Dans ta chambre, où le temps s'arrête ou s’égrène selon tes caprices, j’attends ton réveil. Ta volonté a toujours semblé capable de faire plier bien plus que les être vivants. Certains appellent cela du charisme ou une forte personnalité. Mais ce sont ceux qui ne te connaissent que de loin. Moi, allongé autant que faire se peut dans ce fauteuil inconfortable, j’en suis à me demander si tu laisseras le matin venir bientôt.
Ou si tu me laisseras étendu ici, dans ton obscurité préférée, encore longtemps.
Ca parait insensé à dire, mais j’ai la sensation que tu contrôles jusqu’à ces phases d’éveil ou de semi-coma entre lesquelles tu navigues ces jours-ci, que tu choisis à ta guise ton état de conscience préféré du moment et que j’en suis dépendant, moi, ton esclave favori.
La maladie a beau t’avoir diminuée physiquement, ta présence est toujours aussi forte. C’est étrange comme ton corps amaigri et ton visage blême arrivent encore à paraitre plus vivants que ceux de tes visiteurs. Dans ta chambre, où les âmes disparaissent, tu es la seule qui existe. Les autres, ceux qui viennent te voir sur ton lit de souffrance pour constater que tu n’as rien perdu de cet étrange pouvoir, restent plantés là debout, comme si les chaises réparties dans la pièce n’existaient pas. Et malgré que tu sois à présent incapable ne fut-ce que de te lever, dans leurs yeux hésitants danse la question : me conduiras-tu à ton fauteuil ? Ou me laisseras-tu là?
Qu’ai-je fait pour devenir ce que je suis ? Il y en avait d’autres à ta merci. Tu as veillé à t’entourer d’une nombreuse famille sur laquelle régner sans partage. Mais il n’a pas fallu longtemps pour que je m’avère être l’élu. Ton innocence préférée, que tu as tant aimé briser; ta récompense préférée, pour une vie que tu aimes à présenter comme exemplaire au monde extérieur ; ton sourire préféré, que tu as fait disparaitre avec délectation. Ton esclave préféré.
Et depuis si longtemps tu as étendu ton emprise sur moi que je suis suspendu à tes mots, je vis par ton souffle, il me semble même parfois que je ressens le monde à travers ta peau. Serai-je éternellement ici?
Ta force vitale dont personne ne peut nier la vigueur exceptionnelle, cette activité foisonnante dont ton esprit a toujours débordé, passe encore aujourd’hui toute entière dans ton regard hypnotisant. Ce n’est pas juste une étincelle de vie sur le point de s’éteindre, c’est un brasier toujours incandescent. Dans ta chambre, tes yeux brûlants font s'élever les flammes autour de toi. Laisseras-tu le feu s'éteindre bientôt, ou serai-je éternellement ici?
Tu m’as façonné à ton image. Je n’ai pas ta force de caractère ou ta volonté bien sûr, sans quoi j’aurais résisté, mais tout le reste tu me l’as inculqué, de ta passion préférée à ton jeu préféré, je suis devenu une pâle copie de toi. Tu as fait de moi en réalité ton miroir préféré. Et j’en ai tellement conscience que ta lente agonie me semble être la mienne également. Parfois je me demande si je partirai en même temps que toi, moi, ton esclave préféré.
Et en attendant ma délivrance par ta mort ou la nôtre, je suis suspendu à tes mots, je vis par ton souffle , je ressens les choses à travers ta peau. Serai-je éternellement ici?
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