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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Attention: spoilers jusqu'au 3ème jeu, les personnages et l'univers appartiennent à Ubisoft.


« Mémoire 1, séquencée… Commencez le transfert des données pour analyse chez Abstergo Entertainment. Note personnelle : le sujet est particulièrement réceptif aux stimuli extérieurs et il semble que son activité cérébrale se soit modifiée à un niveau que nous ne pouvons pas encore quantifier. Manifestement, raviver ces mémoires génétiques semble provoquer un regain intrinsèque de son subconscient et de sa propre zone mémoire. »

21 Février 2013, Rapport audio #28, Professeur Daniel Thomas.

Notes du projet Lazare, Abstergo, tous droits réservés.

La cage était sombre, et les parois vitrées semblaient filtrer la lumière ; l’angoisse le gagnait, ses idées s’entrechoquaient avec la mémoire d’un passé oublié. Tant de personnalités, de vies et d’expériences mélangées dans un seul esprit ayant franchi les portes de la mort ne pouvaient rendre sa perception que plus floue et effrayante encore.

« Sujet réveillé, annonça la voix affable d’une femme.

— Où suis-je ? »

La respiration haletante, son cœur s’emballait dans les méandres d’une conscience simulée. Pas une réponse ne lui parvint. L’avait-elle seulement entendu ?

« Le sujet n’est pas encore prêt, injectez-lui une nouvelle dose de tranquillisants. »

Les protestations du cobaye demeurèrent vaines et il sombra à nouveau vers la noirceur et le repos.

-.A.-

Sedan, France – 11 mai 1940

Quand les bruits sourds firent de nouveau leur apparition, il s’éveilla en sursaut.

« Ryan, bouge ton cul, les bosch ont percé nos défenses ! »

Instinctivement, il se releva et saisit son fusil ; il lui sembla que la terre entière tremblait. La poussière dégringolait du plafond du bunker comme s’il allait céder.

C’est impossible… Junon… Je ne suis pas… J’étais dans le temple…

Perdu au milieu de ce passé qui n’était pas le sien, il n’avait de cesse de s’interroger sur sa propre histoire, son avenir. Le simple fait de pouvoir penser, et se remémorer chaque instant d’une vie qui lui semblait si distante entravait la cohésion sa mémoire.

Il avait la sensation que son esprit flottait loin de son corps, parmi les pensées, les souvenirs et l’histoire d’un autre.

Une déflagration plus puissante que les autres le ramena au danger qui les menaçait.

« Allez ! Me laisse pas tomber ! »

La voix de Léonard était familière, son intonation, son regard apeuré mais plein d’un courage qu’il n’avait que rarement pu apercevoir.

« Je te suis, » trancha-t-il, reprenant ses esprits.

Léonard était en uniforme d’officier, un fusil de classe accroché dans son dos par une large lanière de cuir ; ses cheveux plein de poussière le vieillissait davantage que la barbe grisonnante qui mangeait son visage.

En quittant le bunker semi enterré, Walter Ryan observa avec horreur la ligne de front plongée dans l’obscurité. La nuit noire se parsemait çà et là du feu des armes déclenchées sur un adversaire déjà trop proche. Les détonations lui donnaient le tournis, mais il s’engagea à la suite de son ami dans la tranchée courant en lacet jusqu’au front.

Vers la mort.

Lentement, le doute et la confusion s’effacèrent à mesure qu’il progressait dans la crevasse ; l’insigne sur son torse, l’instinct crépitant dans ses veines. Ses bottes s’enfonçaient dans la boue sans que son pas ne défaille ; le temps leur était compté, et s’il ne se souvenait pas encore exactement du but qu’ils poursuivaient, il était persuadé de son importance.

Arrivé au bout du boyau terreux, ils bifurquèrent dans une veine transversale et s’enfoncèrent sous la terre, dévalant les pierres avec précaution, justesse et célérité.

« A partir de maintenant, on entre sur leur territoire.

— On n’est pas équipé, tu le sais aussi bien que moi.

— Ça ira, fais-moi confiance. On butte deux de leurs gars et…

— Ça ne fonctionnera pas ! s’emporta Walter posant une main sur l’épaule de son ami.

— On aura plus d’autre chance. Ce salaud est là, de l’autre côté, une main sur le cœur, persuadé qu’il ne risque rien. Tu sais pourquoi on a été choisi. »

En vérité, il connaissait les risques mais surtout l’importance de la tâche qui leur était confiée.

« On ne peut pas reculer, plus maintenant. »

Walter approuva le regard bas, résigné. La peur nouait son estomac, et l’appréhension décuplait ses sens.

Le tunnel débouchait sur une marre bordée de pierres après plusieurs kilomètres de dénivalations.

Par moment, il avait l’impression que l’air se raréfiait et peinait à respirer correctement ; Léonard déposa la lampe en acier au bord du lac, et ôta ses bottes.

La faible pluie des derniers jours s’était transformée au cours de la journée en un orage violent, déposant dans le creux des tranchées une eau trouble qui imprégna rapidement la terre. Walter l’imita et, d’un commun accord ils s’aventurèrent dans l’eau glacée.

Le puit ne devait plus être très loin.

Nager dans une eau à la température aussi basse comportait quelques risques, mais ils étaient déterminés à mener à bien la tâche qui leur avait été confiée. Non pas par orgueil ou par fierté, mais bel et bien par sens du devoir et dévouement.

Après dix minutes d’effort, il ne sentait plus son corps mais Léonard lui fit comprendre qu’ils étaient parvenus à destination. D’un geste, le plus expérimenté se hissa le long d’une corde au prix de monstrueux efforts ; ainsi capable d’escalader les parois du puit, il désigna à son élève la seconde cordée.

Le silence était de mise ; sans savoir ce qui se trouvait au sortir du boyau de pierres, il était largement convenu de respecter un silence religieux.

Le puit se trouvait près d’une ferme abandonnée depuis que le front s’était déplacé en France du côté de Sedan où ils étaient postés selon les dernières directives. Ils avaient alors patienté pendant quelques jours, écoutant les nouvelles du front tandis que les allemands, sous couvert d’une attaque surprise, marchaient sur le Luxembourg et forçaient les frontières françaises.

Dès lors, plus rien n’avait été certain concernant Walter et Léonard. Le mentor français avait bien tenté d’entrer en contact avec les supérieurs de leur Ordre, mais aucune réponse ne leur était parvenue. Ils étaient seuls désormais.

Il n’y avait plus âme qui vive à des centaines de mètres à la ronde ; avec un soulagement certain, Walter posa le pied sur une herbe rase et fraiche qui réchauffait curieusement ses membres engourdis par le froid.

« La voie est libre, s’enquit le mentor avec fermeté, les lignes ennemies devraient se trouver trois cent mètres au sud-ouest de notre position.

— Les informations ne donnaient pas l’avancée de l’armée du Reich aussi vive. Je croyais qu’un frère était infiltré ?

— Il sera mort ou aura été découvert avant d’en avertir la confrérie. »

Les cordes enroulées, elles furent décrochés de leur point d’ancrage et les deux hommes rejoignirent la grange toute proche. Progresser dans le noir était difficile, mais nécessaire pour échapper à la vigilance des nazis ; après avoir dégoté quelques linges de maisons propices à sécher leur membres, les frères d’armes passèrent des habits laissées par les anciens occupants des lieux dans les valises qu’ils n’avaient pu charger sur la véhicule familial.

Les chemises trop larges étaient confortables et permettaient de dissimuler aisément la lame secrète à leur poignet ; Léonard enfila finalement un manteau bleu-marine qui alourdissait sa silhouette mais le dissimulait parfaitement dans la nuit.

Walter boutonna la chemise et passa la veste de tissu de l’un des fils du paysan qui vivait là. Correctement vêtus ils pouvaient prétendre facilement s’enfoncer dans les terres tout juste conquises par l’armée ennemie et se faire passer pour des paysans égarés par la violence des combats et des bombardements.

« Allons-y. » fit le plus vieux.

Ils avaient une longue marche à travers les bois à accomplir avant que les rayons du jour n’inondent de nouveau les plaines françaises du nord est.

En ouvrant la porte de la grange, la fracture était visible, lumineuse et immaculée dans la nuit noire. Léonard affairé à rassembler quelques affaires n’y prêtait aucune attention.

Un regard en arrière puis Walter s’y engouffra…

-A-

Il ressentait la douleur, une pointe s’enfonça dans sa tempe comme la lame achevait ses ennemis ; la ferme rejaillit dans ses pensées. Les longues journées d’été. Sa mère occupée avec les autres femmes de la communauté. Son père s’attardant à une table ronde…

Ses yeux glissaient sur les souvenirs comme autant de clichés parcourus dans l’album de son passé. Celui d’avant les Templiers. D’avant le Combat.

Celui d’avant Lucy et de tous ces sacrifices consentis à une cause plus grande que sa propre vie.


Texte publié par Théâs, 29 juillet 2015 à 20h49
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