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tome 1, Chapitre 14 tome 1, Chapitre 14

Sixième interruption

Tarek nous quittait. Nous avions pensé organiser une soirée un peu spéciale pour l’occasion.

En fin de compte nous allions picoler sur les hauteurs de la plage, à proximité du fort.

Avant nous effectuions un petit détour par le supermarché.

Tarek allait laisser un sacré vide, sauf en ce qui me concerne.

Je désirais réunir tout le monde, histoire de marquer le coup. J’avais déjà réussi à traîner Vincent. Et deux mots de Tarek, chassèrent l’idée même de proposer à Thomas de nous suivre.

J’avais fini par comprendre pourquoi il dénigrait tellement notre chef de liste. Ce type avait de la volonté, et était donc le seul à être capable de bousiller le rôle de meneur de Tarek.

Ce mec sous ses airs de comique de service cachait bien son jeu.

« Hé Guillaume ! » Me dit Jérôme à la sortie du supermarché. « On a bien tout ? »

« Le pack de bière, le whisky, » Vérifiais-je à haute voix. « la bouteille de coca, les gobelets. »

« Et une bouteille de vodka. » Ajouta Vincent en la sortant de son blouson.

« Balaise ! » S’exclama Jérôme devant la prise.

Vincent m’impressionnait. Même moi je n’avais rien remarqué pendant que je le suivais au rayon des alcools.

« Ce n’est pas très malin de l’exhiber juste à l’entrée devant les vigiles. » Répliqua Tarek dont la jalousie ne dominait pas malgré tout l’amusement.

Finalement seul Simon se foutait de cet exploit. Qu’est-ce qui lui prenait ainsi la tête ?

Sur le chemin de la plage je m’approchais de Vincent, qui causait à Jérôme.

« Faudra que tu m’apprennes ce coup là. » Dit Jérôme à Vincent.

« C’est juste une question d’habitude. » Affirma Vincent en souriant.

Et oui en souriant ! Son petit vol l’avait illuminé.

« Au fait Jérôme, ça donne quoi ton contrat ? » Sortit-il brusquement.

« Tu veux t’engager ! » Intervenais-je.

« Ça serait pour m’occuper pendant quelques temps. »

« Ton père il dirige pas d’une grande boite immobilière à Toulouse ? » Rétorqua Jérôme

« Comment tu sais ça toi ? » Répliqua Vincent étonné.

« C’est MAEC qu’en a parlé dans un de ces mauvais jours. Il racontait que vous étiez tous des sales bourgs avec preuves à l’appui. Alors pourquoi tu ne bosses pas dans sa boîte ? »

« Mon père je préfère l’éviter. » Expliqua froidement Vincent.

Le message était parfaitement passé. La discussion s’arrêta là.

De toute façon nous étions arrivés. L’heure de se bourrer la gueule commençait.

Nous manquions un peu de convictions, la lassitude probablement. C’est à peine si nous rigolions aux blagues de Tarek et encore par principe. L’ambiance se décontracta un petit peu en faisant tourner un join.

Jérôme commença à parler de ses escales en Afrique. Lui et les autres matelots étaient les seuls blancs et se faisaient repérer très vite. C’était justement là tout le problème.

Les noirs le fusillaient du regard. Même une fois dans quartier Jérôme avait échappé par miracle à un passage à tabac.

« Ils peuvent pas nous encadrer. » Disait-il.

On se demandait bien pourquoi. Avec un billet de cinquante balles les matelots se payaient des hôtels de luxe, y foutaient bien la merde, puis allaient aux putes.

Jérôme parlait en rigolant de la fille, qu’il avait enculé dans des chiottes, puis laissé dix francs.

Certains se marrèrent. Par contre personne ne protesta même moi. Bien sûr j’avais des excuses, mon état « évasif », la crainte de me faire jeter par les autres.

Et puis quel intérêt cela avait-il ? Jérôme rejoindrait sa copine à la fin de son contrat, deviendrait un bon père de famille, et ne se souviendrait plus de cette pauvre fille.

Une fois cette histoire racontée, un jeune assez caisse s’amena.

Il était si j’ose dire inconnu au bataillon, et ne comptait pas parasiter. Sinon il aurait souri au lieu de nous mater en silence.

Nous restâmes complètement inertes devant lui, incapables de deviner ce qu’il voulait. Au bout d’une minute, il se décida enfin à l’ouvrir.

« Il y a pas un pote d’Hamed ABIL parmi vous ? »

Simon ne réagit pas. On pouvait le comprendre. La rigidité de notre visiteur n’incitait pas beaucoup à la confidence.

Seulement tout le monde se tourna vers lui, sauf Vincent qui savait comme toujours se faire oublier. Même moi je participais à la dénonciation.

Mon cerveau ramollit, me permit de le regretter qu’après coup. Les autres aussi, je suppose.

Un oui racla la gorge de Simon désabusé.

« Faudrait qu’on cause. » Ajouta l’autre en indiquant l’escalier montant.

Simon le suivit sans poser la moindre question et en gardant sa gueule d’enterrement.

Il aurait pu faire preuve d’un peu plus d’enthousiasme. Aussi bizarre soit ce mec, il apportait des nouvelles de son ami.

Ne pouvant ni les entendre, ni les voir à cause les buissons, Tarek tenta de s’immiscer discrètement. On le rappela à l’ordre d’un geste commun. Il allait un peu trop loin.

Quelques instants plus tard Didier se décida à faire la première phrase complète depuis un bout de temps.

« Quelqu’un l’a déjà vu ce type ? »

La réponse devait être non, bien que personne n’eut vraiment le temps de la formuler.

Brusquement Simon s’étala au milieu de l’escalier. Au-dessus de lui se trouvait l’intrus un couteau dans la main droite.

Cet enfoiré descendait tranquillement les marches.

« Barrez-vous ! » Balança-t-il sans même nous regarder. « C’est pas vos affaires. »

Je ne sais pas si c’est parce que nous flippions trop ou pas assez. En tous cas personne n’obéit.

« C’est à toi de dégager ! » Répliqua Jérôme furieux en se redressant. « Nous sommes six, ducon. »

L’inconnu nous observa enfin. Nous nous étions tous levés comme Jérôme, histoire de prouver notre unité.

L’illusion ne tint pas une seconde. Notre adversaire d’abord ricana, puis exposa les faits, plus arrogant que jamais.

« Qui veut se faire planter ? Les autres n’auront qu’à profiter de l’occasion. Allez un volontaire. »

Il se la pétait tellement. J’ignore si j’en voulais plus à ce connard ou ma peur.

Jérôme fit un pas en avant, absolument pas suivi par les autres.

Ce qui amusa beaucoup l’intrus. Simon de son côté se releva enfin et fit face.

Me tournant le dos je ne pouvais pas savoir quelle tête il faisait. L’arrogance persistante notre adversaire laissait entendre, qu’il flippait autant que nous.

C’était incroyable tout le pouvoir que lui donnait cette foutue la lame sur nous.

Ce simple objet lui permettait de foutre en l’air notre fête, et de nous narguer en toute impunité. Il suffit pourtant de peu de chose pour s’en débarrasser.

Un projectile le frappa brusquement à la tête. Sous le choc il lâcha son putain de couteau et tituba le visage en sang.

Vincent sans que personne ne le remarque bien entendu, s’était emparé d’une bouteille de bière, et venait de lui balancer.

Il n’en était ni fier, ni soulagé. Il avait la même expression qu’à la fin d’un tour de garde, tout juste satisfait d’être débarrassé d’un ennui.

Alors que nous accusions encore le coup Simon vira d’un coup de pied la lame, et Jérôme enragé se rua sur le blessé.

Il vira presque Simon bloquant le passage, et foutu un superbe pain à notre agresseur. Ce dernier accompagné d’un bruit sec et puissant, vola littéralement. Jérôme savait visiblement bien cogner, et continua.

L’inconnu ne se releva même pas se contentant de gémir. Apparemment l’œil droit avait été gravement touché lors du lancé de bouteille.

De retour sur terre je gueulais à Jérôme d’arrêter. Il me lança un regard haineux, puis reprit.

« Faut le calmer. » Dis-je aux autres ne me voyant pas l’arrêter tout seul.

Et le dernier sur lequel je comptais, réagit.

« Je vais appeler les flics. » Annonça Didier en sortant son portable dans l’intention de calmer le jeu.

Jérôme surprit par la proposition, s’arrêta net.

« T’es niqué de la tête ! » Répliqua Tarek. « On pue la beu. Non ce qu’il faut, c’est dégager et avertir les flics d’une cabine, qu’il y a eu une baston et qu’un homme est blessé. »

« Quoi ! Tu veux qu’il s’en tire. Il a voulu buter Simon, merde ! » Gueula Jérôme en pointant du doigt l’homme toujours à terre.

« Il suffit de lui mettre un peu d’herbes dans ses poches. » Répondit Tarek. « Les flics penseront à le fouiller quand même. »

Il y a deux minutes il pissait dans son froc avec nous, et voilà qu’il proposait ce plan répugnant.

Je regrettais de moins en moins son départ.

Aussi dégueulasse que soit l’idée de Tarek personne n’ayant la tête à en trouver une meilleure, elle fut adoptée. Et d’après ce qu’on en sut, elle marcha.

Simon encore sous le choc fut incapable de nous expliquer les motivations de ce type.

Je n’ai repensé que plus tard à son shoot dans le couteau. Ce réflexe n’allait pas tellement avec son portrait de traumatisé.

Mais puisqu’il n’avait envie de rien dire, j’ai évité de l’emmerder là-dessus. De toute manière le lendemain, il avait déjà inventé une histoire bidon de quiproquos.

A mon avis seuls deux parmi nous étaient en mesure de le faire parler : Tarek grâce son bagout, et éventuellement Jérôme grâce à sa force de caractère.

Seulement l’un venait de se barrer et l’autre ne chercha pas plus loin sans doute pour des raisons similaires aux miennes.

En ce qui concerne l’inconnu, on apprit qu’il s’agissait d’un déserteur avec pas mal de saloperies à son actif, et était bon pour la taule avec ou sans cannabis dans ses poches.


Texte publié par Jules Famas, 5 décembre 2015 à 18h37
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