Forteresse de Pons
La Confrérie faisait en quelque sorte partie du Capitole, ils n’eurent donc pas besoin de passer par la filière officielle des demandeurs d’audience. Ils firent leur entrée dans la grande salle du Conseil où était entreposée une grande table blanche, contrastant avec le sol dallé d’un noir si opaque que l’on croyait marcher dans le vide. La grande salle avait pour plafond de grands tableaux et vitraux aux multiples couleurs illuminées par le soleil qui passait au travers offrant ainsi une luminosité multicolore dans toute la pièce.
Ce qui était étonnant, c’est qu’il n’y avait presque aucun mur, lorsque l’on entrait, sur votre droite ainsi que sur votre gauche, l’on pouvait voir de longues vitres séparées de temps à autre par de fines colonnes de pierres blanc cassé, mais devant vous, plus rien. Aucune vitre, seuls des piliers permettaient d’assurer la stabilité. La salle était en voute, comparable à une église. C’était la plus haute de l’immense forteresse de Pons. Ainsi, lorsque l’on s’approchait au devant de la salle, qui en passant s’avérait d’une étendue incroyable, l’on pouvait voir et admirer les paysages qui se trouvaient derrière la forteresse, des forêts, des lacs, des villes et villages lointains.
Le dirigeant originel avait fait construire cette salle de manière à ce qu’il puisse observer ce qui se trouvait à l’arrière de sa forteresse et non devant comme beaucoup l’auraient fait. Il disait qu’il n’y avait aucun intéret à contempler les boutiques marchandes, les fontaines, les entrainements de soldats car tout était de la main de l’homme et il pouvait le voir tout les jours quand il sortait du palais pour aller s’occuper de choses et d’autres. Alors que la nature recelait bien des trésors et offrait des vues magnifiques et une atmosphère apaisante. Le calme. Le silence. Le doux murmure du vent d’automne lui chatouillait agréablement les narines.
Un serviteur vint annoncer la venue de la Confrérie au dirigeant qui se trouvait devant ce beau spectacle. Son visage se crispa. Il ne souhaitait guère les recevoir, ils venaient d’interrompre ses pensées. Il émit un faible grognement.
« Mes chers confrères ! s’exclama le dirigeant en se retournant. Cela fait si longtemps.
-Ou est le dirigeant ? demanda Berken.
-Vous l’avez devant vous messieurs. Je suis Aros. Et pour vous je devrais être nommé Sa Majesté en toute circonstance et situation. Leur annonça-t-il d’un ton enjoué.
Les chasseurs furent estomaqués par la nouvelle. Où diable était donc Albius, et que faisait ce gringalet vaniteux de dix-sept ans qui se croyait maitre du capitole.
-Venez donc, prenez place, nous avons tant de choses à nous dire. Dit-il un rictus aux lèvres.
-Où est Albius ? reprit Berken.
-Nous aurons tout le loisir d’en discuter après, pour le moment j’ai...
-Répondez ! s’écria Herdo, ses narines gonflaient et ses poings se refermaient, il avait une furieuse envie de cogner ce guignol arrogant.
Ce dernier laissa échapper un petit rire, après s’être assis au bout de la table. Il s’accouda à la table puis son menton sur deux de ses doigts.
-Albius n’est plus de ce monde. Leur annonca-t-il avec un grand sourire malsain.
Un silence de plomb s’installa dans la grande salle. Les chasseurs paraissaient estomaqués, ils eurent l’impression d’avoir reçu un coup de hache dans l’estomac. Les premiers à réagir furent comme souvent Herdo et Armon ;
-Qu’avez vous fait de lui ?
-Moi ? Je n’aurais jamais commis un acte d’une si grande gravité. Comme vous le saviez sans doute, le dirigeant se faisait vieux, et à l’heure actuelle nous ne connaissons aucun remède à la vieillesse.
-Menteur !! s’écria Armon qui s’élança vers Aros un poignard à la main. Herdo le rattrapa de justesse avant qu’Armon ne passe à l’acte.
Aros n’avais plus la même expression enjoué après qu’Armon ait faillit le blesser. Ses sourcils se froncèrent, il se leva lentement de son siège et ordonna aux chasseurs de s’asseoir.
-Cela suffit messieurs !!! Vous êtes face au nouveau dirigeant du Capitole, j’exigerais de la politesse et du respect.
-Du respect ? réplique Armon en riant. Vous ne cessez d’afficher votre enthousiasme tout en nous annonçant la mort d’Albius et vous demandez du respect ? Allez-vous faire foutre !! s’écria-t-il son poignard visant la tête d’Aros. Il sortit de la grande salle en claquant la porte si fort que cela fit choir de nombreux bibelots.
Les chasseurs furent un peu contrariés, bien qu’ils approuvaient la réaction de leur confrère envers Aros, ils savaient que cela ne jouerait pas en leur faveur.
-Notre entrevue est terminée. Annonça sèchement Aros aux chasseurs.
-Non, attendez, nous avons des informations importantes... commença Berken.
-Que vous me direz lorsque votre confrère se sera excusé et soumis à la nouvelle autorité suprème du Capitole. En plus de cela je constate qu’il manque un de vos membres. Le premier a déjà disparu, voilà qu’un autre manque à l’appel. Votre demande est par conséquent irrecevable. A présent, veuillez sortir. Dit-il.
-Tête de con. Murmura Herdo avant de suivre les autres pour sortir. Une fois sortis du palais, ils traversèrent les longues avenues où s’amoncelaient boutiques, marchands, ils se mêlèrent à la foule qui encombrait les rues avant de pouvoir sortir de la forteresse. Ils rejoignirent leurs chevaux qu’ils avaient laissés juste devant. Armon y était déjà caressant le col de son canasson.
-Et maintenant ? demanda Herdo.
-Il faut rentrer. Nous reviendrons, mais cette fois-ci, Carlos viendra avec nous.
Ils chevauchèrent leurs montures et repartirent donc à l’antre. Sur leur trajet ils s’arrétèrent dans nombreuses auberges, boutiques, tavernes, ils n’étaient plus aussi pressés qu’à l’aller à finir leur route. Ils accéleraient tout de même la cadence vers les derniers jours, car ils se souvenaient que Carlos était mal en point, ils espéraient qu’il allait mieux maintenant. Il était capital qu’il vienne à Pons ou tout espoir de regagner la confiance du peuple et du capitole seraient perdus. A chaque arrêt, leur principal sujet de discussion concernait Aros. Ils ne cessaient de plaisanter à son sujet, il leur semblait tellement ridicule qu’un gosse soit à la tête du capitole. Mais en même temps, ils étaient furieux, car Aros n’avait pas la même manière de penser et de fonctionner qu’Albius, et cela pourrait bien compromette l’avenir de la confrérie. Seul Meor, l’homme à la cicatrice, ne parlait pas. Rare étaient les fois où il disait quelque chose. Il faut dire que sa vie avait était particulièrement difficile par rapport aux autres. Le confrère disparu l’avait profondément attristé et renfermé sur lui-même. Il ne communiquait que très rarement avec ses confrères, mais cela ne mes gênait en aucun cas. Meor était de loin le plus loyal et le plus droit des chasseurs. Il était fort, habile et intelligent, il combattait toujours ses enemis avec une certaine élégance. Mais à l’intérieur, il était brisé en mille morceaux. Voilà cinq ans que son frère avait disparu, et ils n’avaient toujours aucune trace de lui. Oui. Le confrère disparu était bien le petit frère de Meor, nommé Teor.
Ils se trouvaient dans une auberge, où ils se distrayaient avec une partie de cartes, quand Meor remarqua la présence d’un homme encapuchonné et vétu de noir jusqu’aux pieds les observer. Celui-ci détourna la tête et sortit précipitamment. Meor était bien tenté de se lancer à sa poursuite mais il savait que tout homme comme celui-ci avait sa monture et cela prenait seulement quelques secondes pour la monter et s’enfuir. Il n’aurait pas eu le temps de le rattraper. Mais peu importe.
-Cela fait le quatrième qui nous espionne. Murmura-t-il.
-Qui ça, de quoi parles-tu ? demanda Herdo en tournant la tête de tout les côtés pour voir de qui Meor parlait.
-Il vient de partir, mais ce n’est pas le premier. A chaque arrêt que nous faisons, il y a un inconnu vêtu exactement comme nous qui nous observe. Dit-il de sa voix grave.
-Tu es sur ?
-Comme je vous vois.
Les chasseurs ne trouvèrent rien à dire concernant les remarques de Meor mais ils le croyaient. Meor avait cette qualité de toujours dire la vérité, ou bien c’était un menteur extrémement doué. Mais nombreux évènements avaient prouvé le contraire. Après s’être reposés et avoir déjeuné dans l’auberge, ils repartirent pour l’antre. Cette fois-ci, plus aucun arrêt. Ils n’étaient plus qu’à quelques heures du lieu de leur destination. Une fois arrivés, ils accoururent à la grande salle, ils devaient en toute hâte parler à Carlos. Mais la priorité, c’était de savoir si Carlos allait mieux. Ils ouvrirent la grande porte et pénétrèrent dans la salle. Et à ce moment là, ils faillirent tous s’évanouir.
Un vent glacial s’installa, ils se trouvaient juste devant la grande table, immobiles, muets, les mains tremblantes. Ils voulaient avancer mais quelque chose semblait les paralyser. Plus aucun son ne parvenait à leur oreilles, aucun ne pouvait détacher son regard du cadavre sanguinolant de Carlos.
Taverne des Loek
Teron m’avait entrainé dans la réserve, afin de pouvoir me parler sans que l’on puisse nous entendre. Ce qu’il avait à me dire semblait grave et important.
-Tu te rappelles quand Serik a posé la question de si tu allais devenir un tueur ou un meurtrier, aux runes ?
-Evidemment, c’était hier.
-Je ne crois pas que c’est une question innocente. Quand on y pense, pourquoi Serik aurait posé une question comme celle-ci aux runes ? En quoi aurait-il trouvé cela amusant ?
-C’est Serik, depuis le temps tu devrais t’y faire. Il a toujours été comme ça.
-Non, je ne crois pas que ses habitudes rentrent en ligne de compte dans cette histoire.
-Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
-Hier soir, quand Serik est sorti après que l’inconnu ait fait de même quelques secondes avant, j’ai pu les voir par la fenêtre du comptoir se parler. L’homme lui avait donné une bourse.
-Une bourse ?
-L’inconnu l’avait payé. Ce qui implique que Serik nous cache quelque chose. Et ce n’est pas tout.
-Quoi encore ? lui demandais-je en haussant la voix.
-Ces runes sont les armes officielles et personnelles de la Confrérie des Chasseurs, elle-même appartenant au Capitole.
-Le Capitole est impliqué là-dedans ?
-Je n’en sais pas davantage, hélas, mais je suppose que oui.
Je tournais le dos à Teron, une de mes mains caressant mon menton, l’autre sur ma hanche. J’avais encore du mal à réaliser ce que Teron venait de m’annoncer. Serik avait donc passé un marché avec cet inconnu ? Lui qui m’avait frappé hier soir et qui convoitait les runes ? Je sentais la colère monter en moi.
-Où est Serik ? demandais-je sans me retourner.
-Il nourrit les chevaux des clients dehors.
-Il va m’entendre. Grommelais-je en sortant.
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