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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Contrée de Abrakong.- Taverne isolée des Loek.

Les runes ne mentent jamais. J’avais néanmoins un doute quant à ces révélations. Je m’inquiétais surtout de la réaction qu’allaient avoir mes compagnons de table quand ils verraient ce qu’elles révélaient à mon sujet. Je les tenais encore dans la paume de ma main, les doigts relevés les préservant des regards. J’avais du mal à y croire. Je m'apprêtais à me lever feignant de devoir partir pour une raison que j’étais en train d’inventer dans ma tête, quand Serik saisit mon poignet droit qui contenait les runes pour regarder. Celui-ci pouffa de rire avant d’annoncer aux autres la réponse des runes ;

« Les gars c’en est un ! »

Nous étions dans une vieille taverne, le genre crasseuse ou la débauche est à son comble le soir et où les bagarres ne cessent. J’avais pris soin de m’installer à la table la plus isolée où personne ne viendrait nous embêter. Trois bons amis et moi-même avions trouvé des runes il y a quelques jours. Nous passions depuis notre temps à poser des questions plus farfelues les unes que les autres. Je trouvais cela assez amusant jusqu’à maintenant. J’étais apparemment destiné à devenir un tueur dans un avenir plus ou moins proche selon les runes. Sérik était complétement hystérique. Quant aux jumeaux, les frères Loek, ils ne semblaient pas savoir comment réagir. Nous savions que les runes disaient la vérité, au vu des précédentes questions que nous avions posé. Je mourrais d’envie d’étrangler Sérik pour le faire taire, mais quelqu’un vint à notre encontre, un curieux bonhomme affublé d’un grand chapeau noir rongé sur les bords et d’une longue cape grise qui couvrait tout son corps. Il semblait très intéressé par nos runes. Il avait le regard luisant, le dos droit, la tête légèrement penchée, au premier abord je lui donnais la cinquantaine. Il resta immobile pendant plusieurs secondes avant de nous adresser la parole ;

« Jeunes gens, puis-je me joindre à vous ?

Nous échangeâmes un regard. Je n’aimais pas trop ce genre d’inconnu qui s’incrustait mais quand j’aperçus son épée au travers d’un pan de sa cape ainsi qu’un poignard accroché plus haut, je lui désignais une chaise.

« Je vous en prie.

-Merci bien, répondit-il en s’asseyant à côté de moi.

-Vous êtes bien jeunes pour être aussi souvent dans ce genre d’endroit. Mmmh voyons, la trentaine ou la vingtaine je dirais, peut être moins pour votre ami. Dit-il en désignant Serik.

-La taverne est à nos parents. Et vous, comment se fait-il que vous nous espionnez ? demanda l’un des frères assis à sa gauche qui s'appelait Teron.

-Ah je comprends mieux. Dit-il avec un sourire pincé, il est vrai que je vous observe depuis quelque temps, vous possédez un jeu tout à fait fascinant. Il y a longtemps que je n’avais vu de vraies runes. La plupart sur lesquelles je suis tombé étaient des fausses. Les personnes d’aujourd’hui ne respectent plus rien, ils copient tout ce qui intéresse les gens. Dit-il en riant.

Personne ne sut quoi dire. Nous aurions dû cacher les runes avant qu’il ne vienne vers nous. Mais il était trop tard. Le sourire qu’affichait l’inconnu disparut quand il posa son regard sur moi.

« Je souhaiterais t’acheter les runes petit.

-Elles ne sont pas à vendre. Répondis-je avec fermeté.

-Tu en es bien sûr ? demanda-t-il en me fixant.

Il dirigea ensuite son regard vers les autres, puis sur les runes ;

-Vous ignorez à quel danger vous vous exposer en possédant ces runes.

-Expliquez-nous, et nous saurons nous défendre, répondis-je.

-Ha ha ha ! Dit-il en s’affaissant sur son siège.

Les frères jumeaux et Serik n’osaient rien dire. Ils se contentaient d’observer la scène d’un œil inquiet. Voyant que je ne changerais pas d’avis, il laissa tomber, un peu facilement à mon gout.

« Très bien. Je vous aurai prévenu. Je vous laisse tranquilles. Dit-il en se redressant.

Une fois sorti de la taverne, nous nous redressâmes à notre tour.

« Je ferais peut être mieux de rentrer, déclara Serik, à plus les gars.

Les deux frères se dirigèrent derrière le comptoir pour aider leurs parents à nettoyer les dernières chopes de bière. Aucun ne dit un mot. Il faut dire que cet homme était assez intriguant. Je sortis à mon tour de la taverne pour respirer un peu d’air frais, quand quelqu’un m’attrapa par le bras et me tira sur le côté.

« J’ai entendu ce que les runes ont révélé à ton sujet. Alors si tu ne veux pas que je te tue sur le champ, tu ferais bien de me les remettre ou je révèle également à tout le monde ton futur métier.

-Ah oui ? Qui va vous croire. Tout le monde a déjà essayé d’en escroquer plus d’un avec de fausses runes.

-Tu n’y connais rien petit. Il suffirait que je leur fasse une démonstration avec des questions simples et je n’aurais alors aucun mal à les convaincre surtout que tu en as le profil. » Dit-il.

Je lui assénai un gros coup de poing sur sa joue droite. Mais il était costaud, cela ne suffisait donc pas à l’assommer. Contre toute attente, il pouffa de rire. Mais ce fut de courte durée. Il me colla une gifle si violente qu’il réussit à me mettre à terre.

« Tu te crois malin ? Je te sauverai la vie si tu me donnais les runes.

-Comme si ma vie vous importait. Répondis-je rageusement en me relevant la bouche en sang, que j’essuyai avec la manche de ma veste.

-Si ces runes restent en votre possession, tes potes ne tarderont pas à te chasser d’ici, ou même pire ils te tueront.

-Jamais ils ne feraient cela, de plus, je n’ai rien à cacher.

-C’est peut être vrai, mais les runes ne mentent jamais. Tu es un tueur.

-Non !! criais-je laissant au passage s’échapper des gouttes de sang.

-Je suis navré petit. Me dit-il.

Je crus qu’il se foutait encore de moi mais il n’affichait plus aucun sourire ironique, ses yeux exprimaient de la pitié. Il était sincère. Devrais-je lui donner les runes ? Si cela m’évitait de devenir ce que je redoutais, j’étais assez d’accord avec l’idée. Mais je ne connaissais pas cet homme, et même si il était franc du fait que j’allais devenir un tueur, je ne pouvais pas me permettre d’accorder ma confiance à n’importe qui. Si ça se trouve, l’on me tendait un piège. Et je refusais d’être un homme qui se fait avoir.

-Je ne vous donnerai pas ces runes.

-Dommage. Cela fait si longtemps que j’en cherche.

-Vous allez devoir vous en trouver d’autres.

-Planque-les, et ne t’amuses plus avec comme tu le fais depuis des jours. Cela attire l’attention et ce n’est pas judicieux par les temps qui courent.

Je ne répondis rien, j’attendais qu’il s’en aille. Nous restâmes immobiles l’un en face de l’autre. Quand l’inconnu tourna enfin les talons, une voix rugit derrière moi ;

« Quels ennuis t’es tu encore attiré ?

-Rien Rosie. Retournez à l’intérieur. »

Rosie était la mère de deux de mes amis, les frères jumeaux Teron et Karl. Rosie partageait la taverne avec son mari. Elle était petite, le teint pâle et d’une maigreur effrayante, mais c’est une adorable vieille dame. Elle s’occupait de moi comme de ses propres fils, elle me nourrissait et m'accueillait tout les jours. Elle m’avait même proposé de loger chez eux, mais je n’avais pas de travail permettant de les aider financièrement ni aucune autre chose pour les remercier. J’avais donc décliné son offre.

Je retournai dans la taverne pour y récupérer mes affaires. Rien de bien spécial, une sacoche usée avec le strict nécessaire et un poignard que j’accrochai à ma ceinture.

« Bonne nuit Monsieur, madame Loek. Dis-je en les saluant, à demain les frangins !

-Au revoir. »

Je sortis de la taverne en enfilant la bandoulière de ma sacoche sur mon épaule. L’obscurité de la nuit était à son comble. Le vent était glacial et je sentis plusieurs gouttes de pluie commencer à tomber. Génial. Un temps pourri juste au moment où je mettais le nez dehors.

Par chance, je n’allais pas très loin. La taverne était un peu isolée, plusieurs villages étaient situés aux alentours, je ne sais pourquoi la famille Loek avait tenu à rester éloignée d’eux. Ils avaient surement de bonnes raisons. Non loin de la taverne, à deux kilomètres se dressait la forêt nommé Hum. C’est là que je dormais chaque nuit. Rassurez-vous je ne dors pas à même le sol, sinon je serais dévoré par un animal. J’avais toujours une corde solide dans ma sacoche pour pouvoir m’accrocher à une branche d’arbre sur laquelle je dormais. Certains trouveraient cette situation triste, mais on s’y fait. Je n’enviais nullement les jumeaux ou Serik qui dormaient toutes les nuits dans un foyer avec leur famille. J’aimais ma vie en solitaire. J’avais toujours été comme cela, je ne courais pas après les gens, je ne désirai pas de pouvoir, d’argent, de reconnaissance, je ne désirai rien de plus qu’une vie simple avec deux ou trois potes, et peut être un jour une petite famille. Je ne veux pas être mêlé à ceux qui dirigent et se croient le moteur du fonctionnement du monde. Enfin bref, je veux juste vivre. Rien ne m’avait jamais inquiété, angoissé car je restai à l’écart. Malgré quelques bagarres et chamailleries avec mes potes ou avec des inconnus ivres racontant de choses hilarantes. J’esquissai un sourire.

Mais l’apparition de ces runes contrecarraient ces pensées. Allais-je vraiment devenir un tueur ?

Mindhra - La Forteresse abandonnée

La grande salle de la forteresse était dénuée de tout trône, d'ornement, de tapis ou bibelots luxueux. Seule une grande et large table en bois occupait presque tout l'espace de la pièce. De nombreuses cartes terrestres et nautiques recouvraient les murs. Autour de la table s'étaient réunis cinq hommes encapuchonnés d'une longue cape qui leur arrivait jusqu'aux chevilles. Ils portaient tous de fines bagues comparables à de simples alliances bien qu'aucun d'eux n'était marié. Ils n'avaient pas le temps pour ce genre de choses. Leur tâche leur prenait toute leur énergie chaque jour. Deux d'entre eux commençaient à avoir des rides sur leur visage au teint balafre. Le troisième laissait apparaitre une vilaine cicatrice qui partait de son nez jusqu'au bout de sa joue droite. Les lèvres rouges, le regard menaçant il était sans nul doute le plus imposant de tous. Les deux derniers étaient tout aussi singuliers, une carrure forte, un visage aux traits prononcés. L'un avait la peau mate, tandis que l'autre avait une peau blanche comme de la craie.

"Nous sommes dans une impasse" murmura un des hommes aux rides, nommé Herdo.

-Cela fait un moment que nous y sommes. ironisa l'homme à la cicatrice.

-Savez vous pourquoi Carlos n'est toujours pas arrivé ? demanda Herdo.

Tous hochèrent la tête de manière négative. Carlos faisait toujours les choses à sa guise, c'était le plus ancien des chasseurs alors il s'accordait quelques privilèges.

"Cela fait des semaines qu'il ne donne plus aucune nouvelle, il commence à devenir négligeant.

"Que veux-tu y faire ? Raisonner Carlos, ce serait comme vouloir éteindre un incendie avec du sable. dit Armon.

"Eteindre un incendie avec du sable ?

"C'est la première expression qui m'est venue à l'esprit.

Tous baissèrent les yeux, un sourire en coin.

"Vous m'avez compris c'est le principal !

Armon avait toujours été sujet à moquerie et ce, dès son arrivée. Il voyait certains commencer à pouffer. Lui ne voyait pas ce qu'il y avait de vraiment amusant. Quels gamins. Heureusement pour lui, quelqu'un vint interrompre ce moment embarrassant si l'on peut le qualifier ainsi. Carlos venait d'arriver. A sa manière de marcher, complètement décalée et tordue, on pouvait facilement voir qu'il avait trop bu. Rien d'inhabituel.

"Salut tout le monde, alors quoi de neuf ?

"Dans quel état tu es encore... soupira Herdo.

"J'étais.... j'étais....dit-il avec difficulté, la bouche pâteuse.

Tous attendaient les explications de Carlos. La plupart ne purent s'empêcher de sourire. Ils aimaient beaucoup Carlos malgré toutes ces frasques. Si il n'était pas un bon chasseur, leurs relations seraient sans doute bien différentes. Mais c'était le meilleur de tous.

"J'étais à la taverne ! Une taverne... très... accueillante.

Carlos avait du mal à s'orienter. Les autres chasseurs durent s'y mettre à plusieurs pour l'assoir sur une chaise.

"J'ai rencontré des gens très sympa. En fait, je suis allé dans deux tavernes. Ou peut être trois. J'ai oublié. Mais vous devinerez jamais ce que j'ai trouvé là-bas, dit-il les yeux à moitié clos et l'index gauche pointé en l'air.

"Qu'as-tu trouvé ? demanda Dron.

"Des...bunes

'Des quoi ?

"frunes...prunes...mounes...sunes...

Les chasseurs se regardèrent totalement abasourdis par les dires de Carlos.

"Prends ton temps. Articules bien.

"Fyunes...liunes...brunes...brunes...runes..

'Des runes ?

"Oui c'est ça !! Des runes les amis ! cria-t-il avant de s'écrouler sur la table.


Texte publié par Faycuckoo, 19 juillet 2015 à 13h28
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