Chapitre 1
En cette aube d’un nouveau millénaire.
Je suppose que je dois commencer par cette phrase pourrie. Toute personne dont on lisait un temps soit peu les écrits, débutait ainsi à l’époque.
Donc en cette aube d’un nouveau millénaire, je végétais devant un bureau, un uniforme de la marine militaire sur le dos.
Comment en étais-je arrivé là ?
Je pourrais prétendre qu’à cause de mon année de naissance je comptais parmi les derniers poissards à faire leur devoir de citoyen auprès de notre belle armée.
Seulement ce ne serait que partiellement vrai.
Je devais ma situation aussi voir surtout à ma manie de faire les choses à moitié.
Lors de mes classes on m’avait posté à Lorient en Bretagne chez les fus. Vous savez les fusiliers marins, l’infanterie de marine dont le programme contient en vrac : crapahutage, série de pompes, longue marche…. Enfin vous voyez les genres.
N’étant pas très motivé pour cela, j’avais fait le pleurnichard devant le psy suffisamment pour être considéré comme une lopette inapte à cette tâche guerrière, mais pas assez pour être exempté de service militaire.
Et voilà l’origine de mon état léthargique.
« Simon. » Murmura ironiquement Patricia dans le but justement de m’en sortir. « Le capitaine d’arme veut te voir. T’as pas fait de bêtise j’espère ? »
Oui je sais le ton de cette militaire était très maternel, alors qu’elle ne me devançait que de cinq ou six ans.
Donc je quittais mon bureau et traversais la cour du fort.
Et oui nous logions dans un fort à Toulon à l’extérieur du grand Arsenal militaire.
L’histoire de ce bâtiment me le rendait sympathique.
Bien que sa construction remonte au dix-neuvième siècle, il n’avait jamais été mêlé à une quelconque bataille et à présent servait de centre administratif.
En résumé étant inutile au combat, on l’utilisait autrement. Difficile de ne pas y voir une similitude avec ma personne.
MAEC, le capitaine m’attendait un sourire aux lèvres.
Le rôle d’un capitaine d’arme consiste à assurer la sécurité d’une base. Au vue de l’absence chez nous de plans secrets, de missiles nucléaires, et même simplement d’armes…. le capitaine passait son temps à fliquer les appelés.
Au final on se retrouvait avec le cliché du petit chef tyrannique et frustré, le treillis en plus.
« Salut Sherlock. Il y a les gendarmes, qui veulent te voir. » Me dit-il. « Ils sont installés dans l’annexe de la salle de surveillance. »
Je fis l’impasse sur ce surnom dont il usait depuis mes trois mois de présence.
Ma première pensée fut pour les joints dans la piaule. De quoi pouvait-il s’agir d’autres de toute façon ?
Adieu les jours du bon soldat, adieu le certificat de bonne conduite. J’étais dégoutté.
Devant la porte de la pièce, un autre appelé Thomas attendait.
Beaucoup parmi nous le voyait comme un lèche-cul.
Il est vrai qu’en redemander en échange des cinq cents francs par mois (ce n’était pas encore l’euro à l’époque), ça pouvait paraitre suspect.
Car Thomas s’était porté volontaire pour être chef de liste, c’est-à-dire le gérant de nos tours de garde à l’entrée.
Le connaissant un peu, mon opinion était différente. Pour moi tout provenait de son tempérament de bosseur.
Il cherchait toujours de quoi s’occuper comme lire, dessiner, peindre des figurines…
Au fond Thomas était peut-être le moins con de nous tous.
Fidèle à son tempérament il me sauta pratiquement dessus, et engagea la conversation.
« Ils interrogent Vincent pour le moment. C’est malin d’amener du teusch dans le fort. »
« C’est pas le mien. » Répliquais-je énervé par son ton professoral.
« Il est dans ta chambre. Ils ne feront pas la différence. »
Et puis mon petit cerveau se mit enfin à fonctionner.
« Si c’est une affaire de fumette, pourquoi ils emmerdent un sobre comme toi et d’une autre piaule ? »
Hé oui Thomas n’avait aucun vice, si ce n’est les disques d’Ophélie WINTER.
Vous vous dites sûrement : « Comment un type dans la vingtaine pouvait écouter çà ? »
Il était un lourd des fois. Je le reconnais.
« Je suis un peu votre délégué syndical. » Répondit-il.
Tu parles. Il voulait plutôt lui faire cracher des noms supplémentaires à ceux trouvés que de nous représenter.
Cette pensée en provoqua une autre. Celle qu’un détail n’allait pas. Plus précisément il en manquait un.
Au bout d’un moment, je finis par trouver. Faut dire que c’était évident. Qui disait joint disait…
« Et Guillaume ! » Ajoutais-je triomphalement. « Ils auraient dû le faire venir aussi. »
« T’as raison. » Pensa à haute voix Thomas intéressé. « Ils n’ont pas pu découvrir un indice sans louper Guillaume. A moins d’être vraiment bigleux. »
« Et puis il y a aussi, Tarek, Didier,... »
« Pitié épargnes-moi la liste. Pourquoi nous trois ? Nous ne sommes pas dans le même service. »
« A part nos classes à Lorient, je ne vois pas de lien. » Poursuivit-il après une courte réflexion.
C’est alors grâce aux raisonnements de ce type, qui contrairement à moi ne disposait d’aucun autre élément, que je compris enfin.
Décidemment je portais mal mon surnom.
Vincent en sortant confirma très vite ma théorie.
Thomas n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche en s’avançant, qu’il résuma tout en deux mots.
« C’est Hamed. »
Au cas où vous ne l’auriez pas compris, Vincent n’était pas du genre bavard.
Malgré cela je m’entendais bien avec lui. Sans se perdre dans de la psy foireuse, je crois qu’une sorte d’affinité instinctive nous rapprochait.
Ce n’était jamais aller très loin non plus, Vincent faisant bande à part.
Cette histoire réveilla mes petits neurones. C’est pourquoi je remarquais sur le visage de Vincent en plus dans son air renfermé habituel, une certaine inquiétude.
Etait-ce si grave ? Impatient d’en savoir plus je passais devant Thomas. Je flippais déjà un peu depuis ce que j’avais appris à Marseille.
Dans cette salle d’interrogatoire, se trouvaient deux gendarmes.
Le plus vieux un petit gros à moustache correspondait tout à fait au stéréotype. Le second encore jeune et mince ressemblait à un homme ordinaire.
J’étais content qu’il soit présent. Le moustachu ne m’inspirait pas confiance avec son air borné. Surtout qu’une partie de mon passée m’avait donné une mauvaise expérience des forces de l’ordre.
« Nom et prénom ? » Me balança-t-il comme à un chien.
« BIEZ Simon. »
Il y eut un court silence, que le moustachu camoufla en regardant ses papiers. Le trouble du jeune lui ne trompait pas. J’étais classé à part. Savaient-ils à propos de ma visite chez Justine ?
Je n’eus pas vraiment le temps d’étudier la question. Le moustachu reprit la parole sans grande conviction d’un ton voulu autoritaire. Tout cela l’emmerdait.
« Je suis le brigadier-chef DECROT. Et cette autre personne, c’est le gendarme NERVEL. Nous enquêtons sur la désertion de l’appelé Hamed ABIL.»
Il marqua une courte pause probablement destinée à ce que j’encaisse la nouvelle, qui n’était en fait qu’une confirmation.
« Vous n’avez pas l’air très surpris. » Ajouta-t-il donnant cette fois dans le genre perspicace.
Je parvenais à répondre que deux « si » fades. Son cinéma était si grotesque. Comment aurais-je pu y donner le change correctement ?
« Cet homme comme vous le savez sûrement, a déjà un actif assez lourd : vol, et PATC douteuses. Alors si vous le voyez, vous savez ce qu’il vous reste à faire. Et n’oubliez que la prison militaire est valable aussi bien pour un déserteur que pour la personne qui l’aide. »
PATC signifiait permission à titre de convalescence. L’équivalent des congés maladies.
« La prime de délation est de combien ? »
« Vous savez ce que coûte l’irrespect à un supérieur jeune homme ! »
Je n’en revenais pas. J’avais pensé tout haut. Il était tellement lourd aussi, qu’il m’avait quelque peu abruti.
« Dommage qu’il n’y aura bientôt plus de service pour dresser la racaille comme vous ! » S’exclama-t-il en se levant.
Le fait que la colère parvienne à mouvoir un cul pareil, n’était pas rassurant. J’allais sûrement en baver.
Heureusement le jeune intervient.
« Allons, il n’a rien à se reprocher pour le moment. »
Le brigadier-chef le fusilla d’abord du regard. Apparemment ce type d’initiative était réservé à des galons plus élevés que ceux de mon sauveur.
Moi je m’en foutais. L’essentiel était la réponse à ma première interrogation. Ils ignoraient tout au sujet de Justine et moi.
« Vous avez l’air soulagé tout d’un coup ! » Constata moustache avec un éclair de malice au milieu de ses yeux de bovins. « Ça ne serait pas sans rapport avec l’affirmation de mon collègue ? »
Il m’avait bien baisé l’enculé. Abusé par son apparence et son style presque comique, j’oubliais qu’il s’agissait d’un professionnel sans doute expérimenté.
« Vous ne comptez pas jouer au fouille-merde par hasard ? »
Voilà enfin ce qu’ils craignaient de ma part, juste une éventuelle contre-enquête.
Je m’étais inquiété pour rien.
Le stress envolé je pus servir convenablement ma réponse : « Bien sûr que non. » la tête baissée et le regard craintif.
Pile ce qu’un représentant d’une quelconque autorité aime voir.
Et voilà le tour était joué. Bon d’accord il n’y avait pas trop de quoi se vanter. Je le devais plus au bol qu’à la ruse.
Quasiment toute la suite fut d’ailleurs dans la même veine.
Chapitre 2
Le service militaire comptait pas mal de paradoxes.
Déjà sa grande justification était de faire de nous des hommes, des vrais. Et pour cela nous devions nous écraser et obéir sans rien dire pendant dix mois.
Vous trouvez cela viril ?
J’en avais un autre perso : le fait de devoir attendre le weekend pour pouvoir bosser (au black) réellement.
Toujours dans la catégorie curiosité, je me demandais, si l’entretien d’embauche ne serait plus pénible que la tâche en elle-même.
Mon employeur potentiel était un plein délire égocentrique :
« Tu vois, je lui ai confié mon âme d’artiste, et il m’a trahit. Comment peut-on faire cela ! Je te le demande. »
« Bon écoute Manu. » Dis-je en me redressant sur le canapé en face. « Reprenons chronologiquement. Donc lorsque tu allais à ce bowling, tu parlais à cet employé de ton intérêt pour la photographie.»
« De ma passion ! »
« De ta passion d’accord. »
Dommage que je me sois planté sur ce mot. Sinon le coup de la chronologie aurait été suffisamment pompeux pour le détourner et revenir à l’essentiel.
« Où va une société qui traite les artistes ainsi, je te le demande ? »
« Je suis d’accord. C’est même pour ça que je suis là. Allez dis-moi en quoi je peux réparer cette injustice. »
Et surtout me faire un peu d’argent. Car ma pauvre Aurélie devait s’occuper du loyer toute seule à présent. Et dieu sait, qu’il n’était pas donné dans le coin.
Au cas où vous n’auriez pas deviné, ma copine et moi habitions la Côte d’Azur. Au moins avec juste deux heures de train je pouvais rentrer les weekends.
« Hé bien il m’a raconté, qu’il avait dégoté un leica modèle… avec zoom…. »
Ca y était. Je venais de décrocher. Comprenez-moi bien, je n’avais rien contre la photographie.
Peu importait le sujet d’ailleurs, tant que Manu en parlait cela devenait soporifique. Son parler lent, sa grandiloquence, et sa manie de balancer avec prétention ses connaissances, le cocktail était intenable.
Et encore je vous épargne la gestuelle.
Puis un élément apparemment important passa, et me ramena ma concentration. Il s’agissait de la mention de deux mille cinq cents francs.
« Et ces deux mille cinq cents francs c’était en liquide ? » Demandais-je l’air attentif.
« Bien sûr, comme l’appareil était tombé du camion, il ne fallait pas laisser de trace. »
« Et il a un défaut ton leica ? »
« J’en sais rien. C’était une avance pour pas qu’il ne me passe pas sous le nez ! » Répondit-il offusquée.
Visiblement Manu avait déjà fourni cette précision auparavant.
Histoire de rattraper le coup, je me la jouais de nouveau professionnel.
« Qu’elle a été précisément sa réaction une fois l’argent reçu ? C’est important. »
« Lorsque je l’ai revu deux jours après comme convenu au bowling il a ri, juste rit sans la moindre explication. »
« On ne peut pas vraiment lui en vouloir sur ce coup là. » Pensais-je bien intérieurement.
« Bon et qu’est-ce que je suis censé faire ? » Dis-je à haute voix cette fois-ci.
« Il faut que tu le retrouves. »
« Et t’as quoi sur lui ? »
« Il s’appelle Steve et a dans les vingt-cinq ans, blond, il mesure.. »
Je ne lui demandais même pas le nom de famille, ni l’adresse, et ni le téléphone.
Donner une telle somme à un inconnu sans la moindre garantie n’était pas surprenant de la part de Manu.
Il s’agissait d’un habitué de l’arnaque du côté du pigeon exclusivement.
Son cerveau était pourtant au complet. Simplement il ne se donnait pas la peine de s’en occuper. D’ailleurs il ne se donnait pas de peine en général.
Issue d’une riche famille en particulier son défunt père, Manu du haut de ses trente ans affichait tout juste une année de travail complète.
J’aimerais bien dire que j’exagérais. Hélas il n’en était rien.
Le fait de compter ce con, fainéant, et prétentieux dans mes relations, je le devais à la personne assise à l’autre bout du canapé, Hadrien.
Bien qu’il provienne d’un milieu nettement moins aisé, il était un de ses vieux amis autant que j’en sache.
Moi je connaissais Hadrien depuis seulement trois ans. Il faisait partit de mes bons potes.
Il y a deux ans, il m’avait mis en contact avec Manu pour du boulot.
A l’époque je bossais dans une petite agence de détective privé. Un poste que j’avais dû abandonner à cause de mon service militaire.
Manu voulait qu’on lui retrouve une de ses muses. Les muses étaient les grands amours (tous non partagés) de sa vie sur lesquelles il désirait écrire un roman.
Toutefois en grand gentleman, il désirait s’assurer de leur agrément auparavant, dont celui d’une certaine Maryse apparemment introuvable.
Je transmis la proposition à mon patron, qui s’en chargea personnellement gonflant la facture au passage.
Moi je n’entrais pas dans la catégorie des enquêteurs, mais celle des chargés des filatures.
Comment pouvait réagir une femme en recevant l’appel une dizaine d’années après, d’un membre de sa classe de terminale ne lui ayant jamais adressé la parole auparavant ?
Disons que Manu n’obtint pas l’autorisation escomptée, ni quoique ce soit d’autres à part une violente, une très violente incompréhension.
Et le pire n’est peut-être pas l’authenticité de cette histoire.
Car pour en savoir autant je n’eus même pas besoin de passer par Hadrien. Manu me déballa tout spontanément sans que je lui demande.
Sa mégalomanie doublée à son inactivité sociale le poussait à raconter toute sa vie à absolument n’importe qui à la moindre occasion. D’ailleurs le cas de Steve le confirmait.
Je m’étais bien fait chier. Maintenant il était de temps de passer aux choses sérieuses.
« Je vais y réfléchir. » Dis-je en me levant et serrant rapidement la main de Manu et jetant un regard à Hadrien dont il comprit le sens.
« Merci, je n’oublierais pas ce geste…. Tu es un frère pour moi….. Je ne réclame que la justice… »
Voilà le résumé en vrac de ce que je dus supporter jusqu’à la porte d’entrée de son appartement.
Il régna d’un commun d’accord entre Hadrien et moi un silence de plomb dans l’ascenseur, destiné à laisser retomber la tension.
Ce n’est qu’une fois dehors que je repris la parole.
« C’est quoi ces conneries ? »
« Une occasion de te faire du pognon. Tu connais Manu. Il crachera bien mille balles rien que pour ça. »
« C’est bien gentil. Mais je fais quoi concrètement ? »
« J’y vais souvent à ce bowling. Steve y est toujours du samedi soir. Je te donne sa description précise, tu l’attends à la sortie, tu le suis, et tu déniches son adresse. C’est simple, non ? »
« Et il se passe quoi en suite ? Parce que je ne vois pas tellement Manu lui faire cracher son fric. »
Il faut savoir qu’à cause de sa vie larvaire, Manu ne bénéficiait pas d’un physique très impressionnant.
Ce n’est pas que la santé de Manu m’importait particulièrement. Je voulais juste ne pas être mêlé à une sale histoire.
Enfin j’admets aussi qu’envoyer ce neuneu au massacre me gênait un peu.
« Je m’en occuperais. » Expliqua Hadrien. « Simplement je ne peux pas le faire à la sortie du bowling - il y a toujours du monde - ni suivre Steve. Il me connait, et sait que je suis un pote de Manu. Grâce à toi je pourrais choisir sur son chemin de retour le bon coin pour le surprendre. »
Cette affaire illustrait parfaitement la relation entre Manu et Hadrien : le second profitait de la bêtise du premier tout en l’en protégeant.
Quoique dans le cas présent le bénéficiaire c’était moi.
Hadrien était un homme généreux (trop selon moi). Heureusement qu’il savait se défendre en contrepartie.
Attention je ne prétends pas qu’Hadrien était une machine à tuer. Simplement il était passé par un collège pourri, un lycée pourri, un quartier pourri…
Bref il avait une certaine expérience de la dureté de la vie.
Etant rassuré j’acceptais le deal.
Au fait le vrai prénom de Manu, c’était Emmanuel-Maxence. Il y en a qui n’ont vraiment rien pour eux.
Chapitre 3
Ah les fameuses sorties nocturnes des bidasses en folie.
Beuverie, baston, pute… un peu l’équivalent des saloons dans les westerns.
Et bien ils avaient bons dos les cowboys des temps modernes. Car ce soir-là ils jouaient au… tenez-vous bien… trivial poursuit.
Et en guise de saloons nous avions le foyer du fort.
J’entends déjà les biens pensants dire : « Au moins le trivial poursuit, c’est culturel. »
Franchement j’en doutais. Après tout ce n’était que des noms, des chiffres, et autres anecdotes balancés bêtement. Et si vous suivez un peu vous partagerez sûrement mon point de vue.
Et le pire est que j’y jouais juste comme ça histoire de tuer le temps, à l’instar du beauf avachit devant la télé.
D’ailleurs c’est justement ce que faisaient ceux n’étant pas à notre table.
Il existait bien quelques excuses : nos faibles moyens, le temps dégueulasse…et surtout notre flemme.
Après les distractions passons aux personnes.
Nous avions Jérôme comme responsable du foyer. Il n’était pas un véritable engagé chiant voir méprisant.
Son contrat n’était que d’un an. Il fumait même des pets avec nous. C’est vous dire !
Nous (c’est-à-dire les appelés) étions tous présents à part évident Thomas, bien obligé de faire bande à part.
Même Vincent comptait parmi nous. La pluie l’empêchait de se balader en ville comme d’habitude.
« Voilà question sportive.»
« Au fait Simon ils te voulaient quoi les gendarmes ? »
L’auteur de cette interruption auparavant devant la télé, se nommait Tarek.
Malgré ce que porte à croire cette entrée en matière plutôt brute, c’était un sacré baratineur.
« Comme pour Vincent et Thomas. J’ai fait mes classes avec ce Hamed, qui vient de déserter. Alors ils vérifient si je sais quelque chose. Quel est le prénom du plus douillet des judokas français ? »
« Je pensais que vue ton ancien boulot, ils attendaient un peu plus de toi. Je ne sais pas une théorie ou un truc dans le genre. »
Je certifie toujours que Tarek détenait un talent pour la parole. Simplement il me visait d’une manière indirecte.
« David. C’est vrai ils ne t’ont pas demandé si t’avais remarqué un détail, même de façon détournée ? Réfléchis bien. »
Et voici Didier l’arme involontaire de Tarek. Cet ancien étudiant en droit était sans doute pire que l’inculte de base ne lisant que les blagues de télé Z.
Il sortait toujours des propositions bateaux provenant d’un bouquin et complètement incongrues juste dans l’intention la ramener.
Il vous donnait envie de brûler la première bibliothèque, qui passe.
En résumé il étalait sa culture de la manière la plus grossière, qui soit.
Et ma personne bénéficiait d’un petit bonus du fait que Didier était fan d’Agatha CHRISTIE.
Forcément à cause de ma précédente profession, il était à l’affut.
Donc Tarek me mettait cet emmerdeur dans les pattes.
Heureusement qu’au vue de notre nombre de parties précédentes, jouer n’exigeait pas beaucoup de concentration de notre part.
« Question cinéma : dans quel film Rudolf VALE..… »
« Le fils du cheikh. Il est resté le même temps que nous avec les gendarmes. Ça signifie bien qu’ils ne lui voulaient rien de spécial. »
Ce soutien inattendu du si silencieux Vincent reposait en plus sur un mensonge. Comment pouvait-il connaitre la durée de mon interrogatoire ? Seul Thomas devant passer après, m’avait attendu.
Je le mis sur le compte de notre fameuse affinité.
En tous cas la remarque était nette et sans bavure.
Pourtant Tarek ne se démonta pas, et improvisa par une provocation.
« Quatre mois de service et il veut déjà rentrer chez papa-maman. Quel nul ce type.»
Ce n’était pas particulièrement dirigé contre moi. Simplement le jour précédent Tarek m’avait déjà questionné sur l’interrogatoire juste pour passer le temps. Et j’avais vite éludé le sujet. Je craignais certaines dérives.
Vexé d’être défait dans son domaine de prédilection Tarek prenait sa revanche.
« Littérature : SAINT-EXUPERY... »
« Un mouton. Attend il faut voir ce qui lui est arrivé aussi. Une partie de pognon volé a été retrouvé dans son transistor. Donc on lui a tout mis sur le dos et muté à Malbousquet, vous savez le camp disciplinaire dans l’Arsenal. »
Je déviais là-dessus en parlant des tarés incontrôlables, qu’ils casaient là-dedans sans même un semblant de surveillance.
A vrai dire c’était plus ou moins calculé. La perspective du job pour Manu me rendait moins passif.
« Comment tu sais çà ? »
« Philo : NIETZCHE… »
« Ce qui ne tue pas rien plus fort. »
« Quand un appelé vole on le fout là. Ce n’est pas dur à deviner. »
« Non, je veux dire pour Malbousquet, comment ça se passe, et tout çà. »
Connement coincé je parlais de Franck, un appelé croisé à Marseille lors de ma semaine de vigipirate en renfort aux douanes. On y reviendra.
Pendant ce temps-là Hervé séchait sur une question au sujet de la femme de Bruce WILLIS.
Soi-disant placé d’après lui à Malbousquet sous un prétexte fallacieux, le pauvre Franck s’était fait dépouillé au point de bloquer volontairement sa carte bleue. Puis à force d’insistance et d’un officier pas trop con, il en était réchappé.
Etant donné notre monde réduit, les confidences de Franck à mon adresse, passèrent pour une coïncidence même aux yeux de Tarek.
D’ailleurs il n’insista pas. Peut-être croyait-il que cette anecdote un peu glauque était la raison de mon esquive précédente. A moins que le grand Tarek soit à court d’argument ?
Et puis Guillaume lui prit le fanion de l’emmerdeur. Pourtant il ne correspondait pas tellement au profil.
Il faisait plutôt dans le bon saint-Maritain. Remarque c’est chiant aussi parfois.
A la différence que c’est involontaire. Ce qui est peut-être pire au final, puisqu’on ne peut même pas lui en vouloir.
« Pauvre gars. Et maintenant il est dans la nature traqué. Tu ne pourrais pas l’aider un peu ? »
« De quoi ? » M’exclamais-je en espérant qu’il ne voulait pas en venir là.
« Tu sais : essayer de le retrouver. »
« Stop, moi je faisais les FI-LA-TU-RES. Je ne vais pas me lancer dans une histoire à la con pour un mec que j’ai connu qu’un mois pendant mes classes. Sans parler des gendarmes. »
Voilà l’une des dérives que je craignais.
« Soit pas comme çà. Je suis sûr qu’on peut trouver des indices. » Ajouta Didier.
Décidemment il n’en loupait pas une.
« Tu vis sur quelle planète toi ! » Balança à son tour Vincent. « On ne sait absolument rien, pas un putain de détail sur cette désertion. Et je ne crois pas que les gendarmes vont nous filer des infos. Alors on arrête les conneries. »
Ce fut plus le ton anormalement agressif que les arguments, qui conclut le sujet.
Un silence de mort suivit, puis Tarek se dévoua pour passer sur autre chose. La culpabilité je suppose.
En tous cas Vincent allait bien loin à l’égard d’un simple camarade de chambrée.
Pourtant l’attitude la plus surprenante n’était pas la sienne.
Pourquoi est-ce que je flippais ainsi ? Après tout personne n’était en mesure de m’obliger à enquêter.
On pouvait juste m’emmerder un peu là-dessus rien de plus.
Première interruption
« Ça y est, tout le monde est là Michaël. » Me dit cette larve de Fabrice en rappliquant.
Avec lui valait mieux vérifier. Nous étions bien là tous les six.
« Bon je vais être bref. Je sais où se planque ce fumier, quelque part à Chicago. »
« On le dénonce à la police ? » Proposa Fabrice toujours fidèle à lui-même.
« J’ai une tête de balance ! Et puis si les poulets le chopent ce qui n’est pas sûr, ils lui feront quoi ? Le foutront en taule. Moi je veux que cette ordure paye. »
« Qu’est-ce tu veux lui faire ? »
« Ce qu’il a fait à Robert en lui refilant sa merde. »
« T’en avais pas rien à foutre de lui ? » Répliqua Olivier.
« Ouais, sauf que je sniffais la même saloperie coupée, comme vous tous. Ce type ne nous a pas seulement entubés. Il a failli nous tuer. »
« Il savait peut-être pas ? » Suggéra Fabrice toujours à tout embrouiller.
« C’est ça. Et il a disparu pour quelle raison à ton avis ? Il était parfaitement au courant, et maintenant se cache de ses clients. »
« Tu sais, il doit avoir des potes à Chicago. Tu n’arriveras pas à l’avoir tout seul. »
« Pourquoi crois-tu que je vous ai appelé ? »
« Tu veux qu’on te serve d’alibi ? »
« T’es vraiment qu’une merde Fabrice. T’as très bien compris. »
Le message était passé, sauf pour Olivier, qui crut malin de la ramener :
« T’oublies les trouffions. Ils seront furax, s’ils apprennent ça. »
« Et toi t’oublies que nous sommes à Malbousquet. Ici ces connards regardent ailleurs. Du moment qu’on bousille rien dans leur putain d’Arsenal, ils s’en foutent.
Rappelles-toi quand Ben s’est fait gauler avec une barrette de shit par cette pétasse de premier maître. Le capitaine a vite enterré l’affaire. »
Ben confirma. Les militaires n’étaient pas différents des autres bourgs. Tous ce qui les intéressaient, c’était de conserver leurs petites vies pépères et que rien ne vienne casser l’ambiance.
Je serrais un peu des poings afin d’éviter d’autres contestations. Ça suffit largement.
Décidément j’étais le seul à avoir des couilles dans cette baraque.
Quand on vous fait un coup de pute, il faut le rendre, sinon vous êtes plus rien. Bien entendu ce raisonnement les dépassait. Tu parlais de mecs !
Rien que de les traîner quelques jours après à l’extérieur de l’Arsenal, m’épuisa.
N’ayant pas le droit de rentrer nos bagnoles à l’intérieur, nous étions obligés de nous taper tout le chemin à pied. Et franchement la traversée avait de quoi déprimer.
Une ville dans la ville disait un dicton populaire au sujet de l’Arsenal. Mon cul oui !
Dans une ville il y a de la vie des gens qui se baladent, des meufs à draguer, là personne dehors hormis quelques trouffions se magnant de rentrer ou de se tirer.
Et les constructions que des clapiers destinés à entasser aux choix des papelards, du matos, ou ces cons en uniformes.
On aurait dit une sorte de parc à thème sans thème, un lieu fonctionnel, vide, triste, et mort.
Je n’avais qu’une hâte, c’était de le quitter. Ce qui arriva plutôt que prévu. Quoique « prévu » ne colle pas beaucoup avec la suite.
Chapitre 4
Toujours dans le thème des soirées pourries, celle qui suit y mérite largement sa place.
Imaginez passer votre samedi soir dans une voiture garée sur une place de parking.
Et je vous vois venir. Non il n’y avait personne à la place du mort et penchée vers ma braguette.
Bon je suis de mauvaise foi. Cela faisait seulement une demi-heure que j’attendais la fermeture du bowling.
Et puis il y avait une finalité à la clé.
Steve sortit assez rapidement. Blond, trapu… il correspondait à la description d’Hadrien.
Sinon on lisait clairement un sentiment sur son visage, la lassitude.
Lui aussi n’appréciait pas son samedi soir. Pendant qu’on y était lui aussi avait dû supporter Manu contre du fric. Lui aussi portait un uniforme pour son boulot.
Quant à Manu. Pourquoi se fouler pour du fric, qu’il gaspillerait le lendemain en connerie ?
Ah oui c’est vrai que j’en touchais au passage.
Il y avait aussi l’insistance d’Hadrien parmi mes justifications. Je n’étais pas un monstre, seulement un type fauché.
La filature en voiture ne présenta pas de difficulté, un vrai cas d’école.
Puis nous arrivâmes à une phase délicate ou plus exactement hasardeuse.
Steve allait se garer. Je devais donc vite trouver une place à proximité afin de pouvoir le rattraper à temps.
Une petite précision : il habitait Vallauris un endroit aux loyers réduits tout comme les places de parking.
Pourtant je ne perdis pas ma proie (je sais ce terme est prétentieux) bien longtemps. Steve s’était arrêté en chemin pour discuter avec des gens.
L’inconvénient des filatures pied : votre pr.. sujet peut s’arrêter régulièrement. Et de votre côté vous devez attendre sans avoir l’air trop suspect.
Ce n’était pas très dur avec mon allure passe-partout, mon unique aptitude professionnel, seulement chiant.
C’est alors que la mécanique se mit en place.
Voyons cela point par point :
- Le fait de bosser, me sortait de ma torpeur.
- Devoir attendre la fin de la conversation sans la possibilité de faire autre chose, me frustrait, puisque mon cerveau reprenait goût à fonctionner.
- Mon attention se fixa alors sur ce qui m’entourait.
Forcément ce quartier pauvre m’en rappela un autre, que j’avais vue très récemment : une rue de Marseille celle où habitait Hamed.
Il avait mentionné la ville d’où il venait pendant nos classes.
Ayant du temps à tuer sur Marseille, l’idée m’était venue de voir comment il s’en sortait.
Connaissant également son nom de famille, j’étais parvenu grâce à un minitel de la poste à obtenir son adresse précise.
J’étais tombé sur sa femme Justine et son bébé. Lui était absent.
Il en découla une visite amicale rien de plus. Justine se plaignit de ne pas voir son mari souvent et m’informa où il était muté.
Toujours dans un mélange de désœuvrement et de bienveillance (surtout de désœuvrement), je me suis renseigné sur Malbousquet à la base de Marseille, et reçut ainsi les confidences de Franck.
Pas de quoi en faire un grand secret. Seulement je voulais éviter les rumeurs et surtout que cela ne remonte pas aux gendarmes. Ils se seraient imaginé que j’enquêtais vraiment.
Autant éviter les problèmes.
Steve repartit. Je le suivis. Ce fut aussi simple que ça.
Pourquoi aurait-il dû être méfiant ? A cause de l’ombre de la revanche du terrible Manu !
L’adresse obtenue il ne me restait plus qu’à rentrer.
Rien d’autre qu’un peu de voiture et de marche, je n’étais pas tellement à plaindre.
Finalement seul Hadrien prendrait de vrais risques, et n’y gagnerait pas grand-chose, excepté ma reconnaissance. Et encore elle ne valait pas tellement au vue des moyens dont je disposais.
A se demander si ce n’était pas lui le réel pigeon dans cette affaire.
Deuxième interruption
C’était mon premier tour de garde de ce vendredi.
Je mettais ces putains de guêtres. Jamais je n’avais connu quelque chose de plus emmerdant que mettre en place ces lacets. J’osais à peine les tirer de peur qu’ils ne cassent une fois de plus.
Il ne fallait pas non plus oublier l’uniforme de garde made in Pierre CARDIN.
Il avait vraiment assuré là-dessus. Entre le pantalon qui s’ouvrait par le devant comme sur les combinaisons de bébé, le col à boutonner sur la vareuse, et la dite vareuse qui elle ne comportait pas de bouton, nous avions au final un uniforme difficile à mettre, à enlever, et à porter.
Quatre années de droit derrière moi et je devais m’habiller en Donald Duck.
Par chance ce déguisement ne servait qu’aux cérémonies et aux gardes. Le reste du temps nous avions une tenue de travail composée d’un jean et d’une chemise bleue. Seuls les galons aux épaulettes nous rappelaient, qu’il s’agissait de fringues de l’armée.
Une fois en tenue je pris mon Agatha Christie et allais relayer Vincent.
Il avait dû se lever à cinq heures et demie pour sa dernière garde. Il était donc encore plus HS que d’habitude.
J’inscrivais mon nom et mon prénom sur la feuille de présence « LISON Didier » et déposais mon bouquin dans la cabine de garde au milieu des FHM, et des photos de cul.
Quitte à me répéter qu’est-ce que je foutais moi un bac+4 avec tous ces beaufs à gagner cinq cents balles par mois !
Et voilà la surveillance de la porte d’entrée commençait.
Nous nous relayions toutes les deux heures à protéger sans la moindre arme cette base contenant rien de plus important que le pistolet de l’adjudant d’arme du jour. Une arme dont on se serait pris le chien dans le visage en tirant avec.
Je n’aimais pas la surveillance du matin. C’était la seule période où je devais être dehors, à cause du passage du camion de nourriture, et des allées et venues du commandant. Il fallait attendre plus tard l’occasion de lire.
J’eus tout de même droit à une petite distraction en notant l’heure d’arrivée du commandant dans le cahier.
Au milieu des blagues et des dessins à deux balles se trouvait un proverbe :
« Ce que tu peux faire le lendemain, fait le faire aujourd’hui et ta place par les appelés. »
Le responsable de cette lueur d’intelligence ne pouvait être que Simon. Il était le seul à être un peu mesuré dans ses réactions sans sombrer dans le léchage de cul comme Thomas.
La preuve, qu’il disposait d’un cerveau. Hélas il avait toujours cette tendance à m’éviter.
Guillaume vint me remplacer au bout des deux heures réglementaires.
Aux archives JASQUIN notre maître à tous geignait devant son canard, comme un petit vieux avec des expressions du style :
« Dans quel monde on vit. » et « De mon temps…. »
Et il n’avait que la quarantaine. Ce n’était guère étonnant au fond. Les soldats étaient dépassés, juste les résidus d’une autre époque.
« Bon tu comptes te bouger un peu le cul ? » Ajouta-t-il à mon attention.
Ce minable m’en voulait sûrement d’avoir assisté à son one-man show.
On ne pouvait guère s’attendre à mieux de la part d’un lecteur d’Azur-Matin, le journal provincial type.
Ensuite j’entamais deux heures de boulot digne d’un CAP, puis revenais à celui de vigile. Au passage je piquais le journal de JASQUIN à moitié par curiosité, à moitié pour le faire chier.
Je réveillais Guillaume et prit sa place. Une drôle d’odeur planait dans la cabine de garde. Etait-il niqué de la tête à ce point ?
En survolant d’un œil la feuille de choux azuréenne, je tombais sur l’encart qui avait dû tant perturber JASQUIN.
« Découverte du corps d’un jeune appelé du contingent dans un squat à Toulon. »
J’ai tout de suite envisagé le pire et suis allé à la page de l’article. La victime se nommait Robert OSMAN, et était mort d’une overdose.
La rue où il avait été apparemment transporté se trouvait dans « un quartier à forte concentration maghrébine », comme le faisait très innocemment remarquer ce charmant journal absolument objectif.
Sur le coup j’étais rassuré que ce ne soit pas le déserteur de Simon.
Puis je lis la suite. Sans doute dans l’intention de se dédouaner l’armée avait lâché quelques éléments accablant le mort.
Il était un des fameux résidants de Malbousquet et fiché comme déserteur. Sa disparition remontait à un peu de temps avant la venue des gendarmes chez nous.
Donc Hamed et lui avaient très certainement disparu ensemble.
Ils se camaient peut-être tous les deux ? Hamed avait assisté à sa mort, planqué le corps pour éviter les problèmes, et paniqué au point de disparaître.
Ça tenait la route. J’aurais peut-être dû tenter une école de police une fois libre ? Bien que fréquenter des abrutis en uniformes, j’avais déjà donné.
A cause de la garde je finissais plus tard que les autres partant déjà en weekend.
Je vis justement Simon accompagné de Vincent. Sa présence me coupa l’envie d’annoncer la nouvelle à Simon.
Si c’était pour se faire encore jeter. Et puis j’en avais assez que Simon me snobe à sa façon.
Finalement je décidais de la fermer là-dessus. Et même dans ce lieu de glandouille, je savais encore me contrôler.
Troisième interruption
C’était au café en face de la gare, le vendredi.
Un couple d’ado venait de s’installer à une table proche de la mienne. Le gamin enroulait les épaules de sa copine de son bras.
Ce n’était en rien un geste de tendresse, plutôt de possession, encore un petit con se croyant obligé de marquer son territoire.
Je sais l’aliénation, l’influence culturelle, tout çà. Cela demeurait tout de même fatiguant ces mecs obligés de toujours dominer, diriger…
Non je n’étais ni une mal baisée, ni un boudin, ni une lesbienne.
Le spectacle de ce couple me réjouissait en fait. Mon cher et tendre lui s’en foutait de ses conneries. Il ne cherchait pas à prouver continuellement la présence de sa queue.
Il n’était pas parfait non plus : un physique banal, pas très énergique.
Mais au moins avec lui j’étais tranquille.
J’avais la vingtaine et mon ambition se limitait à être peinarde.
On peut trouver cela pathétique. Moi je réplique, qu’il ne s’agissait d’un mode vie pas si facile à obtenir, si l’on tient compte de la masse d’emmerdeurs, qui nous entoure.
D’ailleurs l’un d’entre eux devait me rejoindre.
« Salut Aurélie. »
« Salut Simon. » Répondis-je.
S’en suivi le petit bisou d’usage.
Puis j’aperçus quelqu’un derrière le fameux emmerdeur (involontaire). Si la terrasse n’avait pas été presque déserte, je ne l’aurais jamais remarqué si vite.
Il bénéficiait de cette même discrétion naturelle que mon Simon. Rien de particulier n’émanait de lui. Comme s’il ne voulait pas qu’on le voit.
Et je maintiens que cette attitude peut être agréable à vivre.
Cet homme n’était pas collé à Simon par hasard. Pourtant il hésitait à se présenter, la gêne sans doute.
Puis Simon se décida à prendre les devants.
« Je te présente Vincent un pote de chambrée. Il habite trop loin pour rentrer le weekend. J’ai eu pitié, alors je l’ai fait venir. »
Je me contentais de répondre par un regard noir.
Le plus marrant c’est que Vincent fut le premier à réagir. Il alla sagement à l’intérieur acheter des clopes.
« Ça cause un problème ? »
Même regard noir.
« Bon d’accord j’aurais dû te prévenir. Mais ça c’est décidé à la dernière minute. »
Toujours même regard noir.
« C’est en le voyant tout triste lorsque je faisais mon sac. Il dormira dans le salon. Allez fait pas la gueule. Tu sais que je n’ai que weekend. »
« Il est un peu facile ton dernier argument. » Dis-je enfin.
« Ça nous changera un peu de voir quelqu’un d’autre. Tu te souviens de ce qu’on appelle la vie sociale ? »
« Oui j’ai essayé une fois au lycée.
J’ai dit à une fille que sa veste me plaisait et lui ai demandé où elle l’avait acheté.
Là elle m’a répondu en gloussant : non je te le dirai pas sinon tu mettras la même.
Depuis j’ai laissé tomber. »
Et là Simon me sortit un grand classique entre nous.
« T’es terrible. »
Avec le regard sous-entendant : « T’es chiante, mais c’est comme çà que tu me plais. »
Ensuite Vincent suivit avec :
« Si je gêne, je m’en vais. Il n’y a pas de problème. »
Face à ces deux lourds, je réalisais mon caprice. Pour une fois que Simon m’emmerdait un peu, je pouvais bien passer l’éponge.
Une fois leurs sacs déposés à l’appart, on se balada dans le vieil Antibes.
J’appréciais cet endroit, ces rues serrées et ombragés, ces petites boutiques pas encore standardisées ou franchisées.
L’ambiance finit même par arriver. On se colla un peu avec Simon. Vincent commença à ouvrir la bouche de temps à autre.
Hélas nous fîmes une erreur : rentrer.
On aurait mieux fait de s’acheter des kebabs et de continuer à trainer.
Après deux South Park, Vincent comprit que le canapé n’était pas pour trois, et décida d’aller faire un tour.
C’est là que ça tourna mal. On baisa parce qu’on le devait, pas le voulait.
Un truc mécanique, seulement destiné à se soulager à l’instar de la branlette des célibataires avant de se coucher.
Et ce n’était pas faute d’avoir tous deux fait un effort sur les préliminaires.
Dommage, j’espérais le garder mon Simon. Foutue lassitude.
Sans le sexe un couple ne tient pas. C’est ainsi. D’ailleurs Dieu avait dit un truc de ce genre-là à Satan dans un South Park.
On a les références culturelles qu’on peut.
L’ambiance au petit dej fut moins tendue que je m’y attendais. Il ne régnait qu’un léger silence. Nous n’en étions qu’au début de notre éloignement.
Puis avec la sonnerie Vincent nous revint en mémoire. Il s’amena tout frais après sa nuit dehors.
Quoique frais est un peu exagéré. Une douche était envisageable.
Le connaissant bien, les réactions de Simon à cette arrivée ne m’échappèrent pas.
J’attendis tout de même que notre invité aille dans la salle de bain avant de mettre certaines choses au point.
« C’est quoi le plan avec ce type ? »
« Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Je sais ce que c’est les potes. Ça se colle, ça blague, ça se renifle le cul. T’as rien fait de tout çà avec Vincent. »
« OK c’est juste un type comme çà que je connais. Ça ne m’empêche pas d’être solidaire. »
A ce moment je suis devenue beaucoup plus agressive.
Les arguments étaient valables. Sauf qu’on sentait qu’il s’agissait d’une esquive, pas d’une explication.
« Et tout à l’heure. Pourquoi tu l’as reluqué en douce ? Comme s’il avait quelque chose à t’apprendre. »
Simon mine de rien évita l’engueulade par sa pondération. Il se limita à un petit soupir pour signifier : « Ce n’est pas tes affaires. »
Puis il balança un « Il ne reviendra plus. » au lieu d’un « Fait pas chier. »
Bloquer dans mon élan je laissais le silence cette fois-ci pesant prendre le dessus, puis me rattrapais plus ou moins.
« Aujourd’hui tu devrais passer voir… l’autre con là… tu sais pour ton pognon. »
« Manu ? »
« Oui c’est ça. »
Meubler la conversation grâce aux tâches du quotidien. Décidemment la rupture puait à plein nez.
Chapitre 5
Décidément il pesait une malédiction sur mes weekends. Une tâche chiante m’y attendait à chaque fois.
Lassé par cet état de fait, je décidais de réduire l’ampleur de ma corvée autant que possible.
Je passais voir Manu directement chez lui. Pas de coup de fil avant. Où pouvait-il être de toute façon ?
Je lui faisais mon rapport et lui demandais mes sous tout de suite après. J’évitais ainsi une de ses tirades interminables.
Puis mon employeur (quelle horreur quand j’y pense) s’occuperait de la suite avec Hadrien.
C’était simple, carré, infaillible.
« Bonjour. Steve passe par là. Il habite là. Tu me dois çà. Je suis pressé. Au revoir. »
Et évidemment…
Quelqu’un attendait devant l’immeuble de Manu, quelqu’un qui aurait voulu y entrer mais n’ayant pas les moyens de le faire, quelqu’un de blond et de trapu.
L’entrée du bâtiment étant profonde, je ne pus voir Steve avant d’y pénétrer moi-même.
En résumé j’étais pris sur le fait.
« Vous habitez ici ? » Me demanda-t-il poliment.
Complètement pris de court, je répondis instinctivement sans prendre le temps de réfléchir.
« Non je passe voir quelqu’un. »
« Moi aussi mais il ne répond pas. Vous pourriez m’aider à rentrer ? »
Le fait qu’il ne me reconnaisse pas, me calma, et me permit d’être légèrement moins stupide.
« Pourquoi je ferais ça ? Je ne vous connais pas. »
Steve le lança un regard noir me faisant réaliser une autre bêtise de ma part.
Jamais il ne m’était venu à l’esprit que sa présence, soit une coïncidence.
Comment croire cela alors qu’il venait au moment où Manu préparait sa revanche par personnes interposées.
Quant au fait que Steve connaisse l’adresse, cela s’expliquait avec la manie de ce pigeon de Manu de raconter sa vie.
Un seul aspect avait été négligé par moi : que Steve soit présent à l’instant même de mon arrivée.
Je n’étais même pas la cible.
L’explication était tout simple, et se lisait dans la rage émanant de Steve. En fait il attendait depuis déjà pas mal de temps.
Le contrarier dans cet état d’esprit était à mon avis contre-indiquer.
Sans me vanter prendre des coups je connaissais. Ça ne voulait pas dire que j’aurais eu forcément le dessus, et surtout je ne voulais pas me donner du mal pour une connerie pareille.
Avec le recul la réaction adéquate était évidente. Faire celui qui ne veut pas se prendre la tête et se barrer.
De toute façon il y avait peu de chance que Steve abandonne sa garde afin de me courir après.
Ensuite je refilerais le bébé à Hadrien, puisqu’il avait l’air de tant y tenir.
Seulement il faut aussi prendre en compte mon état d’esprit à cet instant.
Au départ j’étais résolu à clore cette affaire. Et puis même si je désirais éviter la bagarre, je ne voulais pas donner l’impression de m’enfuir.
Cette impression à qui ? A mon petit égo bien sûr.
J’optais alors pour une solution intermédiaire complètement foireuse.
J’effectuais un hochement d’épaule signifiant « après tout je m’en fous. »
J’appelais Manu sur son portable afin qu’il m’ouvre. Par chance il ne fit pas trop d’histoire.
Une fois qu’il eut raccroché j’ajoutais dans le vide :
« Ils le réparent quand ton interphone ? »
Ce n’était pas tout à fait dans le vide, puisqu’à l’intention de Steve. Ainsi il ne se doutait pas que j’évitais d’appuyer sur l’interphone. Car il risquait de faire le rapprochement, s’il connaissait le nom de famille de Manu, et jetais un coup d’œil.
Mon plan initial était que pendant que Steve perdait du temps à chercher la bonne porte, moi j’allais directement chez Manu et ôtait son nom de sa sonnette.
Bien penser en si peu de temps, non ?
Sauf que j’aurais fait quoi si l’étage était indiqué sur les boites aux lettres ? Dieu merci ce n’était pas le cas.
D’ailleurs l’absence cette info renforça la mauvaise humeur de Steve.
Pourquoi ne me demanda-t-il pas qui je passais voir ?
Peut-être que malgré ses menaces du regard il n’osait pas réellement s’en prendre à moi, ou que la colère le gênait dans ses réflexions, ou qu’il était simplement con ?
Je rentrais rapidement faisant fi des simagrées de bienvenue de Manu tout en choppant l’étiquette à la porte comme prévu.
« Ah j’attendais ta visite. » Me dit-il d’un ton voulu nonchalant alors qu’on pouvait lire dans ses yeux : enfin quelqu’un à qui parler.
Puis vint encore une faille à mon nouveau plan.
Elle se résuma à une simple action : Manu s’empara d’un bloc note avant que je lui fasse mon compte-rendu.
Il était clair que mon deal ne se réglerait pas rapidement. En tous cas sûrement pas avant que Steve sonne éventuellement à la porte.
Or il était nécessaire d’en parler afin que Manu ne gaffe pas.
« Steve est dans l’immeuble. » Dis-je simplement sans doute dans le but de compenser le cinéma, qui allait suivre.
Ça ne loupa pas. Manu agita les bras, tourna en rond dans la pièce…
Le pire est que la large majorité de ses gesticulations, n’était que du spectacle. Pour une fois qu’il lui arrivait un truc, Manu exploitait jusqu’au bout.
Même lui avait conscience dans le fond, que Steve n’était pas en mesure d’enfoncer sa porte sécurisée.
Je lui laissais poursuivre son numéro jusqu’à qu’il propose d’appeler la police.
Là je lui rappelais qu’il avait voulu acheter un appareil de photo de contrebande. J’insistais bien là-dessus. Il fallait absolument ôter ce projet du crâne de Manu.
Il était possible d’inventer une histoire inculpant uniquement Steve. Enfin ça le serait sans Manu dans le coup.
Une fois le pigeon calmé, je lui montrais l’étiquette de sa sonnette, et lui affirmais qu’en l’absence de bruit, Steve croirait l’appartement inoccupé.
On passa alors à un autre registre.
Manu se mit à murmurer, puis à m’écrire des messages sur son bloc-notes !
Un long couloir séparait le salon où nous nous trouvions, et la porte d’entrée. Il suffisait juste de ne pas trop élever la voix.
Comment Hadrien le supportait-il ?
Moi j’étais déjà gavé. Il était temps de revenir aux priorités : prendre mon pognon, et me barrer.
Malgré les pénibles interruptions de Manu destinées à me faire réduire mon volume sonore, je parvins tout de même à m’exprimer.
J’indiquais déjà que Steve n’allait pas trainer éternellement dans les couloirs de l’immeuble. Il finirait par attirer l’attention.
Mon interlocuteur rassuré, j’en vins à mes petites affaires en y mettant une pointe de subtilité.
« Je te donne l’adresse de Steve, et tu réglera la suite avec Hadrien. »
Le « avec » donnait l’importance à Manu, dont il avait tant besoin. Cela me permit d’obtenir mon fric sans trop de problème.
Il y avait même un supplément grâce à « ton intervention contre l’attaque de Steve. »
Cette générosité n’en était pas une. Puisque Manu jugeait plus sage de reporter mon départ le temps, que l’on soit assuré de celui de Steve.
Il est vrai qu’en sortant je dévoilais que l’appartement était utilisé.
Quand il était motivé, Manu parvenait parfois à réfléchir.
Ne vous leurrez pas. Son but était seulement de retenir ma compagnie. Il n’en était pas question !
Vous me jugez sans cœur face à sa détresse ? Et Manu lui ne l’était pas à s’agripper à des gens dont il avait au final rien à foutre ?
Il ne désirait pas des amis, mais des toutous hochant la tête à chacune de ses divagations.
Très peu pour moi. Je m’assurais que le couloir était désert, puis partais.
Le pauvre Steve quand j’y pense.
Tout le monde sort à un moment le samedi, ne serait-ce que pour prendre l’air ou faire des courses. Et ceux-là constituait une opportunité. Seulement il manquait le facteur Manu dans ce raisonnement.
Quant à la grande question : comment était-il remonté jusqu’à son arnaqué ?
Honnêtement je m’en foutais ? Et Manu aussi si ça se trouve.
A la rigueur il cogiterait là-dessus en guise de passe-temps, puis lassé songerait à autre chose.
Quatrième interruption
« Thomas vous serez en vigipirate la semaine prochaine. » M’avait dit MAEC sans trace de provocation dans sa voix.
Soit il m’appréciait, soit il savait que ça ne m’ennuyait pas.
Hé oui j’étais le seul appelé du fort à être partant pour vigipirate.
Non ce n’était pas par fayotage. Qu’est-ce que j’avais à y gagner de toute façon ? Nos jours du bon soldat. Il suffisait de ne pas trop faire le con pour les avoir.
Simplement je ne voulais pas rester pendant dix mois sans rien foutre ou du moins mieux que picoler et me défoncer.
Je sais : je suis un ringard, et je vous emmerde.
Le fameux vigipirate chez nous consistait à envoyer des militaires pour une semaine en renfort aux douanes de Marseille.
Les autres râlaient sur le fait que cela nous niquait un weekend.
Moi j’étais content de cette expérience, du moins au départ.
Déjà notre formation aux armes à feu limitée à une demi-heure, me parut légère. Quant au reste de notre apprentissage et bien… il n’y en a pas eu.
C’était peu engageant.
Ensuite on se retrouva cantonné dans cette minuscule base à vaguement s’occuper avec des jeux de société.
Nous bénéficions aussi de la télé câblée. Personne n’arrivant à se mettre d’accord, le compromis donnait MTV en permanence.
C’était comme M6 le matin, en boucle. Ça faisait du bruit, et c’était facile à suivre.
Deux longs jours après mon équipe passa en phase lourde.
Il s’agissait d’aider les douaniers lors de l’arrivée des nouvelles personnes.
Notre chef nous donna quelques vagues indications, puis nous nous rendîmes à l’embarcadère.
Ce fut assez frustrant.
D’un côté arrivaient tous ces gens épuisés par une longue traversée, surchargés de bagages, et complètement désorientés.
De l’autre se trouvaient les douaniers gérant cela, comme ils pouvaient.
Et nous les soldats restions plantés là à ne rien faire. Officiellement on surveillait.
Tu parles. Personne ne nous avait indiqué les détails à relever, les personnes à avertir si besoin…
Et puis des douaniers m’appelèrent.
Je pénétrais alors dans une petite salle à l’écart. Ils s’y trouvaient une table avec dessus des cartouches de cigarettes et autour deux douaniers et un type sans uniforme.
Une fois de plus on me plaça dans un coin sans rien exiger d’autre. Le civil me regarda avec réticence, puis se tourna de nouveaux vers les douaniers la tête basse. S’en suivi des murmures et le ramassage des clopes.
C’est là que je compris les raisons de ma présence. Ce contrebandier refusait de coopérer et ma simple vue avait provoqué assez de peur pour qu’il le fasse.
J’étais juste en treillis et muni d’un fusil, pas chargé (encore fallait-il remarquer ce détail).
Et cela avait suffi pour qu’un homme flippe à ce point.
D’autres auraient peut-être trippé. Moi ça me mettait mal à l’aise de disposer d’un tel avantage.
Qu’est-ce que pouvaient bien faire les militaires là-bas ?
Je venais d’avoir droit à mon premier cours de géopolitique, rien à voir avec des images lointaines par le biais d’un écran télé.
Ça me marqua au point d’oublier de rallumer mon portable. Ce n’est qu’en début de soirée que j’y pensai. Et bien sûr à peine je le remis en route, qu’il sonna.
« C’est pas trop tôt ! Tu foutais quoi bordel ? »
« Simon ? »
Qu’est-ce qui lui prenait ? D’ailleurs se calma très vite.
« Oui. Excuses-moi, Thomas. J’ai eu du mal à t’avoir. Toi ça va ? Tu ne t’embêtes pas trop ? »
« Ça peut aller. »
Suivirent deux ou trois questions du même genre. On sentait un certain embarra chez Simon.
Tout cela n’était que des formalités. Il appelait clairement pour autre chose.
Cette attention ou plus exactement la gêne l’accompagnant démontrait tout de même une certaine considération à mon égard.
Je l’aidais un peu.
« Sinon tu veux quelque chose ? » Demandais-je d’un timbre calme sans agressivité.
Un silence suivi, puis Simon reprit.
« Tu pourrais me passer Franck, s’il te plaît ? C’est un des appelés résidant en permanence à la base. Un brun aux cheveux courts. »
« Aux cheveux courts, tu m’aides vachement ! »
« Cherches un peu. »
Je passais une annonce à la salle télé. Un brun un peu enveloppé se présenta à l’appel. Il s’éloigna dans le couloir.
Je me plaçais aussi près que possible afin d’entendre la conversation.
Avec le recul je me rends compte que mon action n’était pas motivé que par de l’inquiétude, même si j’appréciais Simon. Il s’agissait également de jalousie.
C’était mon seul pote de l’armée, et il se confiait visiblement à quelqu’un d’autre.
Voilà ce que donna ce dialogue incomplet.
« Simon. Oui je me souviens de toi. Pourquoi tu veux me parler ? »
« De quoi ! » Cria-t-il soudain furieux. « Qu’est-ce qui te prends de me demander un truc pareil ? Tu ne touches quand même pas à ça ! »
Après Franck écouta d’un air cynique.
« Tu crois que je vais marcher ? Enfin après tout tu te fournirais autre part. Bon le gars s’appelle Michaël. Il est facile à reconnaître assez caisse, et rouquin. Son nom de famille ? Il se termine en é je crois. Allez salut et essaye de ne pas trop déconner. »
J’aurais aimé en savoir plus, mais par réflexe Franck raccrocha. J’enclenchais le rappel automatique, aucune réponse.
Je commençais à paniquer.
« Tu ne touches quand même pas à ça ! »
De quoi voulait-il parler ? De drogue ? Jusqu’ici les joins du fort avait contenté Simon.
Evidemment j’allais glaner des précisions auprès de Franck sur l’appel.
Il me sortit histoire complètement bidon sur de l’argent que Simon lui devait.
Inutile d’insister.
Simon n’ayant pas de portable je me mis à appeler la chambrée du fort à force de paniquer. Heureusement je tombais sur Guillaume un des rares non-connards.
Il prit mon numéro de portable et s’engagea à me rappeler, s’il avait des nouvelles de Simon.
Ce n’est que le lendemain soir que j’obtins une information de la part de Guillaume. Il m’avait quelque peu oublié, le cannabis sans doute. Simon était rentré avec des marques de coups au sujet desquelles il se refusait à toute explication.
Chapitre 6
A peine la vingtaine et je constatais déjà du changement. A une certaine période une présence policière me faisait changer de trottoir.
Maintenant sous les drapeaux je bénissais leurs interventions au milieu de cette baston.
Il s’agissait de la police nationale, le service de secours précisément.
Après notre ramassage le policier chargé de m’interroger, n’était pas très agressif. Ses confrères et lui avaient compris que je ne faisais pas partie de la bande. Un bon point pour moi.
Cela permit de faire passer le mensonge comme quoi j’étais là par hasard et avais tenté d’empêcher l’agression.
La vérité était différente.
Le facteur déclencheur avait été l’article de journal fournit par Didier à mon retour de weekend.
Auparavant d’autres éléments s’étaient déjà cumulés par le biais de Justine, Franck, et des gendarmes.
Là c’était différent à cause du cadavre. Le cas devenait grave.
Durant le peu de temps passé avec Hamed, je l’avais trouvé sympathique. Sans oublier sa femme se débrouillant tant bien que mal avec le bébé.
Et en plus des renseignements, je détenais il est vrai un certain savoir-faire.
C’est ainsi que je me suis mis à enquêter sur l’affaire Hamed à la fois par compassion, devoir, et oisiveté.
Dénicher une piste se révéla assez simple. Les disparitions communes dans le temps d’OSMAN et de Hamed conduisaient à Malbousquet, et l’overdose indiquaient l’usage de drogue dure.
Il suffisait de lier ces deux conclusions. Ce que je fis en demandant par téléphone à Franck, qui amenait des stupéfiants violents à Malbousquet, un certain Michaël.
Après le boulot ou plutôt le service, je suis tranquillement allé me poster à la sortie de Malbousquet.
Cette première étape ne présenta pas non plus une grande difficulté.
Ma carte d’appelé me permit pénétrer dans l’Arsenal où se trouvait un plan à l’entrée. Il y était indiqué l’emplacement des divers bâtiments, le camp disciplinaire comprit.
La suite consistait à identifier le fameux Michaël, le suivre, et attendre qu’un indice se manifeste.
C’était assez hasardeux. Hélas je ne voyais pas d’autre possibilité.
Même si le contact de mon précédent patron (un vrai détective) m’avait procuré quelques vagues connaissances en matière d’investigation, je demeurais avant tout un adepte de la filature.
La suite révéla aussi facile. Déjà les roux se font rares. Et puis dans son groupe, ils parlaient forts y compris en s’interpellant par leurs prénoms.
Le genre meute qui au lieu de pisser pour marquer leur territoire, jouaient les terreurs.
Michaël possédait une sale gueule puant l’arrogance et assez grande. Car il jouait visiblement le rôle du meneur au milieu des cinq autres.
Je m’attendais à une sortie style : on traine au hasard dans les rues en quête d’une éventuelle saloperie à faire (une fille à emmerder, un type à tabasser….)
Puis il devint rapidement clair qu’ils avaient un but précis. Ils se déplacèrent dans la partie de Toulon surnommé Chicago, parlèrent à des gens, entrèrent dans des baraques…toujours l’air à l’affut.
Ils cherchaient quelqu’un ou quelque chose.
Puis ils se fatiguèrent malgré l’insistance, voir les menaces de Michaël. Ils bouffèrent dans un fast-food et rentrèrent sagement à la maison.
La bande remit ça le lendemain, moi également. Il se passait clairement quelque chose d’important.
Toujours pas repéré, j’assurais, non ? Il faut reconnaitre que leur attention était vraiment concentrée sur leur objectif.
D’ailleurs leurs tronches étaient plus sérieuses qu’hier. Ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille.
Ils se rapprochaient du but.
Au bout d’un peu plus d’une demi-heure, les hommes de Michaël investirent un immeuble.
Peu de temps après en sortis rapidement un type suivi par la bande qui s’en empara et le traina jusqu’à une ruelle.
Du peu que j’en aperçus leur victime était basanée.
L’excitation de toucher au but compensa ma peur, et me permit d’agir.
Malheureusement si pour le courage ça allait, la ruse laissait encore à désirer.
Pour ma défense, je devais agir vite.
Je me postais à l’entrée de la ruelle où ces sales cons venaient de dissimuler Hamed, et gueulais bien fort.
« Lâchez Hamed. J’ai appelé la police. »
J’espérais ainsi les décontenancer en jouant au génie déjà au courant et ayant tout calculé.
Quelques passants ralentirent et jetèrent un coup d’œil.
A part çà le seul véritable effet fut que le groupe de Michaël, surprit relâcha la pression sur son prisonnier.
Cela lui permit de crier un « au secours. »
Sa voix n’était pas celle de Hamed.
Je réalisais ça alors que deux des salauds se ruaient sur moi. Donc trop tard pour faire marche arrière.
Je parvins à en cogner un, que son camarade vengea immédiatement d’un coup de poing en pleine tempe.
La suite reste assez floue dans mon esprit.
Bien que sonné, j’ai plus ou moins résisté, des gens criaient, la police est arrivée, puis les arrestations ont suivi.
Plus tard j’ai su que des policiers se situaient à proximité à cause d’une autre intervention.
En résumé j’avais bénéficié d’un gros coup de chance totalement immérité.
Dans l’immédiat je songeais d’abord à ma gueule. D’où ma prétendue intervention héroïque et désintéressée.
Etais-je crédible ? Sûrement. De toute manière ma version collait certainement avec celles des passants. Et puis les agresseurs devaient sûrement avoir un sale pédigrée.
Le fait que l’équipe de Michaël et moi soyons tous des appelés était tout à fait crédible comme coïncidence. Nous nous trouvions à Toulon, une ville à soldats.
Toutefois les gendarmes eux étaient capables de faire le rapprochement à cause de leurs renseignements sur Hamed, et moi.
Les policiers m’avaient laissé un peu souffler avant de m’interroger. J’eu donc le temps nécessaire pour réfléchir à cette éventualité.
Il me semblait qu’en cas d’incidents de la part de militaires, on refilait l’affaire à la gendarmerie.
Ne voulant pas prendre de risque, je racontais au flic en face de moi que mon capitaine d’arme m’avait dans le nez, qu’il prendrait sûrement cette bagarre comme prétexte pour me pourrir la vie.
J’en rajoutais une couche sur le côté borné des gendarmes, au cas où la fameuse rivalité ne soit pas une légende.
Le policier ne fit pas d’histoire et effaça mon rôle là-dedans. A ses yeux j’étais qu’un brave type ayant fait face à six personnes dans le but d’empêcher une agression.
Je méritais bien cette petite faveur.
Désireux d’éviter le gâchis absolu, je tentais de glaner une info.
« Et les autres ? » Dis-je timidement.
« Les autres ? »
« Les agresseurs. Avec ma coupe ils ont sûrement compris que j’étais trouf… militaires. Et vous savez à l’Arsenal tout le monde se connait. Ils ne mettront pas longtemps à me retrouver. »
« Ne vous inquiétez pas. Il y en a quatre en cellule en ce moment même. Et vue leurs casiers, ils ne sont pas prêt de ressortir. »
« Ils n’étaient pas six ? » Répliquais-je avec un faux air innocemment en me ruant sur sa négligence.
« Les deux autres ont été identifié, et font l’objet d’un avis de recherche. Croyez-moi ils n’iront pas très loin. En tous cas ils n’oseront jamais remettre les pieds à l’Arsenal. »
Il était difficile d’en savoir plus sans paraitre suspect. Je laissais tomber et rentrais au fort.
Et voilà comment je venais de gâcher ma piste. Que mon seul suspect Michaël soit en taule ou dans la nature ne changeait rien. Il m’était inaccessible dans les deux cas.
Quant au type que j’avais sauvé, j’appris bien après qu’il s’agissait d’un petit dealer ayant l’habitude de couper dangereusement sa marchandise.
Pas le genre qu’on est satisfait d’avoir aidé.
Il fallait le reconnaitre, j’avais visé bien trop haut.
Le premier signe de violence, et je dérapais complètement. Sans la proximité miraculeuse de la police, qu’est-ce qui se serait passé ?
Comment avais-je pu envisager de fouiner dans une affaire comprenant un mort et de la drogue dure ?
Il était temps d’accepter la triste réalité.
Chapitre 7
Manutentionnaire chez Darty : en gros cela signifiait devoir entasser palette sur palette à s’en niquer les bras.
Voilà ce que faisait Hadrien de ses journées.
Lui aussi avait besoin d’oublier sa semaine. C’est pourquoi on se tapait une partie de billard ce samedi soir.
J’aurais peut-être mieux fait d’essayer d’arranger le coup avec Aurélie.
Sauf que les évènements de cette semaine me refilaient à moi aussi, l’envie de me lâcher un peu. Et j’y parvenais de moins en moins avec elle.
On a bien le droit d’être un peu égoïste de temps en temps, merde !
En milieu de soirée la partie déjà assez médiocre dérapa un peu.
Hadrien oubliant quelque peu où se trouvaient les boules, se mit à regarder en-dessous de la table de billard.
« Et qu’est-ce que tu fous ? » Demandais-je intrigué et amusé à la fois.
« Je cherche le numéro de lot. Mon chef me dit toujours de vérifier si les numéros de lot correspondent à ceux du bon de livraison. »
Je précise que nous ne tenions pas que des queues de billard entre les mains depuis le début de la soirée.
Comme le pile ou face m’avait désigné pour conduire sur le chemin du retour, je ralentissais la cadence avec les bières, et n’en étais pas au niveau de mon camarade.
Je tentais de m’amuser tout de même.
« Peut-être dans ce coin-là ? »
« Non il n’y a pas de numéro non plus. »
On poursuivit ce jeu encore une minute, puis Hadrien se releva.
« Je laisse tomber. Je ne trouverais pas. Moi je suis l’action. C’est toi la réflexion. »
« Moi la réflexion ? Je ronfle dans un bureau. »
« Me prend pas pour un con. Je ne parle pas du job. Je parle de notre contrat. »
« De quoi ? »
« Mais oui sur l’autre là…. Steve. Toi t’as trouvé où il créchait. Mais qui c’est qui s’en est chargé. J’ai assuré ce soir-là. Je me le suis choppé à l’entrée qui donne sur un local à poubelle avant chez lui. Personne pour nous emmerder. Et là je lui ai fait comprendre de plus casser les couilles à Manu. Il va pouvoir continuer à rien foutre maintenant. Enfin sans le pognon. Je ne peux pas tout faire non plus. »
On ne raconte pas de conneries quand on est bourré. En fait si on raconte que çà. Mais pas une histoire précise et surtout cohérente au niveau de l’aménagement des lieux.
Puis je connaissais suffisamment Hadrien maintenant pour comprendre, qu’il ne mentait pas.
A mes nombreuses heures perdues, j’avais finis par songer un peu à l’origine de la fuite sur Steve.
Nous n’étions que trois sur le coup, moi compris.
Manu était à rayer d’office. Soit il était incapable de garder un secret. Encore fallait-il qu’il trouve quelqu’un à qui en parler.
Sa compagnie il la payait, que ce soit les restaus, les places de concert, le cinéma, et même les parties de bowling.
Ces « amis » n’étaient donc pas assez fréquents et attentifs pour recevoir des confidences. Et quand bien même pourquoi causer des ennuis à la poule aux œufs d’or ?
Ce qui désignait d’office Hadrien comme coupable.
Le mobile ? La jalousie causée par le fait de trimer pendant que Manu le cul sur un canapé chialait sur son propre sort.
Une sorte de pétage de plomb après des années d’indulgence.
Hadrien ne m’ayant pas apparemment mentionné à Steve, je ne l’avais pas ennuyé là-dessus.
Et voilà que mes déductions partaient en miette.
Pourquoi diable Hadrien se serait-il chargé de protéger Manu de Steve après le lui avoir envoyé ? Ça ne tenait pas debout.
On pouvait y voir une mauvaise plaisanterie du destin.
Pour ce pauvre Hamed recherché, et avec une femme et un enfant en bas âge, j’étais incapable de parvenir à un résultat valable malgré mes efforts.
Par contre en ce qui concernait ce pourri-gâté de Manu, les indices me tombaient littéralement dans les bras sans que je ne demande rien.
Et bien le destin je décidais de lui dire merde ! Pas question de me fouler en l’honneur d’un mec comme Manu.
Cinquième interruption
Revoir Marseille m’avait remonté à bloc.
Cette ville était mythique à mes yeux.
Je ne parle pas des vendeuses de poiscailles, de l’OM, de la Canebière, et des buveurs de pastis. Je laisse ces conneries aux brochures touristiques.
Vous croyez sincèrement qu’il ne se vend que du poisson dans un port pareil ?
La moitié des trafics du monde doit y passer.
Et aux ploucs persuadés que Grenoble est le QG de la criminalité française, qu’ils me disent par où passait la french connexion, l’un des plus grands réseaux de cames du monde ?
Si t’avais des couilles, un cerveau, et pas envie de bosser comme un minable, cette ville était faite pour toi.
Après cette leçon de vraie géographie passons à mes emmerdes. Justement elles ne me lâchaient pas.
Le gendarme je connaissais déjà d’avant. C’était tenace pire qu’un clebs, et à peine moins con. J’étais parvenu sans trop de problème à atteindre Marseille.
Cette visite n’était pas uniquement nostalgique. Grâce à Justine je savais enfin qui me portait tant d’intérêt.
Pour dénicher Simon, je devais retourner à Toulon. Il y avait un risque, puisque j’étais désormais un déserteur. Et je pouvais être reconnu facilement là-bas.
Pourtant je m’en tapais. Cette visite je devais la faire. Question de principe.
Chapitre 8
Après une longue attente dans la cour et sous le cagnard, l’Amiral en visite se montra enfin.
Moi j’assistais à la scène d’un point de vue favorisé, celui des remparts. Comptant parmi les deux appelés de garde j’étais posté au drapeau pour la cérémonie alors que mon collègue en bas Thomas surveillait la porte comme d’habitude.
Je devais ce privilège à ma bonne entente avec Thomas et son statut de chef de liste. Toutefois ce service était spontané pas demandé. Donc aucun remord à avoir.
Cela résumait bien l’état d’esprit de la journée : un côté mitigé, neutre, politiquement correct sans être absolument obséquieux.
Le fameux amiral était loin d’être resplendissant. Il accusait le poids des ans comme on dit, sans être un vieillard décrépi non plus.
Il passa avec notre commandant les troupes en revu y compris les civils. La présence de ces derniers composants à vue de nez la moitié de nos effectifs, était facultative.
Malgré cela ils avaient tous solidairement répondus à l’appel en se la pétant un peu au passage.
Car malgré la chaleur des hommes portaient des costards-cravates totalement inhabituels. Une femme était même vêtue d’une sorte de manteau imitation fourrure ou plume en tous cas mauvaise dans les deux cas de figure.
Une connerie paritaire en somme.
Le temps passa lentement. Et encore moi je ne restais pas droit comme un I, privé du moindre mouvement.
Puis l’amiral et sa cour visitèrent les locaux, chambrées non comprises.
Les chambrées que le capitane d’armes venaient de nous faire nettoyer.
Les engagés s’étaient joint à nous pour cette tâche, du moins les jeunes engagés logeant encore sur place.
Et évidement le coup de serpillière ne suffit pas au capitaine d’arme.
Nos posters de cul dans nos chambres indigneraient ce pauvre amiral (politiquement correct toujours).
MAEC se doutait sûrement, qu’il ne mettrait jamais les pieds dans nos chambres. Son but se limitait seulement à nous faire chier.
Toutes ces photos tirées de magazines que nous avions eues pour pas un rond à la librairie des promos près du centre commercial, allaient devoir nous quitter.
C’est vrai que nous étions puérils et lourds sur ce coup là.
Où pouvait aboutir une vie dans laquelle notre seule initiative était l’heure de pisser, si ce n’est à la régression ?
On poursuivit tous ensemble notre tâche purificatrice. A l’exception de Tarek, qui lui n’était même pas là grâce à une PATC.
Comment MAEC avait-il pu gober une excuse aussi grossière ?
Une petite surprise nous attendait au self à midi. Pas un festin, juste une amélioration avec des crevettes en entrée afin de suivre la thématique du jour.
Finalement tout revenait à l’attitude du commandant avec l’amiral dans la cour : serviable, attentionné, pas rampant non plus.
Notre chef avait transmis son attitude à l’ensemble de la base le temps d’une journée même dans des détails insignifiants.
Voilà jusqu’où allaient la discipline et le sens de la hiérarchie. Impressionnant d’une certaine manière. Inquiétant également pour notre individualisme.
Ce raisonnement ne me vint pas sur le coup.
Le jour même au self deux de mes voisins m’en empêchaient d’y réfléchir. L’un par la parole, l’autre par sa seule présence.
Commençons par le second.
Depuis mon incident avec la bande de Michaël je m’étais pourtant résolu à ne plus rien faire sur la question de Hamed, ni même d’y penser.
Hélas je côtoyais tellement l’objet de mes préoccupations. Nous partagions la même chambre.
Hé oui il s’agissait de Vincent. Son intervention lorsqu’on me poussait sur la piste de Hamed, n’était-elle pas suspecte ?
Notre petit weekend m’avait informé partiellement sur son passé, ce qui expliquait son côté secret. Ce n’était pas le genre d’histoire qu’on aimait partager.
Et en creusant un peu, on y trouvait même la raison de son soutien envers moi.
Le pauvre devait avoir une réticence naturelle des forces de l’ordre et donc craignait que je les fasse venir.
Le raisonnement bien qu’un peu téléphoné sur ce dernier point, tenait à peu près la route.
Malheureusement mon weekend provoqua d’autres effets conduisant à d’autres réponses plus gênantes.
Soudain Vincent commença à devenir sociable. Il sortait avec nous, payait des tournées….
Cela suggérait qu’il disposait d’argent. Or d’après mes découvertes il n’aurait pas dû en avoir.
C’est alors que je compris où il avait pu se servir. Cette idée concordait avec le reste encore mieux que l’ancienne, et liait Vincent à Hamed d’une manière particulièrement dégueulasse.
Finalement comme pour Michaël, j’aurais mieux fait de m’abstenir.
Puisque je n’osais pas aller jusqu’au bout, c’est-à-dire pousser Vincent dans ses retranchements, le forcer à tout reconnaitre.
Toujours coincé par ma putain d’indécision, pas foutu de choisir entre cesser d’y penser ou agir en conséquence.
L’autre camarade de table, Didier m’abreuvait de paroles sur les techniques d’investigation.
Sans doute venait-il de lire encore un polar ? Ou alors il se doutait que les véritables origines de mes marques de coup n’étaient pas une prétendue agression hasardeuse.
Il est vrai que cela c’était produit le jour suivant où Didier m’avait montré l’article de journal.
Difficile à dire car même cette histoire n’était pas réelle pour lui. Il la voyait uniquement comme un jeu le rapprochant de son centre d’intérêt.
En ce qui me concerne le choix était simple. Soit je ruminais mes pensées sur Vincent dont la seule présence me rappelait ma lâcheté, soit je m’évadais en suivant les dires de Didier.
Le numéro deux était apparemment le mieux. Pourtant il s’avéra également être un mauvais choix.
Des brides que je saisis, Didier racontait la méthode basée sur le recoupement des informations.
Il fallait mettre en commun les dires des diverses personnes concernées par l’enquête, qu’on avait croisé. Normalement il pouvait en ressortir d’autres éléments.
Je devais absolument fixer mon attention sur quelque chose avant de péter un plomb. Et puis l’envie de reprendre l’enquête me démangeait sûrement inconsciemment.
Par conséquent j’effectuais cet exercice.
J’étais en mesure de ne citer que quatre protagonistes :
- Le gendarme DECROT
- Justine
- Michaël
- Vincent
Les deux derniers ne m’avaient rien fournit au sujet de Hamed en lui-même.
Je me focalisais sur les deux autres, et bien entendu je dénichais une piste.
Elle trainait sous mon nez depuis le début. En plus d’être lâche je me découvrais à présent stupide.
Vincent, Steve, et à présent cette découverte. Toutes ces interrogations me tombant dessus sans que je ne le demande.
Je décidais de leur dire merde une bonne fois pour toute !
Il était temps d’agir comme un véritable appelé avant que ça me pète à la gueule : attendre passivement la quille.
Sixième interruption
Tarek nous quittait. Nous avions pensé organiser une soirée un peu spéciale pour l’occasion.
En fin de compte nous allions picoler sur les hauteurs de la plage, à proximité du fort.
Avant nous effectuions un petit détour par le supermarché.
Tarek allait laisser un sacré vide, sauf en ce qui me concerne.
Je désirais réunir tout le monde, histoire de marquer le coup. J’avais déjà réussi à traîner Vincent. Et deux mots de Tarek, chassèrent l’idée même de proposer à Thomas de nous suivre.
J’avais fini par comprendre pourquoi il dénigrait tellement notre chef de liste. Ce type avait de la volonté, et était donc le seul à être capable de bousiller le rôle de meneur de Tarek.
Ce mec sous ses airs de comique de service cachait bien son jeu.
« Hé Guillaume ! » Me dit Jérôme à la sortie du supermarché. « On a bien tout ? »
« Le pack de bière, le whisky, » Vérifiais-je à haute voix. « la bouteille de coca, les gobelets. »
« Et une bouteille de vodka. » Ajouta Vincent en la sortant de son blouson.
« Balaise ! » S’exclama Jérôme devant la prise.
Vincent m’impressionnait. Même moi je n’avais rien remarqué pendant que je le suivais au rayon des alcools.
« Ce n’est pas très malin de l’exhiber juste à l’entrée devant les vigiles. » Répliqua Tarek dont la jalousie ne dominait pas malgré tout l’amusement.
Finalement seul Simon se foutait de cet exploit. Qu’est-ce qui lui prenait ainsi la tête ?
Sur le chemin de la plage je m’approchais de Vincent, qui causait à Jérôme.
« Faudra que tu m’apprennes ce coup là. » Dit Jérôme à Vincent.
« C’est juste une question d’habitude. » Affirma Vincent en souriant.
Et oui en souriant ! Son petit vol l’avait illuminé.
« Au fait Jérôme, ça donne quoi ton contrat ? » Sortit-il brusquement.
« Tu veux t’engager ! » Intervenais-je.
« Ça serait pour m’occuper pendant quelques temps. »
« Ton père il dirige pas d’une grande boite immobilière à Toulouse ? » Rétorqua Jérôme
« Comment tu sais ça toi ? » Répliqua Vincent étonné.
« C’est MAEC qu’en a parlé dans un de ces mauvais jours. Il racontait que vous étiez tous des sales bourgs avec preuves à l’appui. Alors pourquoi tu ne bosses pas dans sa boîte ? »
« Mon père je préfère l’éviter. » Expliqua froidement Vincent.
Le message était parfaitement passé. La discussion s’arrêta là.
De toute façon nous étions arrivés. L’heure de se bourrer la gueule commençait.
Nous manquions un peu de convictions, la lassitude probablement. C’est à peine si nous rigolions aux blagues de Tarek et encore par principe. L’ambiance se décontracta un petit peu en faisant tourner un join.
Jérôme commença à parler de ses escales en Afrique. Lui et les autres matelots étaient les seuls blancs et se faisaient repérer très vite. C’était justement là tout le problème.
Les noirs le fusillaient du regard. Même une fois dans quartier Jérôme avait échappé par miracle à un passage à tabac.
« Ils peuvent pas nous encadrer. » Disait-il.
On se demandait bien pourquoi. Avec un billet de cinquante balles les matelots se payaient des hôtels de luxe, y foutaient bien la merde, puis allaient aux putes.
Jérôme parlait en rigolant de la fille, qu’il avait enculé dans des chiottes, puis laissé dix francs.
Certains se marrèrent. Par contre personne ne protesta même moi. Bien sûr j’avais des excuses, mon état « évasif », la crainte de me faire jeter par les autres.
Et puis quel intérêt cela avait-il ? Jérôme rejoindrait sa copine à la fin de son contrat, deviendrait un bon père de famille, et ne se souviendrait plus de cette pauvre fille.
Une fois cette histoire racontée, un jeune assez caisse s’amena.
Il était si j’ose dire inconnu au bataillon, et ne comptait pas parasiter. Sinon il aurait souri au lieu de nous mater en silence.
Nous restâmes complètement inertes devant lui, incapables de deviner ce qu’il voulait. Au bout d’une minute, il se décida enfin à l’ouvrir.
« Il y a pas un pote d’Hamed ABIL parmi vous ? »
Simon ne réagit pas. On pouvait le comprendre. La rigidité de notre visiteur n’incitait pas beaucoup à la confidence.
Seulement tout le monde se tourna vers lui, sauf Vincent qui savait comme toujours se faire oublier. Même moi je participais à la dénonciation.
Mon cerveau ramollit, me permit de le regretter qu’après coup. Les autres aussi, je suppose.
Un oui racla la gorge de Simon désabusé.
« Faudrait qu’on cause. » Ajouta l’autre en indiquant l’escalier montant.
Simon le suivit sans poser la moindre question et en gardant sa gueule d’enterrement.
Il aurait pu faire preuve d’un peu plus d’enthousiasme. Aussi bizarre soit ce mec, il apportait des nouvelles de son ami.
Ne pouvant ni les entendre, ni les voir à cause les buissons, Tarek tenta de s’immiscer discrètement. On le rappela à l’ordre d’un geste commun. Il allait un peu trop loin.
Quelques instants plus tard Didier se décida à faire la première phrase complète depuis un bout de temps.
« Quelqu’un l’a déjà vu ce type ? »
La réponse devait être non, bien que personne n’eut vraiment le temps de la formuler.
Brusquement Simon s’étala au milieu de l’escalier. Au-dessus de lui se trouvait l’intrus un couteau dans la main droite.
Cet enfoiré descendait tranquillement les marches.
« Barrez-vous ! » Balança-t-il sans même nous regarder. « C’est pas vos affaires. »
Je ne sais pas si c’est parce que nous flippions trop ou pas assez. En tous cas personne n’obéit.
« C’est à toi de dégager ! » Répliqua Jérôme furieux en se redressant. « Nous sommes six, ducon. »
L’inconnu nous observa enfin. Nous nous étions tous levés comme Jérôme, histoire de prouver notre unité.
L’illusion ne tint pas une seconde. Notre adversaire d’abord ricana, puis exposa les faits, plus arrogant que jamais.
« Qui veut se faire planter ? Les autres n’auront qu’à profiter de l’occasion. Allez un volontaire. »
Il se la pétait tellement. J’ignore si j’en voulais plus à ce connard ou ma peur.
Jérôme fit un pas en avant, absolument pas suivi par les autres.
Ce qui amusa beaucoup l’intrus. Simon de son côté se releva enfin et fit face.
Me tournant le dos je ne pouvais pas savoir quelle tête il faisait. L’arrogance persistante notre adversaire laissait entendre, qu’il flippait autant que nous.
C’était incroyable tout le pouvoir que lui donnait cette foutue la lame sur nous.
Ce simple objet lui permettait de foutre en l’air notre fête, et de nous narguer en toute impunité. Il suffit pourtant de peu de chose pour s’en débarrasser.
Un projectile le frappa brusquement à la tête. Sous le choc il lâcha son putain de couteau et tituba le visage en sang.
Vincent sans que personne ne le remarque bien entendu, s’était emparé d’une bouteille de bière, et venait de lui balancer.
Il n’en était ni fier, ni soulagé. Il avait la même expression qu’à la fin d’un tour de garde, tout juste satisfait d’être débarrassé d’un ennui.
Alors que nous accusions encore le coup Simon vira d’un coup de pied la lame, et Jérôme enragé se rua sur le blessé.
Il vira presque Simon bloquant le passage, et foutu un superbe pain à notre agresseur. Ce dernier accompagné d’un bruit sec et puissant, vola littéralement. Jérôme savait visiblement bien cogner, et continua.
L’inconnu ne se releva même pas se contentant de gémir. Apparemment l’œil droit avait été gravement touché lors du lancé de bouteille.
De retour sur terre je gueulais à Jérôme d’arrêter. Il me lança un regard haineux, puis reprit.
« Faut le calmer. » Dis-je aux autres ne me voyant pas l’arrêter tout seul.
Et le dernier sur lequel je comptais, réagit.
« Je vais appeler les flics. » Annonça Didier en sortant son portable dans l’intention de calmer le jeu.
Jérôme surprit par la proposition, s’arrêta net.
« T’es niqué de la tête ! » Répliqua Tarek. « On pue la beu. Non ce qu’il faut, c’est dégager et avertir les flics d’une cabine, qu’il y a eu une baston et qu’un homme est blessé. »
« Quoi ! Tu veux qu’il s’en tire. Il a voulu buter Simon, merde ! » Gueula Jérôme en pointant du doigt l’homme toujours à terre.
« Il suffit de lui mettre un peu d’herbes dans ses poches. » Répondit Tarek. « Les flics penseront à le fouiller quand même. »
Il y a deux minutes il pissait dans son froc avec nous, et voilà qu’il proposait ce plan répugnant.
Je regrettais de moins en moins son départ.
Aussi dégueulasse que soit l’idée de Tarek personne n’ayant la tête à en trouver une meilleure, elle fut adoptée. Et d’après ce qu’on en sut, elle marcha.
Simon encore sous le choc fut incapable de nous expliquer les motivations de ce type.
Je n’ai repensé que plus tard à son shoot dans le couteau. Ce réflexe n’allait pas tellement avec son portrait de traumatisé.
Mais puisqu’il n’avait envie de rien dire, j’ai évité de l’emmerder là-dessus. De toute manière le lendemain, il avait déjà inventé une histoire bidon de quiproquos.
A mon avis seuls deux parmi nous étaient en mesure de le faire parler : Tarek grâce son bagout, et éventuellement Jérôme grâce à sa force de caractère.
Seulement l’un venait de se barrer et l’autre ne chercha pas plus loin sans doute pour des raisons similaires aux miennes.
En ce qui concerne l’inconnu, on apprit qu’il s’agissait d’un déserteur avec pas mal de saloperies à son actif, et était bon pour la taule avec ou sans cannabis dans ses poches.
Chapitre 9
Le quotidien s’améliorait au fort en ce qui concerne les appelés.
Déjà MAEC avait été muté ailleurs. Son remplaçant TULLY ne cherchait pas à nous piéger à tout prix. Il veillait seulement à la bonne tenue au sein de la base.
Quelqu’un de réglo, rien à voir avec le petit chef précédent.
Et surtout débutait l’opération Caravelle dans l’ensemble de la France. Durant une semaine des fus allaient tenter de s’infiltrer dans les différentes bases de la marine, une sorte de test grandeur nature.
En quoi était-ce bon pour les appelés ? Ces intrusions avaient lieu n’importe quand y compris la nuit. Or pour une raison que j'ignore, nous les appelés étions exemptés des gardes de nuit, sans doute le manque de confiance.
Nous assistions alors à une sorte de revanche sur toutes nos longues gardes à la porte d’entrée.
Pourtant je ne restais pas ce soir-là à la caserne dans l’intention de profiter du spectacle.
Officiellement comme mon camarade de chambrée Vincent, j’avais simplement la flemme de sortir, et envie d’une petite soirée tranquille.
Nous étions à la fenêtre à admirer la vue sur la cour intérieure secondaire. Ça laisse deviner l’ambiance.
Je racontais à Vincent une scène très kafkaïenne à laquelle j’avais assisté le jour même en étant de garde.
La consigne imposait aux visiteurs de passer par le responsable journalier du poste de garde, qui vérifiait sur son ordinateur, si la venue y était enregistrée.
A quoi servaient les appelés en faction devant la porte comme moi alors ?
Un couloir séparait le corridor de l’entrée, et la fenêtre du poste de garde. Donc l’engagé ne pouvait pas interpeller, celui qui négligeait de passer par lui avant de pénétrer dans le fort.
C’est beau l’organisation militaire !
Donc en ce jour de Caravelle nous avions eu une panne de notre réseau informatique. La maintenance était venue rapidement. Malheureusement l’engagé en faction ne voyant pas ses membres sur la liste affichée à son écran et pour cause, ne voulait pas les laisser entrer.
Au bout d’un certain temps le responsable de l’appel (un civil) songea à contacter le surveillant, et résolu le problème en se rendant sur place.
« J’espère ne pas avoir à faire un boulot aussi con une fois dehors. » M’exclamais-je en faisant allusion au surveillant du jour.
« Tu ne vas pas reprendre ton poste ? »
« Mon ancienne agence est en train de couler. Il y a peu de chance qu’ils me reprennent. Et ton engagement t’en es où ? »
« Je suis en train de voir. »
Nous étions au stade de la discussion amicale et inoffensive. Vincent n’étant pas sur ses gardes, la suite logique était d’amener en douceur la conversation sur le sujet m’intéressant.
Hélas je n’étais pas Tarek. En étant conscient je décidais d’entrer dans le vif du sujet avec toutefois un soupçon de velours :
« Tu devrais le faire. Tu n’es pas content de dormir de nouveau dans un lit avec un toit au-dessus ? »
Je prononçais ces paroles sur ton naturel et tranquille.
Malgré cela Vincent prit un certain temps avant de répondre et avec de l’hésitation dans la voix.
« Comment t’as deviné ? »
« La similitude, je suppose. Moi aussi j’ai vécu dans la rue presque deux ans. Et puis t’es revenu si frais de ta nuit blanche lors de notre weekend. Le signe d’un mec habitué à vivre dehors. »
Bien que je sois parvenu à présenter cette découverte comme un concours de circonstance et non une action préméditée, la méfiance de Vincent n’était pas endormie pour autant.
« Et pourquoi tu me le dis ? » Demanda-t-il toujours tendu
« Pour que t’évites de déconner. Qu’est-ce tu vas faire après la quille ? Tu n’as même pas l’air d’avoir économisé sur ta solde. »
Ce faux prétexte de solidarité était calculé dans l’attention de l’attendrir, d’endormir sa méfiance.
Vincent poussa d’abord un petit rire avec une pointe d’attendrissement avant de répondre.
« T’inquiètes pas. Je vais sûrement m’engager. Je dois simplement attendre un peu après la fin du service. »
« Pourquoi ? »
« Pour pouvoir le faire sous mon vrai nom. » Expliqua-t-il l’œil malicieux.
Je crois que ses révélations le démangeaient depuis pas mal de temps.
« Un fils à papa ne voulait pas faire son service. Alors comme je lui ressemblais son père m’a payé afin que je m’y colle à sa place. »
Il poursuivit en précisant que le fiston visant une carrière dans l’administration tenait à son certificat du bon soldat. C’est pourquoi son géniteur ne s’était pas orienter vers la corruption d’un médecin pour être déclaré inapte comme c’est souvent le cas lorsqu’on a les moyens.
De mon côté je n’écoutais plus beaucoup bien qu’un plan aussi tordu mérite de l’attention. Je venais de me prendre une véritable claque.
Ma théorie sur Vincent se basait partiellement sur sa honte de son passée de clochard le poussant à être discret.
Quant à ses moyens financiers, il était censé être à l’origine du vol de Lorient, et avait planqué une partie de l’argent dans le transistor d’Hamed dans le but de brouiller les pistes.
Et c’est toujours dans l’intention de se protéger, qu’il ne voulait pas d’enquête de ma part sur Hamed.
Car en attirant les gendarmes il subsistait un risque éventuel que la culpabilité de Vincent soit dévoilée.
En réalité il ne craignait que pour son usurpation d’identité.
Et moi qui m’apprêtais à user de la menace voir de la force, pour qu’il reconnaissance ses torts et dédouane par ricochet Hamed.
Je me sentais vraiment con.
Pourtant la rumeur sur le père friqué de Vincent aurait pu me mettre la puce à l’oreille.
Cet élément ne coïncidant pas avec mes conclusions, je l’avais mis sur le compte d’un délire de MAEC ou d’une déformation d’information quelconque.
Suivi un court silence avant que Vincent reprenne la parole.
« Au fait il te voulait quoi en réalité le mec au couteau ? » Me dit-il avec un sourire complice.
A présent à ses yeux nous étions amis et à l’heure des confidences.
Moi qui le voyais comme le pire des salauds quelques instants auparavant. Imaginez comment je me sentais.
Je fus donc bien obligé de répondre.
« Il est de Malbousquet et mêlé je ne sais pas trop comment à la disparition d’Hamed. »
Ça sonnait vrai puisque c’était le cas. Hélas cela n’éclairait pas tout.
Je poursuivis.
« Il savait que j’enquêtais dessus, et désirait que j’arrête. »
En enchainant vite le mensonge passa.
De ce que m’avait dit ou plutôt grogné Michaël, il cherchait uniquement à se venger de la venue de la police, que j’avais provoquée lors de leur action punitive à Chicago.
« Qu’est-ce qui t’as pris ? Je croyais que tu ne voulais pas t’en mêler. » Ajouta Vincent s’en se rendre compte qu’il me mettait encore plus dans l’embarra.
« J’ai sorti ça pour que rien ne remonte aux gendarmes. »
Après l’argument technique je passais au psychologique.
« Il est sympa Hamed. J’espérais l’aider un peu. Jamais je n’aurais cru que ça irait si loin. »
« Et maintenant ? »
« Je n’ai rien trouvé. Alors j’arrête. »
Face à mon honteuse impuissance Vincent n’insista pas.
Je venais de faire passer un sacrée baratin. La réalité était exactement l’inverse du moins depuis peu de temps.
Grâce à Didier j’avais trouvé une nouvelle piste, mais je ne voulais pas l’exploiter toujours à cause des emmerdes m’ayant frôlées à Chicago
Et puis Michaël était réapparu.
Abruti par l’alcool et la beue je l’avais suivi docilement sans même prévoir l’évidence du traquenard. Peut-être espérais-je des révélations ?
La vue de son couteau me ramena sur terre.
Ce danger était à la fois concret et incertain. Impossible de savoir jusqu’où Michaël comptait aller : l’humiliation, le vol, le passage à tabac, le meurtre…
A présent je suis sceptique sur ce dernier point. Trop de personnes à proximité (les appelés en l’occurrence), l’avaient vu. Mais sur le moment je ne poussais pas le raisonnement si loin.
Et malgré le risque, j’étais tout de même parvenu à réagir. Bien sûr la peur ne me lâcha pas.
Elle ne m’empêcha pas pour autant de me reculer subrepticement pendant que Michaël flambait avec son arme, et de… me vautrer comme une merde toutefois dans la bonne direction, la seule où se situait une aide éventuelle.
Je ne m’attarderais pas sur mon coup de pied dans la lame. C’était une petite précaution après que le véritable risque soit passé.
Quoiqu’il en soit le simple fait d’avoir répliqué face à cette menace, me procura confiance et fierté.
A la solidarité envers Hamed, à l’ennui, voilà que cette pointe d’orgueil plutôt puérile de ma part en s’additionnant, me procura la force nécessaire d’aller jusqu’au bout.
Et c’était la plus stupide des trois raisons.
Mon come-back débutait maladroitement. Mais au moins j’étais parvenu à résoudre le mystère de Vincent.
Septième interruption
Il n’y a rien de plus malléable qu’un sous-chef. Surtout quand on lui donne une occasion de se distinguer, et par la même occasion d’atteindre ce dernier échelon tellement frustrant.
Bien sûr ce n’était pas si simple. Un peu de présentation était nécessaire, si je voulais arnaquer convenablement le responsable en second de Mac Do à l’échelle départementale.
Ça ne sonne pas terrible dit ainsi.
« Alors mon échantillon vous a convaincu monsieur DAVET ? » Dis-je d’une voix mystérieuse.
Il faut toujours flatter le pigeon. Le persuader qu’il vit un de ses rêves, comme de jouer dans un James Bond.
« Totalement. » Admit DAVET avec un surplus de sérieux.
Il était sous le charme.
« La personne désignée s’est effectivement rendu aux deux établissements indiquées, aux jours indiquées. » Ajouta-t-il. « Mes hommes l’ont observée et constatée, qu’elle chronométrait effectivement le temps d’attente, et observait les lieux. »
Entre les trois répétitions en seulement deux phrases, et l’emploi du terme « mes hommes », j’en venais presque à croire qu’il se foutait de moi et non l’inverse.
Au premier contact sa connerie m’avait expliqué le fait qu’il ne soit que numéro deux.
Désormais je me demandais comment il était parvenu jusque-là. Enfin j’avais plus urgent à penser.
« Ça confirme que mes copies de sa feuille d’enquêtrice d’institut de sondage, et de son parcourt sont toutes deux véridiques, n’est-ce pas ? » Déclarais-je légèrement lassé de parler ainsi.
« Oui effectivement. »
« Vous achetez les autres alors ? » Rajoutais-je en brandissant ma valise avec un timbre de voix presque normal tellement j’en avais marre.
DAVET m’épargna un quatrième « effectivement » et me glissa silencieusement une petite enveloppe. Je comptais les billets histoire de faire professionnel, pendant que DAVET vérifiait le contenu de la mallette, puis partais.
Au passage la secrétaire me lança un regard noir. Elle avait parfaitement comprit qu’un mec comme moi, n’avait rien à faire dans ces locaux.
Elle était plus intelligente que son patron. Ce qui ne relevait tout de même pas de l’exploit.
Elle me rappelait, que c’était suspect de rendre à ce genre de rendez-vous fringué normalement.
Mais nettoyer la valise dégotté dans la poubelle en bas de chez moi, m’avait déjà pris du temps.
Si en plus j’avais dû acheter un costard. Je ne touchais que cinq mille francs.
Pour une somme plus importante, DAVET ou son supérieur aurait pris le risque d’avertir les flics en modifiant sûrement l’histoire préalablement.
« Il faut toujours viser petit » Comme il disait dans « C’est arrivé près de chez vous. »
La somme en poche je passais à présent à la redistribution. Déjà payer un resto à Sylvie.
Car les documents types je les avais piqués à cette véritable enquêtrice, le temps d’une photocopie.
Ensuite mon PC me permit de reproduire ces papiers en y ajoutant les parcours et les identités d’enquêteurs de mon invention.
Seul mon fameux échantillon était authentique. Il s’agissait bien évidemment des passages de Sylvie.
Avec approximativement deux heures de boulot, je m’en tirais pas mal. Je comptais me reposer un mois avant d’envisager un prochain coup.
Je vois déjà venir les accusations : fainéant, parasite…
Et quelle raison vous pousse à bosser ? Par devoir, pour mériter votre argent ?
Dans ce cas pourquoi jouez-vous au loto ?
L’argent y est acquit par hasard sans aucun risque, ni mérite. D’ailleurs qu’est-ce que les gens parlent de faire en premier s’ils y gagnent : envoyez chier leur patron.
On travaille par lâcheté, parce qu’on est sûr d’avoir un salaire qui tombe tous les mois sans la moindre vague, sans la moindre médisance.
Alors continuez de noircir du papier dans vos bureaux, et de visser des boulots dans vos usines. Personnellement je n’éprouve aucune honte.
Vous devez vous demander qu’est-ce que je viens faire là-dedans ? Ma philosophie vous vous en foutez si ça se trouve ? Chacun ses priorités.
C’était donc le lendemain de mon arnaque un samedi matin précisément, lorsque quelqu’un s’amusa à sonner chez moi. Il s’acharnait en plus. Je finis par céder et me levais.
Derrière la porte attendait un homme d’une vingtaine d’années.
C’était difficile de le décrire d’avantage : cheveux bruns, taille moyenne, corpulence moyenne, rien ne le distinguait vraiment. L’expression de son visage était également dans le ton, neutre.
« Bonjour vous êtes Lucas PHABET ? » Demanda-t-il d’un ton exagérément sérieux.
Il présenta une carte encore dans son portefeuille genre série télé américaine
« Simon BIEZ détective privé. On m’a engagé pour retrouver Hamed ABIL. J’aurais quelques questions à vous poser. »
Il était obligé de surjouer à ce point-là avec cette gravité excessive ?
Normalement dans des cas ainsi puants le malaise, je niais mon identité et prétextais un emménagement récent.
Sauf que le discourt en plus d’être lourd, était également surréaliste.
Je ne m’y connaissais guère en privé. Je savais tout de même que leurs services n’étaient pas gratos. Et je voyais mal quelqu’un payer pour retrouver Hamed.
C’était un pote d’accord. On ne pouvait pas le présenter non plus comme un VIP.
Le pire qu’il ait fait, c’était des petites magouilles avec moi, rien de bien méchant... enfin de mon point de vue.
Difficile de ne pas être intrigué dans ce genre de situation. Je matais alors attentivement la carte. Elle avait l’air authentique.
« Je » Fus le nouveau mot de son détenteur suivi par une hésitation sans doute à cause de ma méfiance flagrante.
De mon côté j’eus comme une sorte d’illumination.
« Lorient, hein ? » M’exclamais-je.
L’expression de gêne encore accentué de mon visiteur confirma mes soupçons.
« Hamed m’avait parlé d’un appelé là-bas, qui était détective privé avant. Il trouvait ça marrant. Il disait aussi que t’étais sympa. »
Ce n’était pas si dur à deviner au fond. C’était le seul lien entre Hamed et un investigateur indépendant.
Ma dernière affirmation détendit enfin l’enquêteur. Avant il ne savait pas trop à quoi s’attendre de ma part.
« Je suppose qu’elle est périmée. » Ajoutais-je amusé en pointant la carte.
Simon ne prit même pas la peine de confirmer.
Vu que la conversation allait durer, je lui fis signe d’entrer.
Il s’exécuta en hésitant toutefois.
Je décidais de détendre l’atmosphère en proposant un café.
« Tu sais. » Dis-je mettant de l’eau dans la cafetière. « Les gendarmes sont déjà passé ici pour la disparition d’Hamed. Rassures-toi je leur ai rien dit à ces connards. Toi c’est différent. T’es là pour voir comment il va ou lui filer des nouvelles de sa femme, hein ? »
Il répondit par un « oui » plutôt incertain. Je sentais même l’impression d’une certaine honte.
Je compris alors que sous la perspective d’aider ce type concurrençant les gendarmes, je m’étais quelque peu emporté.
Simon pouvait aussi en vouloir à Hamed et le chercher pour son propre compte et non des motifs altruistes.
Il était peut-être judicieux de prendre quelques précautions avant de tout lui balancer.
Je m’assis, et lui tendis une tasse de café. Je visais la familiarité propice aux confidences.
« Bon si je veux t’aider, il faut déjà que je sache où t’en es. Déjà comment t’es remonté jusqu’à moi ? »
J’abordais exprès ce sujet où il m’était facile de distinguer le vrai du faux, puisque j’en étais l’objet principal. On allait voir si un salaud se cachait derrière l’ex-privé.
Toujours dépassé par la tournure de notre rencontre, Simon ne se fit pas prier.
« Les gendarmes sont aussi passés nous voir pour la désertion. Au passage ils ont raconté qu’Hamed abusait sur les PA… perms maladies. Et sa femme s’est plaint devant moi, qu’il ne passait pas souvent.
Pourtant il devait bien aller quelque part pendant ses permissions en rab.
J’ai fait le rapprochement et creusé dedans faute de mieux.
J’ai songé au médecin, qui signait les certificats de maladie à l’insu de Justine. Il savait peut-être quelque chose.
Justine à ma demande a fouillé dans les papelards de la sécu d’Hamed et trouvé le nom du médecin. Je l’ai vu il y a une heure. Il m’a dit, qu’il l’avait fait à ta demande. »
« Quoi il m’a encore balancé ! Je comprends pour les gendarmes à la rigueur. Mais toi. »
« Le coup de la carte avec le discourt et tout, ça a marché avec lui. »
Après une petite rage intérieure à l’attention de mon con de toubib, j’appuyais innocemment sur une incohérence.
« Il y a un truc que je pige pas. Les gendarmes t’ont parlé sûrement juste après la désertion ? »
« Oui. »
« Ça date un peu. Pourquoi tu débarques seulement maintenant ? »
« Le fameux rapprochement. J’y suis arrivé, il n’y pas longtemps. »
Il aurait très bien pu prétendre avoir rencontré Justine plus tard au lieu de passer pour un crétin.
D’ailleurs l’emploi de son prénom par cet enquêteur de seconde zone suggérait une certaine familiarité.
Donc Simon était sincère avec moi et relativement proche d’Hamed.
J’étais donc rassuré sur ses motivations. Il tentait seulement d’aider un ami.
Il méritait bien quelques éclaircissements.
« Hamed passait ses congés maladies bidons chez moi. Justine se serait posé des questions, et il ne voulait pas l’inquiéter.
Par contre il ne m’a jamais raconté grand-chose sur le coin où les militaires l’avaient foutu, à part qu’il ne l’aimait pas.
Et je ne l’ai pas revu après sa désertion. Il ne m’a même pas avoué en avoir l’intention. »
« Hé merde ! » S’exclama le détective une certaine rage dans la voix. « T’étais ma seule piste. »
« Tu devrais t’adresser à Julien. »
« Qui ? »
« Un ami d’enfance d’Hamed. Il habite dans un village pas loin de Marseille. »
Je fournis d’autres noms à Simon, qui à mon grand étonnement en ignorait totalement l’existence.
En fait il connaissait à peine Hamed. Pourquoi diable se donnait-il tout ce mal, alors ?
Je me demande, s’il n’était pas tout simplement un peu con ou alors moi très égoïste.
Les deux possibilités étaient envisageables.
Chapitre 10
Je parvenais à faire encore plus fort. Ce n’était pas une soirée, mais la journée entière que je bousillais par le biais de mes obsessions.
Lucas n’habitait pas la porte à côté. Il me restait tout de même une partie de mon samedi une fois rentré ou plutôt il m’en aurait resté, si je ne m’étais pas obstiné dans mes investigations.
Il est vrai que je venais d’essuyer deux énormes plantages.
Mes prédictions sur Vincent s’étaient révélées complètement fausses, et il ne m’avait fourni que des informations sans intérêt dans mon enquête sur Hamed.
Ma technique d’approche avait été déjouée par Lucas en quelques secondes. Par contre il m’avait procuré des noms intéressants. Sauf que Justine aurait certainement pu me les donner, si j’avais songé à lui demander.
Pauvre Justine à qui j’avais apporté une lueur d’espoir en lui annonçant ma tentative de retrouver son mari.
Sa confiance était bien mal placée. Hélas elle ne disposait pas de beaucoup de choix, je suppose.
Non seulement mes pistes étaient foireuses, mais en plus je ne tentais même pas d’étudier les nouvelles qu’offraient les relations d’Hamed.
Sur le chemin du retour dans le train, je m’étais décidé à lever le mystère de la dénonciation de Manu.
Une action qui ne rapporterait rien à personne sauf la satisfaction à mon usage de résoudre une affaire.
Même si je le dissimulais derrière la vengeance et la conscience professionnelle, mon égo était à présent la force dominante.
Je crois que je cherchais aussi inconsciemment à éviter Aurélie.
Mon existence n’avait jamais rien eu d’exceptionnelle hormis ma vie de couple.
Comme disait un ami nous étions deux célibataires ensembles. On n’empiétait jamais l’un sur l’autre.
Et cette particularité allait prendre fin à cause d’une banale usure du temps.
C’était moins angoissant de se focaliser sur l’affaire Manu-Steve. On pouvait difficilement faire plus simple.
Une personne détenait obligatoirement la réponse : Steve.
Il suffisait de l’approcher subtilement, c’est-à-dire pas comme avec Lucas.
L’endroit était tout trouvé : le bowling. Steve n’oserait jamais fuir, frapper, ou gueuler sur son lieu de travail.
Comme élément de persuasion la mention d’Hadrien suffirait. Mon pote avait déjà fait ses preuves auparavant auprès de ce petit escroc.
Pour une fois il n’existait pas d’inconnu (à part l’identité de la balance), tout était maitrisé.
Sincèrement je n’y voyais aucune faille.
Il en subsistait tout de même une n’ayant rien de téléphoné d’ailleurs.
Steve n’était tout simplement pas à son poste ce soir-là. Ce devait être son jour de congé.
Hélas ma fierté n’était pas rassasiée. Au lieu de tout simplement repasser la semaine prochaine, il fallut que j’insiste bêtement.
Je questionnais un employé sur Steve : quand il repasserait…
Bien que l’employé en question soit réticent, je poursuivis, oubliant que mon seul véritable atout résidait dans ma discrétion.
Le grand balaise surveillant l’entrée ne fut pas long à venir. Je finis par comprendre et le laissait me raccompagner sans protester.
Sans doute à cause de cette coopération, le videur m’accorda un semblant d’explication :
« On en a eu marre de Steve, et de ses conneries. Pigé ! »
Un coup de chance que je m’éloignais. Sinon mon brusque sourire aurait pu passer pour une provocation.
Enfin un résultat satisfaisant ! Tout coulait de source à présent. La fuite sur la contre-attaque de l’arnaque à l’appareil photo, n’existait tout simplement pas.
Steve était coutumier de magouilles sur son lieu de travail. Cet état de fait était remonté aux oreilles de son employeur, qui l’avait lourdé.
Le viré par désir de vengeance fit la tournée des délateurs potentiels, Manu compris.
Ce n’était qu’une théorie, je le reconnais. En tous cas elle tenait la route et me satisfaisait.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas mené quelque chose à son terme.
Cette sensation était agréable et motivante.
Je me sentais prêt à rendre visite aux diverses connaissances d’Hamed, et qui sait à le retrouver.
Chapitre 11
Nous avions sacrifiés un jour de permission afin d’être présents ce jeudi matin dans ce petit café de Marseille.
Notre groupe était quelque peu isolé par rapport aux autres. Le seul connaissant l’un d’entre nous, moi à savoir, rejoignit notre table par politesse.
Ainsi ils étaient tous rassemblés autour de ma personne, ceux m’ayant aidé dans mes investigations sur Hamed : Lucas, Thomas, et Vincent en me révélant qu’il constituait une fausse piste (son aide étant involontaire Didier ne comptait pas).
La dernière pièce manquante vint à son tour : Justine.
L’ambiance déjà pesante s’accentua encore un peu. Thomas tenta de lui proposer de s’assoir, un geste humain et un peu naïf. Le but de cette femme n’était évidemment pas la causette.
Malgré le cliché du gentil couillon lui collant à la peau, j’ai toujours soupçonné Thomas d’en savoir plus qu’il ne le laissait paraitre.
D’après Guillaume il s’était renseigné peu après mon coup de fil pendant sa vigipirate.
Thomas avait certainement dû faire quelques rapprochements. Sans doute le tact le poussait à garder le silence.
« Tu viens faire un tour. » Me dit Justine.
Il était évident que cet instant allait venir.
Justine avait laissé son fils entre les mains de ses amis au café.
Pourquoi diable l’avait-elle amené ? Il devait avoir deux ans à tout casser. Qu’est-ce qu’il pouvait y comprendre ?
Je suppose que c’était par principe. Un peu comme pour la présence de Vincent et de Thomas, qui connaissaient à peine Hamed.
N’ayant jamais eu l’âme très romantique, cette notion m’échappait quelque peu.
On fit quelques pas, puis elle balança la fameuse question. Elle le fit de manière brute. Je crois qu’elle en avait tout simplement marre, et voulait en finir au plus vite.
« Alors ton enquête, t’as appris quoi ? »
Qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre à présent ! Le corps de son mari avait été découvert enterré dans un bois à proximité de Toulon, il y a quelques jours.
Les gendarmes à force de recoupements et de techniques scientifiques, étaient parvenus à ce résultat.
Il fallait s’y attendre que la fin de l’histoire soit apportée par les vrais professionnels
De mon côté je n’avais même pas eu le temps d’interroger, les fameux amis d’Hamed.
Remarque d’après ce que nous venions d’apprendre ç’aurait été probablement inutile.
Justine agissait je suppose pour les mêmes raisons la poussant à emmener son gosse assister à un enterrement dont il ne garderait aucun souvenir.
C’était son choix après tout.
« J’ai une explication pas très claire, et surtout aucune preuve. » Expliquais-je en guise d’avertissement.
« Je m’en contenterais. »
J’essayais que mes conclusions ne soient pas aussi brouillonnes que mes investigations. A vous de juger.
« La date de la mort approximative d’Hamed que les gendarmes t’ont donné. Elle correspond à une autre mais par overdose, celle d’un certain OSMAN.
Il faisait partie d’un groupe de connards de Malbousquet, le camp disciplinaire. Ils se shootaient tous avec une drogue frelatée. Lorsqu’OSMAN est mort à cause d’elle ils ont cachés le corps.
Puis après ils ont voulu retrouver le dealer.
Avant ça Hamed s’est retrouvé mêlé au décès d’OSMAN ou à sa dissimulation. Il a peut-être surprit une conversation ou des préparatifs sans le vouloir.
N’étant pas des leurs, ils ne lui faisaient pas confiance. Alors ils se sont occupés de lui plus tard. C’est pourquoi les corps n’étaient pas cachés au même endroit. L’instant, et les conditions étaient différents. »
Aurais-je pu y mettre plus de tact ? Je ne crois pas que c’était possible étant donné la situation.
Justine accusait le coup. Pourtant mon rapport ne contenait aucun détail choquant sur le décès de son mari.
La cause se suffisait à elle-même. Un hasard malencontreux et quelques salauds, il n’en avait pas fallu plus pour supprimer une vie.
La pauvre veuve atteignait ses limites. Elle parvint tout de même à baragouiner un remerciement d’après ce que j’en saisis.
Comme si je le méritais que ce soit pour mes actions ou leurs raisons.
Elle demeura quelques instants silencieuse avec moi à ses côtés ne sachant pas quoi faire.
La main sur l’épaule, la prendre dans mes bras, dire que j’étais désolé, dire qu’Hamed était un type bien….
Aucune de ces banalités ne me parut adéquate.
Puis Justine reprit la parole, et s’engagea un dialogue banal purement informatif. Nous n’étions pas en état de faire mieux.
« Bon je vais y aller. »
« Et ton gamin ? »
« Je me suis arrangé. Samira la grande brune au bar, le gardera cette nuit. J’ai besoin d’être un peu seule. Tu remercieras Thomas et Vincent de ma part. Ah et salut Richard aussi. »
« Richard ? »
« Oui un appelé, un roux baraqué. »
A cette annonce mon regard me trahit. Encore un plantage à mettre de plus sur mon compte.
Nous pensions en avoir fini. Et puis voilà que je devais révéler une horreur de supplémentaire à contrecœur.
Je ne disposais pas de la force nécessaire pour mentir ou me taire face à Justine.
Tout d’abord elle me procura des éléments confirmant l’évidence qu’il s’agissait de Michaël, et éclaira par la même occasion quelques points restés obscurs.
Michaël m’avait apparemment entendu citer Hamed lors de la sortie vengeresse, et également comprit que j’étais un appelé.
Peut-être qu’un de ses potes emprisonnés étaient parvenus à le contacter et à l’informer sur ce dernier point. Ou alors mon crâne rasé l’avait mis sur la piste.
Quoiqu’il en soit il remonta comme moi jusqu’à Justine.
Ensuite il endossa le rôle d’un appelé cherchant quelques camarades croisés pendant ses classes dont moi. Il prétendit également ne pas se souvenir mon nom.
Justine pensant bien faire lui fournit grâce à ma description, ce qu’il désirait : mon identité et l’endroit de mon affectation.
C’était comme si Michaël venait de me foutre une branlée.
Il m’avait retrouvé si facilement recherché par les forces de l’ordre sans les conseils d’un Didier, et à ma connaissance sans expérience dans le milieu de l’investigation.
Mon petit égo dégustait une fois de plus.
Puis Justine me ramena à la priorité. Elle avait donné, maintenant elle était en droit de recevoir.
Et pas de « oh c’est personne. » après toutes ces questions. Il ne fallait pas la prendre pour une conne.
Je décidais une fois de plus d’aller à l’essentiel. Seulement entre décider et appliquer.
C’est le regard fuyant et le timbre cafouillant que j’annonçais la vérité, et encore de manière détourné.
« Il est de la bande de connards. Il n’appréciait pas que j’enquête. Il m’a attaqué avec un couteau. Et… »
Justine finit ma dernière phrase si pénible.
« Et Hamed est mort d’un coup de couteau. »
Une fois ces mots prononcés elle s’appuya sur mur. Elle venait tout de même d’apprendre, qu’elle avait accueilli chez elle l’assassin de son homme.
« Où est-il ? » Demanda-t-elle avec une rage soudaine.
« En taule. » Je fus content de répondre.
Qui sait ce que Justine aurait été capable de faire sinon.
« C’est bien. » Dit-elle la tension un peu retombée.
Puis elle m’adressa un regard reconnaissant. Elle croyait à un acte volontaire de ma part, et non pas un plan improvisé par Tarek.
Bien entendu je culpabilisais. Mais il ne valait mieux pas en rajouter de mon point de vue.
« Et le couteau ? La police le détient. »
« Non. On l’a laissé sur place. »
Justine ne m’engueula même pas. Elle n’insista que sur l’urgence de retrouver l’arme.
Je m’y engageais bêtement, me prenant pour un justicier. La folie des grandeurs, c’est bien beau. Ça n’empêche pas la réalité pour autant.
Vous croyez que c’était possible de mettre la main sur cette lame paumée plusieurs jours auparavant dans un lieu de passage ?
Tout était finit. Il ne restait plus aucun mystère à résoudre.
Sauf le responsable l’argent volé à Lorient en supposant que cela ait une importance par rapport à tout le reste, et le dernier membre du groupe de Michaël à être encore dans la nature.
Le fugitif en question ne tarda pas à rejoindre ses camarades. Au moins ils ne seraient plus en mesure de faire du mal.
Une bien maigre consolation.
Huitième interruption
La vengeance, la vengeance véritable est une sorte de bataille et réclame par conséquent un sens aigu de la stratégie.
Une qualité dont j’avais su user en toute modestie.
J’avais planifié mon action à l’encontre de Steve comme une véritable chasse à l’homme en utilisant à bon escient les qualités de mes subordonnés.
Du fait de son ancienne profession Simon me servit de rabatteur. Hadrien avec ses talents de combattant et sa vivacité naturelle, se chargea de l’approche directe.
Sans vouloir paraitre insistant étant donné que je payais, Simon aurait pu mettre moins de temps avant de me fournir son rapport suite à sa filature.
Attendre une semaine me sembla très long. Je ne crois pas que ce fut tout de même un caprice de ma part d’agir avant ce délai.
Il faut toujours prévoir un plan B.
Ne pouvant pas dénoncer Steve à la police à cause de la nature illégale de notre transaction, je me suis adressé à son patron.
Ce brave homme n’apprécia, que ce type d’affaire ait lieu dans son établissement.
Il était aussi surprit par le comportement de son employé ou plutôt ex-employé.
Apparemment j’étais la seule personne à qui Steve avait osé s’en prendre dans l’enceinte du bowling.
Le pauvre était mal tombé. J’avais presque pitié de lui d’une certaine façon.
Lorsque Simon me révéla l’intrusion de Steve dans mon immeuble, j’ai préféré ne rien dire.
Pas par crainte d’être réprimandé bien sûr. En fait je… voulais voir comment mon idée de départ allait s’adapter à ce changement, une sorte d’expérience tactique grandeur nature en somme.
Je dois avouer qu’Hadrien s’en est bien sortit, bien qu’il ne soit pas parvenu à récupérer la somme volée.
Enfin du moment que ma sécurité était assuré et ma vengeance accomplie, le reste importait peu.
L’argent allait de toute manière bientôt rentrer.
J’étais sur un projet artistique révolutionnaire. J’allais mélanger mes photos avec des phrases poétiques de mon invention dans un système de diapositives.
Une fois diffusé sur internet, ça se remarquerait très vite. Et les propositions de contrats pleuvraient.
Chapitre 12
La quille !
J’avais pensé bondir de joie ce jour-là. Et en fin de compte je demeurais sans aucune réaction.
La première fois que je me suis assis dans ce bureau aux situations familiales, j’ai regardé le calendrier à la porte.
La date de ma libération semblait si loin. Il fallait bien faire avec.
Alors j’ai attendu. Comment ai-je pu supporter de rester autant de temps à rien foutre ?
J’y ai pris goût tout simplement. Et c’était certainement la cause de mon manque d’enthousiasme. La peur d’en revenir aux responsabilités, de ne plus se contenter d’attendre, me travaillait.
Je crois aussi que je ne réalisais pas.
Toutes ces tâches sans le moindre intérêt, ce temps perdu. Ça ne pouvait pas s’arrêter si facilement. Il existait forcément en réserve une dernière arnaque, un moyen de me retenir un peu plus.
Comme à mon arrivée je passais d’un service à l’autre faire signer ma fiche de sortie cette fois au lieu d’entrée.
Tout le monde me souriait, s’inquiétait, voulait savoir si j’avais un boulot de prévu.
Bande de faux-culs ! Tous les appelés ont dû subir le même cinéma à leur sortie. Comme si cette sympathie de dernière minute me laisserait une bonne image de trouffion-land.
Je n’y voyais qu’une dernière marque de mépris à l’ égard des PAM, des Putains d’Appelés de Merde.
Seul l’entretient avec le commandant divergea un peu. Il me reconnut d’un côté une certaine obéissance, et de l’autre un « manque d’investissement ».
« Pourquoi je me serais foulé ! »
Voilà ce que je crevais d’envie de lui balancer.
« C’est vous qui m’avez amené ici. Et pourquoi ? Pour me foutre dans un coin comme un meuble. Pas une fois il vous ait venu à l’esprit de m’employer réellement. Vous m’avez pris dix mois de ma vie par caprice. »
Evidemment je fermais soigneusement ma gueule, plus que d’habitude même. La crainte d’une maladresse de dernière minute.
Le commandant me sortit encore quelques phrases bateaux dont je me souviens en vrac :
« Dites-vous que vous serez un des derniers à avoir tenté cette expérience. Ça aura été l’occasion pour vous de faire un break. Vous aurez appris le sens de la hiérarchie. Croyez-moi tout cela vous servira plus tard. »
Un brin de conviction accompagnait ces platitudes. C’était possible que le commandant y croie. Il était malin surtout lorsqu’il s’agissait de gérer et d’évaluer.
Ma dernière signature me conduisit au capitaine d’arme TULLY. Droit, et direct il se contenta de me souhaiter sincèrement bonne chance, ni plus ni moins.
Les appelés eurent droit également à leur tournée d’adieu. Rien de très émouvant.
Il ne s’agissait que de rencontres de circonstances. L’ambiance, le fait d’être dans la même merde, tout cela brisa les barrières.
Jamais en temps normal des mecs aussi différents n’auraient pu cohabiter, ni même se croiser.
L’égalité républicaine, le seul bon truc à mon avis à tirer du service militaire.
Puis une fois la libération arrivée, la fine équipe se dispersa.
Tarek avait trouvé une copine avec un appart bien avant de se barrer. Il s’en sortirait toujours. Difficile à dire s’il allait me manquer.
Son acharnement insidieux à m’obliger d’enquêter sur Hamed avait été pénible, et son idée pour nous débarrasser de Michaël efficace.
Je suppose que cela s’équilibrait. Son charisme m’empêchait d’admettre complètement, qu’il s’agissait tout simplement d’un sale con.
Didier et son bac+4 étaient rentrés à Paris, et personne ne les regrettait. Ce type méprisait tout le monde moi compris, sauf Tarek à la rigueur, parce qu’il avait une plus grande gueule que lui.
Guillaume c’était l’inverse. C’est lui qui ne nous regrettait pas. Pas un coup de fil, pas de participation à notre ultime défonce. Il était bien trop gentil, pas à sa place au milieu de notre bande de salauds.
Peut-être dans l’idée de connaître la suite, j’ai laissé mon adresse à Vincent, qui s’appelait en réalité Jean.
Jamais il ne me donna de ses nouvelles. Toutes les spéculations à son sujet sont possibles y comprit qu’il est rempilé.
Malgré nos similitudes nous ne nous étions pas devenus véritablement amis au bout du compte.
Je me demande bien pourquoi je n’ai pas fait de même avec Thomas. C’est le seul avec lequel je me serais rapproché dans un autre contexte.
Oh bien sûr j’avais des excuses de ne pas lui avoir donné mon numéro comme la léthargie de la vie de caserne, qui vous fait tout oublier.
Sincèrement Thomas constitue mon unique regret hormis mes investigations.
Alors qu’elle était la véritable raison ? Ce devait être comme Guillaume, l’envie de tirer un trait sur cette période comateuse de ma vie.
Je fourrais le contenu de mon casier dans mon sac, et allais enfin à la porte.
A un pas près j’étais dehors, lorsque retentit une voix colérique.
« Halte là ! »
Bêtement j’y crus et stoppais.
« Alors tu m’oubliais ? » Enchaîna Jérôme, qui gardait l’entrée.
Désormais ça allait être leurs tours à tous ces petits contrats de se taper les sales boulots de ce genre.
Jérôme lui y échappait. Son contrat touchait à sa fin, et il sentait trop le vent tourner pour signer de nouveau.
Il était le seul de la bande à avoir baisé l’armée. Il n’en avait pas foutu tellement plus que nous sa période de navigation mise à part, et sans toucher une solde au rabais.
On se marra juste une dernière fois ensemble, puis se quitta.
Ensuite vient les « méchants », la bande à Michaël.
Connaissais-je au moins Michaël ? Je savais qu’il était prêt à tuer quelqu’un simplement à cause d’un risque ou d’une crasse à rendre. Ce détail suffisait à le définir : une pourriture.
Prédateur, mâle alpha, racaille… d’autres dénominations et points de vue existaient.
Le mien bien que simpliste, était à mon avis le plus judicieux.
Entre l’agression, la désertion, les histoires de drogue, et les deux cadavres, ils étaient mal partis.
D’après le peu que j’en sais, ils se sont chargés les uns les autres, dans toutes les directions possibles et imaginables. Tant pis pour le prétendu code d’honneur des truands.
En bout de course ils ont tous récoltés dans les huit ans. Ça me semblait un peu léger surtout avec l’assassinat d’Hamed.
Mais le but recherché était de régler ça rapidement et en silence, pas d’être équitable.
Lucas lui je le rangerais dans la catégorie des « gentils », ne lui voyant pas d’autres places. Je n’avais quasiment rien à dire dessus, l’ayant à peine connu.
Une fois sortie du fort, le bus, puis le train, tout se joua sur quelques secondes. Comme si les circonstances essayaient de me remettre dans le mouvement, la vie réelle.
Ce n’est que dans le régional que je me remis à penser. C’était le tour d’Hamed.
Presque toutes mes véritables activités de ces dix mois avaient tournés autour de cet homme.
Et j’avais si peu à dire dessus. Un mec sympa et …. c’est tout.
En ce qui concerne sa catégorie, il s’agissait bien sûr de celle des victimes, et pas forcément que de Michaël et ses complices.
L’armée avait bien merdé sur ce coup là.
Déjà avec un enfant en bas âge Hamed aurait pu être dispensé. Et surtout parquer les indésirables ensembles sans s’en occuper, était franchement irresponsable.
On fout la poussière sous le tapis et on regarde ailleurs. Tu parlais d’une attitude.
Ça ne pouvait que partir en vrille. Le cas de Franck le confirmait.
Au milieu de mes réflexions, j’oublie Justine.
J’ai gardé le contact avec elle durant quelques temps.
Sans doute m’avait-elle contaminé avec ses grands principes ?
On ne se connaissait pas, on ne s’appréciait pas particulièrement.
Seule mon enquête nous liait, Justine par reconnaissance, et moi par remord.
Alors forcément notre relation n’alla pas très loin.
Elle se résuma à une question : « Ça va ? »
Et à quelques réponses : « Pas trop. », « Un peu mieux. », « Mieux », et enfin « Oui. »
Plus qu’une heure avant d’être arrivé à destination. Qu’est-ce qu’il m’attendait ? Rien, ni mon ancien poste, ni ma copine.
Sur ce dernier point l’armée était innocente. Par contre pour le premier c’était plus discutable.
J’aurais pu anticiper le dépôt de bilan de mon agence, et chercher une place ailleurs.
Donc si je devais résumer mon service militaire se serait : une énorme perte de temps.
Je n’y vois qu’un point positif.
L’époque des « accidents » comme celui d’Hamed, et du temps perdu est à présent révolu.
Vous trouvez toujours que ce n’est toujours pas suffisant comme compensation ?
Il faudra vous y faire. Cette histoire n’a ni morale, ni happy-end.
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