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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Les bottes de Yeraz crissèrent sous ses pas précipités. Il se força à ralentir l’allure pour ne pas tomber dans la neige. Il était pressé mais pas au point de risquer une chute. Son père l’attendrait bien un peu. C’était toujours mieux que de rentrer chez lui, trempé. Déjà qu’il avait pris directement le chemin de son foyer, à peine les cours terminés ; il n’avait même pas pu discuter avec ses amis, trop prit par le temps.

-Yeraz !

Derrière lui, un cri retentit. Il se retourna.

Une jeune femme venait vers lui. Elle portait un manteau de fourrure, capuche rabattue sur la tête et écharpe montant jusque son nez. Malgré cela, il n’eut aucun mal à la reconnaître. C’était Gaëlla, son amie d’enfance. Après quelques petits bonds agiles, celle-ci le rejoignit.

Elle reprit son souffle avant de pouvoir parler. Une bourrasque de vent en profita pour percer leur vêtement et les faire frissonner. La longue natte que la jeune femme portait sur le côté gauche de sa tête, s’agita.

-Ne traînons pas, déclara son ami. Viens donc à la maison prendre quelque chose de chaud avant de rentrer.

-Merci.

Ils se remirent en route. C’était la chose la plus sensée à faire. Mieux valait ne pas traîner en extérieur. Encore plus quand on avait fait des efforts comme ils venaient de le faire.

-Tu es partie si vite, souffla-t-elle. On a juste eu le temps de tourner la tête et tu n’étais plus là.

-Désolé. J’ai promis à mon père de revenir le plus vite possible. Ce n’était pas contre vous…

-Je m’en doute.

Ils continuèrent leur progression, alors que leurs bottes s’enfonçaient dans la large couche de neige. Pour le moment, il n’y avait pas de flocons, ce qui leur permettait d’avoir une meilleure visibilité. Le froid se faisait néanmoins, très vif.

-Au fait, qu’est-ce que tu voulais me dire ?

-Pardon ?

-Si tu n’as couru après, ça doit être pour une bonne raison.

-J’aurais pu avoir juste envie de te voir…

-Tu me vois déjà tous les jours.

Ils arrivèrent en vu de la maison du jeune homme. C’était un foyer de taille modeste mais agréable, en bois doté de petites ouvertures, évitant que le froid puisse entrer. Les deux amis ne passèrent pas par la porte principale mais entrèrent par le sous-sol, qui courait sous toute la surface de la maison. Une large porte permettait d’y ranger une camionnette. D’ailleurs, une place suffisante pour celle-ci restait vacante. Autour s’entassait un tas d’objets hétéroclite, que la poussière recouvrait petit à petit.

Une fois à l’intérieur, ils frappèrent leurs chaussures au sol pour en dégager la neige collée. Malgré la température encore fraîche dans le lieu, les amis retirèrent bonnet, écharpe et manteau. Yeraz précéda la jeune femme dans les escaliers et la guida jusqu’à la cuisine. Ils ne firent qu’un petit détour pour accrocher leur vêtement mouillé au-dessus d’une bouche de chaleur qui réchauffait la maison.

Le garçon mit ensuite de l’eau à bouillir et sortit deux grandes tasses blanches.

-Un thé ?

-Oui, merci.

Elle prit place à table, attendant que la théière siffle pour indiquer que la boisson était prête. En faisant attention pour ne pas se brûler, il remplit les récipients de liquide fumant. Gaëlla attira le contenant jusqu’à elle. Avec joie, elle passa ses mains sur le haut de la tasse, pour se réchauffer avec la vapeur.

Même si le froid faisait partie de leur vie, elle devait avouer que parfois, elle se lasser des conditions climatiques extrêmes. Avoir le visage rougi, les mains sèches et le nez qui coule perdait de son charme à force. Elle rêvait d’autres choses, de connaître d’autres gens, de découvrir des paysages magnifiques et de pouvoir se créer de nouveaux souvenirs.

Ce n’était pas forcément la chose la facile à avouer à ses proches mais il était temps pour elle de faire ses choix. Elle y avait beaucoup réfléchi année après année, se nourrissant de récits imaginaires et de rêves.

-Alors qu’est-ce que tu voulais me dire ? avança Yeraz.

Son amie ne dit rien, contemplant son reflet dans le thé. Elle avait une petite mine.

La jeune femme soupira avant de prendre la parole.

-J’ai décidé, commença-t-elle.

Autant dire les choses, le plus simplement possible. Tourner autour du pot ne ferait pas en sorte que cela soit mieux accepté.

-J’ai décidé de partir.

-Où ça ?!

Elle leva les yeux au ciel. Yeraz mettait parfois de la mauvaise volonté pour comprendre ce qu’il n’avait pas envie de comprendre.

-C’est bientôt le moment…

Pour eux qui vivaient sous un ciel de glace, il existait une rumeur, pour ne pas dire une légende colportée année après année. Tous les ans, à la même période, il était dit que l’épaisse couche de gel disparaissait en un point précis, ouvrant un passage menant vers un lieu inconnu. Pour ceux qui ne connaissaient que le givre en permanence, c’était un doux rêve.

-Et ?

Le jeune homme blond fronça un sourcil. Il avait peur de comprendre où son amie voulait en venir, et ce n’était pas pour lui plaire.

-J’ai décidé de partir…

-Non ! lâcha-t-il brusquement.

Il se reprit.

-Pas toi.

Son visage s’était attristé. Gênée Gaëlla plongea les lèvres dans le thé. La boisson lui fit du bien. Elle sentit la chaleur du liquide se rependre dans son corps, lui donnant du courage.

-J’ai pris ma décision.

Il baissa la tête, penaud. En cet instant, elle s’en voulut presque. Même si elle imaginait la portée de cette révélation sur Yeraz, elle ne s’était pas attendue à cela. Plutôt à des cris ou de vaines tentatives pour la raisonner et non pas cette tristesse sourde, ce désespoir envahissant l’espace.

-Je ne peux rien dire pour te faire changer d’avis ?!

-Yeraz ! Je veux le voir de mes yeux.

-Le voir ?! Mais voir quoi ?!

C’était véritablement la bonne question. De tous ceux qui étaient partis, seuls ceux qui n’avaient rien trouvé étaient revenu. Ce qui ne laissait présager rien de bon. Néanmoins, la jeune femme se voulait optimiste. Toutes les légendes avaient un fond de vérité et celle-ci n’y coupait pas. Il était impossible qu’il n’y est rien derrière l’épaisse couche de glace.

-Je ne sais pas. Mais c’est le bon moment pour moi.

-Le bon moment ?

-Oui, c’est un voyage qu’on doit tenter lorsqu’on est jeune et non une fois qu’on se retrouve aux prises avec la maladie.

Il fit tourner sa tasse entre ses deux mains.

-Certes mais ça demande de la préparation. Tu ne vas pas partir toute seule comme ça.

Les doigts de la jeune femme serrèrent plus fortement son emprise sur l’anse. Il en arrivait à l’un des points les plus importants.

-Justement à ce propos…

-Quoi ?!

-Aram, va m’accompagner.

A ces mots, le jeune homme eut la vive impression qu’on lui avait transpercée le cœur avec une lame acéré. Ainsi, ses deux meilleurs amis avaient ensemble pris une décision capitale sans même lui en parler. Il se retrouvait maintenant mit devant le fait accompli.

Avait-il eu tort de croire en leur amitié ? Lui qui pensait qu’ils seraient toujours là les uns pour les autres, que leur amitié seule comptait. La trahison avait un goût amer. Sans finir sa tasse, il versa le reste du contenu dans l’évier.

-Je vois que tout est déjà organisé. Je n’ai donc plus mon mot à dire.

-Yeraz ne le prend pas mal.

-Je le prends comme on me le présente ! Depuis combien de temps parlez-vous en secret ?!

-Ca ne s’est pas passé comme ça.

Il haussa les épaules.

-Ca n’a pas d’importance. Finis ta tasse et laisse-moi s’il te plaît. Je dois aider mon père et je suis déjà en retard.

L’espace d’un instant, elle parut déconcertée.

-On en reparlera prochainement, promit-elle.

Il ne répondit pas. Il n’avait aucun envie de parler de ça. C’était douloureux. Bien trop douloureux.

A son tour, son ami posa la tasse dans l’évier et se prépara pour affronter le froid régnant à l’extérieur.

-Merci pour le thé.

-De rien.

Il avait parlé machinalement. Son visage était crispé. La nouvelle devait être très dure à digérer pour lui qui n’avait jamais eu de rêve de voyage.

Yeraz ferma la porte derrière son invité, la verrouilla et ce ne fut qu’ensuite qu’il s’autorisa à faire tomber le masque. Passant une main sur son visage, il se massa les tempes. C’était difficile de croire que cela lui arrivait. Il ne s’y était pas attendu le moins du monde. Depuis quand son chemin, s’était-il séparé de celui de ses amis ?

Il aurait le temps d’y réfléchir, longuement. Avec un soupir, le jeune homme alla chercher un seau rempli d’eau chaude et de produit nettoyant, accompagné d’une large éponge. Il y avait des tas d’objets à nettoyer avant le retour de son père.


Texte publié par Nascana, 15 juillet 2015 à 02h34
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