L’herbe fraîche caressait ses jambes sans discontinuer, ballotée par le vent d’une nuit sans nuages ; la lune éclairait la plaine de sa pâleur habituelle. Stella ressentait le doux parfum de la rosée dans le vent.
Nul doute que la faucheuse allait venir la chercher. Du moins le pensait-elle : vivre dans ce monde onirique était une illusion à laquelle il fallait mettre un terme.
« Crois-tu vraiment que feindre l’oubli est utile ? » dit-elle à haute voix, les mains derrière la tête et de grands yeux verts tournés vers la voûte céleste.
Le doute déforma sa bouche en une grimace qu’elle trouva amusante. Ses huit ans n’avaient pas eu raison de sa candeur ou de son innocence. Au contraire, ses convictions qu’un autre monde était possible s’étaient très largement renforcées. Bien sûr, elle ne l’évoquait plus en présence de sa mère ; il était hors de question qu’elle sache quoi que ce soit de ses rêveries enfantines.
« L’amnésie ? Vraiment ? interrogea-t-elle son interlocuteur silencieux. D’accord, mais faisons un marché, veux-tu ? »
Elle sourit finalement et se releva. Elle épousseta sa robe blanche des quelques brindilles collées à l’étoffe et leva son regard vers les étoiles. Forte d’une approbation sincère et muette, elle dénoua le ruban crème qui retenait ses cheveux bruns prisonniers puis l’enroula autour de son poignet.
« À ton tour, c’est un serment solennel ! »
L’autre extrémité de la bande de tissu s’enroula autour de l’invisible d’un bruissement délicat. Le lien refermé, Stella fixa le vide devant elle.
« Je fais la promesse… Allez, répète après moi ! Je fais la promesse… Que de tous horizons où l’on m’envoie… Je reviendrais te chercher. »
Un sourire satisfait habilla ses lèvres minces d’une malice enfantine ; elle soupira avec conviction puis ferma les yeux et tira sur la chainette qui disparaissait dans le col de sa robe. La perle ambrée fut faite prisonnière de ses mains jointes et elle respira calmement.
Une brise fraîche teintée par le parfum acidulé des fleurs d’oranger balaya son visage. Dans le ciel, les étoiles se ternirent les unes après les autres jusqu’à ce que seule la lune, ronde et blanche persiste dans la nuit noire.
« Je déteste devoir faire ça… vraiment. »
Ses dernières paroles n’étaient pas prononcées sans une pointe de lucidité amère. Le monde créé de ses songes s’éteignait lentement et à mesure que le royaume des rêves cédait place à la réalité. Elle jeta un dernier regard en direction de l’astre nocturne et se résigna à voir son monde s’effondrer puis disparaître.
Le charme serait bientôt rompu, mais l’espoir d’un Nouveau Monde se dessinait déjà dans son esprit. Le sommeil vint à elle comme l’évidente conclusion de cette autre vie.
Bientôt, elle s’éveillerait dans son lit, le soleil réchauffant son visage…
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