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Toujours dans le thème des soirées pourries, celle qui suit y mérite largement sa place.

Imaginez passer votre samedi soir dans une voiture garée sur une place de parking.

Et je vous vois venir. Non il n’y avait personne à la place du mort et penchée vers ma braguette.

Bon je suis de mauvaise foi. Cela faisait seulement une demi-heure que j’attendais la fermeture du bowling.

Je m’aperçus soudain que je n’avais même pas allumé l’autoradio. Auparavant je le faisais toujours lors de ce genre de surveillances. Voilà le résultat de ma vie à la caserne. J’acceptais l’ennui avec une résignation inquiétante.

Steve sortit assez rapidement. Blond, trapu… il correspondait à la description d’Hadrien.

Sinon on lisait clairement un sentiment sur son visage, la lassitude.

Lui aussi n’appréciait pas son samedi soir. Pendant qu’on y était lui aussi avait dû supporter Manu contre du fric. Lui aussi portait un uniforme pour son boulot.

Quant à Manu. Pourquoi se fouler pour du fric, qu’il gaspillerait le lendemain en connerie ?

Ah oui c’est vrai que j’en touchais au passage.

Il y avait aussi l’insistance d’Hadrien parmi mes justifications. Je n’étais pas un monstre, seulement un type fauché.

Steve ouvrit la porte d’une 205 bien usée, à l’instar de ma propre caisse. Cette dose de remord supplémentaire ne suffit toujours pas à me faire renoncer.

La filature en voiture ne présenta pas de difficulté, un vrai cas d’école. Steve avait une conduite pépère.

Sans même y réfléchir je mis la radio. Pendant ce court trajet le trouffion disparut par simple fait de faire quelque chose de concret, et non d’attendre la quille.

Puis nous arrivâmes à une phase délicate ou plus exactement hasardeuse.

Steve allait se garer. Je devais donc vite trouver une place à proximité afin de pouvoir le rattraper à temps pour la poursuite à pied.

Une petite précision : il habitait Vallauris un endroit aux loyers réduits tout comme les places de parking.

Pourtant je ne perdis pas ma proie (je sais ce terme est prétentieux) bien longtemps. Steve s’était arrêté en chemin pour discuter avec des gens.

Il me facilitait tellement la tâche qu’à un moment je crus à un traquenard. Puis une nouvelle pensée vint se moquer de l’ancienne. Qui étais-je ? De quoi s’agissait-il ? On ne mettait en place un piège si complexe pour si peu.

L’inconvénient des filatures à pied : votre pr.. sujet peut s’arrêter régulièrement. Et de votre côté vous devez attendre sans avoir l’air trop suspect.

Ce n’était pas très dur avec mon allure passe-partout, mon unique aptitude professionnel, seulement chiant.

C’est alors que la mécanique se mit en place.

Voyons cela point par point :

Le fait de bosser, me sortait de ma torpeur.

Devoir attendre la fin de la conversation sans la possibilité de faire autre chose, me frustrait, puisque mon cerveau reprenait goût à fonctionner.

Mon attention se fixa alors sur ce qui m’entourait.

Forcément ce quartier pauvre m’en rappela un autre, que j’avais vue très récemment : une rue de Marseille celle où habitait Hamed.

Il avait mentionné la ville d’où il venait pendant nos classes.

Ayant du temps à tuer sur Marseille, l’idée m’était venue de voir comment il s’en sortait.

Connaissant également son nom de famille, j’étais parvenu grâce à un minitel de la poste à obtenir son adresse précise.

J’étais tombé sur sa femme Justine et son bébé. Lui était absent.

Il en découla une visite amicale rien de plus. Justine se plaignit de ne pas voir son mari souvent, et m’informa où il était muté.

Toujours dans un mélange de désœuvrement et de bienveillance (surtout de désœuvrement), je m’étais renseigné sur Malbousquet à la base de Marseille, et reçut ainsi les confidences de Franck.

Pas de quoi en faire un grand secret. Seulement je voulais éviter les rumeurs, et surtout que cela ne remonte pas aux gendarmes. Ils se seraient imaginé que j’enquêtais vraiment.

Autant éviter les problèmes surtout, s’ils risquaient rallonger la date de la quille.

Steve repartit. Je le suivis. Ce fut aussi simple que ça.

Pourquoi aurait-il dû être méfiant ? A cause de l’ombre de la revanche du terrible Manu !

L’adresse obtenue il ne me restait plus qu’à rentrer.

Rien d’autre qu’un peu de voiture et de marche, je n’étais pas tellement à plaindre.

Finalement seul Hadrien prendrait de vrais risques, et n’y gagnerait pas grand-chose, excepté ma reconnaissance. Et encore elle ne valait pas tellement au vue des moyens dont je disposais.

A se demander si ce n’était pas lui le réel pigeon dans cette affaire.


Texte publié par Jules Famas, 6 novembre 2015 à 19h28
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