Le Docteur passa sa main sur le cristal. Une marque rouge teintait à présent l’endroit où, en se faisant attraper, Jenny s’était cognée la tête. Il resta un moment silencieux. Les traits d’ordinaires si doux de son visage étaient tendus par la colère et le sentiment d’impuissance qui grandissait en lui. Stella le regarda, les yeux encore humides, ne sachant qu’ajouter. D’un coup, il se retourna, attrapa le poignet de Stella :
« Nous ne pouvons rester ici plus longtemps. Nous allons devoir trouver un autre passage pour les retrouver. Je ne sais pas ce qui se cache dans ce vaisseau, mais cette chose n’a pas l’air amical. Il nous faut être prudent. »
Regardant une dernière fois le mur qui les séparait de ses amies, le Docteur partit avec Stella dans les profondeurs sombres et inconnues de cet immense navire volant.
Il leur fallait trouver un autre passage pour revenir sur leur pas et retrouver les deux jeunes femmes. Mais bien rapidement, ils se rendirent compte que le vaisseau était un véritable labyrinthe. De nombreuses portes étaient fermées et celles restées ouvertes leur donnaient l’impression de tourner en rond. A plusieurs reprises, le Docteur essaya son tournevis sonic sur les différentes portes. La première s’ouvrit, mais les autres restèrent insensibles à l’action du Docteur. Très vite, il se rendit compte que le vaisseau avait intégré la technologie sonique et était capable à présent de lui résister. Le vaisseau avait donc la capacité d’apprendre, de retenir et de réagir. Cela ne collait pas à l’avancement technologique qu’il connaissait des Merivians. Il s’agissait là d’une intelligence artificielle visiblement très évoluée, capable de comprendre très vite et de réagir en conséquence. Cela était une nouvelle plutôt inquiétante et impliquait des problèmes supplémentaires en perspective. Car si cette intelligence artificielle expliquait la non-présence d’êtres vivants sur le vaisseau - peut-être était-ce un nouveau navire entièrement automatisé - discuter avec un ordinateur était à coup sûr beaucoup plus compliqué qu’avec un être vivant. Une intelligence artificielle est programmée pour répondre à certaines instructions et rien ne l’éloignera de son objectif, aussi évoluée soit-elle. Restait également à savoir si il s’agissait de cette intelligence artificielle qui venait d’enlever Rose et Jenny ou alors un autre forme d’intelligence, vivante, et qui aurait pris possession de ce vaisseau dirigé par un ordinateur. Un être dont l’ordinateur essayerait de se protéger en lançant un appel au secours à travers l’espace.
Ce que le Docteur ignorait, c’est qu’à seulement quelques mètres de là, Rose et Jenny était à présent en sécurité. Tout du moins, autant en sécurité qu’elles auraient pu l’être avec lui.
*****
Voilà ce qui s’était passé après que ces étranges lianes les aient tirées dans l’obscurité sans fin du vaisseau.
Tout d’abord traînées avec force, Jenny avait perdue connaissance et Rose continuait à hurler à pleins poumons, appelant le Docteur à l’aide. Tout à coup, les lianes prirent un virage serré à quelques mètres seulement de la porte de la grande salle où se trouvait le Tardis. Elles furent emportées dans un autre couloir qui ne leur était pas apparu lors de leur premier passage. Elles prenaient de la vitesse. Rose avait cessé de crier, cela ne servait à bien évidemment à rien. Le sol d’aspect inégal faisait sauter les jeunes filles dans tous les sens, se retrouvant tour à tour sur les dos et à plat-ventre. Mais d’un coup, la course déchainée s’arrêta. Une porte se ferma d’un coup, coupant nettes les lianes qui serraient les chevilles de de Rose et de Jenny. Les morceaux se détachèrent instantanément de leurs pieds et tombèrent au sol dans un bruit métallique. Rose tenta de se relever et s’approcha de Jenny. Elle aussi commençait à se remettre de cette course. Bien que violente, sa chute contre le cristal n’était pas vraiment grave. Son front saignait, plutôt abondamment d’ailleurs, mais la blessure était sans gravité. Il est vrai que les blessures à la tête sont toujours impressionnantes. Rose détacha le foulard qu’elle portait autour du cou et épongea la blessure qui saignait encore.
« Où sommes-nous tombées ? » s’interrogea Jenny, sans pour autant laisser la peur qu’elle ressentait transparaitre dans sa voix.
Elle alluma la lampe qu’elle n’avait pas lâchée, à sa grande surprise et éclaira les alentours.
« Je n’en ai pas la moindre idée. Je n’ai pas eu le temps de faire attention aux panneaux d’indications » ironisa Rose avec un sourire.
Jenny sourit elle aussi.
Une fois propre, le front de Jenny ne laissa apparaitre qu’une petite entaille. Mais une bosse commençait déjà à se former. Jenny posa sa main sur le foulard, le temps que la plaie ne saigne plus, ce qui était déjà presque le cas.
Les jeunes filles se levèrent et approchèrent de la porte qui, en se refermant, leur avaient certainement sauvé la vie. Au sol se trouvaient les morceaux de lianes qui les avaient entrainées. Jenny en ramassa un.
« Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ? On dirait du métal ! Mais c’est du métal ! Et pourtant, on aurait dit que c’était vivant. »
« C’est vrai ! C’est très intriguant ! »
Dans la main de Jenny reposait un morceau de métal, tressé comme une corde, ce qui lui conférait une souplesse incroyable. Le bout effilé, comme une queue de tyrannosaure rex, laissait apparaitre un orifice qui continuait à envoyer de petits éclairs électriques. Quant à l’autre bout, il avait été sectionné de façon nette et précise lors de la fermeture brutale et salvatrice. On pouvait alors observer l’étrange structure interne de ces terrifiantes lianes.
Jenny vérifia que son front ne saignait plus puis enleva le foulard de Rose. Elle se redressa :
« Nous ne pouvons rester ici ! Nous devons absolument retrouver le Docteur et Stella. »
« Le plus simple serait de revenir sur nos pas, enfin, si on peut parler de pas. Peut-être que par hasard, le passage sera ouvert. »
« Cette proposition me semble la plus logique » compléta Jenny.
Puis, réfléchissant deux secondes :
« Logique ! Ça y est, voilà que je me prends pour un Vulcain ! » et elle se mit à rire.
Le rire était son meilleur traitement contre la peur. Cela avait toujours été le cas.
Rose la regarda en souriant. Puis les deux jeunes femmes rebroussèrent chemin. L’endroit était encore moins hospitalier que la grande salle ou le premier couloir. Encore plus obscur, celui-ci était en plus humide et malodorant. Cet espace rétréci ne leur disait rien qui vaille. Le chemin leur avait semblé bien plus court, tiré par ses terribles lianes. Surtout à Jenny, qui finalement, ne s’était rendu compte de rien. Afin de détendre un peu l’atmosphère, Jenny et Rose discutaient de tout et de rien. Puis Rose demanda où et comment elle l’avait rencontré, ainsi que le Docteur, mais pour seule réponse, elle eue droit à un « C’est pas l’heure ! » accompagné de léger mouvement de tête et d’un levé de sourcil plus que caractéristique.
Rose eue soudain l’étrange sensation d’avoir devant elle une version féminine du Docteur. Ou plus exactement du New New Docteur, autrement dit le Dixième. Bien qu’elle ne le connaisse pas encore vraiment très bien, elle commençait à découvrir cette nouvelle régénération de son Docteur. Et il y avait quelque chose dans le regard, dans les expressions de Jenny, quelque chose de commun, comme un trait de famille. Ou alors, c’est qu’elle le connaissait vraiment, mais alors vraiment très bien et l’imitait sans même s’en rendre compte. Jenny ajouta tout de même :
« Tout ce que je peux te dire Rose, c’est ce que j’ai déjà dit au Docteur tout à l’heure, qu’il est comme un père pour moi. Et toi, ma très chère Rose, tu es comme une sœur. Si tu en veux la preuve, je me permettrai d’ajouter juste cela… »
Elle s’approcha de l’oreille de Rose et lui murmura quelque chose. Ce geste pouvait paraitre insolite dans ce lieu où elles représentaient les seuls êtres vivants. Mais cette expression de la connivence, ajoutée à ce que Jenny révéla fini par convaincre la jeune femme. Elles étaient effectivement vraiment très proches, de grandes amies à n’en pas douter. Restant un moment sans ajouter quoi que ce soit, elles continuèrent leur progression dans les couloirs humides. Elles ne voyaient pas à plus de quatre mètres, bien que la torche soit allumée. Il leur était impossible de savoir exactement où se trouvait la porte. Jenny avait sorti son rouge à lèvres sonique et balayait régulièrement les murs, dans l’espoir de trouver un passage.
« Un rouge à lèvres » s’exclama d’un coup Rose, avec un grand sourire, bien que quelque peu crispé.
« Et oui, Il a toujours eu des idées incongrues. Et tu connais pas la meilleure ! Si je le tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, un très joli rouge corail apparait. Il trouve que cette couleur me va bien au teint » dit-elle avec un clin d’œil.
A ces mots, Jenny et Rose éclatèrent de rire et leurs voix résonnèrent en un écho, se propageant comme une vague invisible.
« Je te parie que le Docteur va entendre cet éclat de rire et va se demander ce que c’est… »
Et ce fut reparti pour un nouveau fou rire.
Après ces quelques secondes de détente qui suivirent cette discussion cent pour cent féminine, le sentiment d’être perdue refit son apparition. Afin de rompre la monotonie et surtout diminuer l’angoisse qui commençait à atteindre Rose et Jenny, la première posa une autre question, espérant qu’elle pourrait lui répondre.
« Jenny, dis-voir, tu étais à l’hôpital à cause d’une blessure à l’épaule, c’est bien ça ? »
« Oui. »
« J’espère qu’après tout ce que nous venons de vivre, tu ne te sens pas trop mal. Le docteur Kelly nous a dit qu’on t’avait tiré dessus. C’est terrifiant. Que c’est-t-il passé ? »
« Ça, je ne peux pas te le dire, mais il ne faut pas t’en faire pour moi. »
S’approchant un peu plus de Rose, Jenny murmura :
« Je vais te révéler un secret. Je n’arrive pas expliquer le pourquoi du comment de ce miracle. Mais à plusieurs reprises, vois-tu, j’ai été blessée lors de mes aventures avec le Docteur, parfois même assez gravement. Nous avons alors découvert qu’il suffisait que je me retrouve dans le Tardis et les blessures guérissaient d’elles-mêmes. Le Docteur pense que cela doit être dû à une connexion énergétique entre moi et le Tardis. Il ne m’en a jamais dit d’avantage... Ou alors il n'en sait pas plus. Mais tu peux me croire, cela est extrêmement pratique, ajouta-t-elle avec un clin d’œil. Cette connexion est tellement importante que si j’appelle le Tardis, et ce où que je me trouve, elle viendra à ma rencontre. Tout à l’heure, par exemple, j’ai pensé très fort au Docteur et au Tardis. J’étais terrifiée par l’idée de la venue de ces hommes armés, le Tardis a très certainement ressentit ma peur et elle a répondu à mon appel. Mais elle est venue un peu trop tôt, c’est pourquoi vous ne me connaissez pas encore. J’ai toujours redouté ce jour, sachant qu’il arriverait certainement à un moment ou à un autre... Voire même plusieurs fois, ajouta-elle en secouant la tête... Et, tu peux me croire j’en suis vraiment désolée. Cela a dû être plus que perturbant pour vous. »
Rose baissa la tête. C’était vrai que cela était perturbant, pour tout le monde, mais elle n’y était pour rien. Elle continua donc.
« Et tu es humaine ! »
« Oui, je le suis, mais avec deux cœurs! C’est effectivement très étrange, sans parler du fait que je connaisse un Seigneur du Temps, oui, je sais.... »
Faisant une pause dans son monologue, elle réfléchit un instant puis son regard croisa celui de Rose. Les deux jeunes femmes commencèrent en même temps leur phrase, mais Jenny fit un signe de la main à Rose :
« Je sais, je sais, ne dis rien : il a cru que j’en étais une, une Dame du Temps, je veux dire. Et bien non ! continua-t-elle tristement. Ca a dû lui faire bizarre et je m’en excuse du plus profond de mes deux cœurs ! » ajouta-t-elle avec un nouveau clin d’œil, pour repartir sur une note moins sombre.
Puis la jeune femme ajouta :
« Je ne m’explique pas cette coïncidence physiologique. J’en sais tellement peu sur moi, sur qui je suis réellement. Le Docteur ne m’a jamais dit comment il m’a rencontré, enfin je veux dire, ma première rencontre avec lui. Il sait plus de chose à mon sujet que moi-même. Il est tombé sur moi alors que je n’étais qu’une enfant. Or, je n’ai aucun souvenir d’avant mes huit ans. Je pourrais même ajouter qu’il est mon premier souvenir. Je me rappelle de m’être réveillée et il était là, devant moi. J’étais allongée sur le sol, tout n’était que décombres autour de nous. Il m’a pris dans ses bras et m’a amené à bord du Tardis. Oui, il est mon premier souvenir. Il m’a connu bien avant cet évènement, mais il reste muet à ce sujet. Il ne m’a jamais rien dit à propos de mon passé, avant tout ce premier souvenir je veux dire… »
Puis s’arrêtant net dans sa phrase :
« Oh ! Mais j’en ai déjà trop dit ! Oh, Rose, s’il te plait, promets-moi de ne rien lui dire de cette conversation ! Il ne doit pas savoir. C’est son futur. C’est lui-même qui m’a demandé ça et je me dois de le respecter. Tu sais comment ça marche...»
« Je te le promets ! » affirma Rose avec un sourire, plein de compassion et de tendresse.
Rose avait écouté avec attention tout ce que Jenny venait de lui conter de son passé. Et d’un seul coup, Rose stoppa net son élan et se retourna vers Jenny :
« Mais, au fait, comment sais-tu qu’il sait que tu as deux cœurs ? »
« J’entendais tout ! Lorsque j’étais inconsciente, je veux dire. C’est assez étrange, mais le Tardis me transmettait tout ce qu’il percevait, comme si j’avais été réveillée. Ce fameux lien. Je ne comprends pas tout mais… »
« C’est incroyable ! »
« Oui, je sais, ajouta-elle en souriant. Tout à l’heure, quand Stella a découvert que ma blessure était complètement guérie, elle a affirmé que cela était impossible. Je ne savais pas quoi lui dire alors je lui juste dis que rien n’était impossible, vu que c’était sa propre devise… mais je l’avais entendue prononcer cela alors que j’étais inconsciente, je peux te dire que ça lui a fait un choc, la pauvre ! »
« C’est vrai qu’elle avait affirmé au Docteur que rien n’était impossible, dit Rose en riant. C’est une femme qui semble forte et déterminée, mais toute cette aventure est si soudaine et si terrifiante, j’espère qu’elle ne va pas perdre la raison à cause de ça. Je l’aime bien, elle est vraiment gentille, si… »
« C’est vrai qu’elle… »
Jenny ne continua pas sa phrase, ses yeux se figèrent sur ce qui se trouvait dans le dos de Rose. Elle se retourna et un sourire illumina son visage.
« Une porte ! » s’exclama-t-elle.
Mais au même instant, la lampe s’éteignit brusquement. Et les jeunes filles n’eurent d’autre choix que de suivre ce nouveau chemin, une paroi venait de fermer l’autre couloir.
De plus, le passage remontait vers l’endroit où devaient se trouver le Docteur et Stella. Les deux jeunes femmes se lancèrent donc d’un pas décidé dans ce nouvel endroit, guère plus attrayant et apparemment tout aussi interminable que le premier.
Mais après seulement quelques mètres, elles entendirent la porte glisser lentement, refermant le passage. Elles restèrent sans bouger. La luminosité, déjà faible, était devenue quasi-inexistante.
Alors que tout était absolument silencieux, le vacarme assourdissant des quatre coups se fit à nouveau entendre. Jenny et Rose se rapprochèrent l’une de l’autre. Les coups se répétèrent plusieurs fois. La terreur les paralysa quand soudain…
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