merci du premier raid de bandit qui viendra avec l'hivers. D'autant plus que nous n'avons plus de soldats pour nous protéger, puisque tout la garnison a disparue en même temps que lord Bellamont, ni de château pour nous réfugier. »

Shaiélaè commençait à comprendre.

« Vous voulez donc que l'on entre dans votre château hanté pour y enquêter, et si possible retrouver le seigneur ?»

« Pas exactement, en fait. » dit l'aubergiste. « Quelques jours après ça, une mercenaire, une Nordique elle aussi, est entrée dans le village. Dans notre affolement d'en finir avec cette histoire, nous lui avons proposé de lui offrir ce qu'elle voudrait si elle entrait dans le château pour y découvrir ce qu'il s'y était passé. Elle a accepté. Six heures plus tard, elle a abaissé le pont-levis et nous a fait signe que nous pouvions entrer sans problème.

Quand nous somme arrivé dans le château, nous avons trouvé cette mercenaire dans la grande salle d'audience. Elle était assise sur le trône de Lord Etienne, avec sa couronne d'argent sur la tête. Elle nous a dit qu'elle avait accomplit sa part du marché, et que les habitants du château avait bien disparus sans laisser la moindre trace. Elle nous a demandé de respecter notre arrangement et de lui offrir ce qu'elle voulait.

Elle a réclamé le château.

Nous avons protesté, disant qu'il appartenait à lord Bellamont et que la décision de le céder ne revenait qu'a lui seul. Elle a dit qu'elle le rendrait peut-être s'il revenait, et qu'en attendant on avait qu'a essayer de la déloger. Son épée était assez impressionnante, nous avons donc préféré ne rien tenter de stupide pour l'instant. Surtout qu'il ne nous restait plus personne capable de se battre réellement depuis que nos chasseurs avaient disparus.

Depuis elle vit seule, barricadé dans le château. Elle a essayer de prélever un impôt sur notre dernière récolte, mais on l'a évité en faisant remarquer que sa demande ne comprenait que le château, non ses terres et revenus. Elle s'est fâchée, mais a fini par s'incliner. Elle n'est pas assez forte pour soumettre le village, mais nous ne le somme pas non plus pour reprendre le château. »

« C'est là que vous intervenez », dit Jocien Blakeley. « Vous avez l'air de savoir vous battre. Vous infiltrez le château, délogez son occupante et touchez la prime. On peux vous appuyer un peu en cas de bagarre, mais on refuse de faire courir trop de risque à notre population. Ca c'est votre boulot. »

« Justement », dit Ioreck avec un sourire. « En parlant de boulot, on y gagne quoi ? »

« Les termes du contrat seront un peu plus précis cette fois là. On ne veux pas faire de fois la même erreur. Les habitants ont cotisé pour vous. On a récolté 40 pièces de cuivre et 8 d'argent. Plus des réserves de vivres quand vous reprendrez votre route »

Ioreck tendit sa main ouverte en direction du notable.

« Je marche. Virer une squatteuse, c'est dans mes cordes. »

Shaiélaè l'imita.

« Pareil ».

Peu de temps après, ils faisaient tout deux le tour du château, réfléchissant au plan d'action le plus adéquat. Ils parvinrent devant la façade que les chasseurs du village avaient escaladés pour entrer. Elle était plus ancienne et plus abîmée que les autres et les moellons se délitant offraient un grand nombre de prises. Le sommet avait été garnit de pieux à cet endroit par la mercenaire pour prévenir une nouvelle tentative d'intrusion .

« Elle est douée, la salope », s'exclama Shaiélaè.

« Peu importe, » lui répondit Ioreck. « Elle fera moins la maligne quand je serais en face d'elle. »

La petite elfe était admirative devant l'audace de la Nordique.

« Quand même, voler un château. Pas aussi fort que le vol du tatouage de Kintyra, mais presque. C'est presque dommage de la déloger, vu la misère qu'on est payé. »

« C'est toujours ça de pris. Moi ce qui m'inquiète, c'est ces disparitions. Il y a de la magie la dessous que ça ne m'étonnerai pas. » Shaiélaè était prête à parier que le Nordique frissonnait sous ses fourrures.

« C'est pas ça qui m'intéresse. Ils nous ont pas payé pour enquêter sur les disparitions, seulement pour nettoyer le château. Ils ont qu'a payer un supplément s'il veulent qu'on se penche dessus. »

Leur plan fût rapidement au point et ils décidèrent de le mettre en application le soir même.

Tout les muscles de Shaiélaè étaient mis à contribution dans l'escalade de la paroi de l'enceinte du château. Elle avait froid dans ses vêtements trempés par sa traversée des douves à la nage. Elle avait choisie le mur ouest, difficile à gravir mais situé placé dans un angle mort du donjon où se terrait l'intruse. Ainsi, la petite elfe ne serait pas repérée si d'aventure la mercenaire regardait par une meurtrière pour espionner le village en contrebas.

Pour compenser la difficulté, Ioreck lui avait confié son piolet fabriqué avec une mâchoire d'ours. Il avait bien essayé de lancer un grappin qu'ils avaient dénichés chez le forgeron, mais le parapet au bord arrondi n'offrait aucune prise. Tant pis, elle devrait se passer de corde.

Enfin, elle atteint haletante le sommet du mur et s'effondra sur le chemin de ronde pour reprendre son souffle pendant un instant.

Shaiélaè fit un signe au Nordique accroupis dans les ombres en contrebas pour lui signifier sa réussite, et repris sa mission . Maintenant, elle devait pénétrer dans la tout sud-ouest, et trouver une poterne dans la cave qui donnait sur un petit dock. Une blanchisseuse qui avait travaillé longtemps auparavant au château leur avait indiqué cette entrée. Mais elle a été incapable de se rappeler où se trouve la clé. Et qui c'est qui va devoir se débrouiller pour l'ouvrir ?

Bien avant sa disgrâce, une des amies de la petite elfe lui avait expliquée comment crocheter une serrure, mais elle ne pensait pas être capable de mettre en pratique cette connaissance théorique.

Dans le pire des cas, je me chargerai seule de l'intruse. Je pourrais alors récupérer l'intégralité de la me demande comment Ioreck réagirait si je faisait ce coup là.

Traversant les ombres, elle atteint la tour sud-ouest. Une chaîne était l'unique verrou fermant l'accè de cette tour au chemin de ronde. Le piolet de Ioreck trouva là une seconde utilité. Shaiélaè s'en servit comme d'un levier pour faire sauter la chaîne, grimaçant au son que faisait le métal dans la nuit. Heureusement, il était fort improbable que la mercenaire Nordique puisse entendre ce bruit de derrière les murs épais de son donjon, mais elle préférait être prudente.

La petite elfe cru un instant que l'os du piolet céderait avant le fer de la chaîne, mais finalement cette dernière ce brisa et Shaiélaè la rattrapa dans sa main avant qu'elle ne heurte le sol. Puis elle continua sa progression dans l'escalier en colimaçon de la tour, tâtonnant prudemment dans le noir pour trouver les marches.

Elle arriva tout en bas, dans la cave. Là elle s'assura qu'aucune ouverture ne donnait sur l'extérieur et une fois rassurée, sortit de son carquois une torche enveloppée de toile goudronnée pour la protéger de son passage par les douves. La petite elfe frictionna son briquet sur un silex et la torche s'alluma, baignant la cave d'une lueur jaunâtre.

Là, la porte. Elle se dirigea vers une étroite porte garnie d'épaisses plaques de fer cloutés et d'un verrou massif. Et la clé juste ici, sur un crochet. Par Yffre, quelle chance !

Shaiélaè glissa la clé dans la serrure. La poterne s'ouvrit en grinçant. La petite elfe lança un appel étouffé en direction de l'autre côté des douves et perçut un mouvement dans le noir, suivi d'un léger bruit d'éclaboussures.

Le Nordique traversait les douves, s'aidant d'un tonneau vide comme d'une bouée. Il coulerait comme une pierre sans ça. Tu m'étonne, avec le poids de sa claymore. Shaiélaè l'avait dissuadé de l'emporter pour ce genre d'opération, mais il s'était entêté. « Déjà que je te passe mon piolet », lui avait-il dit.

Il était tout bonnement ridicule, à nager frénétiquement pour diriger son tonneau. J'aurais vraiment dût tenter ma chance seule.

Le Nordique finit par atteindre le dock près de la poterne, et Shaiélaè lui tendit la main pour l'aider à monter. Ensemble, il remontèrent l'escalier de la tout et parvinrent dans la cour du château qu'ils traversèrent en direction de la porte du donjon.

« Bon, c'est parti ! », cria Ioreck avant que Shaiélaè n'ai pu examiner la porte.

Il dégaina son épée, la coinça près du verrou et appuya de toute ses forces sur son levier. La porte céda dans un craquement de bois.

Le Nordique se précipita dans donjon l'épée levée, en hurlant.

« SORT DE TA CACHETTE ! IORECK FILS D'HALFUR EST VENU POUR TOI !

Rien ne pouvait décrire le sentiment de désespoir qu'éprouvait Shaiélaè en suivant le Nordique, une flèche sur la corde de son arc et vérifiant les angles que son compagnon ne prenait pas la peine d'examiner, trop occuper à défier leur adversaire.

Ils débouchèrent dans la grande salle, largement éclairée par des lustres et des braseros. Et virent la mercenaire pour la première fois.

Elle était couchée en travers du trône sur l'estrade à l'autre bout de la salle. Un couronne, sans le moindre doute celle du seigneur de ces lieux était passée autour de son pied nu reposant sur l'accoudoir. Elle était vêtue d'une armure de fer gris foncé sanglée sur une tunique de fourrure. Elle dormait, le tapage fait par Ioreck ne l'avait même pas effleurée. Au pied du trône gisait des dizaines et des dizaines de bouteilles de toutes sortes, brisées, pleines, de vin, de bière... qui expliquaient son sommeil profond.

Ioreck s'arréta, interloqué au milieu de la salle.

Et bin … C'était bien la peine de prendre toute ces précautions.

Shaiélaè rangea son arc, sorti sa dague et s'approcha furtivement de la dormeuse par le flanc.

Elle n'en eu pas le temps. Le Nordique se baissa pour ramasser une bouteille qu'il jeta sur la femme. Le projectile frappa son plastron et explosa à l'impact. La mercenaire se réveilla en sursaut, et se précipita sur une longue épée posée derrière le trône quand elle vit les deux compagnons . Rapide comme l'éclair, elle se mit en garde debout sur l'estrade. Toute trace de sommeil avait disparu en elle.

La femme avait un visage hautain et dédaigneux, celui qui est la marque habituelle des Hauts-Elfes de l'Archipel. Il était entouré d'une épaisse chevelure blonde coupée au niveau des épaules. L'épée qu'elle brandissait était tout aussi intéressante, bien que moins remarquable que celle de Ioreck. Il s'agissait d'une lame large taillée dans une unique pièce de métal haute d'un mètre cinquante environ sans la moindre souplesse. Elle ne disposait que d'un seul tranchant, et fin anneau traversait le bout de la poignée, auquel était accroché des plumes de sternes.

« Mais je te reconnais ! », s'écria Ioreck en voyant le visage de la femme. « On s'est rencontré au festin donné par le Haut Roi en l'honneur de la naissance de son fils. Tu est Clorisse, la husecarle au service du Jarl de Fordhivers ! »

La femme soupira en roulant des yeux exaspérés, mais maintint son arme haute.

« Maintenant que tu la dit, ta tête me dit vaguement quelque chose... Ioreck Halfurson, non ? Celui qui m'a fait la cour de manière absolument éhonté, avant de pleurer comme une pucelle et de s'endormir dans ses propres vomissures ? »

La voix qui sortait de sa bouche était basse et rauque. Elle remuait à peine les lèvres en parlant. Ioreck ne sembla pas gêné de lancée par Clorisse. Il posa son arme contre un mur et fit signe à la petite elfe de rengainer sa dague.

« Tu peux faire pareil » dit-il ensuite à la Nordique. « On ne te fera pas de mal, tu peux me croire. »

La femme laissa tomber sa lame, puis se jeta sur le trône dans lequel elle s'affala nonchalamment. Le regard qu'elle avait dans ses yeux était éloquent. « Cassez-vous », disait-il aux deux compagnons. La mercenaire était bien plus frêle et petite que Ioreck, mais il en émanait une impression de violence bien plus forte. Des deux, c'est elle la plus dangereuse.

Ioreck rompit le silence qui s'était installé :

« Shaiélaè, Clorisse est une bonne connaissance. C'est le bras droit du Jarl de Fordhivers, tout au nord de Skyrim. En outre d'être une combattante hors-pair, c'est également une skald, une poète chantant les hauts-faits des héros d'antan. »

Le Nordique se tourna vers sa compatriote :

« Qu'est ce que tu fait ici, si loin de Fordhivers ? Je ne pensait pas que tu abandonnerais ton Jarl un jour. Et...

« Beirir est mort », le coupa Clorisse.

« Oh ! Je l'ignorais... Désolé, je sais que vous étiez proche. Puisse Sovngarde l'accueillir. »

« C'est ça... Soit gentil, garde ton blabla. C'est une pneumonie qui l'a refroidi, un peu avant que tu n'assassine le fils du vieux Jarl Stighmund (fait pas ces yeux-là, je sais très bien ce qui c'est passé)

Étrangement, son successeur n'était pas très motivé à l'idée de me garder à son service. Je n'avais donc plus grand chose à faire à Fordhivers. »

Shaiélaè était pressée d'en finir avec toute cette histoire. Surtout que plus la discussion avançait, moins Ioreck semblait disposé à accomplir ce pourquoi le village les avaient engagés.

« Je trouve moi aussi très amusant le hasard de ces retrouvailles, mais je pense que vous savez pourquoi nous somme ici. Si vous pouviez coopérer, on pourrait ensuite aller à l'auberge de Portdun et vous pourrais parler de tout ça autour d'une bonne choppe. »

« Qui c'est elle, Ioreck ? J'ignorai que ta drague lamentable puisse un jour marcher sur une fille. Et je parle des vraies, pas celle qu'on paye. »

La petite elfe allait laisser libre cours à ça colère, mais Clorisse reprit :

« Dit-moi elfe, les péquenauds vous envoient pour me reprendre ce château? »

« Oui, et si vous... »

« Ils vous paient ?

« Oui »

« Combien ? »

« Pas beaucoup, c'est vrais... », concéda Shaiélaè.

« Parfait ! Les coffres du seigneur se trouvent dans la salle sous ses appartements, dans l'aile sud. La porte est ouverte, servez-vous et foutez le camps. »

Ioreck et Shaiélaè s'interrogèrent du regard, les yeux comme des soucoupes.

« Si jamais vous refusez quand-même », continua la Nordique, « Sachez qu'une troupe de mercenaire dévouée à mes ordres est en route pour ici. Ils massacreront le village si je suis morte ou que le château n'est pas en ma possession quand ils arriveront. Dites ça aux villageois quand vous repartirez. Ça calmera toute nouvelle tentative de me baiser. »

Le Guet de Portdun a une nouvelle reine, on dirait. Au diable les villageois, je suis là pour le profit avantageux.

Ioreck semblait plus hésitant.

« Je t'aime bien, Clorisse, mais par Shor, tu met les habitants en danger. Rien ne dit que tu garderas le contrôle très longtemps sur tes coupe-jarrets. Laisse tomber ça, et viens avec nous. Tu ne seras pas de trop chez les Lynx-Noirs. »

« Ça, c'est mes affaires, et ne t'inquiète pas, j'ai les moyens de les maîtriser. L'armurerie est dans la cour près des écuries si tu veux... C'est cadeau. Mais fout-moi la paix.

Shaiélaè saisit Ioreck par le bras et l'attira vers l'endroit que Clorisse avait indiqué comme étant le chemin vers la salle du trésor. Le Nordique s'attarda encore un instant sur la femme couchée sur le trône, avant de la suivre. J'allai oublier..., pensa la petite elfe alors qu'ils avaient presque atteint la porte menant à l'aile sud.

«Qu'est-il arrivé au seigneur et aux habitants du château ? Était-ce une ruse de votre part pour s'en emparer ? », demanda t-elle en se retournant vers la Nordique.

« Non, je n'ai rien fait. Je ne faisait que traverser le village quand les péquenauds m'ont demander d'enquêter. Je n'ai fait que saisir une opportunité qui s'offrait à moi.

Il n'y avait aucune trace de lutte quand je suis entrée. Tout les êtres vivants, humains, chevaux, chiens et même insectes avaient disparus comme ça, volatilisés. Je soupçonne le mage de la cours d'y être pour quelque chose, mais je n'ai pas réussie à pénétrer dans son atelier. La porte est verrouillée par un sortilège. Pour ce que j'en sait, ça pourrait être le résultat d'un rituel d'invocation daedra qui aurait mal tourné.

J'ai l'habitude m'occuper de créatures que ces crétins de l'Académie relâchent dans toute le châtellerie quand ils en perdent le contrôle, mais là, c'est trop puissant pour moi. Mais je ne pense pas que ça risque de recommencer, quoi qu'il ce soit passé ici.

Jocien Blakeley et Valdimar Coeur-Soigneux n'accueillirent pas particulièrement bien l'annonce du changement de camps des deux compagnons. Et ils paniquèrent franchement lorsqu'ils apprirent l'arrivée imminente des mercenaires de Clorisse qui lui donnerait les moyens de contrôler les terres autours du château.

« S'en est fini de nous ! Puisse Mara nous prendre en pitié, ce que vous n'avez pas fait !

Ioreck et Shaiélaè quittèrent le Gué de Portdun sans attendre l'aube, sous les malédictions des habitants, mais les poches remplis des joyaux de la famille Bellamont. Le Nordique promit de parler au duc de Shornhelm pour lui expliquer la situation et le supplier d'envoyer des soldats sans tarder

Il aura oublié cette promesse d'ici ce soir.

Shaiélaè remarqua pendant la suite du voyage que son compagnon de route était plus distant. Il avançait plus lentement, en fredonnant à voix basse des chants de son pays d'origine, ceux qui parlent de courage et de dragons. Le genre de chant que chanterait une skald Nordique.

« Tu était amoureux d'elle, pas vrai ? », demanda t-elle à un moment.

Comme le guerrier restait silencieux, elle continua :

« Ça se voit à la façon dont tu lui parlait et la regardait. Je ne vois vraiment pas ce que tu lui trouve. Elle me fait peur : sa voix, ses manières... Elle pue la folie. »

Ioreck lui répondit :

« Ce n'est pas que je l'aime. Je la trouve...excitante. C'est triste de ne pas avoir réussi à lui faire entendre raison.»

Ce Ioreck est décidément quelqu'un de bien étrange.


Texte publié par Elias of Keliwic'h, 23 novembre 2015 à 20h50
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