Troisième interruption
C’était au café en face de la gare, le vendredi.
Un couple d’ado venait de s’installer à une table proche de la mienne. Le gamin enroulait les épaules de sa copine de son bras. Ce n’était en rien un geste de tendresse, plutôt de possession, encore un petit con se croyant obligé de marquer son territoire.
Je sais l’aliénation, l’influence culturelle, tout çà. Cela demeurait tout de même fatiguant ces mecs obligés de toujours dominer, diriger…
Non je n’étais ni une mal baisée, ni un boudin, ni une lesbienne.
Le spectacle de ce couple me réjouissait en fait. Mon cher et tendre lui s’en foutait de ses conneries. Il ne cherchait pas à prouver continuellement la présence de sa queue.
Il n’était pas parfait non plus : un physique banal, pas très énergique. Mais au moins avec lui j’étais tranquille.
J’avais la vingtaine et mon ambition se limitait à être peinarde.
On peut trouver cela pathétique. Moi je réplique, qu’il ne s’agissait d’un mode vie pas si facile à obtenir, si l’on tient compte de la masse d’emmerdeurs, qui nous entoure.
D’ailleurs l’un d’entre eux devait me rejoindre.
« Salut Aurélie. »
« Salut Simon. » Répondis-je.
S’en suivi le petit bisou d’usage.
Puis j’aperçus quelqu’un derrière le fameux emmerdeur (involontaire). Si la terrasse n’avait pas été presque déserte, je ne l’aurais jamais remarqué si vite.
Il bénéficiait de cette même discrétion naturelle que mon Simon. Rien de particulier n’émanait de lui. Comme s’il ne voulait pas qu’on le voit. Et je maintiens que cette attitude peut être agréable à vivre.
Cet homme n’était pas collé à Simon par hasard. Pourtant il hésitait à se présenter, la gêne sans doute.
Puis Simon se décida à prendre les devants.
« Je te présente Vincent un pote de chambrée. Il habite trop loin pour rentrer le weekend. J’ai eu pitié, alors je l’ai fait venir. »
Je me contentais de répondre par un regard noir.
Le plus marrant c’est que Vincent fut le premier à réagir. Il alla sagement à l’intérieur acheter des clopes.
« Ça cause un problème ? »
Même regard noir.
« Bon d’accord j’aurais dû te prévenir. Mais ça c’est décidé à la dernière minute. »
Toujours même regard noir.
« C’est en le voyant tout triste lorsque je faisais mon sac. Il dormira dans le salon. Allez fait pas la gueule. Tu sais que je n’ai que weekend. »
« Il est un peu facile ton dernier argument. » Dis-je enfin.
« Ça nous changera un peu de voir quelqu’un d’autre. Tu te souviens de ce qu’on appelle la vie sociale ? »
« Oui j’ai essayé une fois au lycée.
J’ai dit à une fille que sa veste me plaisait et lui ai demandé où elle l’avait acheté.
Là elle m’a répondu en gloussant : non je te le dirai pas sinon tu mettras la même.
Depuis j’ai laissé tomber. »
Et là Simon me sortit un grand classique entre nous.
« T’es terrible. »
Avec le regard sous-entendant : « T’es chiante, mais c’est comme çà que tu me plais. »
Ensuite Vincent suivit avec :
« Si je gêne, je m’en vais. Il n’y a pas de problème. »
Face à ces deux lourds, je réalisais mon caprice. Pour une fois que Simon m’emmerdait un peu, je pouvais bien passer l’éponge.
Une fois leurs sacs déposés à l’appart, on se balada dans le vieil Antibes.
J’appréciais cet endroit, ces rues serrées et ombragés, ces petites boutiques pas encore standardisées ou franchisées. L’ambiance finit même par arriver. On se colla un peu avec Simon. Vincent commença à ouvrir la bouche de temps à autre.
Hélas nous fîmes une erreur : rentrer.
On aurait mieux fait de s’acheter des kebabs et de continuer à trainer.
Après deux South Park, Vincent comprit que le canapé n’était pas pour trois, et décida d’aller faire un tour.
C’est là que ça tourna mal. On baisa parce qu’on le devait, pas le voulait.
Un truc mécanique, seulement destiné à se soulager à l’instar de la branlette des célibataires avant de se coucher. Et ce n’était pas faute d’avoir tous deux fait un effort sur les préliminaires.
Dommage, j’espérais le garder mon Simon. Foutue lassitude !
Sans le sexe un couple ne tient pas. C’est ainsi. D’ailleurs Dieu avait dit un truc de ce genre-là à Satan dans un South Park.
On a les références culturelles qu’on peut.
L’ambiance au petit dej fut moins tendue que je m’y attendais. Il ne régnait qu’un léger silence. Nous n’en étions qu’au début de notre éloignement.
Puis avec la sonnerie Vincent nous revint en mémoire. Il s’amena tout frais après sa nuit dehors. Quoique frais est un peu exagéré. Une douche était envisageable.
Les connaissant bien, les réactions de Simon à cette arrivée ne m’échappèrent pas.
J’attendis tout de même que notre invité aille dans la salle de bain avant de mettre certaines choses au point.
« C’est quoi le plan avec ce type ? »
« Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Je sais ce que c’est les potes. Ça se colle, ça blague, ça se renifle le cul. T’as rien fait de tout çà avec Vincent. »
« OK c’est juste un type comme çà que je connais. Ça ne m’empêche pas d’être solidaire. »
A ce moment je suis devenue beaucoup plus agressive. Les arguments étaient valables. Sauf qu’on sentait qu’il s’agissait d’une esquive, pas d’une explication.
« Et tout à l’heure. Pourquoi tu l’as reluqué en douce ? Comme s’il avait quelque chose à t’apprendre. »
Simon mine de rien évita l’engueulade par sa pondération. Il se limita à un petit soupir pour signifier : « Ce n’est pas tes affaires. »
Puis il balança un « Il ne reviendra plus. » au lieu d’un « Fait pas chier. »
Bloquer dans mon élan je laissais le silence cette fois-ci pesant prendre le dessus, puis me rattrapais plus ou moins.
« Aujourd’hui tu devrais passer voir… l’autre con là… tu sais pour ton pognon. »
« Manu ? »
« Oui c’est ça. »
Meubler la conversation grâce aux tâches du quotidien. Décidément la rupture puait à plein nez.
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