Par Romain Nemeryn et van Wassenhove Laurent
en direct depuis l'entrée du métro des "Trois Voies".
Derrière moi se trouve une foule de gens inquiets après l'annonce de la disparition d'au moins 40 personnes ayant empruntés la ligne 42 du métro
en provenance de "Riv Haïm Nord".
A l'heure où je vous parle, la police barre toutes les entrées et tente de juguler les proches des disparus, désireux de leur porter secours eux-mêmes.
Aucun communiqué officiel n'a encore été fait, mais certains évoqueraient la possibilité d'une défaillance grave du système, voir même d'une attaque criminelle, bien qu'aucune revendication n'ait encore été faite et que les autres lignes du métro n'aient pas été interrompues.
Ces faits arrivent à peine un mois après que le maire Jarvis Fowkes ait annoncé la mise en place de mesure visant à réduire la criminalité de Riv Haïm.
Attendez! Il semble qu'une nouvelle équipe vienne d'arriver sur les lieux.
Nous restons sur place pour de plus amples informations.
C'était Faith Irving,
en direct pour Riv Haïm News."
Mercredi, 21 Octobre
La place était envahie de monde, envahie de questions hurlées à grands renforts de détresse ou de morbides curiosités, tous concentré autour de la statue d’Amadéus Jensens, fondateur de Riv Haïm, comme s’il s’apprêtait à prononcer une allocution, 50 ans trop tard. Une tension palpable régnait partout quand les lumières de la police annoncée par Irving se mirent à déchirer la nuit de bleu et de rouge.
Des officiers en uniforme et d’autres sans quittèrent leurs véhicules et se frayèrent un passage à travers la foule avide.
- Dispersez cette foule !, ordonna le lieutenant Warren, d’une voix forte. Et délimitez un périmètre ! Qu’on appelle aussi les équipes de secours. Qu’elles se tiennent prête à intervenir.
- Lieutenant Warren !
- Ho non !
L’équipe de Riv Haïm News s’était rapproché au milieu de la foule et Irving tendait son micro vers Warren comme une sucette à un enfant … qu’il dénigra.
- Lieutenant Warren, que pouvez-vous nous dire à propos de cet incident ?, demanda-t-elle en tentant de combler la distance qu’il s’échinait à mettre entre eux.
- Rien du tout, si vous voulez tout savoir.
- Est-ce une attaque terroriste ? S’agit-il d’un élément isolé ? Que compte faire le maire s’il s’agissait d’une défaillance ?
- Aucun commentaire.
- Est-ce que cela a un rapport avec l’incident de Black Gold Pit ?
- Mademoiselle Irving …, répondit Warren en soulevant le cordon de sécurité. … je me ferai une joie de répondre à toutes vos questions dés que j’aurai des réponses à vous soumettre. En attendant, rendez-moi service et laissez-moi travailler. Maintenant, excusez-moi !
Irving tenta d’insister, mais un agent en uniforme lui bloqua le passage et Warren en profita pour la fuir. Elle le regarda descendre les marches vers la station sans rien pouvoir faire.
A son grand dam, elle n’aurait pas les réponses qu’elle escomptait ce soir.
Christopher Warren se sentit soulagé en ne sentant plus le regard acéré de Faith Irving dans son dos. Cette journaliste était au moins aussi collante qu’un chewing-gum sous la semelle une fois qu’elle avait flairée quelque chose.
Et bien trop souvent, il fallait lui reconnaître un don certain pour dénicher l’anormal. Comme dans ce cas précis.
Un à un, les hommes avec lui s’arrêtèrent jusqu’à ce qu’il ne reste plus que lui. Ce fut seul qu’il arriva dans la station, totalement déserte et sinistre. Malgré sa position symbolique pour la ville, la station des trois voies n’avait jamais été assez importante pour bénéficier des mêmes soins que celles de « Legion’s Place », « Conrad Hill » ou « Oscar Wilde Park ». Résultat, les entretiens minimaux en vigueur n’avaient pas empêché la crasse de s’installer entre les dalles jusqu’à les jaunir par endroit. Quelques graffitis salaces sur les colonnes et des panneaux publicitaires douteux achevaient de transformer naturellement cette station en recoin que l’on était heureux de prendre rapidement et de quitter tout aussi rapidement.
Et ça, c’était en temps normal ! Ce soir, quelque chose avait rendu cette zone encore plus glauque.
Warren sortit un appareil de sa poche, semblable en apparence à un smartphone dernier modèle. Il tapa une série de chiffres et un écran d’attente s’afficha. Lorsque celui-ci disparut, il le porta à ses lèvres.
- Le périmètre est bouclé. Vous avez le champ libre pendant une heure. Deux, tout au plus. Faite vite.
Il hésita. Ce qui s’était passé ici et ce qui allait se passer maintenant, il aurait préféré l’éviter. Cela le dépassait, malgré ses 15 années de service à la criminelle.
- Que la rose et la croix vous préserve, conclut-il.
Son travail était terminé pour l’instant. Il alla s’asseoir sur l’un des sièges et quelques instants plus tard, un wagon isolé, surgi d’on ne sait où, passa sans s’arrêter sur la voie ferrée et disparut, aussi vite qu’il était apparu dans le tunnel d’en face comme avalé.
- Espérons qu'on ne ramassera personne à la petite cuillère cette fois.
A l'intérieur du train, qui filait au milieu de l’obscurité, une équipe pour le moins éclectique patientait chacun à sa manière tandis que leur monture les conduisait quelques part sous les rues de Riv Haïm. Son équipage était restreint. Au nombre de quatre, en comptant le conducteur.
Dans le wagon, personne ne parlait et une tension se faisait sentir. C’était le fruit de l’attente interminable qu’ils avaient enduré avant de recevoir le signal.
Riv Haïm avait bien des secrets et deux des passagers venaient d’en prendre conscience par le biais d’une série de tunnels inconnus du grand public par lequel leur moyen de transport avait transité avant de rejoindre la rame principale. Ils étaient tous nerveux … à part un.
Sophie von Kreuz connaissait la chanson. Elle l’avait expérimenté bien assez de fois pour savoir à quoi s’en tenir et pourquoi s’y tenir. Mais ce genre de patience s’apprenait et les « jeunes loups » qu’elle avait avec elle devrait l’apprendre. Ça et bien d’autres choses.
D’ailleurs, l’un d’eux s’attirait déjà son inimitié. Elle sentait son regard se balader sur elle comme une araignée cherchant où posant ses pattes.
- Tout se passe comme vous voulez ?, demanda-t-elle, faussement curieuse.
- La vue est pas mal. Ça aide à tuer le temps.
- Ha ! Alors pour vous, je suis le passe-temps du petit nouveau. Mince. Quelle promotion !
Andrew Felson avait passé les deux dernières heures à la dévisager sous toutes les coutures et elle commençait à trouver ce petit jeu agaçant.
Loin d'être âgée, Sophie avait l'allure athlétique des femmes que l'exercice ne rebute pas et un visage fin encadré de cheveux bruns clairs, retenus en arrière. Une petite cicatrice lui barrait le nez, blessure de guerre sur un visage constellé de taches de rousseur. Ses jambes athlétiques étaient serrées dans un jean et malgré la fraîcheur de ce début d’automne, elle ne portait en plus qu’un t-shirt blanc et une veste de cuir marron ouverte.
Elle avait de quoi plaire aux hommes et elle le savait. Elle ne s’en cachait même pas. Mais plaire était une chose, mais Felson …
Elle était heureuse d’avoir ses yeux, l’un bleu, l’autre brun, presque rouge, qu’elle pouvait lui soumettre, condescendant, détrompant le petit sourire qu’elle lui jetait de pair.
- Bah, faut avouer que vous collez pas exactement à l’idée que je me faisais d’un instructeur.
- Et à quoi vous vous attendiez ?
- Bah, monsieur « j’ai pas tiré un coup depuis le collège » dans la cabine à côté, lui je le voyais venir ! Mais j’imaginais pas qu’en plus, on aurait une femme … avec votre stature.
- Ma stature est adaptée à mon travail.
- Et vous faites quoi quand vous travaillez pas ?
- Je prie.
- On pourrait le faire ensemble. Vous m’apprendriez à être plus … proche de Dieu.
- Rêvez autant que vous voulez, Felson. Après tout, c’est encore permis. Maintenant, fermez-la et patientez. Vous aurez tout votre temps pour fantasmer après qu’on ait fini ce qu’on est venu faire.
- Pfff !
Felson n’insista pas, mais pas besoin d’être médium pour deviner par quel sobriquet il la désignait intérieurement. Mais elle s’en fichait. Il ne savait rien d’elle. En retour, elle en savait à peine plus sur lui. Une partie toutefois n’était pas difficile à deviner.
Son crâne imberbe était nuancé d’une cicatrice qu’elle reconnut être la marque d’un cul de bouteille et un tatouage dépassant de son col et même présent sur sa main donnait une idée de ses vieilles fréquentations. Son dossier avait indiqué une bonne maîtrise des armes à feu, dû à ses expériences du passé, et de bonnes connaissances dans le milieu de la pègre. Sans avoir lu son histoire noir sur blanc, les grandes lignes de son implication dans un gang, ce qui l’y avait mené et les probables raisons de son recrutement, la perte d’un proche étant le plus probable, devenaient limpides.
Le haut-parleur du wagon s’activa.
- La zone est en vue. Arrivée dans 5 minutes.
L’attente était terminée.
« Enfin ! », pensa-t-elle, soulagée.
D’un mouvement énergique, elle se leva et ouvrit l’un des compartiments à bagages au-dessus des sièges. Elle dut s’y prendre à deux mains, tant le contenu pesait lourd. Le poser provoqua un son de choc métallique qui tira le deuxième novice de sa torpeur.
- Vous allez bien?, demanda-t-elle, le voyant sur les nerfs.
- Heu ... oui. Oui, tout va bien, dit l'un d'eux, presque en bégayant.
Albrecht Danbermann, était un blondinet aux yeux bleus, fraîchement arraché à sa vie de policier. Il semblait avoisiné les 28 ans et portait encore des traces de son uniforme passé, comme la chemise bleue et le pantalon noir.
- Essayez de vous détendre, lui conseilla-t-elle. Vous n’arriverez à rien si vous êtes stressé.
- Je … vais essayer.
- Pfff. Sérieux ! Tu sors d’où, toi ?
Sophie fit taire Felson d’un regard inquisiteur puis revint sur Danbermann.
A la différence de son probable « futur équipier », celui-ci s’était montré beaucoup plus réservé, voir timide, dans ses manières et son approche. Il semblait perdu, indécis, comme si on l’avait envoyé ici sans lui expliqué de quoi il retournait. C’en aurait été presque mignon en d’autres circonstances. Mais, à dire vrai, si Sophie avait eu son mot à dire, elle aurait probablement refusé son adhésion, mais la trentaine de psychologues chargés d’étudier les candidats en avait décidé autrement. Elle espérait juste qu’il n’avait pas été engagé par dépit. Il ne semblait pas être taillé pour ça.
« Je n’avais pas l’air beaucoup plus qualifiée non plus le premier jour », se tempéra-t-elle mentalement.
- Venez ! Vous allez pouvoir choisir vos jouets.
D’un geste vif, elle défit la tirette du sac et sous les yeux des deux hommes qui s’étaient approchés, apparut un véritable arsenal. Du 9mm au calibre chevrotine, du casull en passant par le fusil à canon scié, il y avait assez là-dedans pour les condamner tous les trois à la prison à vie et à des tickets d’entrée dans toutes les salles d’interrogatoire des cellules anti-terroristes européennes, voir plus.
- Heu ... on part en guerre et on nous l'a pas dit?, demanda Felson, en pleine réflexion.
- En guerre, on l'est toujours. Et on ne sait jamais comment ça peut tourner, dit-elle, très sérieuse.
- Ouais, mais c'est une mission courte, non?
- Oui < Elle se saisit de deux Casull à canon long et les rangea dans les emplacements adéquats. > Normalement, c’est une mission courte. Mais vous apprendrez que « normalement » est un mot très relatif dans votre nouvelle vie.
Elle termina son armement par deux glowsticks qu’elle rangea à sa ceinture.
- Prenez en un chacun et équipez-vous ! Choisissez le calibre qui vous va le mieux, dit-elle.
Danbermann s'exécuta le premier et attrapa un glock 9mm, proche sans doute de son ancienne arme de service.
Felson le regarda le calibre avec dédain puis attrapa un fusil à canon scié qu’il exhiba à la figure de Danbermann comme si c’était un trophée.
- Joli choix, Felson. Parfaitement adapté pour vous, lança-t-elle, la pique étant trop tentante.
- Ca veut dire quoi ?
- A vous de me le dire. Ajoutez ça sur vos canons !
Elle leur tendit à chacun une petite armature pourvu de pinces qui s’adaptèrent à la forme du canon de leurs armes respectives. La chose consistait en un tube sur la partie supérieur, trop fin pour être une arme supplémentaire, et un prolongement qui mettait une gâchette supplémentaire à portée de doigts sans lâcher l’arme.
- C’est quoi ce machin ?, demanda Danbermann.
- Une petite assurance. Je vous montre.
Elle tourna l’arme en direction du fond et pressa la gâchette. . De la lumière jaillit de l’appareil faisant le travail d’une lampe-torche.
- Pratique !
- Et si vous pressez plus longuement …
Sophie leva cette fois vers le plafond. Felson et Danbermann détournèrent le regard quand une explosion lumineuse inonda la pièce comme un éclair. Cela ne dura qu’une seconde, les deux novices eurent des picotements dans l’œil.
- La vache ! C’est quoi ce truc ?!, pesta Felson.
- Flash spécial provoquant une lumière semblable à la combustion du phosphore. Idéale pour tout ce qui craint la lumière et plus efficace qu’un taser.
- Putain ! Refaites jamais ça !
- Ne me donnez aucune raison de le faire et je m’en souviendrai. Prenez aussi trois chargeurs différends ! On ne sait pas ce qu’il y a devant, alors soyez prêt à tout !
Danbermann se massa encore les yeux puis s’exécuta en même temps que Felson. Cette petite leçon ramenait déjà un équilibre : elle était la moins âgée des personnes présentes, mais à cet instant, ils étaient tous les deux des novices qui avaient tout à apprendre et il était bon qu’il se le rappelle.
Le wagon commença à ralentir, puis s'arrêta en plein cœur d'un tunnel aussi sombre que le précédent.
Le conducteur quitta son poste et rejoignit enfin l’assemblée. A son arrivé, Felson lui-même perdit de sa morgue.
La carrure de Marcus Gavorn ridiculisait le reste de l'équipe, vêtu d'un imperméable beige, d'un shirt et d'un jean noir serré sous sa musculature. Il affichait une expression solennelle, presque militaire, que des traits typiquement slaves rendaient encore austère. Enfin, son regard était d’acier au propre comme au figuré. Juste ce qu’il fallait pour que Danbermann retrouve la protection d’un supérieur à l’allure autoritaire et que Felson y réfléchisse avant de la ramener. Sophie était assez contente de ce dernier point.
- On voit quelque chose à l’avant ?, demanda-t-elle.
Il se dirigea vers le sac et en tira un .454 Casull ainsi que deux pistolet .9mm avant de porter son attention sur le reste de l’équipe.
- Rien du tout, répondit-il d’une voix grave et posée. La zone à risque est trop loin devant.
- Dommage. Ça aurait peut-être évité des surprises.
Et des surprises, il y en avait eu une belle pour tout le monde.
Quelques heures plutôt, une rame de métro avait surgi des tunnels à Three Ways Station et s’était arrêté sur la voie menant vers les banlieues. Un fait ordinaire dans un métro, si ce n’avait été que la rame était apparue cabossée, la moindre vitre brisée, et certaines portes comme arrachées devant des voyageurs qui souhaitaient juste rentrer chez eux. Et surtout, il y avait le sang, tellement de sang, partout à l’intérieur comme si Jackson Pollock s’était essayé à une nouvelle peinture.
Seul survivant à bord, le conducteur n'avait pu donner aucun indice sur ce qui était arrivé. En fait, il n’avait rien dit du tout depuis qu’on l’avait récupéré, muré dans un silence que seuls des gémissements et des spasmes venaient nuancés. Quoi qu’il ait vu, il n’était plus en mesure de le dire.
Les équipes officielles menées par le lieutenant Christopher Warren s’étaient alors lancé dans une première analyse, intégralement relayés aux employeurs de Sophie et Marcus. Après sans doute quelques heures de délibérations, ces derniers avaient jugés que cela relevait de leur juridiction et avait dépêché une équipe pour régler la question.
Des recoupements de communication avaient permis de déterminer la zone où les passagers avaient disparu et toutes les lignes passant par cette zone avaient immédiatement été arrêtée. Personne ne devait y entrer jusqu’à nouvel ordre. Et cette décision, c’était leur équipe qui allait en déterminé les détails.
- Peut-être, conclut Gavorn. La zone est à environ 200 mètres droit devant ! Vous deux, si vous avez des questions, c’est maintenant. Une fois dehors, vous devrez appliquer nos instructions, à moi et à Kreuz, à la lettre près. Aucune place pour les initiatives personnelles !
Les deux concernés ne surent quoi répondre, mais ils eurent un mouvement de recul quand Gavorn se retourna, ses yeux acier étant devenu aussi blanc que ceux d’un possédé.
- Arrête de prendre un ton aussi sérieux ! Tu leur fiche la trouille, dit-il d’une voix qui jurait avec celle de Gavorn par son ton décontracté.
L’homme reprit sa couleur d’yeux et son expression impassible comme si de rien n’était. Il parut comprendre leur surprise sans pour autant y réagir. Sophie prit les devants.
- N’y faites pas attention. Bientôt, ça vous paraîtra parfaitement naturel à côté de votre quotidien.
Puis se tourna vers Marcus.
- Et merci Frank pour cette petite démonstration.
- Mais avec plaisir !, répondit Marcus de nouveau avec cette voix étrange et ces yeux blanc. Je voulais juste détendre l’atmosphère, mais … j’avais oublié. Désolé, les gars. Je me présente Frank Lennon. Je suis … le cinquième passager en quelques sortes. Ravi de vous rencontrer !
Ni Felson, ni Danbermann ne surent quelle attitude adopter et avant qu’ils ne le purent, « Frank » avait disparu.
Sophie chargea ses armes le plus bruyamment possible pour les réveiller. Marcus fit de même.
- Les questions viendront plus tard. Prenez aussi deux glowsticks chacun. On bouge !
Un à un, ils descendirent du wagon. Bien qu’encore circonspect par rapport à l’étrangeté de Gavorn, Felson et Danbermann se conformèrent à ce qu’on attendait d’eux : ils le mirent dans un coin de leurs têtes et emboîtèrent le pas à leurs aînés hiérarchiques.
Ils furent d’abord éclairés par les phares, mais bientôt, ils se retrouvèrent dans une obscurité totale et allumèrent le dispositif de leurs armes.
A première vue, il s’agissait bien d’un tunnel de métro. Banal et sinistre en dehors d’une rame. Sophie avait, elle, un avis quelque peu plus descriptif.
Cette section était vieille, sans doute parmi les plus vieilles circulant encore sous la ville. Riv Haïm n’était pas si ancienne, fondée il y a un peu moins d’un siècle, mais elle avait connu toutes les étapes du développement industriel et cette artère avait dû être construite au début de la propagation des lignes de transports souterraines de part le monde. La modernisation s’était installé ici comme un papier-peint par-dessus un vieux mur. Très apparente et presque étrangère.
A mesure que le wagon disparaissait derrière eux, une tension s’installa.
- Vous croyez qu'on va trouver quoi?, demanda Danbermann à voix basse.
- Nous sommes là pour le savoir, répondit Marcus.
- Et vous, Kreuz? Vous n’avez pas une idée?
- Quelques-unes, mais rien de sûr. En général, ça ne laisse pas de signatures claires.
- Je croyais que vous saviez reconnaître ces monstres en un clin d'œil.
- Non. Là, vous me confondez avec un autre. Et celui dont vous parlez ne vient jamais sur ce genre de mission.
En y repensant, elle se demandait bien où cette personne était passé. Il n'avait plus donné signe de vie depuis près des mois et elle ne pouvait nier qu'elle s'inquiétait. Il avait de la ressource, mais son attitude ... le rendait imprévisible.
Elle secoua la tête. Ce n'était pas le moment de penser à ça !
Quelque chose fila à côté d'eux.
Surpris, Danbermann tira et tous se braquèrent dans sa direction. Le novice braquait la paroi de la rame, scarifiée de plusieurs balles à présent. Mais il n’y avait rien.
- J'ai entendu quelque chose par là !, dit-il.
- Ouais, moi aussi, confirma Felson sur le qui-vive.
La jeune femme songea dans un premier temps qu’il avait eu un moment de panique … quand elle sentit les poils de sa nuque se hérisser et le bruit d’une respiration parvenir à ses oreilles. Elle tourna brusquement, mais il n’y avait là encore rien.
- Gardez vos armes prêtes ! Et scrutez les murs ! Le plafond aussi !, la précéda Marcus.
Il ne fallut pas le répéter deux fois. Tout le monde se mit dos à dos et scruta l'endroit, d’un œil de plus en plus nerveux ou inquiets suivant les personnes. Les lampes illuminèrent l’endroit de plus belle sans rien montrer de plus qu’une rame engloutie par les ténèbres.
D'autres bruits arrivèrent, plus lointain et dispersés. Ils étaient si bas qu’il était même difficile de dire s’il s’agissait de murmures, de jappements, de grattements ou quoi que ce soit d’autre.
- Sûrement des rats. Y'en a plein dans les sous-sols, dit Felson.
- On les entendrait geindre, rétorqua Sophie. Restez attentif!
Elle réfléchit. Quoi que ce soit, c'était rapide, très rapide ... ou c'était éthéré. Dans les deux cas, les réflexes allaient être prépondérants.
Un nouveau bruit ! Plus proche d'eux ! Ils se tournèrent en sursaut dans sa direction … pour de nouveau ne rien y voir. "Ça" jouait avec eux. Ça les observait. De ça, Sophie était sûre. Un coup d’œil vers Marcus suffit pour savoir qu’il partageait ce sentiment.
Ils continuèrent à avancer dans un silence absolu.
- C’est quoi ça ?
La lampe de Felson se braqua sur un coin du mur droit. Bientôt, les 4 lampes éclairèrent une faille puis, à mesure qu’ils approchèrent, une large crevasse d'où jaillissait une langue de terre.
Ils s'en approchèrent encore, Gavorn assurant les arrières. Peu à peu, ils distinguèrent comme des pierres noires qui se mêlaient à la terre. Et arrivés devant la faille, ils constatèrent leur erreur.
Ce n'était pas des pierres qui nuançaient la poussière, mais des crânes, des mains squelettiques, aussi noirs que de l’ébène polie.
Les squelettes paraissaient entiers, mais étant partiellement ou presque totalement immergés dans cette tombe de fortune, il était difficile d’en être sûr.
Danbermann fut le premier à réagir, sous le choc.
- Vous croyez que … ce sont des passagers?
Sophie se pencha sur les dépouilles et éclaira les plus émergées. Leurs vêtements étaient en lambeaux, mais on pouvait encore voir le genre de l'étoffe.
- Pas vraiment, non, dit-elle, catégorique. Ils sont beaucoup trop vieux. Et cette couleur ... ce sont des tenues ouvrières des années cinquante ! Des mineurs probablement, des commis pour creuser cette rame, je dirais.
- Des mineurs?, s'insurgea Danbermann. Mais qu'est-ce qu'ils font là?
- Les vibrations successives du métro ont dû fragiliser cette portion du mur et mis à jour cette tombe de fortune.
- Tombe de fortune?! Vous voulez dire qu'on les a ... emmuré?!
- On n’avait pas toujours beaucoup d'égards pour les ouvriers à cette époque. S'il y a eu un éboulement, ils ont très bien pu être déblayés avec les gravats … et on a appelé ça un « accident de travail ». Ils doivent être là depuis les premières décennies de cette ville.
Danbermann sembla écœuré à cette seule idée. Sophie partageait son dégoût en imaginant des êtres humains déblayés comme de simples déchets, mais elles savaient que ce genre de chose était arrivé, arrivait encore et sans doute arriverait toujours. Une des premières règles quand on fouillait le passé était d'accepter que l'homme était capable du meilleur ... comme du pire. La moralité évoluait avec les âges, les valeurs aussi et les générations suivantes jugeaient leurs pères.
- Très joli le cours d'histoire, mais ça nous dit pas ce qu'on est venu chercher, intervint Felson.
Comme en réponse, l'écho d'un tram leur parvint aux oreilles. Il était loin, mais son grondement ressemblait à celui d'une bête. Felson jura.
- Putain, j'ai failli avoir une att …
- HAAAA !!!
Le groupe se tourna en trombe, arme braquées vers là où regardait Danbermann. Cette fois, ils virent tous. Un homme se tenait devant lui, la tête baissée coiffé d'un casque d'ouvriers. D'où avait-il surgi? Les lampes fléchirent et s'éteignirent. Sophie secoua sa torche et la lumière revint.
L'homme n’était plus là !
Il y eut un hurlement, aigu et perçant, comme une douleur changée en son, renforcé par l’écho. Puis sans crier gare, quelque chose les percuta avec la violence d’un train à pleine allure et les projeta vers le mur opposé.
Exécutant une pirouette, Sophie parvint à se redresser en plein vol et se réceptionna sans dommage. Marcus para le choc contre le mur en faisant ressort de ses jambes. Felson et Danbermann furent moins habiles et roulèrent sur le gravier comme des tonneaux. La tête de l’un percuta le rail.
- Tout le monde va bien ?
Felson hurla en réponse lorsque quelque chose lui agrippa la jambe et le traîna vers le plafond, la tête en bas. Son arme tomba à terre.
- Aidez-moi ! Aidez-moiiiii !!!
Ses cris s’amplifièrent. Des griffes invisibles se mirent à lui déchiqueter le visage, puis s’attaquèrent à tout son corps. Ses vêtements tombèrent en lambeaux.
- Fermez les yeux !, hurla Marcus en pointant son arme vers lui.
L’éclair lumineux fit éclater le noir et un nouveau cri d’outre-tombe résonna. Felson chuta, à demi inconscient. Marcus voulut avancer, mais ce fut Danbermann qui accourut pour le rattraper. Leur ennemi venait de se révéler.
- C'est un poltergheist !, avertit la jeune femme en craquant ses glowstick et en les jetant à terre. Danbermann ! Faites un cercle avec vos glowstick et dos au mur ! Vite!
- Quoi?
- Faites ce que je vous dis !!!
La voix autoritaire de Sophie fit mouche. Danbermann s'exécuta. Marcus n'avait pas attendu pour poser l'acte, prenant ceux de Felson et complétant le demi-cercle commencé par Kreuz. Le barrage brillant sembla les plonger dans un autre monde et les ténèbres autour d'eux s'épaissirent. Le vacarme du métro s’interrompit.
Sophie recula vers Felson et opéra un rapide examen.
Il convulsait, en plein état de choc, le bras et la jambe luxée, le corps recouvert d’entailles comme si une bête s’était acharnée sur lui. Quelques secondes de plus et il n’aurait sans doute pas survécu.
En périphérie de l'éclairage, la silhouette réapparut. Sa tête encore penchée se redressa lentement. Danbermann parut prêt à défaillir quand la gueule de cauchemar apparut. Deux yeux brillant comme des braises et des lèvres entre-ouvertes d’où s’échappaient des flammes surplombait ce corps englouti par l’ombre et l’on pouvait y lire une haine infinie.
Puis d'autres surgirent derrière lui, quatre autres spectres, quatre autres pairs d'yeux malveillants qui les regardaient dans l'obscurité.
Danbermann n’y tint plus et tira sur eux, sans effet. Ils disparurent sans un bruit.
- Mais qu’est-ce qui se passe ici ?! C’est quoi ça ?
- C’est ce qui a tué les passagers de la rame, lui répondit Sophie en laissant là Danbermann. Ce sont des poltergheist ! Des fantômes si vous préférez, probablement ceux des ouvriers qu’on a trouvé en face.
- Alors c’est … à ça que ça ressemble ?!
- A ça et parfois à autre chose.
Il semblait totalement déboussolé. Les contes étaient innombrables sur les êtres éthérés coincés entre deux royaumes et Danbermann avait eu plus que sa part d’histoires de Casper en puissance. C’était courant jusqu’à l’adolescence de se raconter l’histoire de la vieille Jane Gibs, retrouvée pendue à un crochet dans sa cuisine, qui revenait tous les ans à la vie pour emporter quiconque violerait son ancienne demeure … et il était naturel de prouver ce qu’on valait en passant toute une nuit là où l’on disait l’avoir vue. Défier la mort, se prouver qu’on pouvait lui tenir tête, même de façon métaphorique, ça faisait partie de la vie.
Mais là, il n’était pas question de contes, de défi ou de preuves. Ces choses étaient réelles et elles n’avaient aucunes bonnes intentions à leur égard. Au diable, les contes !
Sophie regarda à nouveau Felson. Il était hors-jeux, mais il était en vie. Elle était contente qu'il n'ait pas succombé à un infarctus, comme elle l'avait déjà vu auparavant avec certaines recrues moins chanceuses. Etre désagréable n’était pas suffisant pour métier la mort.
- Qu’est-ce qu’on fait, maintenant?, demanda Felson, nerveux à cette vue. Comment on peut les tuer ?!
- La seule solution, c'est d'atteindre leurs corps et les détruire, répondit Marcus.
- Les corps … les corps … Vous parlez de ceux de l’autre côté ?
- Utilisez votre flash. Ca les repoussera une minute et ça nous laissera le temps.
- On n’a pas un truc pour les tuer ?! Genre, une bombe qui fait des éclairs ou un tuyau qui crache un rayon laser … Bon sang ! On est quand même venu ici sans même un truc pour … !
Le coup partit si vite que Danbermann ne comprit pas tout de suite qu’on l’avait giflé. Sophie lui en laissa à peine le temps.
- Maintenant, vous vous calmez et vous vous ressaisissez !, asséna-t-elle en le pointant du doigt. On est dans la réalité, pas dans un film de Bill Murray et les règles sont différentes. En un : Ce qui est déjà mort ne se tue pas ! On ne peut que le bannir et le mode d’emploi est précis ! En deux : Faire le malin au calme et tremblez dans l’action, ca m’exaspère ! Et enfin trois : Gardez la tête froide ! Il le faut si vous voulez qu’on reste envie ! C’est compris ?
L’homme mit un instant à rassembler ses esprits. Sa réponse se manifesta par un hochement de la tête. Nerveux, mais clair et concis. Ca suffisait !
Kreuz l’abandonna pour faire le point. Leurs cibles n’étaient pas loin devant et la lumière empêcherait les fantômes de s’approcher, mais avec Felson inconscient, ils ne pouvaient pas prendre le risque de défaire le cercle … ce serait le condamner sans préavis. Pour ne rien gâcher, personne n’avait pensé à prendre une grenade au cas où.
« En même temps, des explosifs dans un tunnel … »
Ca allait se jouer sur un sacré timing.
- On va devoir faire vite. Sin ...
Le grondement du métro l’interrompit. Les spectres réapparurent aussitôt, la gueule grande ouverte dans un cri. Deux disparurent de nouveau. Des crissements métalliques s'ajoutèrent au vacarme. Du métal se tordait. Sophie comprit.
- A terre !
Un morceau de rail jaillit de l’ombre. Marcus et Sophie l'esquivèrent de justesse, mais Danbermann fut trop lent et le projectile le percuta, le projetant hors du cercle de lumière. Il se mit à hurler quand la gueule grimaçante d’un des spectres se dressa au-dessus de lui. Plus encore quand des mains invisibles lui pressèrent la poitrine et que le sol commença à l'avaler. Ses oreilles se recouvraient déjà de graviers quand le bruit de la rame disparut. La force qui l’écrasait décrut en même temps et il s'extirpa avec panique avant de regagner le cercle.
- Le ... le sol ! Ca me tirait en dessous !, brailla-t-il.
- C'est le bruit du train qui les enrage, dit Marcus, bien calme malgré la situation.
- Il faut détruire les corps ! Danbermann, restez dans la lumière et surveillez Felson ! Marcus, on y va !, ordonna Sophie. On va avoir besoin de Frank aussi !
Marcus opina à deux reprises. Presqu’aussitôt, lui et la jeune femme sortirent du cercle et mitraillèrent les ténèbres de flash. Les poltergheist apparurent et disparurent au gré des éclairs tandis que les deux chasseurs se rapprochaient des cadavres.
Sophie résista à un souffle éthéré quand le métro rugit à nouveau. Les rails devant eux se mirent à vibrer, puis à plier sous la pression. La barre d'acier se brisa et vola en direction de la jeune femme qui l'esquiva d'une roulade. Le métal passait entre les deux chasseurs quand les spectres soufflèrent de nouveau sur eux. Elle n'eut que le temps de croiser les bras, préservant son équilibre, mais reculant. Ces créatures étaient acharnés, haineuses.
Marcus dut esquiver un rail à son tour, mais les rafales spectrales semblaient ne plus l'affecter. Si la pénombre l'avait permis, on aurait vu ses yeux devenu blanc, preuve que son « hôte » le protégeait. Il tira et l'un des crânes vola en éclats, puis un deuxième. Les cris s'apaisèrent et à la haine se mêla un subtil sentiment de soulagement.
Pourtant, les rails de vibrèrent à nouveau et se levèrent comme des serpents grotesques et menaçants.
- Il doit y en avoir d'autres enterrés!, dit-elle en urgence. Frank ! Fais nous gagner du temps.
- Je vais faire ce que je peux!, répondit Frank.
Les yeux de Marcus redevinrent normaux et les rails commencèrent à se tordre en un sens puis dans l’autre comme disputée. Les deux chasseurs foncèrent sur le monticule. A chaque pas, ils sentaient la rancœur qui emplissait l'air, leur resserrant les tripes. Ces poltergheist étaient avides de vengeance ! Un des rails chuta et ce furent les murs autour de la faille qui se mirent à trembler. Des pierres se détachèrent et foncèrent droit vers eux, trop vite pour les esquiver.
L’esprit qu’ils appelaient Frank s’interposa, les bloquant nettes, mais il dut relâcher les rails qui redevinrent une menace. Le vacarme du train cessa. La haine retomba et la rafale cessa aussi soudainement qu'elle avait commencée.
- C’est notre chance !
Les deux chasseurs profitèrent de ce répit et foncèrent. Arrivé de l’autre côté, Sophie se mit directement à genoux devant les cadavres.
- Tu as une idée ?
- Oui, j’en ai une ! Couvrez-moi tous les deux !
Elle retroussa sa manche avant se plonger son bras dans la terre. Marcus continuait de mitrailler à coup de flash les fantômes hostiles quand le monticule commença à fumer, puis à rougir. Sophie referma son poing sur l’un des crânes chauffés à blanc, qui se brisa sous sa poigne. Un autre spectre rendit son dernier souffle et partit, libéré.
- Encore un ..., dit Sophie que la chaleur montante ne semblait pas gêner.
Le métro gronda encore et la haine se ranima brutalement, mais elle sonna comme un glas lointain et mourant. Le dernier spectre apparut, plus furieux que jamais, et leur hurla dessus, faisant trembler les fondations de la rame. De la poussière commença à perler au-dessus d’eux. Des morceaux de plafond se mirent à tomber.
- Il va nous enterrer, hurla Lennon, paniqué au travers de Marcus.
- Je sais ! Je sais !, en tâtonnant de plus belle. Juste une seconde !
Gavorn pressa le flash et le spectre disparut, mais le cri continua et l’on entendit les fissures dans la structure s’élargirent. Le fantôme reparut un instant plus tard, les défiant, crachant sur eux toute l’ampleur de son ressenti.
- Je le tiens !
Sous sa paume, elle sentit le toucher lisse et légèrement bosselé du crâne recherché. Elle augmenta la pression sur l’os et la fumée jaillit de plus belle sous la terre rougie. Puis il céda, se brisant comme un œuf vide.
Aussitôt, le cri cessa et le spectre changea d’expression. Il parut perdu, désorienté … puis soulagé, libéré de toute la rancune qui l’avait maintenu entre deux mondes. Les flammes qui échappaient à ses yeux et sa bouche disparurent … et finalement, il disparut à son tour dans un grand soupir.
Tout le monde, y compris Danbermann depuis l’autre côté, regarda autour de lui, le souffle retenu et l’œil à l’ aguet d’une mauvaise surprise.
On sentit partout la pression de l’air décroître. Sophie fut la première à souffler.
- C’est fini. Ils sont partis.
Venant d’un autre fantôme, il était difficile de remettre ce diagnostic en doute, mais Marcus éclaira devant lui pour s'en assurer, puis n’y trouvant rien à redire, rengaina.
Sophie sortit son bras du monticule de terre, le bras rougeoyant comme le métal en fusion. Si Felson l’avait vu, sans doute lui aurait-il demandé ce que c’était … et s’il n’avait pas fait dans son pantalon l’instant précédent, aurait demandé « si ça la rendait chaude pour sortir avec lui » ou une autre réplique au moins mauvaise.
Ça avait été court, mais intense. Elle se releva lentement, le corps entier parcouru l’énergie du moment. Elle tremblait, non pas de peur, mais d’excitation. Elle sentait encore la frénésie de cet instant où le rail l’avait frôlée … de cette course minutée au travers de la rame trop rapidement interrompue … Elle en voulait plus !
Marcus, qui ignorait ce qu’elle faisait, s’en alla vers les cadets de l’équipe.
- Danbermann, vous pouvez vous le lever?
- Je ... crois que j'ai la jambe cassé, dit-il, les dents serrées. Ho bon sang !
Plus ! Plus ! Ca ne pouvait pas se finir aussi rapidement !
- Je vois. Appuyez-vous sur moi, dit Marcus passant la main de l'homme au-dessus de son cou.
La jeune femme se jugula, imaginant son désir comme une chandelle qu’elle fit décliner. Doucement, elle la fit diminuée. Lentement, son bras retrouva sa teinte naturelle et l’accalmie s’écoula dans son sang bouillonnant jusqu’à avaler la soif qui la tiraillait.
Elle soupira, maîtresse d’elle-même à nouveau.
- Sophie, tu t'occupes de Felson ?
- Oui … oui. J’arrive.
Ses yeux repassèrent au blanc.
- Qu'est-ce vous auriez fait sans moi, hein?, dit Lennon d'une voix joviale.
- On a deux hommes blessé, Frank, reprit la voix de Gavorn, ignorant son bagage. Il n’y pas de quoi se réjouir pour une mission si courte.
- Oui ! Mais personne n’est mort ! Essaye de voir l’aspect positif !
Puis il se rétracta en Marcus.
Danbermann eut une crispation au contact de Marcus, mais il était bien trop faible et fébrile pour refuser de l’aide, même celle d’un homme qui semblait aussi fou que les événements de ce soir.
Sophie prit Felson sur son dos et tous deux traînèrent leurs charges jusqu'au tram.
Une fois à bord, la jeune femme hissa le novice sur un siège le plus confortablement possible. A son réveil, il n’allait probablement pas se reconnaître dans le miroir. Son visage garderait de sévères traces de cette première expérience avec l’Inconnu, même avec la meilleure chirurgie.
Elle sortit son smartphone et composa un numéro.
- Allo ? Ici Kreuz. La zone est sécurisée, mais nous avons deux blessés sous les bras et une section de la rame rendue instable.
- Message reçu. Nous attendons votre retour et appelons une ambulance.
- Merci. Nous retournons au point d’extraction.
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