Journal de bord – 4 novembre 1950
Qu'il est bon de rentrer chez soi. Percy s'est montrée bien plus compréhensive que je ne le redoutais.
— Nous aurons tout le temps de nous voir quand tout ceci sera terminé, mon amour, m'a-t-elle déclaré.
C'est tout le malheur que je nous souhaite.
Quant à moi, il ne me reste plus qu'à attendre. La kunée est prête et je suis supposé prendre la relève d'Ozzy à fin du mois : nous avons convenu de nous relayer afin de passer autant de temps que possible avec nos épouses, au cas où les choses tourneraient mal et les priveraient à jamais de nous.
Journal de bord – 24 janvier 1951
Enfin, des nouvelles !
Locke a trouvé la trace de Nergal, je pars immédiatement au bureau retrouver les autres, en espérant qu'il ne soit pas à Vladivostok.
Moi et ma chance...
J'arrivai au bureau un peu avant Ozzy, appelé lui aussi par Ella.
— Les nouvelles ne sont qu'à moitié bonnes, annonça-t-elle d'emblée. Mon père a retrouvé Nergal, il a même réussi à prendre une photographie.
Elle nous la fit passer afin que nous puissions y jeter un coup d’œil. J'y découvris un véritable colosse qui dépassait les autres personnes sur le cliché de presque deux têtes, la mâchoire carrée, l'orbite rentrée sous une arcade sourcilière massive. Le cheveu court, la barbe rasée de frais, il arborait une expression sinistre. Puis je vis ses vêtements et compris à quel problème nous étions confrontés.
— Qu'est-ce qu'il fiche en treillis ? demandai-je.
— Pas seulement lui, observa Ella, les autres personnes sur la photo sont de toute évidence des soldats et si tu regardes attentivement, tu verras que Nergal est armé. Je n'ai pas la moindre idée de ses raisons, mais il s'est engagé dans l'armée américaine...
— Pour une bonne nouvelle, soupira Ozzy, c'est une bonne nouvelle.
— Ça pourrait être pire, dis-je, il pourrait être au front.
Ella me fixa avec une légère tristesse dans le regard.
— Il est au front, Nessie, regarde bien le cliché. Ils sont sales, certains sont légèrement blessés. Cet imbécile est en pleine Corée et il est en train d'entrer dans la légende comme un soldat invincible, c'est presque uniquement grâce à lui si les Alliés reprennent du terrain aux communistes !
Je haussai les épaules.
— Entre perdre une guerre et perdre le monde, le choix est vite fait.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce que j'essaye d'expliquer à ton petit cerveau, si tant est que tu en possèdes un, c'est que nous nous jetons droit sur un champ de bataille pour attraper un dieu que tous vénèrent comme le Messie. Il sera entouré et nous ne devrons pas seulement le maîtriser, mais aussi nous occuper de tous ceux qui voudront le protéger, d'une manière ou d'une autre.
— Nous aurons tout le temps de réfléchir à cela en route, trancha Ozzy. Ella, tu as réussi à trouver ce qu'il te fallait ?
Elle acquiesça.
— Parfait, il y a plusieurs mois de bateau vers la Corée, nous n'avons pas une seconde à perdre. J'imagine que tu as déjà prévu le trajet ?
Elle sourit.
— Pour qui me prends-tu ? Nous embarquons la semaine prochaine. C'est plus que je n'aurais voulu, mais cela nous laisse du temps pour nous préparer autant que faire se peut.
J'eus envie de rire, nous étions dans de beaux draps et la notion même de préparation relevait de l'optimisme aveugle.
Journal de bord – 4 avril 1951
Nous avons débarqué ce matin à Busan, au sud-est de la Corée. D'après les renseignements que nous avons pu glaner sur place, les troupes alliées ont repris Séoul en mars et se dirigent toujours plus vers le nord. Nergal est parmi eux.
Journal de bord – 21 avril 1951
Nous sommes arrivés avant-hier à Séoul. Dans un monde parfait, le trajet n'aurait jamais été aussi long, mais la guerre est ce qu'elle est, surtout pour les civils, et l'essentiel de notre trajet se déroula dans la boue, les ruines et les routes détruites par les combats.
La capitale, en bonne partie ravagée par les combats qui s'y étaient déroulés à peine deux mois plus tôt, ne nous offrit qu'un maigre abri et des informations tout aussi rachitiques, mais nous étions à présent en mesure de localiser le régiment de Nergal, à une journée de marche au nord.
Nous partîmes le lendemain à l'aube, après avoir passé la majorité de la journée à chercher un véhicule pour nous emmener vers le nord, en vain. Nous n'arrivâmes qu'à la nuit tombée, pour découvrir que nos ennuis ne faisaient que commencer.
A proximité de l'entrée du camp que les soldats avaient établi autour d'un corps de ferme à moitié détruit, nous fûmes arrêtés par des sentinelles. Un peu en retrait, je n'arrivai qu'au milieu de la conversation.
— Nous sommes journalistes, disait Ozzy en exhibant une carte de presse flambant neuve, nous voulons montrer la bravoure des soldats qui se battent en première ligne. Au pays, certains ont entendu parler d'un homme qui ne craint pas les balles et nous souhaitons faire la part des choses entre mythe et réalité, et rappeler qu'un homme seul ne fera jamais gagner une guerre sans l'aide de ses camarades du rang.
Les deux sentinelles le regardaient avec une méfiance évidente, elles n'avaient aucune raison de le croire et sa carte pouvait tout aussi bien être un faux, impossible à détecter dans la faible lumière du soir. Pourtant, et contrairement à ce que je pouvais redouter, les hommes firent signe des les suivre après une rapide fouille destinée à vérifier l'absence d'armes.
— Soyez prudents, dit l'un d'eux en se rapprochant furtivement d'Ella, il y a parfois des tireurs embusqués, prêts à vous loger une balle dans le crâne sans que vous n'ayez eu le temps de la voir arriver.
Même dans l'obscurité, je pouvais deviner le sourire amusé de mon acolyte.
— Et vous n'avez pas peur ? minauda-t-elle en rentrant dans son jeu.
— Si, avoua le soldat en jouant visiblement la carte de la sincérité, mais je ne serai pas un vrai homme si je n'allais pas au combat en dépit de ma peur, vous ne pensez pas ?
— C'est vrai. Vous devez être sacrément courageux.
— Et encore, fit l'autre après s'être également rapproché de la jeune femme, ce n'est rien à côté de Nathan. Celui-là, je l'ai vu charger sous le feu de plusieurs mitrailleuses, c'est comme si l'ennemi visait exprès à côté, comme si Dieu lui-même était avec lui et le protégeait !
Je faillis éclater de rire et ne me retint que de justesse. Pauvre homme, si seulement il avait su que le Nathan en question était une authentique divinité... Mais peut-être était-ce là le véritable objectif de Nergal, ressusciter son culte au milieu des flammes de la guerre ?
Nous arrivâmes bientôt au campement, sous les regards surpris des militaires qui s'apprêtaient à profiter d'une bonne nuit de repos. Mickael, le plus vieux de nos guides, nous guida tout droit vers une grande tente dans laquelle il nous fit pénétrer.
L'intérieur ne s'avéra pas des plus surprenants, quelques hamacs fixés aux épais piquets servaient de lit aux officiers, des cartes annotées jonchaient une grande table sur laquelle étaient penchés plusieurs gradés accompagnés d'une véritable montagne humaine que je reconnus immédiatement. Nergal, le Roi des Morts en personne.
Mickael se mit au garde-à-vous et, devant l'air interrogatif de ses supérieurs, annonça :
— Mon capitaine, nous avons trouvé ces personnes se dirigeant droit vers le camp. Ce sont apparemment des journalistes.
Ozzy fit un pas et tendit sa carte de presse, dont le capitaine, un beau quadragénaire, se saisit.
— Bienvenue au camp, monsieur Rice, dit-il finalement. Comprenez que c'est la guerre et que je n'aurais que peu de temps pour répondre à vos questions.
— Ce qui tombe bien, répondit le Balafré du tac au tac, je n'en ai aucune pour vous. Notre objectif est de rédiger un dossier montrant la vie et l'héroïsme des soldats du rang, nous laissons les officiers à d'autres, sauf votre respect bien sûr, c'est juste que je trouve que l'on ne parle pas assez de ceux qui meurent sous les balles pour se concentrer sur ceux qui leur ordonnent de le faire.
Le lieutenant sourit.
— Venant d'une autre personne, dit-il, j'aurais trouvé ce discours particulièrement insultant. Europe ou Pacifique ?
Ozzy caressa la cicatrice qui le défigurait.
— Les Ardennes, répondit-il, un éclat de grenade m'a strié le visage, j'ai eu beaucoup de chance de ne m'en tirer qu'avec une belle blessure.
Quel beau parleur, songeai-je. Le Balafré n'avait jamais mis les pieds en France durant la guerre, mais un tel mensonge ne pouvait que lui valoir le respect des soldats présents car il leur disait « je suis comme vous, je sais ce que vous traversez, je l'ai vécu aussi. »
— Très bien, dit le capitaine, mais ne dérangez pas trop mes hommes s'il-vous-plaît. Tant que vous respectez cette règle, je n'ai aucune raison d'entraver votre travail.
— N'ayez crainte, répondit Ozzy en effectuant un garde-à-vous parfait, nous serons partis d'ici deux jours.
Il fit mine de s'en aller, Ella sur ses talons, puis se ravisa.
— Mon capitaine, dit-il, vous m'avez l'air d'un type bien, alors je vous dois toute la vérité.
L'officier lui jeta un regard soupçonneux.
— Quoi donc ? demanda-t-il avec lenteur.
— Pour tout vous dire, nous sommes là pour vos hommes, c'est vrai, mais il y en a un qui nous intéresse plus que les autres, quelqu'un qui fait couler des flots d'encre dans les rédactions et dont on dit qu'il serait un soldat invincible sans qui la victoire ne nous serait pas permise. Je souhaiterai, avec votre permission naturellement, l'interviewer.
Le gradé sembla soudain hésitant, je pouvais lire son raisonnement sur son visage : se pouvait-il que notre petite troupe soit en réalité composée d'espions, d'assassins, à la solde des russes et dont la cible serait ce soldat à qui il devait tant de victoires et de vies sauves ? Et surtout, pouvait-il courir le risque ? Nergal mit fin à son dilemme en s'avançant juste devant Ozzy.
— Si le capitaine m'en donne la permission, dit-il d'une voix ferme qui commandait immédiatement l'obéissance, je répondrai volontiers à vos questions. Devons-nous y aller ?
Je notai qu'il n'avait en aucun cas reçu l'autorisation de nous accompagner, mais agissait comme si c'était le cas. Il n'était pas un dieu pour rien, sous ses dehors de soldat docile, il était en réalité le véritable maître à bord du camp. Ozzy, quant à lui, choisit de temporiser.
— Rien ne presse, monsieur...
— Soldat Nathan Berring, pour vous servir.
— Ozymandias Rice, vous pouvez m'appeler Ozzy. Il se fait tard, vous devez être fatigué, nous aurons tout le temps de parler demain, n'est-ce pas ?
Marchant au rythme de Nergal, nous étions sortis de la tente sans même un regard pour les officiers qui ne devaient pas voir la situation d'un bon œil.
— Demain, dit le dieu, nous lançons une offensive de bonne heure, raison pour laquelle la plupart des gars sont en train de dormir. Si vous voulez des réponses, c'est maintenant ou jamais, je le crains fort.
— Alors, fit Ozzy, pourquoi ne pas nous éloigner un peu, afin de ne pas déranger leur sommeil ? Votre supérieur a été très clair, et je n'ai pas envie de déroger à ses ordres.
« Nathan » haussa les épaules. Je n'en revenais pas de l'occasion en or qu'il nous servait sur un plateau d'argent.
— Si vous voulez, dit-il en avançant à grandes enjambées vers l'entrée du camp.
Nous fîmes quelques pas en dehors du périmètre délimité par les sacs de sable et les jeeps qui servaient de barricades de fortune. Une fois hors de vue, Nergal s'arrêta et regarda Ozzy avec une expression à faire froid dans le dos.
— Maintenant que la mascarade est terminée, je peux savoir ce que vous me voulez ?
Il cracha par terre pour appuyer son propos.
— Ozymandias Rice, poursuivit-il, quel pseudonyme ridicule, je ne comprends pas
comment personne n'a pu voir au travers.
— Parce que, répondit le Balafré, personne ne croit plus en mon existence, pas plus qu'en la tienne, Nergal.
Le géant sourit et je réalisai à cet instant qu'Ereshkigal et lui étaient vraiment bien assortis.
— Je suis en train de changer ça, Ozzy. Les gens commencent à entendre parler de moi, bientôt ils me reconnaîtront pour ce que je suis. Les dieux reviennent, il est temps que le monde le sache.
— Le monde s'en fiche, rétorqua le Balafré.
— C'est pour ça que tu fais tout ça ? intervint Ella. La gloire, la renommée ? Tu ne supportes plus d'être un dieu ignoré ? Et pendant ce temps, ta femme massacre des innocents pour te retrouver, est-ce que tu as la moindre idée d'à quel point tu lui manques ? D'à quel point elle souffre de ton absence ?
— Silence ! hurla-t-il avec une telle rage qu'Ella fit un pas en arrière. Un mot de plus et je t'arrache à la tête, tu n'as pas la moindre idée de ce que tu racontes !
— Pas besoin d'être aussi violent, réagit Ozzy. Tu n'as qu'à nous expliquer si c'est si important pour toi.
— Il n'y a rien à expliquer. Entre 1939 et 1945, Irkalla a connu un afflux d'âmes sans précédent. Notre royaume délaissé retrouvait soudain de sa superbe, et j'imagine que c'était la même chose pour toi, Osiris, surtout au vu de tous les combats qui ont eu lieu sur ton territoire.
Si j'étais dans le secret de la véritable identité du Balafré, entendre son nom dans une autre bouche que la sienne provoqua une sensation étrange, comme un malaise.
— Alors pourquoi ne pas retourner moi-même sur Terre moissonner les âmes, semer la destruction ? La guerre finie, il ne me restait qu'à œuvrer à en déclencher une autre et à y combattre d'un côté puis de l'autre, afin que le conflit jamais ne cesse. Vous dites que ma bien-aimée Ereshkigal souffre de mon absence, mais attendez de voir le cadeau que je lui réserve, elle en sera la plus heureuse, on voit que vous ne la connaissez pas.
Au rythme où allaient les choses, cela ne pouvait que mal, très mal, tourner. Ce serait bientôt mon tour d'entrer en scène, aussi sorti-je de ma poche l'objet qu'Ella avait consciencieusement préparé et, coiffé de la kunée, entreprit de contourner discrètement Nergal.
— Ouais, dit Ozzy, mais tu vois, c'est bien ta femme qui nous a engagés pour te retrouver et te ramener à la maison. Tu nous as donné énormément de mal, mais nous voici devant toi, à te transmettre le message de ton épouse : rentre chez toi de ton plein gré, cela vaudra mieux.
— Sinon quoi ? Toi, Osiris, tu veux t'opposer à moi ? Je te tuerai bien avant que tu n'aies eu le temps de poser la main sur moi.
— Nergal, dit Ella avec douceur, comprends-nous. Ereshkigal souffre tant de ton absence qu'un dieu d'une autre religion a décidé de lui prêter main forte afin de te retrouver. Nous te le demandons une dernière fois : sois raisonnable et reviens-lui.
— Je lui reviendrai, répondit le sumérien, quand j'en aurais terminé ici.
La jeune femme soupira.
— Tu sais, dit-elle, je ne suis pas immortelle, contrairement à vous deux.
C'était le signal, je tirai sur la corde que j'avais discrètement placée autour du dieu et le piège se referma. Ligoté, Nergal tomba lourdement au sol, se débattant autant qu'il le pouvait, en vain. Je retirai la kunée et, à nouveau visible, m’accroupis devant lui.
— Salaud, hurla-t-il, quel est ce sortilège ? Même les dieux ne peuvent se rendre invisibles à un autre dieu !
— C'est vrai, répondis-je en lui montrant l'antique casque, mais avec ceci même un simple mortel peut échapper à ton regard. Quant à ces liens...
— Je ne suis peut-être pas une déesse de plein droit comme Ozzy ou toi, mais j'ai rendu suffisamment de services aux Ases pour obtenir certaines de leurs faveurs. Par exemple, lorsqu'ils attachèrent le grand loup Fenrir à l'aide de Gleipnir, un ruban si solide que même lui ne pouvait le briser, ils n'en utilisèrent en réalité qu'une partie, une autre moitié étant conservée au cas où Fenrir parviendrait à se libérer durant le crépuscule des dieux. C'est cette seconde moitié qui t'entrave à présent et dont même toi, tu ne pourras te détacher. Nessie ?
— A vos ordres, capitaine Ella, dis-je en tirant de ma poche une plume noire que je posai à même le sol. Dis adieu à la Terre, Nergal, et bonjour à Irkalla.
La Porte s'ouvrit brusquement sous nos pieds, nous happant avant que nous n'ayons eu le temps de réaliser ce qu'il nous arrivait. La seconde d'après, nous nous trouvions au royaume d'Ereshkigal, où Namtar réceptionna un colis hurlant de rage et l'agonisant d'injures.
Si nous n’eûmes pas le droit d'assister aux retrouvailles royales, le dieu du Destin nous invita à profiter du confort du palais autant que nous le souhaiterions, le temps que la déesse soit disposée à nous recevoir pour nous remettre notre récompense.
C'est donc depuis ma chambre que j'écris ces lignes. A présent que la fatigue m'accable et que les cris d'Ereshkigal se font moins audibles, je vais profiter d'une agréable nuit de
sommeil.
Journal de bord – 28 avril 1951
Après sept jours d'intenses retrouvailles, Ereshkigal était enfin disposée à nous recevoir dans la même salle où elle nous avait ordonné de retrouver son époux. Elle rayonnait dans sa robe de plumes noires, la joie peinte sur son visage ne pouvait être feinte et je la trouvai bien plus belle ainsi qu'avec ses airs cruels.
— Mes amis, dit-elle, vous avez tenu parole et m'avez ramené mon bien-aimé. Je suis votre éternelle débitrice, vous pouvez demander ce que vous souhaitez.
Ella fut la première à s'avancer.
— Ma reine, je ne souhaite qu'une plume de tes ailes.
— Qu'il en soit ainsi, répondit Ereshkigal en arrachant elle-même une longue et magnifique penne noire qu'elle tendit à mon acolyte.
Ce fut ensuite au tour d'Ozzy.
— Personnellement, je m'en fous. Mais j'aimerai ta parole que les Portes ne s'ouvriront plus jamais et que tu viendras me voir directement la prochaine fois que l'envie te prends de massacrer des gens pour attirer mon attention.
— Tu as ma parole, Osiris.
Enfin, je m'approchai du trône.
— Ma reine, dis-je, je ne désire rien d'autre qu'une mèche de tes longs cheveux.
— Qu'il en soit ainsi, m'entendis-je répondre.
Namtar lui tendit une dague de cérémonie qu'elle utilisa pour couper une épaisse boucle noire, qui me fut solennellement remise par le dieu du Destin.
Nous primes alors congé de la Reine des Morts et d'Irkalla. La Porte des Enfers s'ouvrit une dernière fois pour nous permettre d'émerger immédiatement dans notre appartement. Une dernière discussion devait avoir lieu.
Assis dans son fauteuil, son éternel cigare à la bouche, Ozzy avait la mine triste.
— Nous en avons terminé, dit-il. Le monde est sauvé, les Portes n’apparaîtront plus jamais. Mon rôle s'achève, il est temps pour moi de rentrer à la Douât.
C'était sur son idée que nous avions créé cette agence de détectives privés, car lui, dieu funéraire de l’Égypte, ne supportait pas que les morts rodent sur Terre et que les créatures des ténèbres y sèment le chaos une nuit par an. A présent que Halloween s'apprêtait à redevenir une fête comme les autres, il ne voyait plus l'intérêt de continuer.
— Si vous voulez continuer, je vous laisse les rênes de l'agence, dit-il. Moi, je vais probablement m'endormir un siècle ou deux et laisser les choses se dérouler d'elles-
mêmes, je suis fatigué d'intervenir dans les affaires des dieux ou des mortels.
Il se leva et nous étreignit chacun notre tour.
— J'ai pris énormément de plaisir à travailler avec vous, dit-il en guise d'adieu. Peut-être passerai-je vous voir, un jour.
Et il s'en fût. L'appartement paraissait soudain bien vide.
Après quelques instants, Ella rompit le silence gênant qui subsistait entre nous.
— Je vais aller porter la mèche et la plume à mon père, mais je ne pense pas revenir. Ce travail n'était pas pour moi, je l'ai surtout fait pour vous suivre, Ozzy et toi. Qu'est-ce que tu comptes faire ?
Je fis le tour de la pièce du regard. Que pouvais-je bien faire ?
— Je vais continuer au moins un temps, soupirai-je. Ça ne sera plus pareil sans Ozzy et toi, mais il faut bien que quelqu'un le fasse.
Elle m'embrassa sur la joue.
— Porte-toi bien, dit-elle.
— Toi aussi.
Elle passa la porte pour la dernière fois. Je restais de longues minutes sans bouger, fumant simplement le dernier cigare laissé par Ozzy.
Puis je me retournai et me retroussai les manches : des dizaines d'affaires n'attendaient que moi, je n'aurais pas le temps de m'ennuyer !
LeConteur.fr | Qui sommes-nous ? | Nous contacter | Statistiques |
Découvrir Romans & nouvelles Fanfictions & oneshot Poèmes |
Foire aux questions Présentation & Mentions légales Conditions Générales d'Utilisation Partenaires |
Nous contacter Espace professionnels Un bug à signaler ? |
2836 histoires publiées 1285 membres inscrits Notre membre le plus récent est Fred37 |