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« Le sujet présente de nombreuses anomalies comportementales, dont certaines perturbent le système de l’Animus qui ne génère plus les mémoires de façon complète. Certaines fractures dans l’Histoire se matérialisent malgré le séquençage de chacune des zones. Je ne sais pas encore si le sujet 17 sera en mesure de remplir la mission que nous lui avons confiée ; retrouver l’Ankh est notre priorité désormais. »

23 Février 2013, Rapport audio #34, Professeur Daniel Thomas.

Notes du projet Lazare, Abstergo, tous droits réservés.

Les pulsations de son cœur étaient plus régulières, ses pensées canalisées pour un court instant par la substance injectée dans ses veines.

Les machines nourrissaient son organisme comme le prévoyaient les nouveaux protocoles d’Abstergo. Aucun membre de la confrérie des assassins ne devait être pleinement conscient de sa captivité. Les ordres étaient clairs.

Quand le corps du sujet 17 fut récupéré dans les ruines d’un temple des Précurseurs aux Etats-Unis, il fut décidé que son ADN devait être extrait et confié, pour analyse à Abstergo Entertainment, sous couvert du développement d’une nouvelle branche divertissement de la compagnie.

« Professeur, la dose est létale !

— Calmez-vous Parker, ou bien je ferai appel à un second moins récalcitrant.

— Miles n’est pas un énième sujet de test ! En haut-lieu, on attend beaucoup de votre projet.

— Et alors ?

— Je compte simplement sur le fait que nous mettions toutes les chances de notre côté. Vous savez ce qu’ils font à ceux qui échouent, pas vrai ?

— Ils ne sont plus là pour en témoigner. Suivez mes ordres et tout se passera bien. »

La discussion était comme la répétition d’un enregistrement fait à l’insu de ses participants ; une sensation désagréable parcourut sa nuque, faisant se tendre les muscles de ses cervicales. Plongé dans le noir, il était parfaitement incapable de ressentir la gravité, ses sens sans cesse malmenés par son imagination sustentée par les drogues.

Papa ? Rebecca ? Shaun ! Répondez-moi !

La douleur dans sa tempe refit surface, plus violente et pressante que la dernière fois.

-.A.-

Sedan, France – 12 mai 1940

Les mains couvertes du sang de leurs ennemis, Walter frottait sa peau avec obstination dans l’eau glacée de l’abreuvoir. Il fallait se hâter, nettoyer les traces du massacre et enfiler au plus vite les uniformes dérobés aux cadavres des officiers nazis.

Pour parfaire leurs déguisements, les deux assassins avaient pris soin d’achever leur tâche avec rapidité et précision : un coup de poing pour déstabiliser l’adversaire, un autre dans l’abdomen pour l’empêcher de hurler, puis le coup fatal porté exactement sur le flanc gauche, entre les côtes pour atteindre le cœur sans détour.

Le temps était précieux et la moindre seconde d’hésitation pouvait compromettre toute l’opération ; la veste fut ôtée rapidement pour éviter que le tissu ne s’empourpre trop du sang de la victime agonisant sur le plancher.

Léonard l’observa un instant, détaillant avec beaucoup de sérieux l’accoutrement porté par son apprenti ; il dépoussiéra une épaule et redressa la taille du veston.

« Un vrai petit salopard… Reste muet à partir de maintenant et suis ce que je fais, on doit passer inaperçus au moins jusqu’à ce qu’on atteigne le Luxembourg.

— Et après ?

— On avisera. »

Walter n’était pas aussi coutumier de ces situations que son ainé rompu à cet exercice. Il prit une posture particulière, joignant les talons de ses bottes et tendit une main haute devant lui.

« Ne fais ce salut que si je t’en donne l’ordre. Je t’enseignerais les rudiments de l’allemand pour qu’au moins tu comprennes ce qui se dit. »

Le salut militaire était quelque chose de particulier à chacune des armées que comptait le monde, mais celui qu’avait choisi le parti nazi d’Hitler le révulsait au plus haut point. Il était devenu le symbole d’une idéologie entière, d’une haine infinie.

Le trouble de la guerre rendait la communication d’informations bien plus difficile qu’autrefois mais ils ne devaient laisser aucune trace de leur passage derrière eux.

Après avoir caché les corps des deux hommes dans la cave de la maison abandonnée à l’ennemi, Walter et Léonard quittèrent la propriété à bord du véhicule de leurs victimes. Le chemin qu’ils suivirent était cahoteux, déformé par les intempéries et les hivers trop rudes.

Se fondre dans le décor par un temps de trouble aussi fort n’aiderait en rien à leur cause.

Léonard avait beau être rompu à l’art de l’infiltration et connaître les subtilités de l’allemand, il lui manquait ce petit plus qui pouvait leur ouvrir toutes les portes du Reich… Un instant d’inattention, une parole trop insistante ou trop audible et son accent grossièrement forcé les trahiraient tous deux. Il était convenu que Walter ne devait jamais ouvrir la bouche pour éviter tout écart.

A leur plus grande surprise ils n’éprouvèrent aucune véritable peine à avancer dans la campagne à l’arrière du front. De nuit et sans lumière, il était impossible qu’un convoi allemand les remarque ; Walter s’employait à scruter les alentours à la recherche des phares des véhicules ennemis. Dès qu’il distinguait une lueur suspecte, il avertissait son frère d’armes de la présence d’une menace. Celui-ci coupait alors le moteur du véhicule et ils patientaient jusqu’à ce que les gardes se soient suffisamment éloignés d’eux pour reprendre leur route sans risque.

« Pourquoi croient-ils qu’il détienne la relique ?

— Plusieurs de nos agents sur place, des frères de confiance nous ont rapporté qu’il s’absentait parfois avec ses officiers. Des témoignages attestent même que des hommes émettant des réserves sur sa façon d’entreprendre la guerre finissent par accepter de le soutenir, sans menace aucune.

— Imaginer que les templiers sont impliqués pour autant…

— Ce n’est pas tant le dogme mais les actes qui sont répréhensibles. »

Walter soupira sans conviction ; imaginer qu’un homme, un politicien avait pu tirer parti de la cupidité et du manque de discernement des Templiers était quelque chose qui aurait pu le réjouir s’il n’avait pas finalement servi de prétexte à un génocide.

« Il faut arrêter ça…

— Son heure viendra, mon frère. Accomplissons notre mission et elle approchera plus vite qu’il ne le pense. »

Sur quoi il retomba dans son mutisme habituel. Walter était un libre penseur, un homme dont la foi en un dessein plus grand et plus important que toute vie suscitait autant de méfiance que d’admiration. Il était dévoué à la cause, corps et âme et nul ne pouvait mettre en doute sa capacité à se sacrifier, si le destin le réclamait.

Léonard remit le moteur en marche et avança lentement sur le chemin boueux parallèle à la route ; quelques branches craquaient sur leur passage et bientôt, il leur faudrait abandonner leur véhicule, le cacher dans un sous-bois ou l’abandonner sous un pont, loin des pistes habituelles.

Lorsque le jour se leva, ils posèrent un pied sur le sol boueux, cachèrent les quelques provisions glanées dans la ferme après leur départ dans les poches béantes de leurs paquetages.

« Où se trouve-t-on ?

— On a passé la frontière il y a une heure.

— Sans croiser aucun soldat ?

— Pas si étrange, l’essentiel des troupes est mobilisé sur le front, tempéra Léonard avec certitude. »

En réalité, ils venaient d’entrer dans le territoire des Allemands, au cœur de l’empire conquis il y a plusieurs mois par une armée que rien n’avait pu arrêter. Walter observa la lisière de la forêt, donnant sur un champ en friche laissé à la voracité des herbes folles s’élevant jusqu’à hauteur de leur taille ; il grignota le quignon de pain rassis fourré dans son sac et écarquilla les yeux en portant la paire de jumelles devant lui.

A l’est un campement de fortune était déployé, une tente de bonne taille portant le symbole des médecins et des infirmières. Les soldats allemands morts au combat et dont le corps n’avait pas été trop endommagé étaient rendus à leur famille comme le symbole du sacrifice ultime ; la fierté animait certains visages tandis que d’autres dissimulaient la haine farouche vouée à une cause en laquelle ils ne croyaient pas.

Plus au nord se trouvait un village animé d’une vigueur que la région avait rarement connu : quelques véhicules noirs portant le signe du parti à la croix gammée s’étalaient en épis le long de la rue principale et des drapeaux rouges flottaient aux fenêtres du bâtiment municipal.

« Il est là ce fils de chien… »

La langue maternelle de Walter avait immédiatement repris le dessus, comme un réflexe involontaire, la colère surpassant la raison.

L’objectif n’était plus si loin, mais il fallait maintenant envisager que récupérer l’artefact n’allait pas être aussi simple qu’ils ne l’avaient pensé.

-.A.-

« Son corps n’en supportera pas davantage, il doit récupérer !

— L’animus est une machine,, elle fera ce que l’on attend d’elle.

— Pas si vous le tuez ! Dois-je vous rappeler combien ont coûté vos travaux pour…

— Assez. Vous dépassez les bornes ! »

Un cliquetis lancinant frappait une surface dure et résonnait dans son environnement.

« Une heure, vous m’entendez ? Le temps que l’analyse soit terminée. »

Les pas résonnèrent autour de lui puis s’éloignèrent. Le soupir de l’assistante qui n’avait pas bougé au départ de Thomas bruissa légèrement puis elle se pencha vers lui.

Pendant un instant, Desmond crut apercevoir une lueur, comme l’ouverture située au bout d’un tunnel ; il était plongé dans une semi-conscience qui entravait ses pensées et censurait ses idées mais le fourmillement dans ses bras lui hurlait qu’il était vivant.

Incapable de bouger, il sentait sa poitrine se soulever avec une régularité étonnante, sans à-coup ni accélération.

« Vous m’entendez ? Je sais que vous le pouvez… Nous vous sortirons de là. »


Texte publié par Théâs, 12 novembre 2015 à 22h22
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