Un chapitre charnière du Mythe des Arbres Orgueilleux. Vu la longueur du Mythe des Arbres Orgueilleux, je pense le scinder en tome pour des raisons de commodités de lecture. Bien sûr, le Mythe des Arbres Orgueilleux reste le Mythe des Arbres Orgueilleux et je ne vais pas mettre de titres pour les tomes. La division par tome vise à faciliter la compréhension et à marquer les différents mouvements du récit... Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. ^^'
Bref, j'espère que ce chapitre plaira, et accrochez-vous parce qu'il se passe tonne de choses !
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Lourd ennui d’un original,
Qui désire une grande guerre.
Un messager assez amer,
Devra affermir son mental.
Aubaine d’un jour : une pierre,
Contre un peu de lumière.
Ucobo s’assit sur un banc en pierre, lâchant son épée d’entrainement. Il avait les muscles en feu et la respiration haletante. Le vacarme sur sa gauche lui fit tourner la tête.
Une douzaine de soldats venaient de débouler dans la place. Ucobo en avait croisé un si grand nombre ce matin qu’il aurait pu légitiment affirmer que Tarem était assiégée. Le Majah de l’Ojalah, Nirco Menvem, avait doublé voir triplé les gardes en cuirasse écarlate dans les rues. Mais ce n’était pas le plus surprenant. Voilà quelques jours qu’il avait commencé à rassembler son armée aux portes de la ville. Déjà, un bon millier d’hommes campaient autour de Tarem, leurs tentes frappées de l’emblème de l’Ojalah : deux montagnes dont les sommets s’écroulaient l’un sur l’autre, les fameux Lutteurs des Penyas. Et à chaque lever de soleil des centaines de nouveaux visages venaient grossir les rangs.
Mais les hommes qui trottaient sous les yeux d’Ucobo ne portaient pas les armoiries de l’Ojalah. Ils avaient la tunique brune et verte et leurs épaulettes arboraient une grappe de raisin. Ils venaient sans aucun doute du Naravan. Leur capitaine, un gaillard au port droit et au visage autoritaire, lui jeta un coup d’œil, semblant le jauger. Finalement il dû estimer qu’un manchot armé d’une épée d’entrainement ne représentait pas une grande menace car il détourna la tête.
Trois délégations étaient arrivées ce matin à Tarem, menées par les Majah Alhya Emadelle, Gul Griefan et Sanin Belin. Ce qui signifiait que le château abritait actuellement les dirigeants de quatre des seigneuries de l’alliance des sept domaines. Même si Ucobo n’avait aucune idée de ce qui se préparait, il était évident que des décisions d’importance majeure étaient prises en ce moment. Les Ruhons partaient-ils en guerre ? Ce ne serait pas étonnant : les nouvelles des terres marchandes n’étaient pas bonnes. Le Daradel’Itati avait été attaqué par des deziens, probablement par les Maraudeurs, et l’académie d’Aulnom avait brûlé. Venant du nord, il semblerait que les Majah du Nirez et de Tomroe aient été assassinés et on murmurait que les cultistes de Gener étaient derrière tout ça. L’atmosphère était donc à l’inquiétude générale.
Considérant la pause terminée, Ucobo se releva et adopta une des postures de base du Klemoï : le chat-qui-veille. Il ressentit une douleur insistante au niveau des côtes, mais bien plus faible qu’hier, et cela n’avait rien à voir avec la souffrance ressentit il y a trois jours. Il s’était rétabli en un temps record. Son corps devait être aussi avide que lui de voir ce qu’il pouvait réaliser avec sa main gauche. Et le bilan était… décevant, il fallait l’avouer. Sa garde était faible et hésitante, son poignet manquait de souplesse et de précision et par-dessus tout, son équilibre laissait à désirer depuis qu’il avait changé de pied d’appui.
Mais Ucobo était positivement sûr qu’avec un bon entraînement, il parviendrait à réduire l’écart entre son niveau actuel et le niveau qu’il avait auparavant. Quant à devenir Lectavis… il n’était pas question d’abandonner maintenant. L’Ambulant fendit l’air de son épée, exécutant un coup d’estoc en direction de l’épicéa en face de lui.
-Qu’est-ce donc ? Un vieillard en fin de vie qui pointe le sol avec sa canne ?
Ucobo rabaissa subitement son bras et se retourna, découvrant une splendide blonde aux yeux bleus. La femme en tenue émeraude avait pris une pause sévère et son regard le jaugeait froidement, semblant déterminer s’il était du lard ou du cochon. Beaucoup d’hommes auraient certainement donné cher pour pouvoir l’approcher. Mais en trois jours, Ucobo avait appris à connaître Khessia et savait que son adorable visage de poupée cachait un esprit froid, hautain et plein de sarcasmes. Malgré cela il ne se lassait pas d’admirer ses traits ciselés à la perfection.
-Je n’espérais pas que tu sois un bon combattant mais là… On dirait un babouin qui a trouvé un bâton.
-Je me débrouillais mieux avec ma main principale. cru bon de remarquer Ucobo.
Khessia éclata d’un rire cristallin.
-Peut-être. Mais tout est relatif. Au vu des habitudes que tu as gardées tu devais être médiocre voir mauvais. Ton centre de gravité est trop statique quand tu bouges, tu serais une cible facile pour un adversaire expérimenté. Et quand tu frappes tu ne pivotes pas assez les épaules, du coup tu utilises la force de tes avant-bras et non celle de tes bras. Actuellement un enfant pourrait te désarmer.
Ucobo serra les dents. Ressentait-elle toujours le besoin d’en rajouter une tonne ? Il se sentait suffisamment pitoyable comme ça, nul besoin qu’elle l’enfonce encore plus ! Sous l’œil de l’Esprit-monde, il détestait cette femme !
-Cela dit… C’est peut-être une bonne chose que tu sois forcé d’utiliser ta main gauche. Cela va nous permettre de repartir plus ou moins de zéro. Tu es encore jeune après tout.
« Repartir de zéro » ? Et depuis quand perdre sa main principale était une bonne chose pour un épéiste ? Il y avait-il la moindre once de compassion dans le cœur de cette Esprit-lame ? Mais le plus choquant était…
-« Nous » ? répéta bêtement Ucobo.
-Bien sûr que oui ! Te laisser dans cet état-là serait équivalent à te sacrifier sur un autel quand Naplot voudra te mettre à l’épreuve !
Ucobo dévisagea son interlocutrice. L’Esprit-lame ne lui avait pas vraiment posé la question. Elle était partie du principe qu’il accepterait. Pour être plus exact elle semblait se moquer ouvertement de s’il était d’accord ou pas. Du point de vue de la jeune femme, le former à l’Art du Klemoï était nécessaire à sa survie. En fait elle devait considérer la condition actuelle de l’Ambulant comme un handicap pour la mission qu’elle s’était fixée : s’assurer qu’Ucobo reste en vie jusqu’à ce que la prophétie ait lieu. Ou du moins jusqu’à ce que les Prophètes se soient décidés sur son sort.
-Et ta jambe ? demanda Ucobo.
L’Esprit-lame avait toujours la jambe enroulée d’un épais bandage, et elle ne serait pas arrivée ici sans son bâton. Quoi qu’elle puisse dire, Khessia n’était pas en état de combattre.
-Qui a dit que je m’entrainerai avec toi ? Tu t’entraineras et je critiquerai.
Autrement dit il passerait pour un idiot à pourfendre le vent pendant des heures tandis qu’elle dénigrerait ses moindres mouvements.
-Non merci. Je pense que je m’en sortirais tout seul. assura précipitamment Ucobo.
Khessia grogna dangereusement. Comble de l’ironie, Ucobo la trouva jolie ainsi.
-Ne fait pas l’imbécile. Tu veux te venger de ceux qui t’ont mutilé n’est-ce pas ? Ca me met en rogne de devoir l’avouer, mais ces fanatique de Gener sont forts, tu n’auras aucune chance contre eux à ton niveau. Mais avec un peu d’entraînement…
Il n’eut pas le temps de répondre que déjà, Khessia se frottait le menton, un air dubitatif sur le visage.
-Rien n’est moins sûr cependant. temporisa l’Esprit-lame.
Ucobo la regarda, ahuri. Essayait-elle de le convaincre là ? Sauf que… le plus frustrant était qu’elle avait raison. Ucobo ne parviendrait probablement jamais à se hisser au niveau d’un Lectavis, et quant à se venger des cultistes de Gener… C’était une douce illusion.
L’Esprit-lame le saisit soudain par le col et lui releva le menton, plantant ses yeux bleu océan dans les siens.
-Tu ne sauras pas ce dont tu es capable tant que ton entraînement n’aura pas commencé. Abandonner ses rêves, c’est s’abandonner soi-même, et je suis sûre que tu ne veux pas cela.
Après être revenu de sa surprise, Ucobo hocha légèrement la tête.
-J’imagine. souffla-t-il.
Khessia le relâcha brusquement et s’écarta de quelques pas de lui pour mieux le jauger.
-Bien ! Autant commencer tout de suite. déclara l’Esprit-lame d’un ton enjoué.
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