Nicolas Thomas Ergal. Nicolas Ergal. N. Ergal. Nergal.
Soudain, je sentis un mélange de panique et d'exaltation, j'arrachai la feuille des mains d'Ella. Je devais en avoir le cœur net.
Larry Lagren. Larry Nergal.
Geoffrey Alfred Nerval. G. Al. Nerval. G. Al. Ner. Nergal.
Nestor Rafael Galdring. Ne. R. Gal.
Nathaniel Eric Gralston. N. Er. Gral. Il suffisait de supprimer une lettre, comme avec Nicolas T. Ergal.
Nolan Large. N. Large. N. Ergal.
Nelson Galls. Nel. Gal. Une erreur ou peut-être une volonté de ne rien laisser au hasard.
Et les autres ? Je ne voyais que deux possibilités : soit le jeu sur les noms me demeurait obscur, soit il s'agissait de fausses pistes destinées à noyer le poisson et nous empêcher de comprendre le motif.
Il ne me restait qu'à faire part de mes conclusions aux deux autres.
Ozzy acquiesça lentement, visiblement inquiet, Ella ouvrit de grands yeux. Comme moi, ils savaient ce que cela voulait dire.
— Nergal s'est tiré, dis-je avec lenteur. C'est pire que tout ce que j'aurais pu imaginer.
Dans les vieilles légendes mésopotamiennes, Nergal, fils du roi des dieux Enlil, descendit plus ou moins de gré au royaume des morts et y épousa la terrible Ereshkigal après une confrontation des plus violentes. Il est dit que tous deux tombèrent passionnément amoureux et que Nergal se refusa à abandonner sa maîtresse, même lorsque son père lui ordonna de revenir.
Il avait, semblait-il, changé d'avis et voilà qu'Ereshkigal fouillait le monde et tuait tous ceux dont le nom pouvait être celui de son époux, espérant le retrouver ainsi.
— Comment se termine le mythe de la disparition de Nergal, déjà ? demandai-je.
— Ereshkigal envoie un message aux dieux, récita Ella, et les menace de faire revenir les morts afin, je cite, qu'ils soient « plus nombreux encore que les vivants » si son époux ne lui est pas rendu dans les plus brefs délais.
— C'est bien ce qu'il me semblait... Et à votre avis, quelles sont les chances pour que la légende soit à la hauteur de la réalité ?
Ozzy soupira si fort que j'aurais juré voir son âme le quitter une seconde.
— La connaissant, elle en est tout à fait capable.
— Donc, si je résume bien, on est dans la merde, c'est ça ?
— C'est très vulgaire, souligna Ella, mais dans l'ensemble tout à fait exact.
— D'où la grande question : qu'est-ce qu'on fait ?
Nous nous regardâmes en silence. Nous étions tous trois conscients de l'unique option à notre disposition : descendre dans le royaume d'Ereshkigal nous entretenir avec elle de toute cette affaire. Nous dérober à ce rendez-vous avec la mort et la laisser se débrouiller avec ses dieux était inenvisageable, tant pour notre fierté que parce que nous ignorions tout de ce qu'il se tramait parmi les divinités mésopotamiennes. Peut-être même se fichaient-elles de la situation ou en ignoraient tout.
Enfin, je me décidai à formuler la question muette qui restait suspendue à nos lèvres :
— Quelqu'un sait comment on va là-bas ?
Ozzy soupira, Ella regardait fixement le mur. Je compris parfaitement le message.
— Très bien, dis-je, on est bon pour une bonne trempette, à supposer que la Porte soit toujours au milieu du fleuve.
— Si elle ne l'est pas, fit Ella, ça voudra dire qu'Ereshkigal a eu ce qu'elle voulait et que nous n'avons pas à nous inquiéter outre-mesure de la rencontrer.
— Alors, conclus-je, espérons que nous n'aurons pas à nous mouiller, ce sera mieux pour tout le monde.
Je ne me considère pas comme quelqu'un de peureux, j'ai été au front, en première ligne, je côtoie quotidiennement la fange de l'humanité et j'ai choisis un métier qui m'a éloigné de la quasi-totalité de ma famille et de mes amis, je risque tous les jours de me faire poignarder ou tirer dessus, je croise des morts et des monstres tous les ans, mais j'affronte tout cela avec ce détachement qui ne s'obtient qu'à force d'atrocités.
En revanche, je frissonnais rien qu'à l'idée descendre dans le royaume de cette folle furieuse d'Ereshkigal pour discuter tranquillement de ses projets de destruction globale.
— Quand faut y aller, dit Ozzy en se levant, faut y aller.
Nous l'imitâmes et sortîmes du bar en laissant plusieurs billets sur la table, comme si nous doutions de revenir et nous montrions généreux pour, qui sait, acheter une remise de peine.
Trouver une embarcation pour traverser l'Hudson River en pleine nuit relevait du chemin de croix et le temps nous manquait, aussi décidai-je de faire appel à une vieille faveur qui m'était due. En chemin, j'expliquai l'affaire à mes compagnons :
— Avant de rencontrer Percy, j'ai eu une histoire sérieuse avec une autre et j'ai rendu plusieurs services à son père, même après notre rupture. Je suppose qu'il est temps d'en exiger remboursement.
— Tu es sûr de ton coup ? s'enquit Ozzy. J'ai comme l'impression que le père en question n'est pas un tendre, non ?
Je ris doucement.
— Non, en fait il est plutôt du genre geignard.
Cependant, et malgré ses nombreuses plaintes, il se montra des plus coopératifs, surtout lorsque je menaçai de m'occuper de son cas ou de celui de sa fille, appuyé par un Ozzy qui bandait les muscles derrière moi.
En temps normal, je déteste intimider les autres, mais un cas extrême demande une réponse appropriée et des mesures radicales. C'est honteux que je laissais Cocyte nous guider au milieu de l'Hudson River, droit vers la Porte qui s'y trouvait toujours.
Nergal n'était donc pas rentré à la maison et les serviteurs d'Ereshkigal s'apprêtaient à tuer de nouveau ce soir, à moins qu'un trio improbable ne sache se montrer terriblement convaincant.
L'unique lampe à éclairer notre frêle esquif projetait une lueur spectrale sur les flots noirs du fleuve. Sur les indications d'Ozzy, Cocyte nous avait menés jusqu'à la Porte, que je voyais luire, rougeâtre, à moins d'un mètre sous la surface.
Je retirai mon chapeau et mon imperméable, ainsi que tout ce qui aurait pu entraver mes mouvements, imité par Ozzy et Ella, cette dernière avec une certaine gêne, et pris appui sur le rebord.
— Si on n'est pas rentrés à l'aube, lançai-je au pilote, tu pourras garder tout ça, on n'en aura plus besoin.
— Pour l'amour des dieux, soyez prudent ! hurla-t-il en réponse tandis que je m'élançais à l'assaut des vagues.
Prudent ? Je me jetais droit dans la gueule de la louve, on peut difficilement parler de prudence dans ce genre de cas.
A peine avais-je formulé cette pensée que mon corps heurtait l'onde. Puissant, le fleuve m’entraîna à toute vitesse et je n'eus que quelques brasses à effectuer pour passer en trombe le seuil du royaume d'Ereshkigal, comme j'aurais traversé de la mélasse. Un instant plus tard, ce fut un choc violent, celui de ma tête frappant contre le sol, puis d'Ozzy me tombant dessus. Ella, beaucoup plus légère, atterrit un peu plus loin.
Après que le Balafré ait roulé sur le côté pour me libérer, je me relevai en époussetant mes vêtements et en constatant l'étendue du désastre : chemise irrémédiablement tachée, pantalon déchiré, une chaussure abandonnée au fleuve, cravate détrempée... Une chose au moins était certaine : ma tenue de gala pour rencontrer la reine de la mort laissait véritablement à désirer.
Je pris quelques instants pour découvrir l'endroit qui nous entourait. Nous nous trouvions sur un promontoire, au sommet d'interminables escaliers taillés à même l'obsidienne des profondeurs dans lesquelles ils s'enfonçaient et où je pouvais distinguer les lumières de ce qui devait être le palais de la Déesse de la Mort.
— Soyez les bienvenus en Irkalla, fit une voix derrière nous, royaume de Dame Ereshkigal. J'attendais votre visite.
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