-Eh bien, eh bien ! On est réveillé ?
Stataz semblait de bonne humeur aujourd’hui. Il avait revêtu sa cape aux couleurs de l’automne et enfilé ses bottes de voyageurs. Il tirait un demi-sourire et son unique œil vert brillait d’excitation.
Le dezien s’avança soudain et lui décocha une gifle d’un revers de la main. Le coup totalement gratuit surpris Ucobo. Ses lèvres à peine cicatrisées se mirent à saigner abondamment, coulant sur son menton et dans sa bouche.
Ucobo fit un effort pour se contenir. L’Ourkkha lui avait donné plusieurs conseils avant de le ramener dans Leeri.
« Si tu réussis à amadouer l’homme au visage de pierre, tu as une chance de t’en sortir. Mais tu vas devoir faire profil bas. »
Stataz approcha son visage si près que l’Ambulant aurait pu vider tout son sang et sa salive sur lui en ouvrant seulement la bouche. Ucobo résista à la tentation et tenta, à la place, un sourire contrit.
Le cultiste sembla surpris par l’air docile de son prisonnier et recula à nouveau.
-Aujourd’hui est un grand jour, Ledan ! Moi et mes compagnons devons partir. C’est donc l’heure de faire nos adieux.
Cette fois Ucobo n’eut pas besoin de se forcer pour paraître effrayé. Il avait pensé naïvement avoir encore le temps de changer la donne, de trouver une occasion pour s’échapper. Mais il était déjà trop tard.
-J’ai une question pour toi, l’Ambulant. Veux-tu vivre ou mourir ?
-Vivre ! Je veux vivre ! cria Ucobo désespéré.
Stataz fit la moue, son expression indéchiffrable.
-Il semble que vers la fin tu ais le sens des priorités, hein ? Tu vois, le problème est que nous ne pouvons te prendre avec nous. D’un autre côté, tu comprends bien qu’il nous est impossible de laisser un Ledan en liberté. Quel dilemme…
-Stataz, je t’en supplie, ne me tue pas ! répondit Ucobo, se haïssant mentalement pour cette bassesse.
Le dezien le dévisagea un long moment. Il semblait indécis.
-On peut penser que t’achever serait commettre un acte charitable. Tu souffres physiquement et mentalement de ta condition. Ton âme est souillée par la magie, actuellement. En te tuant et en implorant la clémence de Gener, ton âme pourrait se réincarner dans un corps pur comme nous. déclara-t-il avec lenteur.
Croyait-il seulement à ce qu’il venait d’ânonner ? Ucobo en doutait. Cet homme tentait seulement de se justifier. Ou plutôt d’apaiser sa propre conscience. Le jeune Ambulant ressentit à nouveau un profond dégout pour le cultiste. Ce type était un lâche.
-De quel droit peux-tu me juger comme une espèce inférieure ? De quel droit peux-tu juger tous les Ledans comme des êtres souillés ? Si mon seul désir est de survivre, comment peux-tu prétendre agir pour mon bien ? Ce que tu comptes faire est un meurtre et rien d’autre. Assume tes actes !
Le visage de Stataz se ferma à ces mots. Son œil valide le fixa d’un air déterminé.
-Et toi Ledan, de quel droit me méprises-tu ? Je t’ai demandé avant si tu souhaitais vivre ou mourir. Ta réponse avait le mérite d’être claire. Puissent toi et moi ne jamais regretter cette décision.
Le dezien se tourna vers la table où étaient posés bon nombre d’ustensiles de tortures et se saisit d’une hache. Puis il déposa sa précieuse cape sur l’établis.
-Que comptes-tu faire ?
Stataz le regarda sans rien dire, éprouvant le tranchant de son arme. Toujours en position assise, les bras et les jambes fixées aux accoudoirs et aux pieds de la chaise, Ucobo ne pouvait pas faire grand-chose. Peut-être en basculant en avant parviendrait-il à déséquilibrer son ennemi ? Il n’y croyait guère.
Semblant satisfait, le cultiste adressa un demi-sourire à l’Ambulant. Puis sans crier gare il abattit sa hache sur le bras droit d’Ucobo.
L’Ambulant hurla sous le choc et la douleur. La hache avait fendu chair, os et bois, lui tranchant la main et entamant sérieusement l’accoudoir. Un geyser de sang jaillit de son avant-bras amputé, tâchant la chaise, le sol et le dezien sans discrimination. Ce dernier jeta la hache et récupéra le membre doré.
-Un petit souvenir pour mes amis cultistes. Tu sais qu’un membre Ledan vaut une promotion ? Tu m’as donné un sacré coup de main ! se moqua Stataz.
Les poumons vides à force de crier, Ucobo tenta de reprendre son souffle. Son bras était comme percé de milliers d’aiguilles, tous ses nerfs affolés beuglant sourdement à l’unisson. Sans pouvoir s’en empêcher, il regarda son avant-bras mutilé. Ce n’était plus qu’un amas de chair déchirée et de morceaux d’os brisés. Des lambeaux de peau pendaient pitoyablement aux extrémités, laissant s’échapper un flot écarlate.
-Maintenant, tu n’es plus un Ledan. Je peux donc te libérer sans souci. Heureux ? ricana Stataz.
Ucobo sentit que le dezien le détachait. Quand tous ses liens furent retirés il s’écroula sur le sol, haletant, les muscles crispés par la souffrance.
-Tes affaires se trouvent en haut. Si jamais tu parviens à les atteindre. Sur ce, je te dis adieu.
Stataz revêtit sa cape et disparut dans l’escalier en colimaçon.
Ucobo ne sut combien de temps il resta dans la cave, à genoux, son bras mutilé serré contre sa poitrine. La flaque de sang autour de lui s’était étendue à un rythme inquiétant. Sorti de sa torpeur, il avait maintenant l’esprit clair. Ses membres étaient déjà froids et engourdis et sa vision était trouble. S’il ne stoppait pas l’hémorragie rapidement il allait mourir d’anémie. Une fin bien ironique compte tenu de sa toute nouvelle liberté.
Peinant à avancer, Ucobo progressa lentement en direction des escaliers menant au rez-de-chaussée. A mi-parcours ses jambes le lâchèrent et il dû ramper pour gravir les marches une par une.
Quand il sortit de la cave, il roula sur le sol, lustrant le plancher de sang et de sueur. Son corps fourbu était arrivé à ses limites. Ces derniers jours passés suspendu dans la cave à subir les mauvais traitements du cultiste avait eu raison de sa résistance. Ucobo se força à atteindre sa besace contre le mur. Il retourna et vida le sac, puis se saisit d’une toile qu’il déchira en bandes.
Il s’agissait du cadeau de son frère. Ucobo après que sa colère soit retombée, avait sur un coup de tête emporté l’esquisse avec lui avant de quitter le Convoi. Une bien sage décision. Certainement, Elidorano serait outragé à la pensée qu’on puisse utiliser une de ses toiles comme garrot.
Cette pensée lui tira un sourire amer.
Une fois qu’il eut terminé, il entreprit de rassembler ses affaires et de quitter la bâtisse. Les cultistes étaient peut-être partis, mais Ucobo n’avait aucune envie de se trouver dans les parages si l’un d’eux changeait d’avis et décidait de retourner finir « le travail ». De toute manière les Souterrains étaient un coupe gorge pour quiconque s’y aventurait, il doutait donc de trouver une âme charitable dans le coin. Or, il avait besoin de soin. Et il n’en trouverait pas avant de sortir de ces quartiers.
Comme l’avait promis Stataz, toutes ses affaires étaient là. Ils n’avaient même pas pris l’oiseau en or massif.
Peut-être le pensaient-ils souillé par la magie. Ce devait être le seul point positif de la journée : il était riche.
Il trouva également son arc soigneusement posé dans le salon avec un carquois plein. Ucobo reconnaissait là l’humour noir du dezien à la face de pierre. Il banni les sinistres pensées qui lui venaient à l’esprit. Il se lamenterait sur son sort plus tard. La priorité était de rejoindre son auberge.
Ucobo respira profondément avant de tirer sur ses jambes. Puis, il poussa la porte de la vieille demeure d’un geste maladroit.
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